Chapitre 12

Hayden m'avait accompagnée jusque ma chambre puis m'y avait abandonnée. Je tournais en rond, m'ennuyant à mourir, j'aurais voulu avoir quelque-chose à faire. Peut-être que je devrais aller parler à Emelyne, histoire de crever l'abcès. Je sortis de ma chambre, j'ignorai où était la sienne et décidai de toquer à chaque porte. Toute les chambres de mon aile étaient vides. J'hésitai devant la grande porte qui séparait l'aile ouest où je me trouvais de l'aile est, Hayden m'avait dit de ne pas sortir dehors seule mais il n'avait rien dit sur les autres parties du château. Je savais juste qu'aucun vampire ne viendrait dans mon aile mais les vampires de sa garde n'allaient pas me faire de mal, pas si ça déclenchait la colère de leur chef. Je pris une inspiration et tirait la porte pour passer. Un vampire qui marchait dans le couloir s'arrêta et se tourna pour voir qui arrivait, il fronça les sourcils et sembla se demander ce que je faisais ici puis il haussa les épaules et disparut de ma vue. J'aurais aimé pouvoir lui demander s'il savait où était Emy, je n'allais pas toquer à la porte des chambres des vampires au hasard. J'errai donc dans les couloirs en attendant de croiser quelqu'un qui pourrait me répondre ou, si j'avais de la chance, tomber directement sur Emy.

La chance était visiblement une garce, le seul autre vampire que je croisai fut Jane et elle ne disparut pas de ma vue. Elle venait de sortir d'une pièce et essayait de me tuer du regard alors que son don était actif sur moi mais ne fonctionnait pas.

« Je ne pensais pas que tu serais si stupide à traîner de nouveau dans les couloirs, m'envoya-t-elle d'une voix glaciale. Les insectes n'apprennent donc pas, je vais te faire une leçon que tu n'oublieras pas.

« Jane ! S'exclama Alec avec une certaine joie.

Jane se tourna et je découvris Alec sourire à sa sœur.

« Laisse-moi m'occuper de lui faire la leçon, fit-il, désinvolte.

Jane me fixa avec haine, hésita puis hocha finalement la tête avant de disparaître.

« Suis-moi, m'ordonna-t-il finalement.

Je lui lançai un regard rempli de suspicions mais décidai qu'il était vain de protester. Je préférais avoir affaire à Alec plutôt qu'à sa jumelle maléfique. À ma surprise, il m'emmena à l'extérieur, dans une partie du bosquet que je n'avais pas encore visité. Il y avait là des cageots avec des fleurs en pot et des parterres se trouvaient sans fleurs.

« Je dois planter ces trucs dans la terre, m'expliqua-t-il. Aide-moi.

« D'accord, acceptai-je même s'il ne me laissait probablement pas le choix.

Je me mis donc au travail pour faire des trous dans la terre avec mes mains puisqu'il n'y avait aucun outil de jardinage puis sortis une fleur de son pot pour l'enterrer. Il s'était adossé contre un arbre et me regardait faire cela.

« Tu devrais éviter de te balader dans les couloirs du château en dehors de ton aile, me conseilla-t-il alors que j'enterrai la cinquième fleur. Je doute que les membres de la garde aie le cran de s'en prendre à toi mais Jane n'hésitera pas.

J'arrêtai mon travail pour le regarder.

« Je cherchais après Emelyne, m'expliquai-je. Mais d'accord, je ne pensais pas tomber sur ta sœur. Tu... mh, tu as vraiment l'intention de me faire une leçon ?

« Je viens de le faire, sourit-il.

Je le regardai béatement un instant.

« Je pensais que tu allais me frapper, ou je ne sais pas, Jane avait l'air de vouloir me faire du mal.

« C'est probablement ce qu'elle aurait fait, c'est pourquoi je lui ai dit que je m'en chargeai.

« Merci, le gratifiai-je. Je peux te poser une question sans que tu te fâches ?

Un sourire apparut sur son visage alors que j'attendais qu'il me donne son accord ou non.

« Je t'écoute.

« Tu n'es pas vraiment comme on m'a dit que tu étais mais je vois bien qu'Emy a peur de toi alors je me demandais pourquoi ? Est-ce que tu es seulement gentil avec moi parce que je suis ''passable'' ou ce sont les autres qui se trompent à ton sujet ?

Une expression étrange passa sur ses yeux, il regarda au loin un instant puis reposa les yeux sur moi.

« Les gens ont peur de moi, ils s'attendent à ce que je sois un connard cruel, comme ma sœur, alors je me conduis comme ils l'attendent. Tu n'as pas attendu cela de moi, tu n'as pas eu peur.

