Fare thee well-Rob Benedict's cover


Scott avait un peu perdu la notion du temps et ne se souvenait plus de l'heure exacte à laquelle ils étaient partis. Tout ce qu'il pouvait constater était qu'il faisait désormais nuit dehors mais que Steve, au volant, ne semblait pas ressentir une once de fatigue. Durant une bonne partie du trajet, Scott avait harcelé le soldant de toutes sortes de questions concernant les années qu'il avait manquées en étant bloqué dans le monde quantique. L'Avenger originel y avait presque toutes répondu, étant de temps en temps un peu plus mal à l'aise lorsqu'il s'agissait des relations catastrophiques entre les autres qui, pour certaines, s'étaient détériorées jusqu'au point de non-retour. Mais il avait néanmoins fait son possible pour informer son acolyte quant aux événements majeurs survenus durant son absence prolongée.

Steve s'engagea dans une large allée qui débouchait sur le manoir le plus impressionnant que Scott ait vu de toute sa vie. Malgré l'heure avancée, quelques lumières du rez-de-chaussée et du premier étage étaient encore allumées, indiquant une présence à l'intérieur. Steve alla se garer près de l'immense double porte d'entrée en faisant crisser les pneus sur le gravier, puis les deux hommes quittèrent la voiture en claquant les portières derrière eux. Ils marchèrent ensuite en direction de l'entrée, Scott se sentant particulièrement minuscule face à l'imposante bâtisse qui les surplombait. Le soldat frappa trois coups contre la porte et attendit quelques instants.

–Il n'est pas un peu tard pour se pointer dans un endroit pareil ? questionna Scott en fourrant ses mains dans ses poches, l'air de la nuit état frais. On ne risque pas de déranger les propriétaires ?

–Ne t'en fais pas, lui assura Steve en toquant à nouveau, et ils entendirent des petits pas précipités venant de l'autre côté de la porte. C'est le genre de lieu ou tout le monde est toujours le bienvenu, précisa-t-il tandis que la porte s'ouvrit sur un petit garçon vêtu d'un pyjama bleu ciel aux motifs de fusées et de planètes, et le soldat s'abaissa à sa hauteur en souriant en le voyant. Salut bonhomme, lui lança-t-il, et sous le regard curieux et intrigué de Scott, l'enfant se jeta dans ses bras en riant.

–Steve ! s'exclama-t-il d'un ton joyeux en enroulant ses petits bras autour de son cou. Je suis content de te voir ! ajouta-t-il en s'écartant un peu afin de le regarder dans les yeux.

–Moi aussi, mon grand, lui répondit l'homme en ébouriffant gentiment son épaisse tignasse blond cendré. Dis-moi, est-ce que tu crois que mon ami et moi pouvons entrer ? lui demanda-t-il en désignant Scott debout derrière lui, qui adressa à l'enfant un signe de la main accompagné d'un « Hey » amical.

Le petit garçon les examina tour à tour avec attention, puis il s'écarta afin de les laisser passer, avant de s'élancer dans le corridor avec entrain. Steve se redressa et épousseta ses genoux avant d'entrer, suivi du brun, qui referma derrière eux. Immédiatement, ils furent transportés dans une tout autre ambiance, assez chaleureuse. Les murs intérieurs du manoir étaient en bois et de grands tableaux les décoraient. Des portraits, plus précisément, de visages que Scott se souvenait avoir vus à la télévision et dans la presse, et il qu'il reconnut comme étant des mutants célèbres. Il comprit donc qu'ils se trouvaient dans la demeure de feu Charles Xavier, où une douce mélodie flottait dans les couloirs, donnant à l'endroit un air sorti du temps.

« If I had wings… Like Noah's dove… I'd fly up the river… To the one I love… Fare thee well, oh honey… Fare thee well… »

L'enfant semblait connaitre les lieux dans tous ses recoins tant il guidant les deux hommes avec aisance et spontanéité. La mélodie qui retentissait était accompagnée de quelques accords de guitare, et la combinaison des deux demeurait parfaite. Scott trouvait cela à la fois doux mais puissant, et plaisant à écouter. Il aurait pu passer des heures ici, caché dans un coin, profitant en silence de cette belle chanson.

