Chapitre 8
Hayden m'avait attribué une nouvelle chambre vu que mon ancienne ne possédait plus de porte, les meubles y étaient disposés de la même façon, le lit collé dans le coin haut à droite, l'armoire en face du pied du lit, la commode près de la porte de la salle de bain. Les draps n'avaient pas été fait mais Hayden m'avait apporté de quoi habillé le lit puis il m'avait conduite à la cuisine afin que je me nourrisse, il m'y avait laissée seule. Je faisais chauffer de l'eau pour faire de la semoule quand Emelyne apparut à la porte et s'arrêta net en me voyant.
« Je repasserai plus tard, décida-t-elle avant de faire demi-tour.
J'eus mal au cœur qu'elle en soit venue à ne pas vouloir se trouver dans la même pièce que moi. J'avais peut-être perdu ma meilleure amie et cela m'attristait, je ne savais pas quoi faire pour arranger les choses et je me dis que je ne devais probablement rien faire.
Une fois que l'eau était bouillante, je la versai dans le bol où j'avais versé la semoule, couvris le tout et attendis. J'avais presque fini mon assiette quand un affreux mal de crâne se pointa. Je posai les coudes sur la table et emprisonnai ma tête dans mes mains en grimaçant, fermant les yeux avec force. Quand je les rouvris, je me rendis compte que ma vue était obscurcie et réalisai que je n'étais plus très loin de la fin, si je m'en référai à ce qui était arrivé à ma mère. Il me restait quelques semaines, peut-être un mois, un mois et demi. Les migraines allaient être moins espacées et plus violentes. J'ignorai si l'évolution était normale ou accélérée par le stress subi, les deux étaient possibles.
Je me dis que je devrais arranger les choses avec Emelyne, que peut-être, ça la fera culpabiliser de m'avoir traitée de la sorte avant ma mort sans avoir pu en parler avant et je ne voulais pas qu'elle culpabilise... je ne savais pas ce que j'allais faire pour cela, j'ignorai ce qu'il convenait de faire quand on était sûre de mourir bientôt. Quelques semaines, quelques mois, avait dit le médecin, à ma dernière visite. La mort était imprévisible.
Je n'avais aucun médicament pour faire cesser ce mal de tête, aussi, j'essayai de ranger ma vaisselle sale dans le lave-vaisselle sans la cogner, je ne voyais pratiquement rien. Ma vue s'éclaircit légèrement pendant que je rejoignais ma chambre quasiment à tâtons, ce qui me permit d'accélérer le pas. Je m'installai à plat ventre sur mon lit et fermai les yeux en attendant que la migraine passe.
« Que tu es paresseuse ! Se moqua une voix alors que j'étais en train de me réveiller.
Je grimaçai, je m'étais endormie mais la migraine avait disparue. Je me redressai et m'assis sur le lit pour regarder Demetri avec agacement, ce qui le fit sourire davantage.
« A table, chantonna-t-il.
« Déjà ? M'étonnai-je.
Je ne pensais pas avoir dormi aussi longtemps.
« Et oui ! Emelyne t'as fait une salade de pieds montaises. Vous mangez des pieds ?
Je ris.
« Salade piémontaise, en deux mots, le corrigeai-je. N'as-tu donc jamais été humain ?
« Ça fait longtemps, j'ai pratiquement pas de souvenirs de cette partie-là de ma vie.
Je trouvais ça triste. Mais si les vampires oubliaient leur vie humaine, c'était peut-être là, la raison du fait qu'ils n'aient pas de remords à prendre la vie d'autrui. Je décidai cependant de retourner à un précédent sujet.
« Emy m'a fait une salade, donc ?
« Oui, elle t'attend en cuisine.
Je souris et le suivis jusqu'à la cuisine même si je n'avais plus vraiment besoin qu'on me guide, désormais. Emelyne avait mis la table, nos deux sets de couverts l'un en face de l'autre et un plat contenant la salade piémontaise trônait au centre avec une bouteille d'eau. Elle me prit dans ses bras dès qu'elle me vit arriver et je soupirai de soulagement en l'enlaçant également.
« Désolée Tammy, s'excusa-t-elle.
Elle sourit à Demetri.
« Bon appétit avec vos trucs immondes, nous souhaita-t-il en fronçant le nez.
Puis il se téléporta puisqu'il avait disparu d'un seul coup.
« Je ne me ferai jamais à leur téléportation, lançai-je pour détendre l'atmosphère.
Emy rit en me regardant.
« Ils ne se téléportent pas, m'apprit-elle, ils vont simplement trop vite pour qu'on les voit bouger.
« Ah, d'accord, j'y connais vraiment rien en vampires, soupirai-je en m'installant à table.
Emy me suivit et nous servit, je remarquai qu'elle n'avait pas mis les dés de jambon dans la salade mais seulement dans son assiette, vu que j'étais végétarienne. Je n'aurais pas à trier, au moins.
