Chapitre 14

Mon téléphone sonna, Tyler était affiché sur l'écran. Je lançai un regard vers Hayden qui installait une télé avec Demetri dans ma chambre. Des gens étaient venus pour amener le câble jusque ici quelques jours auparavant. Les deux vampires se tournèrent et je basculai l'écran de mon portable vers eux. Ils abandonnèrent leur travail pour me laisser seule. Je n'avais pas eu de nouvelle de Tyler depuis une semaine, depuis le fameux appel et je lui avais envoyé des sms mais il ne répondait jamais, j'avais lâché l'affaire, voulant le laisser dans la bulle qu'il s'était créée.

« Hey, le saluai-je.

« Salut Tamsyn, fit-il en retour.

Le ton n'indiquaient rien de bon. Je m'assis sur le rebord de mon lit, croisant les jambes et attendis qu'il m'annonce la nouvelle. Je me doutais bien qu'il s'agissait de sa mère, c'était probablement la raison de son silence.

« Tu as l'air triste, avançai-je alors qu'il ne disait rien.

J'entendis un léger soupir dans le combiné.

« Ta mère, murmurai-je. Est-ce que...

« Non, elle tient encore le coup, ce n'est pas pour ça, je...

Il se tut, restant silencieux.

« Qu'est-ce qu'il se passe ?

« C'est trop dur, Tamsyn.

« Je comprends, le soutins-je. Je peux essayer de venir, je dois juste...

« Non, me coupa-t-il abruptement. Ne viens pas, ça ne compliquera que les choses.

Mon cœur se brisa. Je réalisai qu'il était peut-être en train de me quitter. Mes larmes s'invitèrent dans la conversation.

« Tyler... soufflai-je.

« Je... je t'aime Tammy mais... c'est trop dur, ma mère est en train de mourir et... toi aussi. Je ne veux pas vivre ça. Je suis désolé, il vaut mieux qu'on arrête, toi et moi. Je voulais attendre mais je me suis dit que ça ne serait pas... honnête.

« Mais... tentai-je mais fermai la bouche, ma voix ne m'obéissait plus.

« Comprends-moi, me pria-t-il. Imagine ce que ça me fait de savoir que tu meurs, tu ne veux même pas voir de médecin.

La culpabilité m'envahit alors et je ne sus quoi répondre à cela. Il entendit mes sanglots et continua d'une voix plus douce.

« Je suis désolé, vraiment, je préfère être seul maintenant que rester dans l'attente de ce moment.

« Je suis désolée, sanglotai-je.

« Je te quitte et c'est toi qui es désolée ? C'est moi qui le suis, je regrette d'être aussi lâche parce que je fais ça par téléphone, et de ne pas avoir été honnête. Prends soin de toi, Tammy.

Je raccrochai, je n'avais plus la force de lui parler et me roulai en boule dans mon lit. Tyler venait de me quitter parce qu'il ne supportait plus l'idée de me perdre. Je lui faisais du mal malgré moi et je me dis que je ne méritai peut-être que ça. Les gens réagissaient différemment devant la fin de vie d'un proche. Je serais restée jusqu'au bout auprès de ma mère et si Tyler avait été à ma place, je serais aussi restée jusqu'à la fin mais je pouvais comprendre, même si ça faisait mal, qu'il veuille s'éloigner de moi. Pourtant, il n'avait pas voulu s'en aller, je lui avais un peu forcé la main. Qu'est-ce qui avait changé, alors ? Loin des yeux, loin du cœur ? Je refusai de le croire. Non, il se protégeait bien, comme je l'avais prédit et il venait de me le confirmer. La porte s'ouvrit.

« Vous avez fini votre séance de sexe au té...

La voix de Demetri s'arrêta.

« Hayden, cria-t-il. Reviens, mec.

Quelques secondes plus tard, des mains chaudes me forcèrent à m'asseoir et m'entourèrent. Je me laissai aller contre Hayden, me maudissant d'être la source de tant de mal autour de moi. Emelyne qui, en plus de bientôt me perdre, se comparait trop à moi, Tyler qui ne supportait plus ma situation et même Hayden avec qui je ne pouvais pas être parce que c'était Tyler que j'aimais. Mes sanglots reprirent et mes larmes mouillaient le t-shirt d'Hayden.

« Hé, Tamsyn, chut, me consola-t-il. Je sais pas ce qu'il se passe mais je suis là.

Je me reculai et plongeai un regard plein de larmes.

« C'est peut-être moi le monstre, au final, pleurai-je. Je vous ai accusé de l'être mais je...

« Non, grogna-t-il. Qu'est-ce que l'enfoiré t'a dit ?

Je plissai les yeux.

