Chapitre 19

Remettre Tyler sur le tapis, à ce moment précis, n'était pas la meilleure idée du siècle. Hayden était furieux et je savais que sa patience avait atteint ses limites.

« Je vais vraiment finir par te punir, me prévint-il.

Je frissonnai et baissai les yeux instinctivement. Ça faisait partie des trucs incompréhensibles qui m'arrivaient depuis que j'étais vampire. Dès qu'il me grondait, de vive voix ou avec son grondement, ma première réaction était de reculer ou de baisser les yeux ou de faire les deux. J'avais aussi reculé avec Alec, me souvins-je. Mais c'était pas le moment de comprendre pourquoi parce que je l'avais de nouveau fâché. Toujours pour la même raison : Tyler.

« Pardon, je n'ai pas réfléchi, m'excusai-je. J'y ai pensé et ça a dépassé mes lèvres. Je voulais dire qu'il faut que j'éclaircisse cette situation, je ne suis plus vraiment sûre de ce que je ressens depuis que... je t'ai regardé et... et qu'on s'est embrassés.

Mon explication le convint et je vis ses muscles et son visage se détendre. Je le regardai de nouveau dans les yeux et je sentis cette sensation comme quoi tout était à sa place et je dus refréner mes envies, qui je pensais étaient dues à mon côté instinctif, pour ne pas lui sauter dessus à nouveau.

« Tu ne vas pas essayer de revenir en arrière ? S'enquit-il.

« Comment ça ?

« Tu ne vas pas me dire qu'on devrait oublier ça, que c'était un moment de faiblesse ou toute autre sorte d'excuse à la con ?

« Non, dis-je en secouant la tête. Il y a quelque-chose entre nous, je suis bien obligée de l'admettre, je ne sais pas vraiment quoi, c'est pour ça qu'il faut éclaircir la situation.

Il hocha la tête, satisfait.

« Va faire ta demande aux rois, je t'accompagne.

« Ma demande ?

Un instant, je crus qu'il me demandait de demander les rois en mariage du coup ça me fit rire mais Hayden ne se préoccupa pas de ce que je pouvais trouver de drôle.

« Leur demander la permission d'aller voir ton ex-petit-ami pour t'assurer qu'il n'est pas ton âme-sœur. Donne-leur le truc de la thérapie pour les convaincre que ça ne créera pas de soucis. Tu viens de boire donc tu peux côtoyer les humains.

« On partirait si vite ?

« Je n'ai pas envie de faire traîner les choses, répondit-il. Tu as déjà mis ma patience à rude épreuve.

Je baissai les yeux et fit une grimace contrite. Il fut tout près la seconde suivante et plaça sa main contre ma joue, me faisant relever les yeux sur lui. J'aimais que sa peau soit plus chaude que la mienne.

« Ce n'est rien, ça me plaît que tu aies décider de clarifier les choses et que tu admettes qu'il y a un truc entre nous.

Rassurée, je lui souris et il fit glisser son pouce sur ma peau, me souriant lui aussi.

J'étais loin d'être sûre de moi quand je me retrouvai face aux rois dans la grande salle des trônes. Il y avait trois trônes dans la salle, à l'arrière, sur un plancher en bois relevé par rapport au sol en marbre. Une seule marche permettait de passer d'un niveau à l'autre et l'estrade faisait toute la longueur de la pièce. Le mur arrière formait une encoche faite d'angles dans l'axe des sièges royaux. Les pans de murs étaient décorés de rideaux et de tableaux et derrière le trône du centre était érigée une statue d'un roi ou de quelqu'un d'important que l'encoche semblait entouré.

« Tamsyn, s'enthousiasma Aro. Je suis heureux de te retrouver. L'immortalité te sied à merveille.

Je me rappelai de notre seule conversation, il m'avait dit ne pas vouloir me transformer, qu'il nous laissait régler ça entre nous. Il savait donc pertinemment qu'Hayden me transformerait dès que je lui aurais dit être mourante. C'était pourquoi il n'avait pas été fâché qu'Hayden me transforme sans permission.

« Vous saviez qu'il me transformerait dès qu'il saurait que j'allais mourir, annonçai-je.

Son sourire se fit grand.

« Navré que tu aies pensé avoir eu une chance, se désola-t-il.

Mais ça sonnait faux.

« Enfin, soupira-t-il avec joie. Alec m'a rapporté que tu manipulais les atomes, très impressionnant, j'ai pu avoir quelques exemples dans son esprit ainsi que dans celui de Demetri.

J'espérai qu'il n'avait pas vu le moment où je l'avais charmé ou bien qu'il n'en dirait rien à Hayden, il avait suffisamment à encaisser pour le moment.

