Let her go-Passenger

Cole se sentait un peu perdu depuis le retour des Avengers. Il avait beau ne pas ben connaitre Natasha, il se sentait très affecté par son décès. Il savait ce que cela faisait de perdre quelqu'un de très proche, alors il voyait parfaitement pourquoi le groupe était si dépité. Il ne savait pas quoi dire pour les réconforter, tout simplement parce qu'aucun mot n'était suffisant puissant pour apaiser les esprits et remonter le moral des troupes. Il s'était donc muré dans un silence de plomb et avait laissé les autres s'éloigner de leur côté pour discuter plus posément de la suite des événements. Cole était resté près de la machine, à analyser les données recueillies afin de se changer les idées. Il ne voulait plus penser à la meilleure amie de son frère, dont le corps était resté sur Vormir. Il espérait juste que cela ne soit qu'un cauchemar.

Lorsqu'il avait vu Madison s'en aller précipitamment, il avait eu terriblement mal au cœur, ignorant pourtant le flot d'émotions qui submergeaient la mutante. Elle avait préféré partir pour s'isoler, ne voulant pas partager sa peine avec qui que ce soit. Elle se tenait désormais au-dessus d'un lavabo sur lequel elle s'appuyait, les mains tremblantes et la tête baissée. Si quelqu'un l'avait rejointe et lui avait adressé la parole à ce moment, elle aurait probablement fait tomber une pluie de pierres sur cette personne pour avoir osé la déranger. Elle tenait à être seule. Elle avait failli rejoindre Thor afin qu'ils puissent mettre les choses au clair, mais l'apprentissage de la terrible nouvelle l'avait complètement refroidie et ses idées de pardon s'étaient envolées. Il n'y avait plus rien d'autre qu'une profonde douleur qui la consumait de l'intérieur. Elle souffrait, mais ne parvenait à le partager avec personne.

Natasha. Sa Natasha n'était plus, et son monde ne pouvait plus tourner rond sans elle.

Elle avait affreusement mal au crâne et avait une furieuse envie de vomir ses tripes et boyaux. Elle transpirait, son t-shirt lui collait à la peau mais en même temps, elle avait froid. Elle leva très lentement les yeux et se retrouva face à son propre reflet dans un miroir parfaitement nettoyé. Ce qu'elle y vit lui fit froid dans le dos. Elle ressemblait à un animal sauvage terrifié. Ses yeux se remplissaient peu à peu de larmes qu'elle ne serait plus en mesure de retenir bien longtemps. Elle tremblait de plus en plus et sa respiration était saccadée. Elle commençait à perdre le contrôle de ses sentiments, ce qui n'annonçait rien de bon. Et avant qu'elle ne puisse réellement s'en rendre compte, son poing gauche s'écrasa sur le miroir, le brisant en mille morceaux et ne laissant que quelques parties collées aux murs. Le reste tomba dans le lavabo.

Madison ne parvenait plus à comprendre le flot de pensées qui affluait dans son esprit. Elle était complètement perdue et avait encore du mal à réaliser ce qu'il s'était passé. Fallait-il réellement qu'elle se fasse à cette idée et qu'elle la laisse partir ? Qu'elle laisse partir définitivement sa meilleure amie ? Son poing en sang et contusionné l'importa à peine sur le moment, la blessure se révélant finalement superficielle. Elle ferma les yeux, voulant oublier ce qu'elle s'imaginait concernant Natasha. Elle la voyait morte, là-bas, perdue et seule dans les froideurs de Vormir. Et maintenant, la mutante se retrouvait seule elle aussi. Elle venait de perdre sa meilleure amie, sans qui jamais elle ne se verrait poursuivre l'aventure qu'était sa vie. Elle voulait pleurer, mais elle ne savait pas pourquoi les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux refusaient de s'écouler le long de ses joues. Elle rouvrit très lentement les yeux et eu un hoquet de stupeur en distinguant la silhouette d'une femme élancée se tenant derrière elle.

–Bonjour, Madison…

Elle se retourna vivement et se retrouva face à celle qui était responsable des pouvoirs qui lui avaient attirés tant de problèmes, mais qu'elle avait appris à maitriser avec le temps. Elle ne sut pas quoi dire, hébétée, encore sous le choc de la mort de Natasha et surprise par la présence de la déesse.

Eléa était revenue. Elle la regardait avec un regard compatissant et lui avait adressé la parole d'une voix très douce, comme la dernière fois qu'elles s'étaient croisées, ce qui remontait à pas loin de sept ans désormais. Madison respirait toujours aussi irrégulièrement, perturbée, et en moins de temps qu'il ne le fasse pour le dire, elle s'avança vers Eléa et s'effondra en pleurs dans les bras de cette dernière, qui la serra contre elle d'un geste maternel. Elle comprenait sa détresse, mais ne pouvait rien pour la soulager, car elle-même connaissait ce sentiment qui la traversait. Elle la garda contre elle, sentant que la mutante en avait grandement besoin.