« Dis pas ça, le rabrouai-je. Il m'a quittée.

Il fronça les sourcils.

« Pourquoi ? Comment peut-il ? J'ai dû mal à le comprendre...

« C'est de ma faute.

« Quoi ? Qu'as-tu fait ?

« Rien, j'ai rien fait, c'est... la situation, c'est compliqué.

« Explique-moi.

Je secouai la tête.

« Pas maintenant.

« C'est à cause de moi ?

« Pourquoi ça serait à cause de toi ? Contrai-je. Je lui fais juste du mal, involontairement.

« Toi ? Fit-il, sidéré. Je ne dois pas te connaître si bien que ça, alors.

Il essuya mes joues, comme il le faisait chaque fois.

« Je cache bien mes défauts, tentai-je de rehausser l'ambiance. Mais peut-être que c'était ce qu'il avait de mieux à faire.

Je haussai les épaules.

« Ce n'est pas toi qui devrait me consoler, me désolai-je. Je ne crois pas que tu aies réellement envie de me remonter le moral par rapport à mon petit... ex-petit-ami.

« Je n'aurais rien de bon à dire sur lui, en convint-il. Je déteste qu'il t'aie blessée.

Je lui offris un faible sourire.

« Tu veux être seule ou tu veux que je reste ?

« J'ai besoin d'être seule, répondis-je.

Il hocha la tête.

« Je finis de brancher la télé et je te laisse.

Je hochai la tête et m'allongeai sous la couverture, le regardant brancher puis programmer la télé. Une fois fait, il éteignit la télé, posa la télécommande son mon chevet et s'en alla. Emelyne vint me chercher pour que je mange quelque-chose, j'avais refusé, n'ayant pas faim mais elle avait insisté. Elle ne savait pas encore ce qu'il se passait, sauf si Hayden le lui avait dit.

Elle avait entrepris de me faire des pâtes à la crème et quand mon assiette fut pleine, devant moi, elle s'assit violemment sur sa chaise.

« Vas-tu me dire ce qu'il se passe ? Tu as mal à la tête ?

« Hayden ne t'a rien dit ?

Elle secoua la tête.

« Juste que tu étais peinée.

« Tyler m'a quittée.

« Quoi ?! Cria-t-elle avec surprise.

« Tout à l'heure, au téléphone.

Emelyne accusa le coup, elle comme moi ne pensions pas que cette situation arriverait.

« Il ne supporte plus la situation, lui rapportai-je.

« C'est qu'un con, l'accusa-t-elle. Il ne supporte pas de te perdre alors il te quitte... la veille de ton anniversaire ! Ça me débecte.

Elle grimaça pour appuyer ses dires.

« Dire que s'il avait répondu à l'un de mes messages, j'aurais demandé aux rois si je pouvais le rejoindre pour mon anniversaire, accompagnée de Demetri pour qu'ils soient sûrs que je n'ébruite pas leur secret et que je revienne.

« Demetri ? Pourquoi ? Pourquoi pas Hayden ?

Je lui lançai un regard qui voulait lui faire comprendre l'évidence.

« Parce qu'Hayden semble bien m'aimer, un peu trop, je n'allais pas l'emmener tenir la chandelle.

« Ouais, c'est logique, admit-elle. Et moi, alors ?

« J'y ai pensé aussi mais je pense que vu que tu es nouvelle dans le monde vampirique, tu ne pourrais peut-être pas prendre l'avion avec des dizaines d'hommes et femmes.

« Pas faux, rit-elle.

« Oh, je ne devrais pas rire, se rattrapa-t-elle. Désolée.

« T'inquiète.

J'avais 19 ans.

On était le 15 juin et c'était mon anniversaire, mais je ne me sentis pas différente, ni heureuse. La porte s'ouvrit avec fracas et Emy apparut tout sourire.

« Debout, la feignasse ! S'enjoua-t-elle.

« Emy, grognai-je. J'ai rien envie de fêter.

« Je t'avais promis une fête !

Je râlai d'autant plus.

« Je suis en plein désespoir, me plaignis-je. L'amour de ma vie m'a quittée... y a pas plus tard qu'hier. Aie pitié.

« C'est ta nouvelle année, je refuse que tu la débutes en étant triste et en culpabilisant parce que tu penses que c'est de ta faute s'il t'a quittée.

Elle monta sur le lit et se mit à califourchon sur moi tout en maintenant mon visage de ses mains pour me forcer à la regarder.

« Tamsyn, tu es ma meilleure amie, si Tyler n'a pas le cran de rester jusqu'au bout alors que tu as besoin de lui, moi je resterai, jusqu'au bout. Malgré ton défaut principal qui est que tu es trop sympathique pour qu'on t'en veuille longtemps.

