Chapitre 13

Cette nuit fut la première où je ne fis pas de cauchemar, la première où je rêvais d'Hayden également. Je ne savais pas ce que je préférais. Les cauchemars étaient terrifiants mais rêver d'Hayden l'était aussi, d'une autre façon.

Je pris mon téléphone pour appeler Tyler mais laissai tomber, me disant que l'appeler après un tel rêve au sujet d'un autre était bizarre. Mon anniversaire approchait, je voulais le passer avec lui mais il n'allait pas revenir avant. Demetri m'avait dit que je pouvais être en mesure de voyager, je me demandais si je pourrais le faire dès maintenant ? Aro me refuserait-il ce voyage, si vite tout en sachant que de toute façon, il ne me restait pas autant de temps que ça ?

L'ennui continuait de me dévorer, j'avais envie de me promener dehors mais Hayden m'avait déconseillé d'y aller seule et je ne voulais pas risquer un autre tête-à-tête avec Jane, seulement, il n'était pas venu me voir depuis ce matin, je supposai qu'il était parti faire ce qu'il faisait quand il n'était pas avec moi, qu'importe ce que c'était. Heureusement, Demetri et Emy apparurent dans le couloir alors que je rentrais de la cuisine. Je les saluai, les gratifiant d'un sourire.

« Qu'as-tu fais à ton visage ? Me demanda Demetri.

Je lui lançai un regard questionneur en portant mes doigts à ma joue.

« Quoi ? Qu'est-ce qu'il a ?

« Il est tout triste, m'indiqua-t-il. Puis-je passé le reste de ma journée à te faire des blagues ?

Je rabaissai la main et laissai un rire traverser mes lèvres.

« Je m'ennuie un peu, lui confiai-je. Je manque de divertissements, il n'y a pas une télé quelque-part ? Que je m'occupe quand je ne peux pas me balader dans le jardin.

« Il y en a une mais elle est constamment sur la chaîne d'infos. Je verrais ce que je peux faire. Je crois qu'il était prévu de câbler le reste du château, de toute façon.

« Merci.

« En attendant, vous pourriez vous balader dans le jardin, toutes les deux ? Proposa-t-il.

Je balayai mon regard de l'un à l'autre d'un air hésitant. Emy semblait m'en vouloir et je ne savais pas si elle voulait passer du temps avec moi.

« Elle vient de se nourrir, me rassura-t-il, pensant que c'était la source de mon inquiétude, elle peut rester seule avec toi sans se jeter à ton cou, ne t'en fais pas.

Je réprimai une grimace mais cela ne lui échappa pas.

« Un sale type, me rassura-t-il. Hayden veille à ce que ta sphère proche se nourrissent de ce genre d'humains, à présent. Soit Emy, lui et moi.

Je hochai la tête.

« Bien, conclut-il. Si je te manque, crie mon nom.

Il sourit et disparut avant que je ne l'envoie promener. Emelyne me regardait sans hostilité, ce qui était un bon début.

« Tu viens ? M'incita-t-elle.

« Ouais, acceptai-je.

Elle prit la parole qu'une fois sorties du château.

« Comment tu te sens ?

Elle était calme et ne semblait plus m'en vouloir. Peut-être que son nouvel état rendait ses émotions instables et c'était pourquoi elle avait changé d'humeur si rapidement hier.

« Ça va, répondis-je. Mais toi ? Tu m'en voulais, hier.

On se dirigea vers le jardin arrière.

« Désolée, s'excusa-t-elle. Ce n'est pas de ta faute, en plus, tu n'y peux rien.

« Quel est le problème ? Lui demandai-je.

Voyant qu'elle restait silencieuse, je repris à voix basse :

« Avant, on se disait tout...

Elle me lança un regard nostalgique, repensant probablement au temps où nous étions libres, toutes les deux humaines et inconscientes de l'existence des vampires.

« C'est à cause d'Alec, avoua-t-elle. En partie... il n'a jamais été sympa avec moi quand j'étais humaine et même maintenant, il reste toujours froid. Alors qu'avec toi, il semble sympa.

Nous tournâmes au coin du château pour rejoindre la grande allée centrale qui nous mènera au bosquet.

« Ne fais pas attention à lui, lui conseillai-je. C'est si grave que quelqu'un ne t'aime pas ? On ne peut pas plaire à tout le monde, ce n'est pas la fin du monde.

« Tout le monde t'aime, toi, contra-t-elle.

