Chapitre 9
Hayden ne réapparut que le lendemain, au milieu de l'après-midi. J'étais en train de rêvasser quand il entra dans ma chambre, un large sourire apparut quand il me vit lui sourire. Il s'approcha et s'assit sur mon lit en me faisant face.
« Tu vas bien ? Me demanda-t-il.
Je hochai la tête.
« Tu fais encore des cauchemars ?
« Ouais, fis-je en haussant les épaules. Toujours le même endroit et tout le monde finit mort à la fin.
Il glissa sa main pour reculer la mèche qui me barrait le visage, frôlant ma tempe dans le même temps puis frôla ma joue en l'abaissant pour la poser sur le lit, près de lui.
« Je ne sais pas quoi faire pour t'aider, avoua-t-il.
« Il n'y a rien à faire, fis-je, défaitiste. Ma situation pourrait être pire... difficilement cela dit mais je pourrais être dans la situation d'Emelyne, même si elle, elle semble être ravie.
Son visage s'assombrit, j'imaginai qu'il espérait peut-être que je change d'avis sur les vampires un jour mais apprécier deux buveurs de sang était le maximum que je pouvais faire. Et je pense que si j'avais vu Hayden et Demetri se jeter sur les touristes, je n'en aurais pas été capable et les aurais mis dans le même sac. J'étais probablement dans un genre de déni parce qu'ils étaient quand même des vampires.
« Effectivement, elle a hâte de jouer avec son don, elle a l'air de beaucoup se comparer à toi et elle est contente d'avoir ce truc en plus.
Je ne réagis pas à sa phrase, toujours dans mes pensées à propos de mon déni. Il était un vampire, il tuait des gens tout autant que les autres, même si je ne l'avais pas vu faire. Je pliai mes genoux pour serrer mes jambes contre moi. Je m'étais rapprochée de deux vampires tueurs d'humains, j'avais fini par les apprécier... j'avais plaisanté avec eux alors qu'ils étaient de la même famille que la blonde qui avait tué Mallory, ou au moins, ils vivaient avec elle, ils étaient même assurément amis. Effarée, je réalisai à quel point j'étais une mauvaise personne et la colère s'empara de moi avec force.
« Tamsyn ? S'inquiéta-t-il. J'ai dit quelque-chose de mal ? J'aurais pas dû te dire ça.
Je lui lançai un regard assassin qui devint désespéré.
« Je suis horrible, réalisai-je à haute voix.
Il ne comprit pas.
« Quoi ? Non, ce n'est pas de ta faute si ton amie t'enviait, c'est un sentiment que certains ont, ça n'a rien de grave.
« Je ne parle pas de ça, l'informai-je. Je fais copain-copain avec des monstres.
Il se figea.
« Tamsyn... souffla-t-il.
Il devait avoir pensé que j'avais dépassé ça, je ne m'étais juste pas posée sur la question. Comme pour Emelyne, la fuite du problème était une bonne solution... pour un temps.
« Qui est Jane, par rapport à toi ? C'est Volturi, son nom aussi ?
« Oui, comme tous les membres du clan, c'est... un membre de mon clan et... une amie.
Sa voix avait presque disparu à la fin de sa phrase. Hayden était donc ami avec celle qui avait tué Mallory.
« C'est elle qui a tué Mallory, grognai-je.
Il soupira, passa la main sur son visage, réfléchit à se trouver une échappatoire.
« J'en suis désolé, ta colère est légitime et normale, je comprends, tenta-t-il. Je sais que les phases du deuil peuvent aller et venir et je crois que c'est ce qu'il se passe en ce moment.
Il leva la main mais mon regard l'arrêta en plein vol et il la laissa retomber.
« Qu'est-ce qu'il y a de bien à être un monstre ? Fulminai-je. Vous tuez des humains... qui ont des familles, des amis, des parents et certains même, des enfants.
Entendre ses quatre vérités sembla finalement le mettre en colère, lui aussi.
« Vous êtes horribles ! Appuyai-je. Tu l'es tout autant que les autres, une chose que j'ai tendance à oublier.
Il serrait les poings et j'entendis un grondement qui me pétrifia. Il n'avait pas duré longtemps mais ça sortait de lui, vibrant dans sa cage thoracique.
« Parce que tu crois qu'on a eu le choix ? S'énerva-t-il, se levant pour s'éloigner.
Il se tourna vers moi et me fusilla du regard.