Je souris.

« Est-ce que je peux regarder ? S'enquit Demetri avec un grand sourire.

Emy relâcha mon visage en se redressant, nous tournâmes la tête en même temps, le fusillant du regard.

« Pervers ! l'accusa Emy.

Il rigola.

« Debout, une longue journée d'anniversaire nous attend, ordonna-t-il.

« Vous avez préparé quoi ? Râlai-je.

J'adorai fêter mon anniversaire mais je n'avais pas le cœur à y participer cette année.

« Vous pouvez pas le fêter sans moi ? Demandai-je avec lassitude.

« Ça serait ridicule, refusa Emy.

Je grognai dans ma barbe.

« Allez, ça va te plaire, m'implora-t-elle.

« Quel est le programme ?

« T'es pas drôle, soupira-t-elle. Bien, je vais te le dire, sinon, tu vas continuer de refuser.

Elle se tenait toujours sur moi et commença à m'énumérer ce qu'elle avait prévu.

« Petit-déjeuner de folie, promenade dans la ville avec différents points de passage appelés Enola Parker, Audric Johnson, quelques amis de ton université, petit resto sympa, après-midi shopping à Boston, glace que tu pourras dévorer comme bon te semblera sans moquerie de ma part pour le quatre-heure, changement de ville pour une nouvelle balade et nouveau resto sympa.

« Woaw, tu m'as fait un sacré programme. Qui sont les invités ?

La promesse de revoir ma mère et Audric principalement et mes amis me remonta le moral immédiatement.

« Demetri, Hayden, moi, les meilleurs quoi, se vanta-t-elle avec un grand sourire.

« Très bien, disparaissez, je vais prendre ma douche et m'habiller.

Je pris mes habits du jour dans l'armoire et m'enfermai dans la salle de bain, il n'y avait toujours pas de verrou mais vu la force des vampires, ça aurait de toute façon été inutile mais personne n'était jamais venu me surprendre, je n'avais donc plus peur d'une situation fâcheuse. Je me glissai sous la pluie chaude de la douche et la laissais m'apaiser avant de me savonner.

Quand je rejoignis ma meilleure amie dans la cuisine, Hayden et Demetri s'y trouvaient également, debout autour d'une table où se trouvait un petit-déjeuner copieux, à la française. Un pain au chocolat, un croissant et deux tartines de beurre se trouvaient sur la table. Emy avait disposé des bougies qu'elle avait allumées sur le croissant et le pain au chocolat, ce qui me fit rire. Le micro-onde qui fonctionnait émit un ding et elle en sortit un bol de chocolat chaud qu'elle posa devant ma chaise habituelle.

« Mon petit-dej parfait, souris-je. Merci Emy.

Elle n'avait pas oublié à quel point j'avais aimé les petits-déjeuners qu'on nous avait servis lors de notre voyage scolaire en France, en seconde. Je la pris dans mes bras pour la remercier puis m'installai à table pour dévorer ce petit-déjeuner que j'avais hâte de manger. Ils m'imitèrent pour faire semblant de m'accompagner, les gars devant moi et Emy à ma droite. Tout sentait bon et j'avais envie de tout en même temps, je m'obligeai cependant à en profiter, même si je ne pouvais pas user de ma technique spéciale glace. Ce qui me rappela que j'en aurais une pour le goûter. Une glace à la menthe, décidai-je.

« Alors, ça fait quoi d'être plus vieille ? S'enquit Demetri.

Je haussai les épaules.

« Rien de plus qu'hier, lui répondis-je.

« Mise à part cette nouvelle ride, juste là, fit-il en montrant le coin de son œil.

Je levai les yeux au ciel face à sa blague ridicule mais il rit quand même.

« On ne m'a pas rendu ma carte bancaire, précisai-je. Ça va être compliqué pour la journée shopping.

« C'est ton anniversaire, me rappela Hayden. On utilisera notre argent.

« Vous comptez vous cotiser tous les trois pour mon shopping ?

« Non, rit Hayden. Quand je parlais de notre argent, je voulais dire celui du clan.

« Oh, mais, on a le droit de faire ça ?

« Chacun de nous peut utiliser l'argent du clan à sa guise, m'expliqua-t-il.

« Je fais partie du clan ?

« Par extension, oui.

« Extension de ?

Ça n'avait pas de sens.

« De moi, m'apprit-il en souriant. Tu es... mon amie.

Il haussa les sourcils en me souriant.

« Et celle de Demetri et la meilleure amie d'Emelyne, rappelai-je.

« Aussi, oui.

