When september ends-Green day


Voilà. C'était terminé. L'enterrement. C'avait été très simple. Sobre. Quelque chose qui aurait réellement plu à Tony, malgré son côté un peu « excentrique ». Il n'y avait eu personne d'autre que les proches de ce dernier. Pas de journalistes. Rien que ceux qui avaient réellement compté pour le défunt, et qui espéraient présenter ses respects à la famille sans lui poser des questions indiscrètes et dénuées de délicatesse. Avengers, X-Men, Gardiens… Tous s'étaient rassemblés pour dire une toute dernière fois au revoir à l'inventeur, qui avait laissé un message avant de s'en aller. Quelques paroles qu'il avait décidé d'enregistrer juste avant le début de leur mission impossible. Celles-ci étaient adressées aux trois femmes qui avaient le plus compté dans sa vie : sa femme, Pepper, sa fille, Morgan et enfin, sa petite sœur, Madison. Toutes les trois avaient écouté ses ultimes mots en silence, et ç'avait été difficile pour elles de se dire que plus jamais elles ne le reverraient. Que c'était fini.

Après l'enterrement, tous s'étaient un peu dispersés, formant des petits groupes pour discuter de choses et d'autres. Wanda et Scott Summers se trouvaient assis sur un tronc d'arbre couché qui faisait face au lac. Ils avaient eu besoin de se retrouver, les deux amis ne s'étant pas vus depuis un bon moment à cause des occupations de chacun avant l'éclipse. La sorcière était en fuite et le jeune homme, lui continuait à suivre des cours au manoir Xavier lorsqu'ils avaient disparu. Ensemble, ils avaient longuement discuté de tout ce qu'ils avaient manqué, ainsi que des personnes qu'ils avaient perdues au cours des dernières années, autrement dit respectivement Alex Summers, Jean Grey, et enfin Vision. C'allait être difficile pour tous les deux, autant pour Scott qui ne s'était pas remis des décès de son frère et de sa petite amie que pour Wanda, qui avait vu mourir deux fois son compagnon. Ils étaient longtemps restés à part, juste entre eux, partageant leurs malheurs et se réconfortant mutuellement.

Loki était assis à l'extrémité du ponton où avait été lâchée la gerbe de fleurs destinée au milliardaire, les pieds se balançant quelques centimètres au-dessus de l'eau claire. Il observait la surface du lac d'un air vide. Il était perdu dans ses pensées, et entendait à peine le gazouillis proche des oiseaux perchés dans les arbres alentours. Le dieu de la malice était tellement ailleurs qu'il ne se rendit pas compte que quelqu'un l'avait rejoint avant d'entendre une petite voix s'adresser à lui.

–Vous connaissiez mon papa ?

Il tourna la tête et aperçut Morgan Stark, se tenant bien droite derrière lui, mains dans le dos, se balançant d'un pied sur l'autre. Il l'avait pour la première vue quelques heures auparavant, lors de l'enterrement, puis cette dernière s'était éclipsée en compagnie de sa mère. Loki, lui, avait ressenti le besoin de s'isoler pour réfléchir ce que lui réserverait l'avenir. Il avait droit à une nouvelle chance et ne comptait pas la gâcher.

–Oui, répondit-il simplement.

–Vous avez l'air triste. Il vous manque ? demanda l'enfant en s'approchant davantage de lui, ce qui l'étonna.

Il ignorait comment il se sentait. Perdu ? Désaxé ? Embrouillé ? C'était pourtant lui, le roi des perturbations… Mais était-il triste ? C'était peut-être un bien grand mot. Seulement, la mort de l'inventeur l'affectait plus qu'il ne l'aurait cru.

–Je crois que j'aurais aimé le connaitre davantage, reconnut l'homme aux cheveux noir de jais en baissant les yeux. C'était… Quelqu'un de surprenant.

Il était sincère. Il avait trouvé Tony déstabilisant et remarquable à la fois. Seulement, il n'avait jamais eu l'occasion de le lui dire de son vivant. Il s'était donc contenté d'y penser fortement, lors de la présentation des hommages, espérant que ses songes l'atteindraient, où qu'il se trouve désormais. Etonnamment, la présence de la fille de son ancien ennemi ne le dérangeait pas, l'apaisait même d'une certaine façon. Quelque chose émanait d'elle. De la douceur, de l'innocence, de la simplicité. Elle était insouciante, vraie, et ne comprenait pas encore exactement ce qui était arrivé à son père. Loki n'avait pas envie d'être celui qui devrait le lui expliquer.

–Je crois qu'il vous aurait bien aimé, affirma la petite, sûre d'elle, la tête baissée. Vous êtes gentil, poursuivit-elle.