Son ton était presque accusateur, Hayden avait dit vrai alors. Je ne voulais pas qu'elle se sente ainsi mais je ne savais pas quoi faire.

« Laisse-leur le temps d'apprendre à te connaître, regarde au lycée, on était amies avec tout le monde.

Elle leva les yeux au ciel alors que nous montions les escaliers.

« Ils sont devenus mes amis parce que j'étais ton amie.

Je m'arrêtai au milieu des escaliers et la forçai à en faire de même, ce qu'elle m'autorisa puisqu'elle aurait pu continuer sans que je ne la gêne.

« Ne te dévalorise pas, tu es une fille géniale et je vois pas pourquoi ils ne seraient pas devenus tes amis en mon absence.

Elle plongea ses yeux noirs à reflets rouges dans les miens.

« Je n'ai pas vraiment d'ami à l'université, enfin, je n'en avais pas...

Elle reprit la marche, je la suivis.

« J'aurais dû te suivre, rester dans ton sillage aurait été préférable, je me sentais seule cette année, durant la semaine.

« Ce n'est pas ce que tu me racontais, les soirées...

« J'ai menti, avoua-t-elle. Pour, je sais pas, je voulais pas que tu le saches.

Ça me fendit le cœur qu'elle n'aie pas osé me le dire et de n'avoir rien découvert de la vérité.

« J'envie cette faculté que tu as à te faire des amis, même avec des connards comme Alec. Je t'envie, je l'avoue, parce que tout le monde t'aime.

« C'est faux, Jane me déteste.

Elle se tourna vers moi et m'offrit un faible sourire.

« Ça ne devrait pas mais ça me rassure un peu que quelqu'un dans ce monde ne soit pas affecté par cette attraction que tu as sur les gens, admit-elle.

« Tu penses que j'ai une attraction ? Lui demandai-je me rappelant qu'Hayden m'en avait parlé.

« Ouais, je me demande maintenant si ce n'est pas dû à un don, ce qui fait que même pour ça, je ne suis pas mieux que toi.

« Arrête, tu es toute aussi bien que moi.

« Non, je n'arrive pas à maîtriser mon don, je ne sais pas comment il fonctionne, si tu as un don attractif, tu l'utilises sans même y penser.

« Je n'ai pas ce don, la rassurai-je. Aro pense à un bouclier, rien à voir.

« Tu as donc bien un don ?! Fit-elle en écarquillant les yeux.

Je hochai la tête avec un sourire contrit. Je savais qu'elle appréciait l'idée d'avoir quelque-chose en plus que moi.

« Génial, souffla-t-elle avec amertume.

« Tu as la beauté éternelle, souris-je.

Elle ne pouvait pas nier que c'était un sacré point en plus. Elle sourit finalement.

« C'est vrai, admit-elle. Mais en vérité, je préférerai que tu l'aies toi aussi...

« Emy, la réprimandai-je doucement. On en a déjà parlé.

« Je sais, soupira-t-elle face à mon entêtement.

« J'ai appelé Tyler hier, lui appris-je.

Ce qui était un parfait changement de sujet. Elle me lança un regard en coin.

« Comment va-t-il ? Demanda-t-elle finalement.

« Pas très bien, même s'il ne veut pas le dire. L'appel m'a rendu triste à la fin, j'avais l'impression qu'il mettait de la distance. C'est compréhensible, il est en train de vivre avec sa mère ce qu'il va vivre avec moi.

La peine me comprima le cœur.

« Il se protège probablement, avança-t-elle.

« Ouais, marmonnai-je. Je me demande si je ne devrais pas y aller, pour le soutenir, ça lui changerait les idées. Ou peut-être pas... ça ravivera peut-être la situation. Je ne sais pas. J'avais promis d'être là à son retour mais ça lui prend plus de temps que prévu. Tout ce que je sais, c'est qu'il ne rentrera pas pour mon anniversaire.

« Je suis désolée, dit-elle avec sincérité.

Elle posa sa main froide sur mon épaule, je sentis la froideur à travers mon t-shirt et cela me surpris. Je savais qu'elle était devenue un vampire mais je ne le réalisai probablement pas encore.

« On le fêtera ensemble, promit-elle.

Je la gratifiai d'un sourire. Nous approchions de l'abri de parc quand je sentis un début de migraine arriver.

« Je voulais te dire... ça va ?

Elle m'arrêta, remarquant ma grimace. Je collai ma main contre mon front, accusant la douleur qui me parvenait. Elle me força à la retirer et colla sa main à la place. Le froid de sa paume me fit du bien un instant.