« Je ne voulais pas qu'on se quitte fâchée, me dit-elle d'un air désolé. Enfin, on ne se quittera pas tout de suite, j'imagine, mais je vais me faire transformer ce soir.
« Ça n'a pas l'air de t'inquiéter, remarquai-je. Tu te rends compte que tu vas tuer des gens.
« Inutile de me le rappeler, s'agaça-t-elle. Demetri m'a parler des avantages et des inconvénients et pour ma part, je ne vois que des avantages hormis le seul inconvénient qui est, effectivement, de devoir tuer. Je n'ai pas le choix, de toute façon.
« Ton choix n'est pas pris à contre cœur, lâchai-je en essayant de ne pas paraître trop méchante.
Elle réfléchit un instant, sans aucune trace de joie sur son visage.
« C'est vrai, avoua-t-elle. L'idée d'être éternellement jeune me plaît, pouvoir courir à toute vitesse me plaît, l'idée de tout voir et tout sentir de façon plus accrue me plaît, pouvoir maîtriser mon don me plaît et l'idée de trouver mon âme-sœur, quelque-part me plaît.
Ça faisait beaucoup de choses qui lui plaisait et je me rendis compte qu'elle en avait longuement réfléchi.
« J'aimerai trop que ça soit Demetri, il est si beau, m'avoua-t-elle en rougissant largement.
Je souris en soufflant du nez.
« Syndrome de Stockholm ? Lui lançai-je.
« Tu peux parler, tu as l'air de bien t'entendre avec Hayden, un beau-gosse lui aussi, je vous ai vu rentrer à pied, vous parliez et tu souriais de temps en temps.
Je me renfrognai, comme prise en faute. C'était vrai mais Hayden ne voulait pas me tuer.
« Hayden ne veut pas me transformer, enfin, il l'a voulu mais il respecte mon choix de ne pas devenir un monstre et il ne veut pas me tuer non plus. Je lui suis gré de me laisser vivre jusqu'au bout sans que je n'ai peur de me faire transformée ou assassinée.
Elle hocha la tête.
« Je comprends, dit-elle. Hayden est sympa.
Nous mangeâmes un instant en silence. Mes pensées allèrent vers Tyler, je ne savais pas s'il allait rentrer bientôt et j'espérai qu'Hayden consente à ce que je le vois, même si je devais être chaperonnée. Il m'avait dit que je ne pourrais plus le voir mais on pouvait toujours prétexter que je n'étais pas encore partie en voyage pour mon faux travail.
« Tyler me manque, avouai-je, attristée.
Emy me lança un regard empli de compassion avec un sourire contrit.
« Il a dû m'envoyer des tonnes de messages auxquels je ne peux pas répondre.
« Je peux lui envoyer un message de ta part, si tu veux ? Me proposa-t-elle. On m'a rendu le mien, après l'accord d'Aro, il devait lire mes pensées pour voir si j'avais l'intention de créer des problèmes ou non.
Je hochai la tête.
« Dis-lui que je l'aime, que j'ai perdu mon téléphone et que je l'appellerai dès que je l'aurais retrouvé ou que j'en aurais eu un autre. Demande lui des nouvelles de sa mère de ma part, aussi.
« Noté, dit-elle en hochant la tête. Comment ça va, sinon ? Je veux dire...
Elle toqua sa tête avec son index.
« Je ne suis pas folle, ça va, plaisantai-je. Non, sérieusement, ça va, un petit mal de tête ce midi mais rien d'alarmant.
Inutile de l'inquiéter, tant que ça ne ressemblera pas à un dernier jour, j'irai bien.
À la fin du repas, je rejoignis ma chambre avec un moral dans les souliers. Je n'arrivais pas à penser à autre chose que ma meilleure amie se changeant en monstre assoiffée de sang. J'espérai que là où était Mallory aujourd'hui, elle ne saurait jamais ce qu'allait devenir Emelyne.
Le lendemain, je me réveillai en sueur après mon cauchemar que je semblais faire et refaire chaque nuit, ce qui, une fois n'est pas coutume, me laissai dans un état émotionnel instable dès le réveil. Je n'avais pas dû hurler cette fois puisque ma porte était parfaitement fermée et qu'aucun vampire n'était venu à ma rescousse. Ma matinée fut longue et ennuyeuse et au milieu de l'après-midi, je décidai de faire un tour dans le jardin. J'ignorai si j'en avais le droit mais je n'allais pas m'enfuir, je n'étais pas stupide à ce point, aussi, j'espérai qu'ils comprendraient que je ne l'étais pas et que je voulais juste prendre l'air.