Gentil. Gentil. C'était la toute première fois que l'on lui faisait un tel compliment, et c'était particulièrement étrange à entendre. Mais cela lui fit également du bien. Un bien fou, même. Que quelqu'un remarque enfin qu'il en avait assez de se trouver du mauvais côté. Il n'y avait pas sa place, et n'avait jamais vraiment voulu s'y trouver. Ce n'était pas par choix qu'il avait commis bon nombre d'erreurs colossales. Lorsque Morgan soupira, il la regarda dans les yeux, puis celle-ci lui adressa un petit sourire ainsi qu'un signe de la main, et s'en alla aussi rapidement qu'elle était apparue, marchant droit vers la maison. Loki fut à nouveau seul et retourna faire un bref tour dans ses pensées confuses et mélangées. Il se retrouva à songer un peu trop à la mort et ce qu'elle impliquait, au fait qu'il y avait déjà échappé plusieurs fois mais que la dernière avait eu raison de lui. Il ne devait la vie qu'à une seule personne, qui avait énormément risqué pour le sauver. Il se sentait redevable, mais ignorait comment lui rendre la pareille, surtout dans l'état dans lequel cette dernière se trouvait.

–Puis-je ?

Il se raidit et tourna très légèrement la tête sur la droite pour apercevoir Pepper. D'abord la fille, ensuite la mère… Il s'attendait presque à voir débarquer Madison dans sa robe cintrée noire qui lui atteignait le genou. La veuve affichait un air calme, serein, ce qui était tout le contraire de Loki, qui devait avoir l'air complètement à l'ouest. L'homme acquiesça, et la femme se joignit à lui, s'asseyant lentement ses côtés sur le bord du ponton. Maintenant qu'elle était proche de lui, il la trouvait un peu crispée et nerveuse, ce qu'il comprenait. Elle ne devait pas avoir passé une journée très facile, entre la cérémonie, et tous ses gens qui étaient venus lui présenter leurs respects. Aussi beaux les hommages étaient-ils, elle en avait plein la tête et éprouvait un besoin urgent de respirer. Elle ne s'attendait pas à tomber sur quelqu'un ici, encore moins Loki, mais ça ne la dérangeait pas. Elle et lui n'avaient jamais vraiment eu l'occasion de discuter, pour un certain nombre de raisons plutôt évidentes.

–C'est très aimable à vous d'être resté.

–Je pensais que ma présence risquerait d'au contraire vous déranger.

–Pas du tout, lui assura la rouquine. Je vous ai vu vous battre aux côtés de mon mari, et je connais certains de vos faits d'armes qui ont permis à beaucoup de personnes d'avoir la vie sauve il y a cinq ans, précisa-t-elle avec cette même douceur qu'avait sa fille. Madison a fait en sortes que vos exploits soient connus du monde entier afin qu'il puisse vous voir sous un jour meilleur. Tel que vous êtes réellement. Je suis donc très heureuse que vous ayez pris la peine de rester aujourd'hui…

–Je suis navré, pour Tony.

–Je vous remercie.

Son regard se perdit dans le vague. Elle avait encore du mal à réaliser que Tony l'avait quittée. Pourtant, tout lui manquait déjà : sa présence, ses mots, ses gestes si attentionnés, son sarcasme, son humour… Vraiment tout. Elle n'avait pas pleuré. Les larmes ne venaient pas. Mais elle souffrait atrocement. Si elle avait pu, elle aurait tout extériorisé via des larmes. Mais elle était habituée à ne pas montrer lorsqu'elle était triste, même si cela se sentait. Elle fut surprise lorsque Loki posa une main au-dessus de la sienne, n'ayant pas imaginé le dieu comme étant quelqu'un qui appréciait le contact physique. Mais ce simple toucher la rassura, car elle sut qu'elle n'était pas seule. Ses proches en avaient témoigné par leur compagnie en ce jour, elle était bien entourée. Elle ne risquait rien, tout comme sa fille était également en sécurité.

–Merci d'être là.

Loki n'avait jamais été autant remercié qu'aujourd'hui, et pour la première fois depuis très longtemps, il se sentait utile. Apprécié à sa juste valeur. Le dieu nordique esquissa un maigre sourire, satisfait. D'après ce que disait Pepper, Madison avait brossé de lui un portrait positif auprès des terriens. Et en cinq ans, ces derniers avaient changé d'avis le concernant. C'était presque impensable, pour Loki, mais il devait se faire au fait que c'était la vérité. Il était donc redevenu « clean » après tout ce temps auprès d'un peuple qu'il avait maltraité contre son gré des années auparavant. Plus de casier. Plus la moindre erreur au compteur. Cette immense chance, il devait à tout prix la saisir. Mais en attendant, il voulait uniquement être présent pour Pepper. Pour Morgan. Et pour Madison, qui avait disparu il ne savait où. A dire vrai, peu de personnes l'avaient vue après la cérémonie. Elle s'était isolée avec Arthur et avait précisé qu'elle ne voulait pas être dérangée, et sa demande avait été respectée. Seulement, Loki s'inquiétait pour elle.