« Que nous vaut votre visite ? S'enquit-il alors.

Les deux autres rois ne semblaient pas intéressés par la discussion. Marcus était perdu dans le vide et Caïus nous regardait d'un air peu avenant.

« Je voudrais bien retrouver mon p... ex-petit-ami, il se trouve que je suis perdue dans mes sentiments, un côté de moi pense qu'il est...

je jetai un regard vers Hayden qui ne montrait aucune émotion, parfaitement impassible.

« Mon âme-sœur, repris-je en me tournant à nouveau vers Aro.

Marcus releva la tête vers moi d'un air curieux ce qui me fit taire un instant mais je ne pouvais pas me focaliser sur ce qui l'avait subitement intéressé, il fallait que je les convaincs de me laisser partir quelques jours.

« Mais il y a un truc entre Hayden et moi, ce qui est vraiment embêtant si Tyler est bien mon âme-sœur. J'ai plein de doutes maintenant que je ressens... euh... et bien... des trucs pour Hayden.

Je gardai mon visage fixé sur Aro, ne voulant pas voir l'expression qu'affichait Hayden actuellement. Il pouvait tout à la fois être en colère pour la première partie de mon discours que satisfait par la dernière chose que j'avais dite. Je préférai croire qu'il avait choisi d'être satisfait. Aro me lança un sourire compatissant.

« Tyler est humain, je présume, tu comprends bien que cela ne soit pas possible, les humains ne doivent pas se rendre compte de notre nature, c'est la principale loi de notre monde et tu as changé.

« J'ai une excuse pour mes changements physiques, contrai-je. J'avais déjà les yeux noirs, ils ne sont donc pas un grand changement mais pour la pâleur de ma peau et sa froideur, je peux simplement dire que ces changements sont dû à une thérapie expérimentale qui a soigné ma tumeur.

Il ferma la bouche un instant puis me scruta.

« Bon, je suppose que je peux te laisser sortir une heure ou deux, accompagnée, évidemment. Demande à Demetri, je ne pense pas qu'il soit sage de laisser Hayden assisté à cette entrevue.

« Euh... une heure ou deux ne seront pas suffisantes.

Je sentis le regard colérique d'Hayden sur moi avant de le voir par moi-même. Mon instinct l'avait ressenti et j'avais tourné la tête pour vérifier. Il ne savait peut-être pas que Tyler n'était pas à Salem.

« Tamsyn, gronda Hayden. Ne demande pas plus que je ne le supporterai.

J'imaginais alors que ça allait être un problème si, face à Tyler, je réalisai qu'il était effectivement mon âme-sœur.

« Une heure sera probablement suffisante pour discuter et voir s'il y a ce truc mais le trajet va durer 8h pour l'atteindre. Il est retourné chez son père, expliquai-je.

Aro avait perdu son sourire, ça n'allait pas être bon.

« Ça va m'être difficile de vous laisser partir, m'annonça Aro. Il faudra au moins deux vampires t'accompagnant et j'en ai envoyé pas mal en mission, il n'est jamais bon de ne pas être assez nombreux.

Je grondai.

« Tamsyn, fit Hayden d'une voix menaçante.

Je coupai le grondement instantanément. Caïus me fusillait du regard et je le vis sur le point de dire quelque-chose mais mon expression désolée lui fit renoncer. Il soupira à la place. Un point pour mon charme magique.

« Pourrais-tu attendre ? Ou peut-être que je pourrais envoyer quelqu'un pour l'amener ici et le remettre dans l'avion ensuite, où est-il ?

« A Forks, dans l'état de Washington, sa mère est malade, il est parti à son chevet.

« Forks, dis-tu ? S'enthousiasma Aro. Je connais bien Forks, cela change tout !

Qu'y avait-il à Forks pour qu'il soit si enthousiaste ? Tyler n'en parlait qu'en mal, un petit trou paumé dans un plus grand trou paumé. La seule chose qu'il y avait à faire à Forks était de se protéger de la pluie.

« Prends Hayden et Demetri avec toi, décida-t-il.

« Hayden, l'interpella Aro en se tournant vers lui. À Forks vit le clan Cullen, c'est le clan le plus nombreux après le nôtre, ils ont aussi une vampire hybride, mi-humaine mi-vampire et ils disposent d'amis prêts à les soutenir contre nous. Rendez-leur une visite de courtoisie et essayer d'en savoir plus sur ce qu'ils font et sur leurs intentions. Prenez aussi Emelyne, elle n'est d'aucune utilité, chargez-vous de son entraînement le temps que vous serez là-bas.