. . . . . . . .

–Alors c'est aujourd'hui… souffla la mutante après s'être calmée. Le pire… Jour… De ma vie… précisa-t-elle.

Elle s'était assise par terre contre un mur, une bouteille de bourbon à la main. Eléa avait pris place sur une chaise et la regardait sans rien dire, partageant sa douleur. Sauf que Madison crevait de mal au cœur rien qu'en pensant à sa meilleure amie et au fait que plus jamais elle ne la verrait. Jamais. Et ce mot tournait encore et encore dans sa tête, refusant de la quitter. Elle avait tellement mal qu'elle sentait qu'elle pourrait en mourir. Mais au moins, l'alcool aidait à faire passer cette douleur temporairement. Elle n'était pas addict, mais un petit verre de temps en temps, modérément, lui faisait du bien. Sauf aujourd'hui. Elle avait déjà presque vidé la moitié de la bouteille mais n'en ressentait pas les effets, à son grand dam. Elle aurait tout donné pour ne plus rien ressentir et s'évanouir sur place, ne plus avoir à souffrir.

Et si Eléa était là aujourd'hui, c'était parce qu'il s'agissait du pire jour de sa vie. Il était prévu que les deux femmes se retrouvent à ce moment-là, à l'instant où le subconscient de la plus jeune se sentirait au plus mal. Et c'était bel et bien le cas. Jamais elle ne s'était sentie ainsi. Elle avait tellement mal à la tête qu'elle résistait à peine à l'envie de se la taper contre le mur. Elle était épuisée, les larmes ne cessaient de couler sur ses joues rouges à cause de la chaleur qui s'était emparée d'elle. Heureusement que son frère avait toujours du bourbon à portée de main, quel que soit l'endroit où il passe, ce qui l'aidait à un peu atténuer sa peine, mais pas suffisamment à son goût.

–Et je suppose que ça aussi, vous le saviez, soupira-t-elle en appuyant sa tête contre le mur, dépitée. Mais vous n'y pouvez rien… Je suppose que vous ne buvez pas ?

–Madison, reprit Eléa en secouant doucement la tête. Je suis navrée que tu aies à traverser cela, mais rien n'aurait pu se passer autrement, même si je l'ai sincèrement souhaité de tout mon être, ma chérie… dit-elle d'un ton compatissant.

–Pourquoi il a fallu que ce soit elle… ? Elle était la dernière personne à mériter ça, déclara Madison en buvant une autre gorgée d'alcool. C'est… poursuivit-elle, se sentant de plus en plus mal. C'est dégueulasse, dit-elle, tandis que ses sanglots silencieux redoublèrent. Eléa, je n'ai jamais voulu de tout ça… Je ne sais toujours pas pourquoi c'est moi que vous avez choisie pour perpétuer votre… Votre fichu héritage, s'emporta-t-elle en pointant la bouteille vers elle, avant que subitement, un épais ouvrage apparaisse dans son autre main. Vous savez, j'ai étudié ce bouquin que m'a donné Lenrad dans les moindres détails au cours des cinq dernières années, et à aucun moment mon nom n'est mentionné, alors pourquoi… ? Pourquoi n'avez-vous pas pris quelqu'un d'autre, quelqu'un de Vanaheim comme c'était initialement prévu ? Je n'aurais jamais… Connu tout ça, lança-t-elle en montrant le vide autour d'elles. Et je ne souffrirais probablement pas autant…

–Je n'avais pas le choix et tu le sais…

–Je sais, je sais… Vous avez dû vous dépêcher de refiler vos pouvoirs à quelqu'un de soi-disant compétant… Mais d'après ce que j'ai lu là-dedans, dit-elle en secouant l'ouvrage, c'est à la petite-fille de Mériana, la Troisième Sorcière, que vous auriez dû les donner… Autrement dit, à Freya, et non à moi… Et si ces pouvoirs étaient si puissants que tout le monde le prétend, j'aurais sûrement été capable de faire quelque chose pour… Pour…

Elle ne parvenait même pas à prononcer le nom de sa meilleure amie, elle se contenta donc d'une autre gorgée de bourbon qui lui brûla la gorge, autant que si elle était parvenue à dire « Natasha ». Elle laissa le livre retomber à côté d'elle et continua à boire en essuyant vaguement ses larmes. A cet instant précis, elle détestait tout ce qui pouvait l'entourer. Elle était à deux doigts de provoquer un ouragan juste au-dessus du quartier général juste pour se défouler un peu. Elle voyait trouble à cause des larmes, du chagrin qui la secouait.

