Chapitre 3 : Confidences
Hermione se trouvait attablée avec ses deux meilleurs amis lorsqu'elle sentit qu'Harry ne prêtait plus attention à leur conversation.
- Harry?
- Hum?
- On peut savoir ce que tu regardes?
Sa question sembla le réveiller car il tourna son attention vers elle avec un air gêné. Ron lui les regardait avec incompréhension. Hermione fixa le brun qui se faisait tout petit et se tourna pour comprendre. Elle ne mit pas longtemps à repérer Malfoy et aussitôt, elle regarda Harry avec un air de reproche.
- Harry, je t'ai déjà dit que...
- Je sais Mione! Mais j'en suis certain, il est devenu l'un d'entre eux. Tu dois admettre qu'il n'agit pas comme d'habitude depuis le début de l'année! Il ne nous insulte plus, il nous évite même!
Ron but une rasade de bièraubeurre et prit part au débat.
- Ben je vais pas m'en plaindre moi...
- Peut être parce que son père a été enfermé, non? Ca me semble être une très bonne raison. Et excuse-moi de te le dire Harry, mais ce n'est pas la première fois que tu as des certitudes. En première année, tu pensais que Rogue voulait la pierre philosophale et en deuxième année tu croyais déjà que Draco avait ouvert la chambre. En troisième année, tu étais persuadée que Sirius voulait te tuer, en quatrième année tu accusais Karkaroff d'avoir mis ton nom dans la coupe, et l'année dernière...
Hermione s'interrompit à temps. Elle allait lui dire qu'il avait pensé que Sirius était en danger mais ça aurait été cruel et injuste pour son ami. La gryffondor se sentait toujours sur la défensive quand Harry abordait ce sujet. Même si elle était loin d'être amie avec Malfoy, elle ne pouvait s'empêcher de le défendre face aux accusations du Survivant. Voyant qu'elle ne lâcherait pas l'affaire, Harry leva les mains pour faire signe qu'il abandonnait et ils reprirent une discussion sur un autre sujet.
En sortant du pub bien chauffé, Hermione frissonna malgré son manteau. Elle avait toujours adoré la neige mais elle avait hâte de rentrer auprès du feu de leur salle commune. Avec ses deux meilleurs amis, elle prit le chemin du château en riant jusqu'à ce qu'ils entendent un cri. Ils se regardèrent avant de courir vers la personne qui avait appelé à l'aide. A quelques mètres d'eux, Katie Bell, une 7e année de Gryffondor était étendue dans la neige. Son amie se tourna vers eux, semblant sous le choc.
- Je l'avais avertie! Je lui avais dit de ne pas le toucher!
Avant qu'ils puissent rejoindre Katie, ils la virent être agitée par une force magique au sol avant qu'elle ne s'élève dans les airs, les yeux écarquillés. C'était terrifiant à voir, les quatre étudiants restaient plantés sur place à l'observer sans savoir quoi faire. Après quelques instants, la jeune fille tomba brutalement au sol. Avant qu'ils n'aient pu la rejoindre, Hagrid débarqua et prit avec délicatesse l'adolescente pour l'amener au château. Hermione tourna son attention vers la boîte renversée et s'approcha pour regarder le collier d'opale qui avait atterri dans la neige. De toute évidence, il était ensorcelé, mais qui aurait pu utiliser une telle magie ici? Elle eut l'impression qu'une chape de plomb lui tombait sur les épaules et sa gorge se noua quand une réponse lui vint immédiatement. Non, il n'aurait pas osé... Katie était une fille sympa et innocente! Pourquoi s'en prendrait-il à elle? Malheureusement, leur convocation chez la professeure McGonagall confirma ses soupçons quand elle leur annonça que le collier était destiné au professeur Dumbledore. Autant une attaque contre Katie Bell avait peu de sens, autant il n'était pas étonnant que Dumbledore soit une cible de Voldemort et de ses adeptes. En sortant du bureau de la directrice des Gryffondors, Harry réitéra ses suppositions sur le serpentard et quelque chose craqua en elle.
- Stop Harry! Je sais qu'il est insupportable mais de là à provoquer la mort de quelqu'un, il y a un monde! Tu ferais mieux de te concentrer sur la façon dont tu peux obtenir le souvenir de Slughorn au lieu de perdre ton temps à surveiller Malfoy!
Elle planta là les deux gryffondors stupéfaits et se dirigea instinctivement vers les toilettes où elle retrouvait Malfoy depuis plusieurs semaines. Il était étrange de penser que cet endroit était devenu une sorte de refuge pour elle aussi. Mais là, elle cherchait surtout à déverser sa colère. Elle avait prétendu à Harry que le blond était innocent mais elle savait pertinemment qu'il n'y avait que lui qui avait pu faire ça. Elle entra en trombe dans la pièce et serra les poings en le voyant tranquillement assis là. Si elle avait été moins énervée, elle se serait attardée sur le fait qu'il semblait vraiment mal mais elle avait besoin de lui dire ce qu'elle pensait de tout ça.