Les Cullen ? Ce nom me disait quelque-chose mais je n'arrivais pas à me souvenir d'eux. Je savais que je n'avais jamais quitté Salem hormis les voyages scolaires et quelques journées shopping à Boston mais aucun de ces voyages ne m'avait amenée de ce côté-là des Etats-Unis. Tyler les connaissait peut-être et m'en avait parlé, ça devait être pourquoi je me souvenais de ce nom.

Ce fut dans le couloir que ça me revint. Une famille d'ados étranges avec la même pâleur de peau qu'Hayden – et moi, maintenant. Tyler avait déjà côtoyé des vampires sans le savoir, donc. Ce qui était un risque pour mon excuse de thérapie mais je décidai de ne rien dire pour pas qu'ils annulent ce petit voyage.

De retour dans ma chambre, j'avais repris une douche et m'était changé pour quelque-chose de plus confortable. Je portais désormais un jean avec une ceinture blanche et un débardeur qui s'arrêtait sous le nombril. Je vérifiai enfin mon téléphone, j'écoutai le message de ma mère qui me souhaita un bon anniversaire, je lui répondis par sms, m'excusant de ma réponse tardive. J'avais trois sms d'Audric, un pour mon anniversaire et les deux autres parce que ni lui ni ma mère n'avaient de nouvelles de moi. J'avais pas mal de « bon anniversaire » de mes amis mais aucun de Tyler qui datait de mon anniversaire par contre, il m'en avait envoyé deux quelques jours plus tard, chacun avec un jour de décalage :

J'ai réfléchi à si je devais ou non te souhaiter un bon anniversaire toute la journée du 15
mais la journée est passée sans que je sache si c'était une bonne ou une mauvaise chose.
Pour toi, évidemment. Je m'en veux de t'avoir blessée et j'ai l'impression d'avoir fait
la plus grosse connerie de ma vie parce que je t'aime toujours.

Je comprends que tu ne veuilles pas me parler, j'ai été minable.
Je regrette tellement, Tammy.
Pourrons-nous parler à mon retour ? Je reviens le 28 juin, j'ai des examens le 30.
Tu avais promis d'être toujours là, j'espère que ça ne changera pas.

Il avait toujours des sentiments pour moi et regrettai de m'avoir quittée, tout n'était pas perdu, du moins, s'il était mon âme-sœur. Je décidai de ne pas lui répondre, même si je l'aimais toujours et que ses messages me faisaient plaisir, j'étais tout de même vexée qu'il m'aie quittée par téléphone, la veille de mon anniversaire en me rejetant la faute parce que j'avais eu l'audace d'être mourante. S'il était mon âme-sœur, il allait quand même ramer pour m'obtenir de nouveau.

J'avais bouclé ma valise, très enthousiaste à l'idée de quitter le château. J'en étais venue à me demander s'il existait toujours un monde à l'extérieur. Hayden vint me chercher dans ma chambre et me tendit une cape avec une paire de gants à ajouter dedans. J'ignorais pourquoi parce que le soleil ne semblait pas nous brûler, Hayden était sorti en plein jour avec moi et sa peau n'avait même pas fumée. Ça n'était pas arrivé pour Demetri et Alec, non plus.

« Pourquoi la cape et les gants ? M'enquis-je en refermant la valise.

On était en juin, tout de même, en été depuis la veille, qui plus est donc ça n'était pas pour le froid.

« Pour le soleil, répondit-il.

« Tu n'as pas grillé quand on sortait.

« Le soleil a un autre effet, je te montrerai quand il n'y aura pas de nuage.

Il n'y en avait pas ce soir mais il faisait déjà nuit donc je n'aurais pas le luxe de le découvrir. Nous rejoignîmes Demetri et Emy qui nous attendaient près de la fontaine de mon ancêtre avec leur valise à leur côté. Emelyne affichait un sourire joyeux, j'imaginais qu'elle était toute aussi enthousiaste à l'idée de sortir. L'idée que nous allions à l'autre extrémité du pays me remplissait de joie. J'emportais Hayden, ma meilleure amie et Demetri avec moi, ce mois allait être comme des vacances. Seule ombre au tableau : Emy perdit son sourire dès qu'elle me vit.

