Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient
Pairing et personnages : Saga x Aioros, Aphrodite, Shaka, Angelo x Shura, Shion x Dokho, Milo, Kanon, Aiolia, les Trois Juges des Enfers, Athéna.
Rating : T
Note Bonjour à tous et merci d'être là pour lire ce nouveau chapitre, qui, j'espère, vous plaira.
Merci à Athéna et Mini-chan pour votre lecture, votre suivi et vos commentaires qui sont toujours très appréciés ! Vous aurez quelques réponses à vos questions dans ce chapitre. Pour ce qui est des préquelles, elles ne sont pas faciles à trouver, mais elles valent le coup d'oeil pour approfondir l'histoire et résoudre quelques mystères ou corriger les incohérences de l'adaptation animée.
Merci à ma si chère Yuy, qui m'accompagne, me guide et me soutient depuis tant d'années ! Depuis toujours, même.
Enfin, je tenais à m'excuser de ne pas avoir publié le week end dernier, mais pour tout vous dire, j'ai été cambriolée alors forcément, j'étais un peu occupée ! Mais tout va bien à présent. Heureusement que les mangas, les animés, les livres, les séries, la culture, quoi, permettent de s'évader de ce monde décidément bien tordu, parfois (souvent).
Bref, excellente lecture à vous !
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Le fil rouge du Destin
Chapitre trois : le Destin n'est peut-être qu'un peu de passé en retard.
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Le lendemain matin, Saga put tenir sa promesse.
Réveillé le premier, il entreprit de tirer Aioros du Royaume de Morphée avec tendresse et application.
Il commença par couler son corps contre celui de son amant, en en épousant parfaitement les formes et chaque courbe. Son bras glissé sous le sien, il posa sa main sur son torse puissant, qui se soulevait doucement au rythme de sa respiration apaisée, et le caressa lentement.
Dans le même temps, ses lèvres parcoururent amoureusement la peau délicate de ses épaules et de sa nuque offerte, qui se couvrit de chair de poule.
- Mon amour… souffla-t-il tout contre son oreille.
Le Sagittaire frissonna et soupira, émergeant rapidement du sommeil sous ces tendres attentions.
Son corps se tendit en arrière pour répondre à la délicieuse pression de celui de Saga, qui emmêla leurs jambes pour les rapprocher encore l'un de l'autre.
- J'hésite entre faire semblant de dormir, pour profiter pleinement de tes caresses, ou me réveiller pour en partager de nouvelles avec toi…
- Les deux me conviendront parfaitement, mon ange, murmura-t-il toujours au creux de son oreille.
De nouveaux frissons traversèrent le Neuvième gardien, en sentant le souffle chaud soulever les quelques mèches qui la couvrait.
Il se retourna pour faire face à Saga, qui l'accueillit entre ses bras, et enfouit son visage contre son cou.
- Bonjour, mon aimé.
- Bonjour, mon amour. Je ne t'ai pas réveillé trop tôt ?
- Quelle heure est-il ?
Le Gémeau redressa légèrement la tête pour voir son réveil, sur sa table de chevet.
- Bientôt 9h.
- C'est même un peu tard. Tu m'as laissé dormir longtemps, où tu viens de te réveiller, toi aussi ?
- Je suis réveillé depuis plus d'une heure, mais j'en fais tout juste le constat. Je t'ai regardé dormir, sans me rendre compte du temps qui passait. J'ai dû me persuader que tout était réel, que tu étais bien là. Je t'ai si souvent rêvé à cette même place, pour ne rencontrer que le vide en essayant de te toucher…
- Je sais ce que c'est, murmura Aioros en se blottissant encore plus contre lui, si c'était possible. Mais là, tout ce que je ressens est bien réel, tout comme toi et tes bras autour de moi. Tout va bien.
- Ce réveil est absolument parfait.
- Oui, je suis bien d'accord, confirma Saga, le nez dans ses boucles sombres, où il déposa même un doux baiser.
Le silence s'invita, intime et confortable, chargé de tendresse.
Leurs mains caressaient la peau à proximité, mais sans chercher à éveiller le désir, qui couvait pourtant continuellement en eux et entre eux.
Mais cela finit par arriver, à force d'attentions.
Ils étaient jeunes, vigoureux et surtout très amoureux.
Et puis, ils avaient vécu une longue attente et beaucoup de frustration, même s'ils en avaient apaisé une partie au cours de la nuit passée.
Mais jamais ils ne seraient rassasiés de l'autre, de cela, ils en étaient convaincus.