« Tu crois que je l'ai choisi ? Grogna-t-il. Ma condition n'est qu'un enchaînement de putains de mauvaises circonstances. Je n'ai pas eu le choix, on ne m'a pas demandé si je voulais devenir vampire ou mourir, je n'ai eu aucun putain de choix. Aucun de nous n'a voulu devenir ce qu'il est aujourd'hui, à la base, même si la plupart apprécient leur nature aujourd'hui. Et ceux qui ont eu ce choix, entre la mort ou la transformation ont choisi la deuxième voie par peur de la mort. Personne ne choisit la transformation par envie, ta copine est l'une des seules dans ce cas que je connaisse et estime-toi heureuse d'avoir le choix de rester en vie parce que j'ai dû plaider pour ta cause pour qu'Aro et Caïus l'acceptent.
Mes larmes coulaient à présent et il se tut, se tournant vers la fenêtre et fixa l'extérieur en silence. Je ne savais pas quoi penser, je ne savais plus. Je ne voulais pas me laisser attendrir mais je ne pouvais lui en vouloir d'être devenu ce qu'il n'avait pas désiré être. J'ignorai comment il était devenu un vampire et lui, apparemment, n'avait pas eu de second choix. J'avais trois choix et j'avais pu choisir le mien, grâce à lui. Je ne savais pas s'il avait déjà envisagé de se donner la mort et je ne savais pas si les vampires mouraient aussi facilement que dans les séries mais je comprenais qu'aucun n'avait souhaité y avoir recours, la première mission de chaque espèce animale était de survivre, c'était le sens même de la vie, survivre.
« Excuse-moi, lâchai-je mollement.
Il tourna son regard sur moi, il ne semblait plus furieux, comme s'il avait travaillé à refouler cette émotion en regardant dehors mais ses poings serrés en trahissaient les dernières traces.
« J'avais bêtement pensé que vous aviez tous sauté dans l'aventure vampirique en tapant dans les mains.
Il revint s'asseoir sur mon lit, un peu plus loin que précédemment, laissant une distance de sécurité, pour la mienne ou la sienne.
« On a appris à ne plus se formaliser des tueries, me dit-il. Les premiers temps, ce n'était pas compliqué à vrai dire, les premières semaines, les nouveaux-nés, des vampires de moins d'un an, sont focalisés sur la soif qu'ils ressentent. Il n'y a que ça qui compte, ils ne prêtent pas attention à leurs émotions ni aux cris de leurs victimes. C'est après cette phase que ça devient dur puis on finit par ne plus en être atteint. On n'a pas le choix, la seule façon de se nourrir, c'est de boire le sang humain.
« Vous ne pouvez pas boire de sang animal ?
« Non, que ceux des humains, dit-il, Aro a été formel sur le sujet.
Je hochai la tête, dépitée.
« D'accord, acceptai-je. J'essaierai d'être plus indulgente avec toi... et avec Demetri.
« Merci.
Il avait l'air soulagé.
« Je...
« Oui ? Tenta-t-il de me faire continuer.
Je ne savais pas si je voulais lui dire ce que je ressentais, si c'était une bonne chose qu'il le sache mais je supposai que ça pouvait l'apaiser par rapport à ce que je ressentais.
« Dis-moi, insista-t-il. N'aie pas peur de me froisser, même si je me mets en colère, je ne te ferai pas de mal.
Je doutais que ce que je voulais lui dire le froisse. Je soupirai et pris mon courage à deux mains.
« Je commence à vous apprécier, Demetri et toi, avouai-je. C'est pour ça que j'ai péter les plombs, ça allait à l'encontre de tout ce qu'il se passe.
« Je comprends, je suis capable de m'excuser de cette situation toute ma vie s'il le faut, m'informa-t-il. Enfin, toute la tienne, à vrai dire.
Je lui offris un faible sourire.
« Je suppose que je ne pourrais pas voir Emelyne avant un moment ? Rapport à sa soif et mon sang...
« Ça dépendra de son contrôle et de si elle a bu peu avant. La transformation dure trois jours, elle sera un vampire demain soir.
« C'est douloureux ?
« Elle passe un sale moment, acquiesça-t-il. Je t'assure qu'elle regrette sa décision, en ce moment.
Je grimaçai et ne pus empêcher un frisson de me parcourir. Il soupira.
« Tu sais, fit-il. Je peux faire en sorte de m'en prendre aux criminels, les humains moins bons moralement que les autres, si ça peut t'aider, je peux faire ça pour toi.
Je le fixai, il était sincère.
« Tu ferais ça pour moi ? Fis-je, incrédule.
« Ça va demander plus de logistiques parce qu'il faut trouver lesquels le sont et les traquer mais la traque est le don de Demetri, je suppose que ça l'amusera de m'aider pour ça.