–Je ferais mieux d'aller voir où se trouve ma belle-sœur, reprit alors la veuve comme si elle avait lu dans ses pensées. Vous êtes libre de rester aussi longtemps que vous le souhaitez, commenta-t-elle en se redressant avant d'épousseter sa robe d'un bref coup de main.

Loki reporta son regard sur l'eau calme du lac. Libre de rester… Sur Terre ? Pourquoi pas, après tout… Ce n'était pas comme s'il croulait sous les invitations, dernièrement… Pepper s'était montrée si aimable avec lui que cela lui donnait effectivement l'envie de passer un peu de temps sur cette planète qu'il ne connaissait pas si bien, au final. Midgard était encore pleine de secrets pour lui. Il avait beau se demander s'il serait vraiment accepté parmi les humains, ses pensées convergeaient constamment vers Madison, pour qui il se faisait pas mal de souci. Elle n'avait pas prononcé un seul mot de toute la journée et s'était éclipsée sans donner trop d'informations. Loki comprenait qu'elle devait être complètement chamboulée après tout ce qu'il s'était passé, mais il savait également que l'isolement n'était pas la meilleure des solutions. Il était bien placé pour en témoigner.

Il laissa échapper un soupir, ne sachant que faire afin de remonter le moral de la jeune femme. Pourquoi insistait-elle à ce point pour être seule ? Le dieu nordique n'était pas du genre câlin, mais il l'aurait volontiers prise dans ses bras aujourd'hui. Pour elle, il aurait volontiers fait une exception. Beaucoup d'exceptions, en fait. Car elle était probablement l'unique personne à comprendre comment il raisonnait. Elle avait lu en lui comme dans un livre ouvert, et avait crié au monde entier qu'il n'avait jamais eu l'intention de s'en prendre à la Terre, mais que Thanos l'y avait forcé via de la manipulation mentale, de la torture et des menaces à peine voilées. Et le monde avait pris l'étonnante décision de la croire.

–Ne vous en faites pas, souffla-t-il. Je garderai un œil sur elle.

Il comptait tenir parole, coûte que coûte. Il s'assurerait que Madison soit en sécurité, même si la plupart des dangers avaient désormais été écartés. Il ne voulait pas qu'elle soit malheureuse, car il trouvait qu'elle méritait au bonheur plus que quiconque. Il ignorait pourquoi le Destin s'acharnait ainsi sur son sort, mais il comptait bien essayer de faire en sortes qu'elle sourie à nouveau, même si cela allait être compliqué.

. . . . . . . .

Assise en tailleurs dans l'herbe, Natasha triturait nerveusement un brin d'herbe entre ses doigts. Elle avait troqué ses vêtements de cérémonie contre un jean plus confortable et sa fidèle verste en cuir brun clair et ses cheveux étaient noués en deux nattes retombant chacune de part et d'autre de son visage fermé. C'avait été éprouvant pour elle de devoir dire définitivement au revoir à un ami aussi fidèle que l'était Tony. Elle n'avait rien laissé paraitre, comme à son habitude, mais cela ne voulait pas dire qu'elle n'avait rien ressenti, au contraire. La mort de l'avait jamais vraiment inquiétée, jusqu'à ce qu'elle y soit directement confrontée. Elle savait qu'elle ne devait pas être là, mais comme sa meilleure amie en avait décidé autrement, là voilà qui était perdue dans de sombres pensées qu'elle ne parvenait à chasser de son esprit tourmenté. Pourquoi avait-elle le droit de vivre, et pas l'inventeur ? Décidément, elle ne comprenait vraiment pas les lois de l'Univers et ses mystères.

–Natasha ?

Elle releva lentement la tête à l'entente de son prénom et aperçut Charles Xavier, qui s'était approché sans qu'elle s'en rende compte.

–Je ne te dérangerai pas longtemps, lui assura l'homme comme s'il craignait que sa présence ne soit de trop. J'étais simplement à la recherche de Madison, mais je ne parviens pas à la trouver. Aurais-tu une idée de l'endroit où elle pourrait se trouver ? lui demanda-t-il, ce à quoi Natasha se contenta de secouer négativement la tête. Je vois… soupira le mutant. J'aurais aimé pouvoir m'entretenir un moment avec elle à propos de sa… Sa condition.

–Tu veux dire le fait que ce ne soit plus une mutante ? lâcha la rouquine de but en blanc, un peu plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu.

–… En effet, confirma-t-il, une réelle tristesse se percevant dans sa voix. Le gène X a totalement disparu de son organisme, comme s'il ne s'y était jamais trouvé, précisa-t-il. Je ne comprends pas ce qui a pu causer un tel phénomène, avoua-t-il.