- Que dirais-tu de continuer dans un bon bain ? J'en ai vraiment envie…
Aioros leva le visage vers Saga avec un doux sourire.
- De moi ou du bain ?
- De toi dans la baignoire, répondit Saga en mordillant le lobe de son oreille.
Ce qui tira un long soupir de plaisir à son amant, mêlé d'un petit rire.
- Alors je pense que c'est une excellente idée. J'ai le corps aussi endolori qu'après une grosse séance d'entraînement !
- Tu es bien conscient que dans mon état, je ne vais sûrement pas pouvoir rester totalement sage...
Un coup de bassin souligna son propos, mais Aioros n'en avait pas besoin.
Il apprécia tout de même les frissons que provoquèrent ce simple geste.
- Qui te demande de l'être ? répliqua-t-il en se dégageant pour se redresser. Certainement pas moi !
Le Gémeau attira son compagnon pour l'embrasser.
Le baiser s'intensifiait rapidement, alors il se détacha avec un soupir et se leva.
- Allons-y. Cela nous fera le plus grand bien.
Le Sagittaire hocha la tête, puis suivit son Gémeau jusqu'à la salle de bain.
La journée avait décidément vraiment bien commencé.
Une heure plus tard, les deux hommes s'installèrent dans la cuisine pour satisfaire d'autres appétits : un petit-déjeuner copieux composé de café frappé, pain au sésame et confiture de figue, strapadsada (1), yaourt maison au miel et aux pêches et jus de fruits tout juste pressés par le maître des lieux.
Après avoir échangé joyeusement pendant un long moment, ils terminèrent leur repas et débarrassèrent.
Tout était incroyablement naturel, entre eux.
Chacun avait sa place, chaque mouvement était fluide, ils ne se marchaient pas dessus.
C'était la première fois qu'Aioros venait chez Saga depuis leur adolescence, mais il avait trouvé ses marques assez rapidement.
Il se sentait bien, à sa place.
Et le voir évoluer ainsi sembla tout à fait normal à Saga, car lui aussi ressentait que telle était sa place : à ses côtés. Et il était aussi ravi que soulagé de voir son compagnon se sentir aussi à l'aise et comme chez lui.
Car dorénavant, c'était aussi chez lui.
Aioros insista d'ailleurs pour faire la vaisselle, car il n'était pas un invité, justement.
Cela ne lui prit guère longtemps.
Il rejoignit ensuite Saga dans son salon.
Le Gémeau était posté devant la fenêtre, le regard perdu à travers la vitre.
Le Neuvième gardien eut une seconde d'angoisse, mais il se reprit vite.
Tout allait bien, il avait confiance en Saga.
- A quoi penses-tu ? lui demanda-t-il en glissant ses bras autour de lui, le menton posé sur son épaule.
Saga se laissa aller en arrière contre lui et savoura le bonheur simple ressenti à être ainsi enlacé par l'être aimé.
- Je t'écoutais fredonner dans la cuisine et ça m'a fait pleinement réaliser que c'est un véritable cadeau de t'avoir retrouvé, et de toutes les façons possibles. Un cadeau et une chance inestimables. Je me rappelais le jour de notre retour à la vie et à la peur que j'ai éprouvé, en constatant ton absence. Je n'avais aucun droit à cette seconde chance, encore moins si elle ne t'avait pas été accordée, toi qui le méritais plus que tout autre.
- Nous le méritions tous. Tu as dû être très perturbé, ce jour-là, murmura-t-il ensuite en déposant un baiser dans son cou à portée de ses lèvres.
Ce qui fit délicieusement frissonner Saga, qui s'appuya un peu plus contre lui.
- En dehors de l'incroyable fait d'être revenu, je l'étais pour deux autres raisons, principalement : parce que tu n'étais pas là, et à cause de Kanon.
- Pourtant, il avait été ramené, lui aussi, s'étonna le Sagittaire. Ce n'était quand même pas justement à cause de ça ?
- Non. J'ai réellement et rapidement été soulagé de le voir près de moi. C'était le sentiment dominant, en tous cas, aux côtés de l'angoisse et de la culpabilité. Mais j'avais aussi immédiatement remarqué l'attention particulière que lui portait Radamanthe, debout à ses côtés. Je n'en connaissais pas la raison, encore, mais cela ne me plaisait pas. Il ne le quittait quasiment pas des yeux.
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Flash back
Un an et demi plus tôt.
Palais du Grand pope,
Salle de réception annexe transformée en infirmerie.
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- Aioros... Où est mon frère ? Aioros !
