Chapitre 7

« Je veux bien aller chercher mes affaires avec toi et dire au revoir à ma mère, l'informai-je. Je m'en tiendrais à ce que tu voudras que je dise mais je te laisse quand même manipuler mon esprit parce que, j'imagine que tu n'as aucune raison de me faire confiance.

Il plaça sa main contre ma joue et nos yeux se fixèrent, son pouce bougeait doucement contre ma peau, comme un geste de tendresse. Mes raisons de lui faire confiance découlaient uniquement de ce qu'il m'avait dit et, peut-être aussi, de sa réaction quand il pensait que quelqu'un m'avait fait du mal ce matin, ou hier avec Demetri. Il mentait peut-être mais je refusai de croire à cette option, peut-être parce que je me sentais seule, perdue et dévastée. J'aurais aimé que Tyler soit là et qu'Emelyne veuille me revoir. Je sentis les petits points se presser contre mon esprit et, comme je l'avais fait la veille, je pensais à autre chose pour les laisser entrer. À ma mère et à son visage souriant que j'allais bientôt revoir. Les points repartirent très vite.

« Tu as fait vite, remarquai-je.

« Je n'ai rien fait, fit-il.

« Tu n'as pas réussi ? Pourtant, j'ai senti les petits points entrer, dis-je en essayant d'y réfléchir.

« Si mais je n'ai rien fait, je ne vais pas te manipuler, je vais te faire confiance.

J'écarquillai les yeux puis lui souris.

« J'apprécie, lui appris-je.

Il se leva et me tendit la main pour m'aider à me relever. J'hésitai un instant avant d'accepter son aide et y déposer la mienne. Je pris appuie sur elle et sur le lit pour me glisser au bord du lit et me relever mais la lâchai dès que je fus debout. Nous contournâmes la porte au sol et je le suivis dans les couloirs et les escaliers qui nous amenaient à la sortie. Nous étions sortis par une porte latérale et marchions le long du château pour atteindre sa façade avant. Nous passâmes devant la fontaine et j'en profitais pour l'admirer de près. Elle était composée de deux bassins, le bassin supérieur était deux fois moins large et ressemblait à la moitié inférieure d'une coquille St-Jacques, en son centre semblait jaillir une femme qui tendait l'oreille vers un gros coquillage qu'elle tenait de ses bras, le genre de coquillage dans lequel on écoute la mer. L'eau de la fontaine tombait de ce coquillage pour se déverser dans la coquille qui se déversait ensuite dans le grand bassin aux angles des demi-cercles de la coquille.

« Une sirène, fit Hayden me voyant reluquer la statue. Devine de qui elle a été inspirée ?

Je me tournai dans le bon sens pour éviter de tomber en marchant.

« Je ne vois pas comment je pourrais le deviner, répondis-je.

Il sourit.

« Sarah Parker, s'amusa-t-il.

Je lui lançai un regard questionneur.

« Les plans de la fontaine ont été laissés par le constructeur et c'est indiqué dessus qu'il s'était inspiré de l'histoire de ton ancêtre et de sa mère. Ça m'a amusé quand je suis tombé dessus, en faisant du rangement dans les affaires des anciens propriétaires.

« Pourquoi une sirène alors ? C'était une sorcière d'après ce que j'en sais.

Il haussa les épaules.

« Les sirènes ne sont peut-être que des sorcières de l'eau ou maîtrisant son contrôle, je ne suis pas très calé en matière de sorcellerie.

« Les sorcières existent ? Demandai-je en regardant les fleurs plantées dans le parterre que nous allions dépasser.

« Ce n'est pas impossible qu'elles aient existé, en convint-il, mais plus maintenant.

C'était plaisant d'être dehors, à l'air libre et de sentir le vent caresser mon visage. Je regardai à ma droite et vis une étendue d'herbe, parsemée de quelques arbres, s'arrêtant au haut mur qui entourait le domaine et tournai la tête pour voir, derrière Hayden, la même étendue d'herbe et les arbres étaient étrangement placé de façon symétrique. Mon regard se porta ensuite sur le grand portail désormais fermé que nous venions d'atteindre.