–Tu veux dire à part son décès ? répondit l'espionne russe d'un ton froid, et lorsqu'elle se rendit compte de la rudesse de ses propos, elle baissa les yeux. Désolée. Je crois que je n'arrive pas encore à me faire à… Tout ça. Je n'arrête pas de me dire que si elle n'avait pas sacrifié son immortalité pour moi, ça ne serait pas arrivé. Je ne l'ai jamais vu dans un tel état.

–C'était sa décision de te ramener, lui dit Charles d'une voix ferme. Elle savait parfaitement ce qu'elle faisait, j'en suis certain. Tu n'as pas à t'en vouloir d'être en vie, Natasha. Tu devrais plutôt te réjouir d'avoir droit à un tel cadeau… Si Madison a fait cela, c'est qu'elle savait que le monde avait besoin de toi. Elle aussi avait besoin de toi.

–Je sais. Mais Tony…

–Tony aurait dit la même chose, la coupa-t-il. Ne te sens pas coupable d'être aimée, d'accord ?

–Je me sens coupable de priver une petite fille de son père, le corrigea-t-elle. Mais merci du conseil, j'en prends note…

–Tu me promets de ne pas trop cogiter là-dessus ?

–Je vais essayer, lui promit-elle. Au fait, Charles ? Je suis contente de te revoir.

–Moi aussi, Natasha, lui répondit-il en souriant avant de faire tourner son fauteuil, et ils furent rejoints par l'ancien soldat de l'hiver. Bonjour, Barnes, dit Charles au brun, après quoi il s'en alla.

Mains en poches, Bucky observait Natasha en silence, se doutant de ce à quoi elle pensait. L'espionne détourna le regard, presque gênée et se remit à jouer distraitement avec un brin d'herbe. Le soldat hésita à s'approcher davantage mais après une dizaine de secondes de réflexion seulement, il avança et vint s'asseoir à ses côtés, toujours sans prononcer le moindre mot, mais continuant de regarder la jeune femme en coin. Celle-ci s'était attendu à ce qu'il vienne jusqu'à elle, mais elle ne savait pas vraiment quoi lui dire, même après cinq ans. N'aurait-elle pas dû avoir un tas de choses à lui raconter, après tout ce temps ? Elle se sentait juste un peu perdue et déstabilisée en sa présence. Cela lui procurait un drôle d'effet de le revoir. Ils étaient donc tous deux assis face au lac sans oser parler à l'autre. Natasha avait une boule dans la gorge et un nœud à l'estomac. Pourquoi était-ce à la fois si rassurant et si difficile de se retrouver juste à côté de lui ? Depuis quand était-elle aussi malheureuse et soulagée à la fois de retrouver quelqu'un ?

–Tu as changé, commenta-t-il hasardeusement.

–Est-ce qu'on est vraiment obligé de passer par là ? répondit-elle en sentant l'émotion monter.

–… Non.

A peine eut-elle entendu ce simple mot qu'elle tomba dans les bras de l'homme, ses yeux se gorgeant de larmes. Il y avait bien trop longtemps qu'elle rêvait de cet instant précis, et maintenant qu'elle y était, elle ne parvenait plus à cacher ce qu'elle ressentait. Bucky lui rendit volontiers son étreinte, humant l'odeur délicate de ses cheveux, caressant doucement son dos afin de la rassurer. Il avait l'impression d'avoir lui aussi passé cinq ans éloigné d'elle, alors que cela n'avait duré que quelques minutes. Mais il partageait sa douleur. Il ne comprenait pas sa peine, mais il soutenait Natasha de tout son cœur. Il resserra son étreinte en fermant les yeux, se sentant délesté de toute contrainte.

–Ça va mieux ? lui demanda-t-il.

Elle acquiesça en restant dans ses bras. Il déposa un baiser sur son front et soupira d'aise. Ça aurait presque pu être une journée parfaite. Il regrettait de ne pas avoir eu l'occasion d'apaiser les choses avec Tony. L'inventeur lui en avait-il encore voulu, au cours des dernières années, ou était-il parvenu à lui pardonner ses fautes passées ? Il espérait vraiment que l'inventeur n'avait pas entretenu d'animosités à son égard avant de partir. Il était condamné à vivre dans le brouillard. Jamais il ne saurait à quel point Tony avait lui aussi regretté de ne pas avoir tout mis au clair avec le soldat avant l'éclipse. Certaines choses étaient faites pour rester secrètes. Peut-être pourrait-il demander à Madison… ? Sauf qu'il savait que la jeune femme n'était clairement pas en état de parler de cela. Elle souffrait trop pour parler de quoi que ce soit concernant son grand frère. Bucky n'était pas au meilleur de sa forme non plus. Les prochains mois s'annonçaient difficiles.