- Calme-toi, jeune Lion. Tu ne dois pas te lever, encore
Aiolia essaya de repousser Eaque du Garuda, mais il était encore trop faible et ne put résister, lorsque le Juge le rallongea de force contre les coussins.
- Je ne vois pas mon frère ! Je ne sens pas son cosmos ! Où est-il ?
Les Chevaliers se regardaient les uns les autres, encore un peu sonnés et le corps endolori.
Mais en effet, ils étaient tous là, y compris Shion, et Kanon aussi... mais du Sagittaire, nulle trace !
Saga eut peur de comprendre, mais il ne posa aucune question, attendant simplement que l'un des Juges daigna répondre à Aiolia.
- Si tu cessais de brailler un instant, nous pourrions t'expliquer la situation, grimaça Minos avec un regard dédaigneux et méprisant. Pourquoi les humains sont-ils tous toujours si bruyants ?
- Minos…
Le Spectre se tourna vers la Déesse Athéna et inclina légèrement la tête, avec son petit sourire en coin habituel, mauvais et si détestable.
- Mes excuses, Princesse Athéna… Le Chevalier d'or Aioros du Sagittaire n'était pas dans la même prison que vous, poursuivit-il en faisant face au Lion. Son âme avait déjà été jugée, avant qu'elle ne se mêle au dernier combat devant le Mur des Lamentations.
Aiolia se redressa aussi vivement que son état le permettait.
- Ça veut dire quoi, vous allez le ramener plus tard ? Vous allez pas le laisser là-bas, hein ? Il a le droit de revenir, lui aussi, c'est le meilleur d'entre tous !
- Assez de cris ! ne put s'empêcher d'exiger Minos en se rapprochant de lui. Le Sagittaire a été rappelé, mais nous avons renvoyé son âme dix ans dans le passé.
Il détestait vraiment voir les humains s'agiter, il préférait le calme et le silence, c'était plus fort que lui.
Cependant, il avait parlé d'une vois suffisamment forte pour se faire entendre de tous.
- Quoi ? s'étonna le Lion, à peine calmé.
- Comment est-ce possible ? demanda Milo.
- Cet homme est mort à l'âge de 14 ans. Il a passé treize longues années figé dans le temps. Il n'avait pas sa place ici, en l'état.
- J'ai pensé qu'il ne valait mieux pas le ramener à l'âge de son décès, expliqua Athéna en se rapprochant d'Aiolia, à son tour. Et lui offrir le corps de ses 18 ans n'aurait pas été suffisant. Mais il n'était pas question non plus qu'il revienne à la vie à 27 ans, comme s'il n'était jamais décédé. Ces deux options auraient pu constituer un véritable traumatisme et un trop profond décalage avec vous, qu'il a connu enfants. C'est pourquoi mon Oncle, les Juges et moi-même avons réfléchi à cette dernière solution.
La Déesse se tourna vers les Spectres, et Minos reprit la parole.
- Nous avons renvoyé l'âme du Sagittaire pour une autre incarnation, dix ans plus tôt, en un jeune homme de dix-huit ans avec le corps qu'il aurait eu, s'il avait survécu.
- Mais comment une telle chose est-elle seulement possible ?
Le Premier Juge se tourna vers Dokho, dont la question avait fait écho à celle de Milo.
- Grâce à l'intervention de Chronos, nous avons pu récupérer son enveloppe charnelle à la seconde exacte où son âme a quitté son corps, au moment de son triste décès. Et elle a été amenée à sa dix-huitième année, physiquement et temporellement, dirons-nous. De la même façon, nous avons récupéré vos corps un infime instant avant qu'ils ne soient pulvérisés par l'explosion que vous avez eu l'excellente idée de…
- Minos ! le coupa sèchement Athéna en frappant son Sceptre au sol.
- Pardonnez-moi, je m'égare, en effet.
Le Spectre s'inclina tout aussi hypocritement que la première fois.
Il éprouvait un certain mépris pour cette Déesse, fille de Zeus comme lui, qui avait pourtant choisi de s'incarner et de vivre parmi les mortels.
- Mais où est mon frère, alors ? demanda Aiolia, désormais assis complètement dans son lit.
Eaque avait renoncé à le maintenir simplement appuyé sur les oreillers, comme ses camarades.
- Il vit depuis tout ce temps dans un village au nord de l'Italie, complètement amnésique, cela va sans dire, lui répondit ce dernier. Nous allons à présent réveiller son âme pour qu'il retrouve ses souvenirs. Il ne tardera pas à regagner le Sanctuaire pour vous rejoindre.