–… J'aimerais tant pouvoir faire quelque chose…

Elle acheva la bouteille et la laissa tomber par terre, plus déprimée que jamais. Eléa l'observait avec un mélange de peine et de mélancolie. Elle se revoyait en elle lorsqu'elle avait son âge, qu'elle n'avait pas encore à se soucier du sort de tout l'Univers, alors que Madison y était pleinement confrontée, et ce depuis bien trop longtemps. Eléa voyait que la pauvre ne savait plus où donner de la tête et qu'elle n'en pouvait plus, que tout ce qu'elle souhaitait était de s'enfermer dans une pièce sombre et d'y rester pendant les dix prochaines années. La voir pleurer ainsi lui faisait très mal, car elle se sentait en partie responsable de sa situation. Si elle ne lui avait pas confié sa magie, jamais elle ne se serait retrouvée là. Mais pour le moment, elle ne voyait pas tout le bien qui lui avait été apporté grâce à ces dons. Elle ne voyait que le négatif à cause de ce qu'elle avait perdu.

–Même dans les moments les plus sombres moments, il y a toujours quelque chose à faire, soupira l'Elfe d'Alfheim, légèrement perdue dans ses pensées, et regardant dans le vide.

Madison serra le livre contre elle d'un geste mécanique, cherchant un certain réconfort, comme si les âmes des trois sorcières pouvaient comprendre son malheur et que les deux disparues se trouvaient là en ce moment précis, avec elle, lui rendant son étreinte. Elle n'était pas si seule, en fin de compte. Elle ressentait les énergies de Frigga et Mériana à travers l'ouvrage, ce qui la calma presque instantanément. Elle prit de profondes inspirations et les mots d'Eléa résonnèrent dans sa tête comme si on sonnait les cloches. Toujours quelque chose à faire… Ce n'était pas comme si ses pouvoirs lui permettaient de ramener Natasha à la vie. Aucune magie n'était suffisamment puissante pour ça. Elle baissa les yeux sur le livre en soupirant puis sécha une énième fois ses larmes. Elle ne pouvait pas laisser Natasha partir, c'était beaucoup trop dur. Elles se connaissaient depuis plus de quinze ans, alors elle ne pouvait faire une croix sur leur amitié.

Elle redressa la tête et croisa le regard de son aînée, qui lui esquissa un petit sourire. Et soudain, Madison eut comme une révélation. Elle se retint de pousser un juron et se redressa d'un bond, sous le regard serein et tranquille d'Eléa. Le livre toujours en main, la mutante dévisagea la déesse d'un air entendu.

–Je… Il faut que je…

–Je sais, répondit Eléa en conservant son sourire. Vas-y, souffla-t-elle.

–… Merci pour tout, lui dit sincèrement Madison en déposant l'ouvrage sur le rebord d'une table. Je vous promets que je rendrai ces pouvoirs à sa juste destinataire une fois mon travail achevé, promit-elle, ce à quoi l'autre femme ne répondit rien. Je… Je ne vous remercierai jamais assez.

–Allez, file, lui conseilla Eléa en accompagnant ses propos d'un petit geste de la main désignant la porte. Et sois prudente, Madison.

Elle acquiesça et quitta la pièce, le cœur bien plus léger. Son pas état précipité, elle savait où elle allait et ce qu'elle comptait faire. Elle regagna le laboratoire le plus proche, où se trouvaient les dernières particules d'Hank Pym, et les sortit de leurs flacons afin de les étaler sur une petite plaque translucide qu'elle plaça sous un microscope, et à l'aide d'une pincette et d'une seringue, elle examina et sépara chaque brin qui composait ces minuscules atomes rouges à toute vitesse, tout en jetant de rapides coups d'œil aux papiers qu'elle avait rédigés la veille et qui contenaient toutes ses recherches sur la duplication des molécules permettant de voyager dans le temps. Il ne lui fallut qu'une bonne dizaine de minutes pour réussir à en obtenir un grand flacon bien rempli, après quoi elle le prit avec elle et quitta le labo à toute vitesse, manquant de bousculer Bobby au passage, qui ne fit aucun commentaire, jugeant qu'elle devait encore être sous le choc.