« I knew a man… Who was long and tall… He moved his body… Like a cannon ball… Fare thee well, oh honey… Fare the well… »

Ils ne tardèrent pas à déboucher dans une pièce plus chaleureuse encore, où plusieurs enfants de tout âge étaient installés sur une épaisse moquette brune près d'un feu crépitant dans une ancienne cheminée. Plusieurs adultes étaient également présents, soient confortablement installés dans des fauteuils soit appuyés contre l'un des murs de la pièce. Scott reconnut l'homme qui les vit entrer -un grand gaillard aux cheveux châtain et à la barbe parfaitement taillée qui croisait les bras, mais qui fut surpris de les voir débarquer, sans pour autant prononcer le moindre mot. Il s'agissait de Bobby Drake, l'un des premiers mutants ayant rejoint le groupe des X-Men après que ses membres originaux se soient temporairement perdus de vue. Ce dernier se contenta de sourire avant de reposer les yeux sur la femme assise au milieu de coussins et qui tournait le dos à Steve et Scott. Cette dernière tenait une guitare entre ses mains et avait un très beau carré ondulé couleur acajou qui luisait sous la douce lueur des flammes, créant des reflets roux. C'était elle qui chantait si bien.

–One of these days, it won't be long, you'll call my name… And I'll be gone… Fare thee well, oh honey… fare thee well… fare thee well…

Scott était bluffé par le calme olympien dont faisaient preuve les enfants face à cette femme qui savait visiblement capter l'attention de tous avec un rien. Et sa voix demeurait si envoûtante que Scott se laissa volontiers bercer par celle-ci, oubliant pendant un moment leurs obligations et la mission si importante qui les attendait. Ce ne fut que lorsque la jeune femme gratta les derniers accords de la mélodie qu'il revint brusquement à la réalité, où tout était désormais très calme.

–Bon, s'exclama Bobby en tapant énergiquement dans ses mains, allez les jeunes, il est temps d'aller au lit ! Chérie, tu veux bien les raccompagner, s'il te plait ?

Katherine Pryde, jeune femme impétueuse et dynamique à la longue chevelure brune retenu en un chignon à l'aide de deux baguettes, se redressa en même temps que son amie de longue date, Ororo, qui avait une peau mate et des cheveux blancs éclatants attaché en une queue de cheval tressée. Ensemble, elles invitèrent les enfants à ses suivre en dehors de la pièce, tandis que la musicienne se redressa et déposa sa guitare sur le côté avant de longuement s'étirer, détendant les muscles de son dos. Peu à peu, la pièce se vida, ne laissant qu'elle, Bobby, ainsi que les deux nouveau arrivant.

–Bonsoir, Madison, dit simplement Steve.

La concernée se retourna et un sourire illumina son visage radieux.

–Steve ! s'exclama-t-elle en marchant à sa rencontre avant de le prendre dans ses bras. Salut champion, ajouta-t-elle en le serrant contre elle. Ça fait plaisir de te voir ! Comment vas-tu ? lui demanda-t-elle ensuite, sous le regard perplexe de Scott.

–Plutôt bien. Et j'amène quelqu'un avec moi, répondit-il en désignant l'autre homme, ce qui laissa la mutante d'abord bouche bée. C'est une longue histoire, précisa-t-il.

–… Scott… dit-elle, un peu à court de mots, avant de se diriger vers lui, et ils échangèrent une brève étreinte. Cela fait si longtemps… souffla-t-elle en s'écartant de lui pour le regarder de la tête aux pieds.

–Ça, c'est sûr… Tu as… Beaucoup changé, déclara-il, la trouvant réellement différente par rapport à la femme aux côtés de qui il avait combattu en Allemagne, mais qu'il trouvait toujours aussi rayonnante et pleine de vie, après quoi il adressa un bref signe de tête à l'adresse de Bobby, qui le lui rendit. On devrait peut-être discuter…

–Hum… Oui, ça serait bien, en effet… Venez, on va aller dans mon bureau.

. . . . . . . .

Scott avait bien mis une bonne vingtaine de minutes à exposer son plan à Madison et Bobby, restant surpris par le fait que la mutante et le soldat se soient réconciliés -en même temps, il ignorait encore beaucoup de choses sur ce qu'il s'était passé durant son absence, mais il ne savait pas comment les deux individus avaient fait pour mettre leurs différends de côté. Les deux mutants avaient écouté avec attention son récit avant de s'échanger quelques coups d'œil interrogateurs, après quoi Madison avait quitté son fauteuil afin de servir quatre verres d'eau, pour elle ainsi que les trois hommes, histoire de bien tout assimiler en douceur, malgré la gravité de la situation.

–Donc, pour résumer, dit-elle en servant ses amis un par un, vous avez l'intention de trouver le moyen de remonter le temps pour ramener à la vie tous ceux qui ont disparu il y a cinq ans… Je me demande s'il ne va pas nous falloir quelque chose de plus fort que de l'eau, soupira-t-elle en ouvrant l'un des tiroirs du bureau tandis que Bobby, resté légèrement en retrait jusque-là, s'approcha en croisant les bras.

–Et vous voulez que l'on se joigne à vous, devina ce dernier.