« Comment son don fonctionne ? Fis-je avec curiosité.
« Il suffit qu'il rencontre une personne pour qu'il puisse savoir où elle se trouve par rapport à lui à un moment ultérieur, il connaît la distance et la direction entre la personne et lui et comme il a mémoriser toute la géographie de la planète, il est capable de connaître le pays avant de partir. Son don fonctionne sur toute la Terre, il est très puissant et personne ne peut s'en cacher. D'ailleurs, il n'a pas forcément besoin de croiser la personne ciblée mais quelqu'un d'autre qui l'aurait croisé.
« Hein ?
« Je vais prendre mon cas en exemple, m'offrit-il. Il y a un peu plus d'un an, j'ai pris quelques vacances et je suis allé au Canada, j'étais encore humain. Là-bas, j'ai rencontré un homme fort singulier, la peau pâle, les yeux noirs avec, au lieu des reflets habituels formés par la lumière, des reflets dorés. Quand il m'a aperçu, il m'avait regardé avec insistance et avait sourit puis il est reparti sans un mot. Je me souviens l'avoir trouvé beau, bien que les hommes ne m'aient jamais intéressés, mais il me paraissait dangereux en même temps. Un mois plus tard, j'avais trois personnes de la même beauté irréelle mais semblant bien plus dangereux devant ma porte, attendant que je rentre d'une soirée en boîte. Demetri, Alec et Jane. Je n'ai pas eu d'autres choix que de les suivre en Italie, à Volterra où j'ai appris que l'homme que j'avais rencontré au Canada était un vampire qui avait le don de connaître ceux des autres, vampires ou humains. Il avait récemment rendu visite à Aro afin de calmer les tensions qu'il y avait entre son clan et le clan des Volturi, ils avaient été en conflit. Ce vampire avait vu mon don de manipulation d'esprit et Aro l'avait lu avec le sien dans l'esprit d'Eleazar. Il a donc chargé Demetri de me traquer, puisqu'Eleazar m'avait rencontré et que Demetri venait de revoir Eleazar, ça ne lui a pas été compliqué.
« Tu ne leur en veux pas ? M'enquis-je.
« J'étais pétrifié et dans une colère extrême jusqu'à ce que j'arrive au château, au milieu d'autres vampires, à partir de là, j'ai dû accepter ma situation, je me sentais comme chez des amis, je ne saurai vraiment l'expliquer.
« Tu t'es peut-être fait manipuler, hasardai-je.
Il sourit devant l'ironie.
« C'est pas impossible, il y a une des gardes, Chelsea, dont j'ignore le don, Aro refuse qu'elle le révèle. Mais si c'est le cas, je pense qu'il est bien tard pour s'en plaindre.
Il resta un moment silencieux, je me levai et regardai à la fenêtre. J'avais vue sur l'arrière du bâtiment désormais mais j'étais toujours dans la même partie du château, quelque-part entre mon ancienne chambre qui avait vu sur le côté droit et la cuisine qui était du coup, du même côté que ma nouvelle chambre.
« On peut sortir dans le jardin ? Demandai-je.
« Bien sûr, accepta-t-il.
Nous nous promenâmes dans le bosquet et je découvris de nouveaux coins. Par-ci par-là se trouvaient nombres de fleurs disposées autour des chemins de balades. C'était un endroit agréable.
« J'aime ce petit bois, déclarai-je.
Hayden me sourit.
« C'est la première fois que je viens là, avoua-t-il.
« J'ai découvert ce côté du jardin avant toi, alors ? Tu es à la traîne.
Je lui lançai un regard espiègle.
« Tu es déjà venue ici ? Demanda-t-il avec suspicion.
« Hier, oui, je m'ennuyai. J'ai croisé Alec, d'ailleurs.
Il parut affolé.
« Il n'a pas été un connard avec toi ?
Je souris.
« Il a dit que tu aurais dû prendre un chiot plutôt que moi, vu que tu n'arrivais pas à me surveiller. Je pense qu'il croyait que je tentai de m'enfuir. Mais à part sa petite vanne, non, il n'a pas été méchant. Demetri m'a trouvée et m'a sauvée la mise en croyant aussi que je m'enfuyais. De ce que tu sais, j'ai joué à cache-cache avec Demetri, hier.
Il avait l'air d'osciller entre l'amusement et l'effarement.
« Ne te balade plus seule, il n'y a que dans la partie des tes appartements que les autres vampires ne peuvent pas t'atteindre. Demande-moi ou à Demetri, la prochaine fois. Même s'ils ne s'en prendront pas physiquement à toi, certains peuvent être de vrais cons.