« J'ai pas mal réfléchi à cette histoire de sorcières que tu m'as racontée, reprit-il après un temps en ouvrant le portail.

Il me laissa passer et refermai la grille derrière lui. Je l'attendis puis nous reprîmes notre marche.

« J'ai une autre théorie à leur sujet et à propos de nos dons.

Je voyais plus loin, la fête foraine, le jour empêchait les lumières des manèges d'être trop visibles et je pouvais voir que quelques gens s'amusaient dedans ou marchaient autour mais il n'y en avait pas beaucoup en cette fin de matinée. Je tournai mon attention sur Hayden.

« Laquelle ? Demandai-je alors qu'il me regardait inquiet avant de poser son regard sur la fête foraine.

Peut-être avait-il peur que je crie à l'aide ? L'idée ne m'avait pas traversé l'esprit jusqu'à maintenant mais il pouvait toujours me téléporter où bon lui semblerait si je me permettais une telle bêtise. J'étais assez intelligente pour comprendre qu'il pouvait faire ça et, si je pensais réellement qu'il ne me ferait pas de mal, même si je le trahissais, je savais qu'il ne pourrait pas me sauver des autres vampires surtout si c'était le roi des vampires qui désirait ma mort.

« Si les sorcières n'étaient pas des humaines possédant un don, elles seraient alors des vraies sorcières mais la magie disparaissant au fur à mesure des générations, leurs descendants ne posséderaient pas leur magie mais leur persistait tout de même un don, dans leurs gênes. Qu'ils soient déjà présent humain ou se réveillant à la transformation.

Je fronçai les sourcils en réfléchissant, regardant le bitume sur lequel nous marchions. Ses deux théories me paraissaient logiques, surtout maintenant que j'avais la preuve que les dons existaient.

« L'une ou l'autre est tout à fait envisageable, je ne peux nier leur logique, souscrivis-je.

Il fut content que j'accepte ses théories. Plus nous approchions de la fête foraine plus Hayden paraissait soucieux. Il avait arrêté de parler et, du coin de l'œil, je le voyais fixer les machines. Je m'arrêtai, il m'imita, attendant que je lui dise pourquoi j'avais stoppée la marche.

« Tu as peur que je trahisse ta confiance ? Lui demandai-je.

Il jeta un œil à ma droite, où se trouvait la fête avant de me regarder de nouveau.

« Je t'avoue que l'idée que tu fasses un esclandre me traverse l'esprit et je serais impuissant si les rois décident de te le faire payer.

« Manipule-moi alors, concédai-je.

Il y réfléchit un instant, semblant peser le pour et le contre.

« Non, je m'en tiens à te faire confiance, je sais que c'était le bon choix.

« Pourquoi ? Demandai-je.

« J'y ai gagné un sourire, répondit-il.

Il reprit la marche sans attendre ma réponse. Restée figée sur place, je pressai le pas pour le rattraper. Il gardait son choix de ne pas me manipuler parce que je lui avais simplement souri ? Je me rendis compte alors que j'avais un semblant de pouvoir sur lui, si je le voulais, je pouvais le manipuler en m'y prenant bien. Manipuler un manipulateur, cela me fit sourire intérieurement. Seulement, il était probablement mon seul allié du côté des vampires, peut-être Demetri l'était aussi mais ce n'était peut-être que parce qu'Hayden l'y obligeait. Tant qu'Hayden sera mon allié, je ne le trahirai pas, décidai-je.

« Que dois-je dire à ma mère ? Lui demandai-je.

« Chelsea s'est chargée d'envoyer un sms à ta mère, en se faisant passer pour toi, pour lui dire que tu passais le week-end chez une amie avec Emelyne. Elle a fait pareil pour Emelyne, elle a lu vos échanges pour imiter vos styles. Tu devras dire qu'Emelyne et toi avez trouvé un travail qui vous plaît au château, chargée d'affaires internationales si tu dois nommer ce boulot, et que ce travail vous fera voyager beaucoup, raison pour laquelle il était inutile de t'y retrouver mais vous pourrez échanger des sms quand Aro jugera qu'il peut te faire confiance. Il veillera probablement à ce que tu n'aies pas le choix. Emelyne a donné cette version à son père et comme vous êtes amies, c'était mieux que vous ayez la même.