–Exactement, approuva Steve, situé à proximité de la baie vitrée qui donnait sur le parc du manoir. Cela vous concerne tout autant que nous, et en tant que mutants de type Oméga, votre aide pourrait nous être extrêmement favorable et précieuse.

–Laissez-moi deviner, reprit Madison en passant une main dans ses cheveux, vous êtes passés chez mon frère, qui vous a gentiment remballé, et vous vous êtes dit qu'en guise de plan B vous viendriez frapper chez la petite sœur qui n'a qu'une école à diriger ? demanda-t-elle en les taquinant, voyant leurs airs d'abord effarés puis soulagés. Du calme, je plaisante. Enfin, à moitié. Vous aurez sans doute remarqué que j'ai pas mal de boulot ici depuis que j'ai repris les rênes. Votre plan semble bien ficelé, mais nous n'avons aucune garantie qu'il fonctionnera.

–Madison, pense à tous ceux qui pourraient revenir, pense à… s'interrompit Steve. Je sais que c'est dur à entendre, mais pense ne serait-ce qu'à ton bébé, dit-il posément, ce qui choqua Scott d'apprendre que Madison avait été enceinte au moment des événements de deux-mille dix-huit. Je sais bien que cela sera compliqué de tout ramener à la normale, mais n'est-ce pas toi qui m'a dit un jour que plus dur était le combat, plus belle était la victoire ?

–… Je sais. Loki m'avait dit exactement la même chose, il a quelques années, soupira-t-il. Mais tout ça, c'était avant l'arrivée de Thanos. Les choses ont drastiquement changé, depuis. Je ne me sers de mes pouvoirs que pour enseigner ici, je ne prends plus part au moindre combat depuis… Depuis longtemps. J'ai une situation stable ici, Steve… Et tu sais tout comme moi qu'il y a certaines choses que l'on ne peut pas changer, ajouta-t-il, et le soldat baissa la tête en soupirant également.

–Mais si ça marchait ? intervint Scott après avoir bu son verre cul-sec.

–On ne fonctionne pas avec les « si », Lang, lui dit Bobby en s'appuyant contre la bibliothèque faisant face à la baie vitrée. Je crois qu'on a trop perdu à vouloir jouer les héros. Regardez-nous aujourd'hui : plus de X-men, plus d'Avengers et pourtant, tout va relativement bien.

–Mais c'est injuste pour les disparus, répliqua Scott. Cela pourrait être la fin d'une guerre qui ne s'est jamais vraiment achevée…

–Scott, il n'y a que les morts qui voient la fin de la guerre, soupira Madison en s'asseyant dans son fauteuil en cuir. Et pour moi, tout ça est terminé depuis déjà très longtemps. J'ignore si un retour en arrière est possible, et mon frère a dû vous dire la même chose, je suis satisfaite de la vie que je vis en ce moment. Je m'occupe des jeunes qui ont besoin d'aide pour apprendre à développer leurs pouvoirs, je dirige toute cette école ainsi que plusieurs classes en même temps et… dit-elle avant de s'interrompre subitement, puis elle reprit ; Arthur, tu sais que je n'aime pas que tu écoutes aux portes, dit-elle en faisant un petit geste de la main, et la porte de son bureau s'ouvrit sur le petit garçon qui avait ouvert à Steve et Scott un peu plus tôt dans la soirée, cette fois avec un doudou à la main. Tu ne devrais pas être en train dormir ? lui demanda-t-elle en désignant l'horloge accrochée au mur, qui indiquait déjà vingt-et-une heure et quart.

–… n'arrive pas… souffla l'enfant en baissant la tête, un peu honteux, mais lorsqu'il vit la jeune femme lui ouvrir, il vint s'y réfugier et elle le prit sur ses genoux avant de le bercer doucement.

–Je ne sais pas quoi te dire, Scott, reprit Madison. Je sais que tu devais t'attendre à beaucoup venant de ma part en débarquant ici.

–Beck', dit alors Bobby en s'approchant d'un pas. Peut-être… Qu'on devrait tout de même y réfléchir. Après tout, si nous avons la garantie que rien de ce que nous avons bâti ne changera, nous pourrions éventuellement les rejoindre. Pour ceux qui ne sont plus, précisa-t-il. Je sais bien que tu n'as pas tout à fait tourné la page, contrairement à ce que tu prétends chaque jour. Cela se voit dans ton regard et à chaque fois que tu passes cette porte, c'est comme si tu voyais un fantôme.

La porte en question s'ouvrit justement à la volée sur une Kitty essoufflée.

–Tiens, tiens, je constate que monsieur Arthur n'est pas dans son lit, dit-elle avec un faux ton autoritaire, en croisant les bras.