Je sentis un courant d'air frais sur ma nuque et une présence derrière moi, ce qui me fit tendre les muscles. Les regards de mes interlocuteurs étaient désormais derrière moi, Emy qui était assise à mes côtés s'était tournée sur sa chaise puis avait repris sa place initiale, renfrognée. Bien, il y avait un autre vampire derrière moi. Je me tournai et découvris Alec. Évidemment. Qui d'autre ?

« Bon anniversaire, humaine, me souhaita-t-il.

Je pouffai.

« Merci, vampire.

Il se décala afin que je n'ai plus à me tordre sur ma chaise pour le regarder. Il scruta chaque chose présente sur la table, lança un regard dégoûté sur le bout de croissant qu'il restait et qui arborait la marque de mes crocs. Il soupira d'un air désespéré devant mon repas.

« Tout cela sent bon mais l'idée même que ça aille dans ta bouche me dégoûte, avoua-t-il.

« Pourquoi, si ça sent bon ?

« Effet répulsif, l'odeur est bonne mais dans notre bouche, le goût est comme l'enfer. Imagine manger de la terre et tu auras une idée. Il suffit d'une fois pour que la vue de cette bouffe nous dégoûte pour l'éternité.

« Je vois.

« Bref, je vous laisse fêter ton anniversaire, Caïus m'a chargé de quelques petites choses, amuse-toi bien et prends-toi un cadeau de ma part.

« Merci Alec, le remerciai-je, tout sourire.

Je ne voyais pas souvent Alec, c'était peut-être la quatre ou cinquième fois et c'était toujours assez court mais il était sympa, en tout cas, avec moi parce qu'il avait superbement ignoré le reste du groupe. Apparemment, Hayden et lui ne s'entendaient pas si bien que ça, c'était cordial entre eux mais assez froid par rapport à l'amitié qu'Hayden et Demetri avaient. La fois dernière, quand Alec était venu pour discuter avec moi, j'avais eu l'impression qu'Hayden voulait l'envoyer promener mais il n'avait rien dit. J'avais mis son silence sur le fait que dans la hiérarchie du clan, Alec se trouvait au-dessus d'Hayden. Lui et sa sœur était un peu comme un prince et une princesse, probablement parce qu'ils étaient les plus jeunes, Aro les avaient positionnés au sein du clan comme s'ils étaient ses enfants.

Mon petit-déjeuner terminé, je me levai, pris mon bol et ma cuillère pour les enfourner dans le lave-vaisselle quand un mal de crâne aussi violent qu'inattendu me força à m'arrêter. J'entendis le bol se casser à mes pieds tandis que ma vue s'effaça, je me tenais la tête tandis que quelqu'un me prit par les hanches derrière moi. Je criai me laissant me faire tourner. Probablement Emy ou Hayden. La douleur était intense et les muscles de mon visage se tendirent dans une grimace.

« C'est violent, cette fois, s'inquiéta Hayden tout près de moi.

C'était lui qui me tenait. Mes jambes me lâchèrent et il dû me maintenir pour que je ne m'écroule pas, je le sentis me déposer au sol.

« Ça va passer, articulai-je.

« Tamsyn, m'appela Hayden.

J'entendis Emy hoqueté et faire quelques inspirations, comme si elle sanglotait.

« C'est rien, leur dis-je.

« On dirait que tu ne vois rien, s'inquiéta Hayden.

« Ça va passer, c'est rien.

« Stop, arrête, gronda Emy. Ce n'est pas rien, dis-lui, Tamsyn.

Je secouai la tête. Ma vue commença à revenir. Je voyais dans la pénombre le regard d'Hayden passer d'Emy à moi.

« Me dire quoi ? Demanda Hayden d'une voix sévère.

« C'est rien, insistai-je.

« Me dire quoi ? Répéta-t-il.

Je tendis mes muscles pour contrer la douleur cuisante produite dans mon crâne et ma vue s'éclaircit un peu plus jusqu'à revenir à la normale. Hayden avait l'air à la fois inquiet et en colère.

« Qu'est-ce que tu me caches ?

Je restai muette, lançai un regard suppliant à Emy pour qu'elle se taise. Ce n'était pas la fin, pas encore. J'avais encore du temps, mon état allait encore se dégrader avant que ça ne soit vraiment les derniers jours.

« Emy, qu'est-ce qu'elle ne me dit pas ?! Ragea-t-il.

« Non, refusai-je quand je la vis ouvrir la bouche mais elle ne m'obéit pas.

« Elle est mourante, révéla-t-elle. Elle a une tumeur, ce n'est pas soignable, elle va bientôt mourir. Il lui restait quelques-mois ou quelques semaines avant d'arriver ici.

Le grondement qui sortit de la poitrine d'Hayden était effrayant, tout autant que l'était son regard posé sur moi à cet instant.