« N'y a-t-il que Demetri et toi, de gentils dans ce château ? Fis-je dépitée.
« Non, je te ferai une liste, sourit-il.
« Ça manque d'écureuils et d'oiseaux, me désolai-je.
« Je pense que les animaux sentent le danger et ne nous approchent pas trop.
« Ils ont un instinct de survie fonctionnel, alors. Je me demande si un cheval vous laisserait le monter, du coup.
Il haussa les épaules.
« Aucune idée.
« Il faudrait essayer, décidai-je.
« Non merci, refusa-t-il.
« Quoi ? T'es pas curieux ?
« Non, sourit-il. Tu testeras avec Emelyne.
Je souris avec machiavélisme.
« Bonne idée.
Il rit devant mon air conspirateur.
« D'ailleurs, me rappelai-je. Je voudrais revenir sur un truc que tu as dit, que je n'avais pas relevé pendant ma crise mais tu as dit un truc à propos d'Emelyne qui m'enviait ou quelque-chose dans le genre...
Il hocha la tête.
« Oui, ses paroles ont un peu dépassé ses pensées à un moment où elle était en colère après toi. Elle t'envie sur ta facilité à entrer en contact avec les autres, à te lier à eux. Elle dit que tu as une sorte d'attraction qui subjugue les gens.
« Sérieusement ? Je t'avoue que je tombe de haut, j'ignorai qu'elle pensait ça et que ça l'embêtait. Mais je ne pense pas subjuguer les gens ni les attirer. C'est vrai que je me suis toujours facilement fait des amis mais j'ai toujours posé ça sur mon côté sociable et ouvert aux autres.
« Elle a parlé de pas mal de mecs te tournant autour, ajouta-t-il.
Je levai les yeux au ciel.
« Il n'y a jamais eu que Tyler, fis-je en haussant les épaules. Mais elle plaît aussi, elle exagère.
« Elle m'a fait la liste de ses petits-copains, m'apprit-il.
J'écarquillai les yeux.
« Sérieux ? Souris-je. Je me demande s'il y en a qu'elle m'a caché.
« Ils sont deux et ont duré 3 jours pour l'un et deux semaines trois quart pour l'autre, je sais pas exactement à combien de jours elle pense que ça correspond.
« Aucun copain dans le placard, alors. Elle peut avoir un caractère bizarre au début mais c'est une fille bien en vrai, il suffit de gratter un peu, ce qu'ils n'ont pas fait.
Il rit, comme s'il avait été aux premières loges du caractère étrange qu'elle pouvait avoir.
« J'ai l'impression que tu l'as vécu, soupçonnai-je.
« Ne lui dis jamais que je te l'ai dit mais... elle m'a dragué.
Il rit en secouant la tête.
« Elle était mignonne à essayer, se rappela-t-il.
Je laissai un léger rire m'échapper. Pas de moquerie mais juste que ça ne lui ressemblait pas.
« C'est pourtant pas son genre, révélai-je. Tu lui as tapé dans l'œil, on dirait.
« Je suis charmant, fit-il avec arrogance.
Je levai les yeux.
« Quoi ? Se défendit-il. Tu ne trouves pas ?
Je lui lançai un regard réprobateur.
« Je n'entrerai pas dans ton jeu, lui signalai-je.
Il sourit comme simple réponse.
« Je lui parlerai, quand je pourrais la voir. Je ne comprends pas qu'elle se sente... inférieure ? Malchanceuse par rapport à moi ? Surtout si c'est une histoire de petits-copains, elle en a eu deux fois plus que moi.
« Qui n'ont pas duré longtemps, mentionna-t-il. C'est rien par rapport à ta relation d'un an.
« Huit mois et quelques en réalité mais j'ai juste trouvé le bon. Elle trouvera le sien, j'en suis persuadée.
Il me regarda en coin et se perdit dans ses pensées en regardant le chemin sur lequel nous marchions.
« Tu crois au grand amour ? Brisa-t-il le silence qui s'était installé.
« Je n'ai pas échappé aux rêves de princesse, confiai-je. ''ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants'' mais j'ai vite compris que ça n'allait pas être pour moi.
« Désolé, fit-il contrit une nouvelle fois.
« Non, pour ça, c'est pas de ta faute, le rassurai-je. Même sans tout ça, je n'aurais jamais pu avoir d'enfant, de toute façon.
Avec ma tumeur, la maternité ne serait pas pour moi. Maintenant que je connaissais l'existence des vampires, ce n'était pas plus mal. Le monde était devenu tout d'un coup beaucoup trop dangereux.