–En effet, approuva Madison, mais il va y retourner tout de suite, n'est-ce pas ? poursuivit-elle en regardant le petit garçon, qui acquiesça et descendit ensuite de ses genoux après lui avoir fait un bisou sur la joue, puis il rejoignit Kitty dans l'embrasure de la porte.

–Dors bien, Arthur. A demain, lui dit Madison avec un sourire chaleureux.

–A demain, maman, dit-il, tandis que la brune referma derrière eux.

Le silence qui suivit fut quelque peu pesant. Scott était bouche bée, les yeux écarquillés allant de la mutante à la porte et vice-versa, les sourcils froncés, et il ne savait plus quoi faire de ses mains, désignant son amie puis l'endroit par où l'enfant était parti quelques secondes plus tôt. Il craignait d'avoir mal entendu : est-ce que ce petit garçon venait bel et bien d'appeler Madison « maman », où était-ce le sandwich au beurre de cacahuètes de Natasha qui le faisait halluciner ? Mais voyant qu'il était le seul à réagir, il comprit qu'il n'avait pas mal entendu, que c'était vrai. Un sourire s'étira alors jusqu'à ses oreilles et il s'exclama ;

–Tu es maman ! Wow, félicitations ! J'imagine que toi et Thor devez ê…

Il se prit un coup de coude de la part de Steve, ce qui l'incita à ne pas poursuivre sa phrase, et lorsqu'il remarqua l'air distant de la jeune femme, il comprit qu'il venait de commettre une gaffe.

–Oh… fit-il simplement. Ce n'est pas son…

Son fils. Les mots avaient simplement du mal à sortir de sa bouche, maintenant qu'il avait plus ou moins saisi que les choses avaient dû s'envenimer entre la mutante et le guerrier asgardien.

–Non, répondit Madison très calmement, mais évitant brièvement le regard de Scott. Ce n'est en effet pas le sien.

Et pourtant, de loin que Scott se souvienne, Thor et Madison étaient, en deux-mille-dix-huit, l'un des couples les plus célèbres de l'état de New-York, si ce n'était du pays. Mais lorsqu'il imbriqua les pièces les unes avec les autres, se rappelant que Steve avait mentionné la perte d'un enfant à cause de Thanos, il saisit pourquoi les choses avaient dû tourner au vinaigre entre eux, et qu'ils avaient fini par s'éloigner au cours des dernières années, au point que Madison refasse sa vie avec quelqu'un d'autre. Il était bien sûr enchanté pour son amie, car avoir un enfant était une bénédiction -il était bien placé pour le savoir, lui qui avait Cassie-, mais il avait également un petit pincement au cœur en voyant l'air quelque peu distant de la mutante lorsqu'il avait évoqué l'asgardien.

–Ecoute, je… Je crois que je sais pourquoi tu as peur, reprit-il prudemment en s'appuyant de ses deux mains sur le bureau, se penchant en avant afin de s'approcher de Madison. J'ai bien vu ce que tu as à perdre, mais je te promets que rien ne changera, à part que ceux que nous avons perdu il y a cinq ans reviendront tous à la vie.

–Je n'ai pas envie d'avoir à me battre…

–Tu n'en auras pas besoin, lui assura Steve en passant une main dans son dos. Et quand bien même tu aurais à le faire, je sais que ce ne sera pas à cause de ce qui se trouvera sur ton chemin…

–Mais pour ce que je laisserai derrière, souffla-t-elle, pensant immédiatement à Arthur, puis elle se prit la tête entre les mains en soupirant, perdue en ce que lui dictaient son cœur et sa raison. J'ai peur, c'est vrai, mais j'ai tout autant envie que vous de ramener tout le monde grâce à votre plan, et sachez que malgré la réticence que j'ai pu montrer, j'y crois. Je pense sincèrement que cela peut fonctionner, mais vous allez devoir me faire une promesse.

–Tout ce que tu veux, déclara le soldat.

–Que rien ne changera à nos vies actuelles. J'ai déjà trop perdu, et… Tu sais à quel point Arthur compte à mes yeux. Je serais prête à donner ma vie pour lui, alors il y a intérêt à ce que rien ne change…

–Madison, reprit Steve en prenant ses mains entre les siennes, et ses yeux rencontrèrent les siens. Je t'en fais la promesse. Je ne te demande que de venir un jour ou deux au QG des Avengers, après quoi nous te laisserons tranquille, c'est juré.

–… Alors j'imagine que j'en suis, soupira la mutante en s'enfonçant dans son fauteuil, cherchant le regard approbateur de Bobby, qui déclara qu'il viendrait également. Je laisserai temporairement les commandes à Kitty, et nous vous rejoindrons demain matin.

–Merci, Madison. Vraiment.

–Ne me remercie pas maintenant. Tu le feras lorsqu'on aura ramené tout le monde.