Je sortis de ma chambre, il n'y avait toujours personne dans le couloir et me dirigeai vers les escaliers d'un pas assuré, afin de montrer que je n'étais pas en train de monter un mauvais coup. Je ne fus stoppée par personne tout au long de ma descente et pris le même chemin qu'Hayden et moi avions pris pour sortir du château, la veille. Une fois dehors, je longeai les murs pour me rendre dans le jardin arrière. Il y avait une grande allée des mêmes petites pierres qui entouraient le château, elle était entourée de longs parterres de fleurs qui séparaient l'allée de l'herbe. La grande allée donnait sur un escalier tout aussi large menant à un bosquet sur le niveau supérieur. Des sculptures se terminant par des vases en pierres dans lequel s'épanouissaient des plantes tombantes arborant fièrement leurs fleurs violettes entouraient les escaliers dans ses quatre angles. Une grande haie taillée avec précision séparait le côté bosquet du côté jardin, autour de l'escalier, au niveau le plus élevé.
Je me promenai dans le bosquet, quand je ressentis des points fourmiller autour de mon esprit, je m'arrêtai et regardai les alentours mais ne vis rien, les points cessèrent de me harceler et je pus profiter de prendre l'air au milieu de ses arbres savamment disposés autour des chemins de balade tout en regardant les fleurs disposés dans les parterres autour du chemin. Je croisai un abri de parc en bois blanc de forme ronde entourée d'une rambarde ouvragée qui laissait une ouverture à l'avant. Au fond, dans l'axe de l'ouverture, se trouvait un banc en fer forgé blanc au style victorien. Alors que je m'y dirigeai, un vampire apparut devant moi, me regardant avec curiosité. Je me stoppai alors et le fixai, hésitante.
« Laquelle des deux humaines es-tu ? Me demanda-t-il.
« Tamsyn, répondis-je.
Il eut une lueur de compréhension dans ses yeux noirs à reflets rouges. Il avait des cheveux bruns, assez courts et ne devait pas avoir plus de 18 ans.
« Hayden aurait dû se prendre un chiot, vu qu'il n'est pas capable de te surveiller, fit-il avec un sourire sournois. Je ne vois vraiment pas ce qu'il lui prend de te garder humaine... ou tout simplement en vie.
« Ah, tu as retrouvé Tamsyn, fit Demetri qui venait d'apparaître à mes côtés. J'ignorai que j'avais de la concurrence.
« Tu viens seulement de réaliser qu'elle s'était enfuie ?
« Non, je...
« Pas du tout, me coupa Demetri, nous jouons à cache-cache mais je n'ai pas le droit d'utiliser mon don. Elle s'ennuie un peu, Hayden a dû partir cette nuit et n'est pas encore revenu.
Le vampire hocha la tête, compréhensif.
« C'est votre jouet, donc ? Demanda-t-il.
« Ne dis jamais ça à Hayden, rit Demetri. Ta sœur t'attend avec impatience, Alec, elle n'aime pas trop quand tu pars seul en mission.
« Je comprends, elle voudrait pouvoir s'amuser, elle aussi.
Alec, donc, fit un signe à Demetri et disparut sans me porter la moindre attention.
« Euh...
Demetri me fit signe de me taire en mettant l'index devant sa bouche puis en tapotant son oreille. Il sembla réfléchir puis hocha la tête d'un air satisfait.
« C'est bon, il est à l'intérieur. N'essaye plus de fuir, je suis un traqueur et même si mon don ne semble pas fonctionner sur toi, je reste un bon traqueur, tout de même.
Je souris.
« Je ne fuyais pas, lui appris-je.
« Ah non ?
« Je me promenai, pour prendre l'air.
« Je me disais aussi, tu avais l'air sacrément nulle.
Il fit un geste vers le banc et nous nous y assîmes.
« Tu as accepté ta nouvelle vie ou c'est le fatalisme ? S'enquit-il une fois installé.
Je réfléchis à sa question.
« Et bien, j'ai bien compris que je n'avais pas vraiment de chance de m'échapper avec votre téléportation, 'fin, votre vitesse que je prenais pour de la téléportation, à la base.
Il rit à ce propos.
« Mais je crois que j'ai accepté de mourir entre ces quatre murs plutôt que dans ma vie normale.
Ce n'était pas plus mal, vu ce qu'il me restait, puis surtout, ma mère me croira en train de voyager à travers le monde.
« Hayden pourra te faire voyager, sois patiente.
Ce n'était pas la patience qui me manquait mais le temps.
« Tu crois que je pourrais revoir Tyler ?
« Qui est Tyler ? Me demanda-t-il.
« Mon petit-ami.
Il fit une légère grimace.
« Ton petit-ami ? Hayden sait ?
Demetri savait donc qu'Hayden éprouvait quelques attirances pour moi.
« Oui, même s'il ne désespère pas que mes sentiments changent, apparemment, mais ça lui passera sûrement.
Demetri me fixa puis me sourit.
« Sans aucun doute, admit-il avec un sourire en coin.