« Je devrais aller me coucher, lui dis-je.

« Viens, acquiesça-t-elle.

Elle dût me tenir et me guider car ma vue m'avait fuie. Heureusement, personne n'avait été sur notre route parce que personne n'avait demandé ce qu'il m'arrivait. J'avais retrouvé la vue quelques mètres avant ma chambre, soulagée. Emy m'accompagna jusque mon lit et me borda. Si elle le pouvait, je jurerai qu'elle serait en train de pleurer vu le visage empli de douleurs qu'elle arborait.

« Je n'ai pas envie de te perdre.

Sa voix se brisait. Je partais à la recherche de sa main et la lui serrai.

« C'est le juste cours des choses, murmurai-je en fermant les yeux. Peux-tu me passer mes médicaments et la bouteille d'eau ?

Elle attrapa la boîte et en sortit deux comprimés qu'elle me passa puis déboucha la bouteille et me la tendit. Je mis les cachets dans ma bouche en me redressant et les avalai avec de l'eau. Je déglutis difficilement et reposai le tout sur ma table de chevet.

« Tu veux que j'aille chercher Hayden ?

Je secouai la tête.

« Il n'est pas parti, genre en mission ou un truc comme ça ?

« Non, il traîne dans le château, m'apprit-elle.

« Il m'évite ? Fis-je les sourcils froncés.

« Je sais pas trop, il m'a demandé si je voulais passer du temps avec toi, qu'il préférait ne pas t'embêter aujourd'hui.

« Oh, lâchai-je simplement.

« Vous vous êtes disputé ? S'enquit-elle.

« Non... il... on a failli s'embrasser, avouai-je, piteuse.

« Oh, fit-elle à son tour, sa bouche formant le O, les yeux écarquillés.

« J'ai esquivé à temps mais je culpabilise à mort, ça a failli arriver.

« Hayden est un type bien, le défendit-elle.

Je fronçai les sourcils.

« Tyler aussi, contrai-je avec sévérité. Je l'aime, c'est l'homme de ma vie, ça l'a toujours été.

Elle soupira et m'offrit un sourire désolé.

« J'ai mal à la tête, me plaignis-je. Quelle connerie ce truc.

Je bloquai ma vue de mes paumes et laissai mes mains glisser sur mon visage.

« Aro a eu une théorie, tu sais ? Genre ma mère aurait un don, genre transfert de maladie ou exaucement de vœu, j'en sais rien. Elle m'aurait inconsciemment filé la tumeur pendant qu'elle dormait, quand je priai pour qu'elle ne meurt pas.

« Oh, merde, tu penses que c'est vrai ?

« Qui peut le dire ? Mais il se trouve que c'est le même genre de tumeur et le même emplacement... qu'elle a guéri peu de temps avant que mes symptômes commencent, il est possible que j'ai chopé ça au moment même où elle en a guéri. Elle n'a plus eu mal à la tête après ma prière.

« Oh mon dieu...

« Une chance qu'elle le sache pas, ça la tuerait, annonçai-je.

« Elle peut peut-être faire le chemin inverse ? Hasarda Emy.

Je la regardai avec réprobation.

« Tu penses réellement que je sacrifierai ma mère à ma place ?

« C'est ta mère, c'est ce qu'elle voudrait.

« Je n'ai pas peur de mourir, lui confiai-je. J'ai accepté les choses, ça ne me fait pas peur. Si les vampires existent, peut-être qu'il y a un au-delà ou peut-être que je deviendrai un fantôme et je retrouverai Mallory... et mon père. Et s'il n'y a rien, je n'aurais de toute façon aucune occasion d'être peinée. Je suis seulement désolée que ce soit difficile pour ceux qui restent.

« Tu devrais te faire transformée, tu nous éviterais ça.

« Stop, Emy, je t'en prie, c'est mon choix, respecte-le.

Elle soupira.

« Très bien, abandonna-t-elle, amère. J'espère alors qu'il n'y aura rien derrière.

Piquée, je détournai le regard.

« Parce que s'il y avait autre chose derrière, tu pourrais nous voir, se justifia-t-elle. Tu assisteras à ce qu'il se passera et tu le regretteras probablement.

Oh, j'avais cru que c'était de la mesquinerie.

« Je suis désolée, l'idée même de tuer quelqu'un, aussi méchant soit-il, je ne le supporterai pas. Vous n'avez pas eu le choix, je ne peux pas vous en vouloir pour ça, mais moi, je l'ai ce choix.