« D'accord, répondis-je.

« Et pour Mallory ? Je dois dire quelque-chose ?

Mentir pour couvrir sa mort me remplissait d'effroi mais je n'avais pas vraiment le choix. Qui sait ce que les vampires feraient si des humains venaient fouiner dans leur château ?

« De ce que tu en sais, elle n'a jamais mis les pieds au château, elle est partie faire une balade en forêt.

Nous étions désormais devant la fête foraine, je me permis de jeter un œil aux gens qui s'y trouvaient, repérai quelques jeunes qui avait séché les cours pour profiter de la dernière journée, les forains remballeraient le tout et mettraient les voiles à partir de demain.

« Tu ne m'as pas répondu, tout à l'heure, signalai-je à Hayden en tournant ma tête vers lui. Qu'as-tu tenté, dans le bar ?

Il me lança un regard hésitant puis le reporta devant lui.

« Je voulais que tu aies envie de me revoir, avoua-t-il.

Je réfléchis à ce que ça pouvait révéler. Peut-être m'étais-je montrer un peu trop ouverte ou sympathique ? Et qu'il s'était dit que peut-être, une histoire était possible entre lui le vampire et moi l'humaine ? Sauf qu'il savait que j'avais un petit-ami, je le lui avais dit dans la conversation et il l'avait même rencontré. Mais s'il ne cherchait vraiment qu'une simple amitié, pourquoi me manipuler ? Tyler était là, oui, mais il n'était pas un obstacle pour une nouvelle amitié. Si ce n'était pas qu'une histoire d'amitié alors oui, il était un obstacle.

Ça allait à l'encontre de ma survie, étant donné que sa possible attirance était peut-être ce qui le poussait à me laisser vivre mais il fallait que je joue carte sur table, je ne voulais pas lui donner de faux espoirs.

« J'ai Tyler, lui rappelai-je. C'est mon petit-ami et je l'aime.

Il me regarda finalement avec un sourire sans joie.

« Je sais, souffla-t-il, mais j'avais un minimum l'espoir que vous soyez en fin de relation. Tu sais, ce moment où tu restes avec l'autre par habitude plus que par amour.

Il haussa les épaules. Il y avait bien une attirance, donc.

« J'attendrai, conclut-il. C'est pas comme si vous pouviez vous revoir.

Cela me pinçait le cœur qu'il ne cherche pas à juste passer à autre chose. Sauf que même si j'étais dans l'incapacité physique de voir Tyler, il ne me resterait pas assez de temps pour ne plus éprouver de sentiment pour lui et que d'autres se forment pour Hayden ou qui que ce soit d'autre et je n'en avais d'ailleurs aucune intention, mort imminente ou pas.

« Tu dis ça comme si tu étais sûr que je tomberai dans tes bras un jour.

Il me fit un sourire, joyeux cette fois.

« Parce qu'il y a une chose que je sais et que toi, tu ne sais pas, m'informa-t-il avec un brin de malice.

« Qu'est-ce que c'est ?

« Je préfère que tu le découvres par toi-même, si ça ne t'embête pas.

« Et si ça m'embête ? Boudai-je.

« Alors... tant pis pour toi.

Je pouffai et le poussai mais cela n'eut aucun effet perceptible.

« Tu n'as pas vraiment de force, tu sais ?

Je lui tirai la langue et il se mit à rire.

Nous étions devant ma porte et je m'étais arrêtée pour me préparer à la scène d'adieux qui allait se dérouler. Hayden attendit, patiemment. Je réalisai le ridicule de la situation. J'étais prisonnière d'une famille de vampires, je me trouvais devant chez moi avec mon geôlier prête à mentir à ma mère pour qu'elle ne lance aucun avis de recherches, ce qui, je l'avais bien compris, entraînerait beaucoup de problèmes, comme sa propre mort. La mienne ne serait pas vraiment problématique, étant déjà condamnée. L'idée que ma mère me pense en voyage plutôt que morte soulevait une perspective qui me paraissait plus enviable que ce qui aurait été si je n'avais jamais suivi Mallory. Quelque-part, cet aspect-là était le seul point positif de toute cette histoire. J'entrai finalement, suivi du vampire.