Tout un tas de pensées délirantes se bousculaient dans sa tête. Elle se rendait à peine compte de ce qu'elle était sur le point de faire, amis elle y allait. Elle passa par la salle des accessoires, récupéra son arme de service qu'elle glissa dans son holster, et se hâta d'enfiler une combinaison de voyage temporel. Elle marcha ensuite d'un pas extrêmement déterminé en direction de la pièce où se trouvait la machine, fixant une fiole à son poignet et le reste à sa ceinture équipée. Son cerveau bouillonnait, ses sens étaient en alerte et à tout moment, elle était prête à attaquer quelqu'un tant elle était tendue. Mais sa magie crépitait doucement entre ses doigts, ce qui lui faisait du bien et était bon signe. Elle reprenait du poil de la bête en un rien de temps et était prête à se lancer dans une toute nouvelle mission hors-normes.

–Madison ?

La concernée se retourna et tomba nez à nez avec Cole, qui la regardait avec une certaine surprise. Madison ne s'était pas attendue à ce que quelqu'un se retrouve sur son chemin, surtout pas le frère adoptif de son meilleur ami. Elle fut donc prise de court et ne sut quoi lui dire. Heureusement que le jeune homme se décida à reprendre la parole en premier, car elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle pourrait lui dire.

–Tu… Tu t'en vas ? demanda-t-il, visiblement étonné de la voir dans cette vaste salle, préparée à effectivement s'en aller.

La mutante le regarda dans le blanc des yeux, hésitant à lui dire la vérité, lui confier ce qu'elle avait l'intention de faire. La croirait-il seulement ? L'empêcherait-il de commettre une telle folie ? Ou voudrait-il au contraire se joindre à elle dans cette nouvelle et périlleuse aventure ? Elle n'en savait rien. Cole étant comme elle, un mutant de type Oméga, elle avait plus de mal à lire en lui qu'en n'importe qui d'autre. Il y avait également le risque que le plus jeune aille raconter aux autres ce à quoi il venait d'assister, qu'il leur dise que Madison comptait s'en aller, ce dont elle n'avait évidemment parlé à personne, au risque de se faire réprimander. Elle ne voulait pas que quiconque vienne l'empêcher de faire ce qu'elle avait à faire. Elle jugeait que c'était essentiel, que c'était son devoir. La jeune femme ouvrit la bouche pour s'exprimer, mais aucun son n'en sortit, à son grand désarroi. Elle qui avait pourtant l'habitude de déblatérer toutes sortes de choses à longueur de journée, voilà qu'elle se retrouvait sans la moindre explication à fournir à son ami.

–Bonne chance, dit-il alors subitement en fourrant ses mains dans ses poches, la tête légèrement baissée, et ce fut au tour de Madison d'être surprise cette fois-ci.

Le mutant n'avait pas la moindre idée de ce qu'il se passait dans la tête de Madison, mais la connaissant un minimum, il lui faisait confiance. Il le fallait, de toutes façons, il n'avait pas le choix, car il ne comptait pas la retenir. Si elle s'en allait, c'était qu'elle devait avoir une excellente raison de le faire. Même s'il appréhendait un peu, il était prêt à la laisser s'en aller, et si les autres Avengers venaient à le questionner à ce sujet, il se contenterait d'affirmer qu'il n'était au courant de rien, pour protéger Madison, quoi qu'elle puisse faire. Cette dernière acquiesça avant d'entrer des coordonnées et dans le moteur de la machine, et sur son propre dispositif, tandis que Cole se recula contre un mur dans le fond de la pièce sans rien dire, se contentant de la regarder agir. Il ne préviendrait personne de ce à quoi il avait assisté, se doutant que son aînée voulait garder secrets ses actes.

–Garde un œil sur la maison, le pria-t-elle, ce à quoi il acquiesça doucement, après quoi elle disparut dans le tunnel quantique une seconde fois dans cette journée.

Le mutant avait peur pour elle, car il ne savait pas ce qu'elle comptait faire. Il se doutait qu'elle se mettrait en danger, mais il ignorait pourquoi, et surtout, comment elle finirait par rentrer à la maison. Parviendrait-elle à mener sa mission -quelle qu'elle soit- à bien ? Quoi qu'il en soit, il veillerait sur tout le monde jusqu'à ce qu'elle revienne, il s'assurerait que personne ne fasse de bêtise pendant son absence. Il l'avait regardée droit dans les yeux et avait compris à quel point elle avait besoin d'agir. Elle ne pourrait pas ramener Natasha, pensait Cole, mais elle ferait certainement quelque chose de bien. Quelque chose de bon pour l'humanité, car c'était dans la nature de Madison d'être juste et de faire passer les besoins des autres avant les siens, parfois au péril de sa propre vie.

–Bonne chance… répéta Cole pour lui-même dans un murmure, espérant de tout cœur que quoi que Madison fasse, cela fonctionnerait.