Il haussa les épaules. Ça avait vraiment l'air de l'embêter mais je ne savais pas trop quoi faire pour l'aider, mon statut d'humaine ne me permettrait pas de botter le cul des autres mais je doutais qu'Alec aie vraiment envie que je l'aide à quoi que ce soit.

« L'Italie ne te manque pas ?

Il sembla apprécier que je change de sujet et un large sourire para son visage.

« Beaucoup, Volterra est une chouette cité. On n'y retournera cependant que dans quelques siècles.

« Pourquoi avoir déménagé pour Salem ?

« Les humains devenaient curieux à propos des habitants du château qu'ils ne voyaient jamais mis à part de loin, de temps en temps. De plus, avec les touristes qui disparaissaient à cause de nous, ça devenait trop visible dans le pays. Il fallait calmer le jeu.

Je hochai la tête et cachai ma désapprobation autant que je le pus. Je continuai d'enterrer les plantes et au moment où je me disais qu'il allait me laisser faire tout le travail, il me poussa pour s'y mettre à son tour. Il fit cela avec une telle vitesse qu'il ne lui fallut pas plus de deux minutes pour enterrer toutes les autres fleurs et je compris qu'il n'avait jamais eu besoin de mon aide. S'il n'appréciait pas de passer du temps avec moi, il aurait simplement fait tout ça seul en deux minutes et m'aurait simplement jeter dans ma chambre.

« Tu ne vas bientôt rien voir, me dit-il.

Le soleil se couchait et la luminosité avait effectivement baissé depuis que j'avais commencé. Il me raccompagna dans ma chambre et partit sans un mot. Je me mis à la fenêtre pour contempler le bosquet. Je pouvais sans nul doute ajouter Alec à ma petite liste d'amis. Mon téléphone me sortit de ma contemplation, Tyler était affiché en grand sur l'écran, il me rappelait enfin.

« Tyler ! M'exclamai-je en répondant.

Il ne pouvait pas le voir mais mon sourire montait jusqu'à mes oreilles et mon cœur semblait revivre.

« Je m'inquiétai, m'accusa-t-il. Mais je suis content de pouvoir t'entendre de nouveau.

« Tu m'as manqué, lui avouai-je. Désolée, encore pour cette absence.

« T'inquiète pas, Emy m'a envoyé quelques sms de ta part. Elle t'a passé mes messages ?

« Euh, oui, mentis-je.

J'espérai qu'aucun des messages qu'elle était supposé me passer ne comporte de choses que je suis censée savoir. Comme le décès de sa mère, ça serait affreux s'il pensait que je m'en foutais.

« Tu as mis du temps à me rappeler, changeai-je de sujet.

Valait mieux éviter de tourner autour des messages dont je ne savais rien.

« Euh... oui, j'étais... avec ma mère à l'hôpital, j'ai oublié mon tel à la maison.

« C'est pas trop dur ? M'inquiétai-je.

Son hésitation me parut indiqué que rien de bon n'arrivait à sa mère.

« Comme une phase terminale d'un cancer, répondit-il. Elle est forte, elle essaye de me faire croire qu'elle va bien... comme toi, en fait.

« Je vais mieux qu'elle, le rassurai-je. Profite d'elle, laisse-la penser qu'elle réussit à te convaincre.

« Ouais...

« Tu reviens quand ?

« Je sais pas trop, fit-il d'une voix faible.

« Tu seras revenu pour mon anniversaire ?

Il garda le silence un moment.

« Je ne pense pas, murmura-t-il.

La réponse me doucha. L'idée de ne pas pouvoir fêter mon anniversaire avec mon petit-ami m'attrista. Mon dernier anniversaire. Le seul que j'aurais pu passer avec lui.

« Je suis désolé, je ne peux pas laisser ma mère seule, je ne sais pas combien de temps elle tiendra.

« Je comprends, c'est normal, le rassurai-je.

Je m'en voulais de devoir lui faire le même coup, dans un avenir proche mais au moins, il convenait que sa mère avait plus besoin de lui que moi puisqu'elle semblait être arrivée à la fin de sa vie. Ça me rendit triste pour lui, parce que j'avais accepté ma future mort mais c'était lui qui allait devoir vivre avec ça, ensuite. Il allait devoir faire le deuil de sa mère et de sa copine pratiquement en même temps.

« Attends, je suis au tel, l'entendis-je d'un murmure étouffé. C'est ma copine.

Je l'entendis soupirer.

« Désolé, s'excusa-t-il.

« Pas de soucis.

« C'était mon père, m'apprit-il.

« Pas de soucis, répétai-je. Comment va-t-il ? Et toi ?

« Ça va, autant qu'on peut.

Le silence retomba et je me demandai s'il y avait quelque-chose qu'il me cachait. Je n'avais jamais eu autant besoin de lancer la conversation avec Tyler et il me semblait plus distant que d'habitude.