- On peut savoir à quoi tu joues Malfoy? Qu'est-ce qui t'a pris de faire ça? Et dire que je pensais que tu avais commencé à changer! Je te savais beaucoup de choses, mais sûrement pas un tueur! Tu réalises que tu es en train de foutre ta vie en l'air? Et tout ça pour quoi? Pour obéir à un mage noir totalement fou et à ses sous-fifres qui veulent commettre un génocide!
Draco se redressa souplement pour être à sa hauteur, toute son attitude transpirant la fureur. Il se rapprocha d'elle tout en parlant.
- Je ne t'ai rien demandé Granger! C'est toi qui t'es imaginé que je pouvais et surtout que je voulais changer! De quel droit tu viens me donner des leçons? C'est facile pour toi! La gryffondor née-moldue et meilleure amie de "Celui-qui-a-survécu", ta route est toute tracée! Et même sans ça, tu AS le choix! Tu crois que j'ai voulu tout ça? Que ça m'amuse de lécher les bottes d'un taré, de le regarder se pavaner dans le salon de mes parents qui s'écrasent devant lui? Je n'aime peut être pas le vieux fou mais je n'ai pas envie qu'il meurt! Surtout qu'il est probablement l'un des seuls qui puisse vaincre Tu-sais-qui! Mais dans mon monde, le choix n'existe pas! Si je ne lui obéis pas, c'est ma mère qui en fera les frais!
Il termina sa tirade à quelques centimètres d'elle en la dominant de sa stature. Ils s'affrontèrent du regard un instant avant que celui d'Hermione ne s'adoucisse.
- Je ne savais pas...
- C'est bien le problème Granger, tu parles beaucoup en oubliant que tu ne sais pas tout, cracha-t-il avec colère.
Elle grimaça en l'entendant mais ne protesta pas.
- Je suppose que là dessus tu as peut être raison... Mais tu te trompes sur un point. Tu as le choix, comme tout le monde. Ta mère et toi vous pourriez partir...
Il rit jaune en l'entendant et secoue la tête en la considérant presque avec pitié.
- Partir? Tu penses vraiment que c'est si simple?
Elle haussa les épaules et s'installa contre le mur en lui faisant signe de venir près d'elle.
- Pourquoi tu ne me raconterais pas dans ce cas?
A sa proposition, il la considéra avec surprise. Elle pensait vraiment qu'il était assez bête pour tout lui raconter comme ça? Sans doute l'était-il puisqu'il envisageait sérieusement cette possibilité. En fixant son regard plein de compassion et d'honnêteté, il craqua malgré lui. De toute façon, ce poids devenait trop difficile à porter et il sentait qu'il devenait fou à tout garder pour lui. Il se laissa glisser près d'elle en marmonnant.
- Tu me fais vraiment faire n'importe quoi Granger... Admettons que j'accepte, qui me dit que tu n'iras pas tout raconter à Potty et la belette?
Elle leva les yeux au ciel aux surnoms qu'il employait.
- Pour la même raison que je ne leur ai pas raconté nos... entrevues ici. Et parce que je t'en fais la promesse. Ca fait plus de 5 ans qu'on se connaît, tu dois savoir maintenant que je suis du genre à tenir ma parole.
- Même si ce que je te raconte est crucial pour l'Ordre?
Elle prit le temps d'y réfléchir pour lui montrer qu'elle était sérieuse puis approuva d'un signe de tête. Cela lui donnait un peu l'impression de passer un pacte avec le diable mais s'il fallait ça...
- Si tu m'accordes ta confiance en me racontant tout ça, alors je ne dirais rien sauf si tu m'y autorises.
Il l'observa un moment avec circonspection puis se décida à lui faire confiance. Ce fut comme s'il avait ouvert les vannes de son passé sans bouton d'arrêt. Il commença par lui raconter son enfance comme seul héritier Malfoy, pour qu'elle comprenne comment il en était arrivé là.