- Mais et s'il ne voulait pas revenir ? s'inquiéta Aiolia. Dix ans, c'est long ! Il doit une vie, une famille…
- Il est Chevalier d'Athéna, sa place est ici, répondit le Troisième Juge. Il ne résistera pas à l'appel de la Déesse que chacun des Chevaliers ressent dans son cosmos, dans son cœur et dans son âme.
- C'est pour cela qu'il est intervenu à plusieurs reprises, ces dernières années, alors qu'il était amnésique et son âme endormie ?
- Exactement, Mu du Bélier, confirma encore Eaque. A chacune de ces occasions, l'homme qu'est devenu le Sagittaire est tombé dans le coma, quelques heures ou quelques jours. Le temps que son âme, aidée par l'armure d'or du Sagittaire, vienne porter secours et assistance à la Déesse Athéna ou à ses Chevaliers les plus proches, avant de regagner sa présente incarnation.
Un silence d'intense réflexion s'installa.
- Plus j'essaie d'y penser, et plus ces histoire de temporalité me donnent mal au crâne, soupira le Cancer. Il était mort ou pas, ces dernières années ?
- Il l'était, jusqu'à ce que les Juges le renvoient dans le passé, lui répondit Mu.
- Merci, mon agneau, mais c'est pas plus clair pour moi !
- Peu importe le pourquoi du comment, trancha Shion avec son autorité naturelle. L'essentiel est qu'Aioros sera bientôt parmi nous. C'est une excellente nouvelle dont nous devons tous nous réjouir.
- Mais ça veut dire que j'aurais pu retrouver mon frère bien plus tôt... se désola Aiolia.
- Non, le détrompa Eaque. Nous avons fait en sorte que vous ne puissiez jamais vous croiser.
Le passé ne devait en aucun cas être modifié. C'était la condition principale de l'intervention de Chronos.
- Vous avez un tel pouvoir à la surface ? s'étonna Dokho.
- Nous n'influons pas sur le Temps, seul Chronos le peut. Mais dans le cours naturel des choses, nous pouvons garder une certaine ascendance sur les âmes que nous avons jugé, même si le Seigneur Hadès ou le Seigneur Thanatos ont décidé de les renvoyer sur Terre pour une nouvelle incarnation, expliqua patiemment Minos.
- Ce n'est pas une très bonne nouvelle pour nous, ça, fit remarquer Aphrodite avec une moue boudeuse.
- Votre cas est différent, rappela le Garuda. Il s'agit d'une réincarnation à l'identique et perpétuelle qui a mobilisé plusieurs divinités. C'est sans précédent.
- Et donc ? ne put s'empêcher de demander Kanon.
- Le Seigneur Chronos a permis au Seigneur Hades de vous rendre vos corps passés, intervint Radamanthe pour la première fois. Le Seigneur Thanatos, lui, a libéré vos âmes. Enfin, le Seigneur Zeus lui-même a levé la malédiction qui pesait sur elles. Dorénavant, elles vous appartiennent, à chacun de vous, mais surtout, à Athéna.
- Et je ne permettrai aucune intervention, aucune ingérence du Royaume souterrain dans la vie de mes Chevaliers, rappela celle-ci. Nous avons un accord à ce sujet, qui sera retranscrit, enregistré et ratifié très prochainement.
- Merci, Princesse Athéna, affirmèrent les treize Chevaliers d'or, dans un parfait ensemble qui surprit les Juges.
- Vous avez été suffisamment… claire a ce sujet, Princesse Athéna, assura le Griffon.
Il était assez évident qu'il pensait à un tout autre terme…
- Si vous le permettez, nous allons nous retirer, à présent, déclara-t-il ensuite, pressé d'en finir et de quitter ces lieux. Notre rôle est terminé et nous avons du travail. Vous avez semé une sacrée pagaille sur votre passage.
- Et vos Spectres, alors, vous croyez qu'ils n'ont pas soulevé le moindre grain de poussière en débarquant ici sans invitation ?
- Milo…
- Je vous prie de m'excuser, Princesse Athéna.
- Je faisais un simple constat, Chevalier du Scorpion, soupira le Premier Juge. Je ne doute pas que vous aurez fort à faire, de votre côté, également. Eaque ? appela-t-il rapidement pour couper court à toute nouvelle discussion.
Il en avait assez d'être là, il voulait seulement retrouver le calme du Royaume souterrain au plus vite.
- Je suis prêt, répondit le Garuda, le regard posé sur le Lion enfin calmé.
- Radamanthe ?
Le Second Juge n'avait quasiment pas quitté Kanon des yeux une seule fois, depuis son réveil.