« Tammy ? Appela ma mère de la cuisine.

« Oui, c'est moi, maman.

Elle apparut tandis que je refermai la porte derrière Hayden.

« Oh, bonjour, salua-t-elle mon... allié ?

Je ne savais pas comment définir Hayden autrement, la situation ne me permettait pas de le considérer comme un ami. Je pense qu'allié serait plus sympathique que geôlier, il n'était pas méchant et ne semblait pas faire semblant de ne pas l'être. Sa présence rendait ma mère nerveuse mais très vite, elle se détendit en reportant son regard sur moi.

« C'est Hayden, un... collègue et voici Enola, ma mère, les présentai-je.

« Tammy chérie, tu ne réponds pas au téléphone, me serina-t-elle.

« Oui, désolée, je ne sais pas où j'ai mis mon téléphone, mentis-je.

Elle me lança un sourire indulgent.

« Un café ?

Hayden refusa poliment, je demandai un jus de fruit à la place tandis que nous nous dirigeâmes vers la cuisine.

« Audric m'a dit qu'Emelyne et toi aviez trouvé un travail, fit ma mère.

« Oui, on est tombée sur l'annonce et on eu un entretien samedi, on a été prise, toutes les deux.

Ma mère sortit la brique de jus d'orange et m'en servit un verre avant de se servir de café. Une casserole était sur le feu il y sortait une délicieuse odeur de sauce tomate, elle baissa le feu.

« Mais tes études ? Demanda-t-elle dans l'incompréhension en posant mon verre sur la table.

Nous nous installâmes autour.

« Je n'avais pas vraiment de perspective d'avenir dans la voie scientifique, tu sais, ris-je à moitié. C'était plus par curiosité que par ambition mais ce travail est top, je vais voyager, découvrir le monde, tout ça.

« Mais... commença-t-elle, inquiète.

Puis son visage devint souriant.

« Bon, c'est sans doute pour le mieux, tu as toujours été curieuse de tout, accepta-t-elle.

J'imaginai qu'Hayden avait usé de son don pour lui faire accepter tout ceci. Je lui souris.

« Au fait, tu es toujours amie avec Mallory ? Tu l'as vue récemment ?

J'eus du mal à cacher mon désarroi.

« Ça va ? S'inquiéta ma mère.

« Oui, oui, c'est juste qu'elle me manque, je l'ai croisée brièvement samedi mais elle est partie faire une balade en forêt. Pourquoi ?

« Sa mère m'a appelée, elle n'est pas rentrée depuis samedi et ne donne aucune nouvelle.

Je ne savais pas quoi répondre à cela ni comment cacher ma peine. Elle ne dit cependant rien face à ma mine, mettant sans doute ça sur le compte de l'inquiétude.

« Mallory n'a jamais su tenir en place, finis-je par dire.

Au moins, ce n'était pas un mensonge. J'expliquai à ma mère que j'étais passée récupérer mes affaires et elle fut déçue que je ne reste pas. Elle commença à poser des questions à Hayden avant même que je ne sorte de la pièce. Quand je revins avec la quasi totalité de mes affaires dans deux valises et un sac de voyage, ils parlaient de l'Italie.

« Tu es prête alors ? Fit ma mère qui se leva.

Hayden suivit le mouvement. Ma mère m'enlaça, me serrant contre elle avec tout l'amour qu'elle me portait, ce que je lui rendis.

« Je n'aurais probablement pas beaucoup d'occasions de te joindre, me désolai-je. Mais je penserai fort à toi, Emelyne aura probablement plus de chances de pouvoir téléphoner que moi, elle vous passera mes messages.

Hayden fut surpris par ce que je venais de dire, je lui lançai un regard appuyé pour qu'il fasse accepter cela à ma mère. Ce qu'il fit, semble-t-il.