- Après ma naissance, mon père était ravi d'avoir un garçon, c'était l'idéal pour perpétuer notre famille. Il a vite laissé mon éducation à ma mère mais il était quand même présent, il m'offrait des tonnes de choses. Ma mère, elle... C'était différent. Elle me donnait de l'amour, elle me parlait de plein de choses du monde sorcier mais aussi du monde moldu. Un jour, elle m'a fait lire un livre moldu que sa soeur lui avait offert des années auparavant. Pas Bellatrix bien sûr, Andromeda. J'avais beaucoup aimé mais quand mon père l'a trouvé, il était furieux. Il n'a pas frappé ma mère mais même si je n'avais que 6 ans, je savais qu'il en avait envie. Mais il ne s'est pas fâché contre moi, au contraire, il a commencé à passer énormément de temps avec moi. Il me montrait comment le monde fonctionnait et notre rôle au coeur du pouvoir. Il m'a expliqué que les sang-purs étaient supérieurs aux autres, que c'était normal parce que notre sang était entièrement magique, contrairement aux sang-mêlés. Eux, on pouvait les tolérer, même les côtoyer si c'était utile, mais pas plus. Puis il m'a parlé d'une famille sang-pur de France qu'on connaissait bien. Je m'entendais bien avec leurs enfants et il m'a dit qu'ils avaient un autre fils. Je lui ai demandé où il était et il m'a raconté que des moldus lui avaient volé ses pouvoirs pour qu'un de leurs enfants prenne sa place. Et il a continué à me raconter ce genre d'histoire, à m'expliquer pourquoi les moldus et les nés-moldus sont inférieurs et pourquoi on doit les mépriser. Honnêtement, j'y croyais encore l'année dernière, ça me semblait évident. Et puis je suis arrivée à Poudlard... Au début, je ne connaissais pas tes origines alors je te faisais chier parce que ça me faisait bien rire de voir la tête de Potter et Weasley. Mais j'ai moins rigolé quand j'ai su que tu étais née-moldue. C'était dégueulasse qu'une enfant qui avait volé sa place à un vrai sorcier soit meilleure que moi! Mon père aussi était furieux, je crois que c'est là que j'ai reçu mes premiers coups de canne. Je t'en voulais pour ça alors l'année suivante, j'ai décidé de te remettre à ta place de sang... de née-moldue. Tout était prétexte à me moquer de toi, à te rabaisser. Tu n'as jamais plié, ça me rendait dingue. En plus tu contredisais tout ce que mon père me racontait... Mais je continuais du croire. Et puis il y a eu l'été avant la quatrième année...
Pour la première fois, Hermione l'interrompit avec un mince sourire.
- J'avais raison alors... Tu as essayé de nous avertir.
Draco leva les yeux au ciel à sa remarque.
- Ne te fais pas d'idées Granger. Je vous détestais toujours, mais je ne voulais pas pour autant avoir ta mort sur la conscience. J'ai toujours admiré mon père, c'était mon modèle. Mais tuer des gens, ça... C'était trop. Même si ma mère s'est un peu effacée pour laisser mon père me donnait la "bonne" éducation, elle m'a donné certains principes. Que quelqu'un soit inférieur ne veut pas dire qu'il faut le tuer. Et à la fin du tournoi, il y a eu le retour de Tu-sais-qui... J'ai... j'ai commencé à avoir peur. Mon père faisait ces réunions avec tous ces dingues qui vénèrent la pureté du sang et veulent prendre le pouvoir sur les moldus. Et puis on discutait avec Blaise et les autres... C'est là que j'ai commencé à me dire que la pureté du sang n'était peut être pas si importante. Je te préviens, je ne suis pas pour autant un fan des moldus comme la bande Weasley! Mais ça me va très bien que chacun reste dans son monde.
- Et... les nés-moldus?
- J'y viens, laisse-moi le temps! Ca me fait mal de l'admettre mais disons que tu as participé à mon... changement d'opinion. Il est clair que tu es bien plus douée avec une baguette que Weasley ne le sera jamais en une vie.
Hermione rosit au compliment, pas habituée à ce que Malfoy la flatte, et il enchaîna rapidement.
- Bref, même si les moldus sont toujours des lourdaux arriérés pour moi, je m'en fous que les sorciers aient le sang pur, mêlé ou moldu. Après, je ne vais pas non plus m'en vanter. Maintenant, passons à ce qui t'intéresse...
Hermione leva la main pour qu'il fasse une pause.
- Attends... Oui ça m'intéresse, mais honnêtement, je suis contente que tu m'aies raconté tout ça sur ton enfance... Je ne pensais pas qu'on vous martelait le crâne comme ça, même si je me doutais qu'il y avait de ça. Et... je suis touchée d'avoir un peu contribué à changer ton opinion sur le sujet.
Le jeune homme eut un petit rictus en entendant sa dernière phrase.
- Je te rassure Granger, je trouve toujours que tu es une Miss-je-sais-tout insupportable, j'ai juste rayé l'adjectif "sang-de-bourbe".
Elle émit un petit rire en secouant la tête.
- Et je trouve toujours que tu es un petit con arrogant, j'ai juste rayé l'adjectif "suprémaciste".
Ils échangèrent un regard amusé avant que Draco ne se reprenne.
- Bref, passons à la suite...