Dans l'avion, Hayden m'avait attribué le côté hublot et Demetri avait fait de même pour Emy. Je supposai que c'était pour avoir le temps de nous rattrapée au vol si nous décidions de nous jeter au cou d'un passager ou de l'hôtesse. Hayden avait posé sa main sur l'accoudoir et je décidai de ne pas aller contre l'envie de la lui prendre. Quand il réalisa ce que je voulais faire, il la décala pour joindre nos doigts ensemble. J'activai mon radar à particules pour regarder nos auras se mélanger. Je ne voyais pas le foulard aérien qui nous reliaient, ce qui me semblait étrange mais je le repérai en tournant la tête, il reliait nos auras entre nos bras. Le chemin le plus court, donc. Il tourna la tête pour voir ce que je regardais mais comme il ne voyait rien, il se remit en place.

Les derniers passagers venaient de monter à bord et s'installaient dans leurs sièges puis j'entendis la portière se fermer. Une hôtesse vint se mettre à l'avant de la rangée de sièges et quand le pilote se mit à parler, elle fit des gestes pour expliquer tous les trucs de sécurité. Le moteur de l'avion vrombit et je me crispai, serrant la main d'Hayden dans la mienne.

« Tu es un vampire, me dit-il d'une voix très basse. Il ne peut rien t'arriver.

« Tu...

J'avais parlé trop fort, je ne voulais pas que les humains entendent.

« Tu as déjà subi un crash d'avion ? Lui demandai-je d'une voix assez faible.

« Non, rit-il. Mais ça ne nous tuera pas, au pire, on sera réduit en morceaux mais on se recollera.

Je lui lançai un regard effrayé.

« Mon dieu, j'ai encore plus peur maintenant.

« Si on se crash en morceaux dans les flammes, on va crever, intervint Demetri.

« Espérons qu'il y aura des flammes, alors, soupirai-je, toujours de façon inaudible pour les humains. Je ne veux pas avoir des morceaux de moi... loin de moi.

L'avion commença à bouger et je fis cesser mon don parce que j'avais peur des interférences. Je n'étais peut-être pas un téléphone mais on n'était jamais trop prudent. Hayden caressait la peau qu'il pouvait toucher avec son pouce et j'aimais peut-être un peu trop le contact pour mon propre bien.

Nous avions, selon nos billets, 6 heures et 23 minutes de vol pour arriver à Seattle, ce qui était suffisamment long pour une crise existentielle. Maintenant que j'étais un vampire, qu'allais-je faire de ma vie ? Parce que l'éternité, c'était plutôt long. Ça avait quelque-chose d'effrayant de se dire que je n'allais probablement jamais mourir. Une éternité à vivre avec les Volturi qui ne possédaient non pas un mais trois rois, tout de même. Trop de chefs à contenter. J'avais déjà bien assez à faire pour contenter Hayden et je n'étais pas très douée. Et puis pourquoi diable voulais-je le contenter ? J'étais instinctivement docile avec lui, ce qui, quelque-part, m'embêtait grandement. Je n'avais jamais été rebelle, je ne pensais même pas avoir fait de crise d'adolescence, mais je ne m'étais jamais laissée marcher sur les pieds, j'avais un caractère facile, étant sociable, sympa et tout ça mais je ne me serais probablement jamais qualifiée de docile dans ma vie humaine.

« Hayden ? L'appelai-je d'une voix faible pour lui signifier que notre conversation devra rester secrète aux humains.

« Oui Tamsyn ?

Bien, il avait compris, il répondait sur le même ton.

« Pourquoi je suis particulièrement docile avec toi ? Genre, il suffit pour que tu me grondes pour que je recule ou baisse le regard et je ne pouvais pas t'attaquer alors que j'en avais bien envie.

Mon honnêteté pourrait être ma perte, un jour, je venais encore de lui avouer que j'avais voulu l'attaquer. Enfin, il n'avait rien dit non plus quand je lui avais dit que je voulais le tuer. Peut-être qu'il finira par prendre peur si je continuais de le lui répéter.

« Parce que je suis ton créateur, m'expliqua-t-il. Ça n'est pas toujours aussi simple avec les nouveaux-nés, certains ont des caractères plutôt dissidents et on a besoin de se montrer plus fermes et moins flexibles avec eux. Je suis content que ton caractère soit facile. Ça n'a pas été aussi simple avec Emelyne.

« Pourtant, elle n'était pas contre la transformation.

« Ça ne veut pas dire qu'elle accepte l'autorité, de plus, c'est Aro qui l'a créée et il ne s'occupe jamais des nouveaux-nés donc ouais, ça a été compliqué pour nous mais elle en a chié aussi.

Il termina sa phrase par un rire.

« Va te faire foutre, entendis-je Emy derrière moi.

« Tu veux une autre punition ? Contre-attaqua-t-il. Ce n'est pas parce qu'Alec et Jane ne sont pas là que tu ne peux pas en avoir. J'ai plein d'idées de punitions marrantes, si tu veux.