« Ty...

« Je dois te laisser, fit-il en même temps que moi. Pardon, tu voulais dire ?

« Rien d'important, je te laisse filer.

« D'acc, je te rappelle, ok ?

« Ok, je t'aime.

« Oui, moi aussi, répondit-il. À plus tard.

Il raccrocha me laissant sur ma faim. La situation devait lui être horrible pour qu'il en soit arrivé à monter un mur autour de lui. C'était ce que je supposai être la cause de notre échange peu chaleureux. J'avais peur de le perdre dans le tourbillon de ses tourments et je ne pus empêcher mes larmes de couler.

Le vampire qui frappa à ma porte devait trouver opportun de me déranger maintenant. Hayden ouvrit la porte et son visage changea instantanément en me voyant. Il usa d'une vitesse surhumaine pour se trouver face à moi alors qu'il n'y avait que quelques mètres. Il essuya l'une de mes joues de sa main puis fit pareil avec l'autre joue tandis que son autre main se tenait contre mon bras.

« Parle-moi, supplia-t-il.

Je secouai la tête, ce n'était pas une bonne idée de m'épancher sur son épaule à propos de mon petit-ami. Il me prit dans ses bras et j'acceptai tout de même de m'appuyer sur lui pour me réconforter, posant mes mains sur son torse, entre nous.

« Je suis désolé, souffla-t-il.

Il devait penser que c'était à cause de la situation et de la mort de Mallory. Je ne voulais pas lui mentir mais je ne voulais pas le blesser en lui avouant que j'avais peur de perdre Tyler alors qu'il éprouvait de l'attirance pour moi. Il attendit que j'arrête de sangloter puis se recula un peu, mettant ses mains contre le haut de mes bras. Il me fixa et j'aperçus dans ce regard qu'il ne faisait pas que se soucier de moi, j'y vis l'attirance qu'il éprouvait et peut-être que je n'étais pas tout à fait assez proche de ce qu'il ressentait vraiment. Pouvait-il être en train de tomber amoureux de moi ? Sa main droite se colla à ma joue gauche, ses lèvres s'entrouvrirent mais se refermèrent assez vite. J'étais incapable de regarder ailleurs que dans ses yeux sombres qui ne disposaient d'aucun reflet. Ça ne m'effraya pas pour autant. Son visage se rapprocha et je réalisai qu'il allait m'embrasser. Il fut pris d'une étincelle de clairvoyance en modifiant son geste, collant son front au mien à la place.

« J'ai du mal à te résister mais je ne veux pas profiter de ton état de faiblesse, m'avoua-t-il.

J'avalai ma salive me rendant compte que j'étais bien trop proche de lui et j'étais incapable de dire si je l'aurais empêché de m'embrasser s'il n'avait pas changé d'avis. J'aimais Tyler. Je ne pouvais pas me laisser charmer par un autre parce que j'avais peur de le perdre.

« J'aime Tyler, lui rappelai-je.

Il ne se formalisa pas que je le repousse ainsi, bien que je ne l'aie toujours pas repoussé physiquement. Quelque-chose n'allait pas chez moi.

« Je pourrais te le faire oublier, chuchota-t-il en fermant les yeux. Tu sens tellement bon.

Il recula son front en gardant les yeux fermés.

« Ne me manipule pas, le prévins-je.

Il rouvrit les yeux et me sourit.

« Je ne parlais pas de manipulation, glissa-t-il d'un air... séducteur ?

Ok, ça commençait à devenir dangereux, pas pour ma vie mais pour mon couple. Parce que l'image qui venait de me traverser m'avait un peu trop parue plaisante. Il dût le comprendre, je ne savais comment, parce qu'il fixait mes lèvres d'un regard brillant à présent. Il se rapprocha de nouveau et alors que nos lèvres se frôlaient presque, je repris mes esprits.

« Mon dieu, non, paniquai-je en tournant la tête et en appuyant mes mains sur son torse pour le faire se reculer.

Il obtempéra de lui-même, puisque ma force n'était pas suffisante pour le faire ne serait-ce que bouger.

« Excuse-moi, j'ai capté de mauvais signaux ?

« Oui, dis-je précipitamment.

Il me sourit comme s'il n'en croyait rien.

« Je dois te laisser, je suis incapable de rester sage.

Il s'en alla me laissant perplexe. Mais que me prenait-il, bon sang ? Je ne pouvais pas le laisser m'atteindre de cette façon, j'aimais Tyler, il était l'amour de ma vie. Le seul et unique amour de ma vie. C'était juste un instant de faiblesse, rien que ça, parce que j'avais été triste que ma première discussion depuis longtemps avec Tyler n'était pas comme je l'avais espérée. On ne m'y reprendra plus, je refusai d'être ce genre de mauvaise personne.