« Désolée, soupira-t-elle agacée.

« C'est Alec et Jane qui punissent les vampires ?

C'était pas étonnant qu'Emy le déteste.

« Pas toujours mais leurs dons sont pratiques pour ça.

« Le don d'Alec ne m'a pas fait flipper, quand il l'a utilisé pendant ma transformation, lui appris-je. Mais pendant le test, à la fin, je m'étais demandée s'il ne m'avait pas poignardée.

« Tu savais que sans son don, tu souffrirais, c'était donc préférable d'être un esprit flottant.

« Pourquoi j'ai pas eu le droit à ça, moi ? Grommela Emy.

« Il n'aime pas grand monde et il déteste les humains, ça ne l'embête pas qu'ils souffrent pendant trois jours mais curieusement, il a eu pitié de Tamsyn ou alors c'était un cadeau d'anniversaire.

« Il t'aime bien, fit Hayden à mon attention. Je ne pense pas que ça soit uniquement dû à la diffusion latente de ton don, je pense que c'est parce que tu t'es montrée sympathique avec lui sans faire semblant pour éviter d'être tuée ou parce qu'il te plaisait.

« Il me plaît pas, me défendis-je.

« Je sais, c'était un exemple, mais ravi de ne pas l'ajouter à la liste de mes concurrents.

Je souris et regardai par le hublot. Les lumières de la ville que nous survolions offraient un joli spectacle.

« J'avais reculé aussi, quand Alec m'a grondé dessus, pourtant il n'est pas mon créateur.

« Il est plus haut que moi dans la hiérarchie, tu le sais instinctivement. Ton instinct savait que tu ne devais pas l'attaquer, tu aurais pu mais pas sans conséquences.

« Je vois, soupirai-je. Ne puis-je donc jamais vous tenir tête ?

« J'imagine que si tu as une raison suffisante, tu pourras vouloir passer outre. Mon autorité prévaudra celles des autres, y compris celle des rois parce que je suis ton créateur mais tant que je ne donne pas d'ordre contraire, tu respecteras l'autorité de mes supérieurs de façon instinctive. C'est pareil pour moi, l'autorité d'Aro prévaut celles des autres puisqu'il est mon créateur et comme il m'a placé en-dessous d'Alec et Jane, je suis de toute façon forcé de respecter la leur ainsi que celles de Marcus et Caïus, évidemment.

« Tu es le chef de la garde, c'est ça ?

« C'est ça, depuis 9 mois environ, je remplace l'ancien, Félix qui a été tué. C'était lui qui s'était chargé de mon entraînement avec Demetri et les jumeaux. Il n'avait pas de don mais il avait une force immense.

« Pourquoi c'est toi qui est devenu le chef de la garde ? Genre si Demetri t'a entraîné, il était là avant toi et je suppose que plein d'autres aussi.

« Mon don, expliqua-t-il, il est plutôt utile pour faire accepter mon autorité sur les récalcitrants.

« Donc jamais personne ne pourra m'obliger à me retourner contre toi, il n'y a pas plus fort que le lien de création ?

« Le lien d'âme-sœur est plus fort, m'apprit-il.

« Donc mon âme-sœur pourra me délier de toi ?

Il me fixa d'un air amusé.

« Oui, il pourra te délier de moi, m'annonça-il avec un grand sourire.

Génial. Ça pouvait être une bonne chose que Tyler ou n'importe qui d'autre soit mon âme-sœur, comme ça je me débarrasserai de ce lien de création et je pourrais lui botter les fesses et comme j'avais appris plus tôt qu'on pouvait se recoller, j'allais lui arracher quelques membres. Décidément, la colère ne me quittait pas mais je pouvais carrément vivre avec, ça ne m'empêchait pas d'être sympa avec mon créateur. Très sympa même, en repensant à notre baiser. Foutu lien de création, c'était ça, le truc entre nous qui me faisait douter à propos de Tyler, il avait tout prévu, l'enfoiré. J'étais soudain très contente que ça ne soit pas Aro qui m'aie transformé et je me demandai si Hayden ressentait les mêmes trucs pour Aro, parce que ça serait drôle de le voir sur ses genoux.

« Qu'y a-t-il de drôle ? S'enquit Hayden.

Oups. J'avais rigolé bruyamment. Un des humains de l'allée centrale s'était retourné. Ils devaient me prendre pour une folle avec mon rire sorti de nul part.

« Je pense que me sortir de l'asile était une mauvaise idée, lâchai-je d'une voix normalement audible pour les humains.

Et je rigolai encore. Hayden me lança un regard interrogateur mais fut pris par un rire lui aussi, il secoua la tête.