C'était lui qui l'avait ramené, après s'être occupé de l'ancien Bélier et Grand Pope, de la Vierge et de l'aîné des Gémeaux. Et il était demeuré à ses côtés, après cela, laissant ses frères s'occuper des neufs autres Chevaliers restants.
Le cadet des Gémeaux avait suivi la conversation, mais son regard revenait régulièrement accrocher celui de Radamanthe, auquel il était comme aimanté, et qu'il sentait posé avec intensité sur lui.
Ce qui l'intriguait.
Et inquiétait fortement Saga.
- On y va, confirma la Wyvern.
Il jeta un rapide coup d'œil à l'aîné des Gémeaux qui le fixait en fronçant les sourcils, mais reporta bien vite son attention sur le cadet.
Seules ses pupilles avaient bougé et en un mouvement si furtif, que Saga n'était pas certain que ça ait vraiment eu lieu.
- Évitez de trop vous agiter, durant quelques jours, leur conseilla Eaque. Si cela vous est possible... ajouta-t-il en grimaçant.
- Vous l'aurez compris, ce sont vos corps habituels et ils sont définitifs, il ne s'agit pas d'emprunts disponibles une douzaine d'heures, continua Minos. Ils ont été éprouvés par ce retour forcé, tout comme vos âmes. Prenez-en soin. Ce n'est pas que je m'inquiète pour vous, entendons-nous bien. Mais vous n'imaginez sûrement même pas la valeur du geste de Sa Majesté Hadès et ce qu'il a dû faire pour vous, ni l'implication des autres divinités.
- Ayez ce respect et soyez prudents, termina Radamanthe, les yeux toujours fixés sur Kanon.
- Nous ne manquerons pas de vous prévenir, au moindre problème, assura Athéna. Et sachez-le, mes Chevaliers sont les mieux placés pour connaître la valeur d'une vie humaine. Nous vous remercions pour votre investissement, vous pouvez disposer et ouvrir un portail d'ici pour rejoindre les Enfers.
- Nous ne faisons qu'obéir aux ordres de notre Seigneur. Merci de nous épargner la traversée des Temples, notre temps est précieux. Athéna, Chevaliers, salua enfin Minos, avant de se tourner vers Radamanthe.
Ce dernier, après un hochement de tête d'Athéna, ouvrit un passage et les Trois Juges s'y engouffrèrent, après avoir tous salué la Déesse.
Jusqu'au dernier moment, Radamanthe n'avait eu de cesse de reporter son regard sur Kanon.
- Reposez-vous, mes Chevaliers. Vous aurez le temps de discuter entre vous plus tard. De longues et parfois douloureuses mais nécessaires conversations vous attendent. Les prochains jours ne seront pas de tout repos, alors accordez-vous ces quelques heures pour vous remettre et réfléchir, si besoin. J'ai confiance en vous et en nous. Tout se passera bien.
- Merci, Princesse Athéna !
Quelque peu remis du choc qu'ils avaient tous eu en constatant qu'ils étaient revenus à la vie, assurés d'être sortis de l'enfer dans lequel ils avaient injustement été enfermés et leurs âmes torturées, ils prenaient pleinement conscience de la présence de leur Déesse.
Belle à en couper le souffle, si puissante, ils auraient tous souhaité, sans exception, pouvoir se lever et poser un genou à terre devant Elle pour lui témoigner amour, gratitude et respect.
C'était leur Déesse, celle pour qui leurs âmes de Chevaliers s'étaient éveillées, la raison même de leurs existences, de leurs combats et de leurs morts.
Et de leurs saluts.
Certains d'entre eux avaient failli à leur devoir, de leur vivant, mais tous avaient fait le sacrifice de leurs âmes, dans la vie comme dans la mort. Quels que furent leurs pêchers, Elle les regardait avec amour, reconnaissance et bienveillance, et un grand soulagement.
Son aura chaude et protectrice les bouleversait tellement qu'ils en avaient les larmes aux yeux et la gorge nouée d'émotion.
Sa voix résonnait doucement, naturellement bien plus tendre que lorsqu'Elle s'était adressée aux Juges.
- Je n'ai pas eu la chance de rencontrer certains d'entre vous, avant leur trépas. Et je n'ai pu avoir qu'un bref échange avec d'autres, temporairement revenus du Royaume souterrain, lors de la dernière Guerre sainte. Nous avons enfin cette chance. Je suis si soulagée d'avoir pu vous faire revenir à la vie ! Et je suis si heureuse de tous vous retrouver ! conclut-Elle enfin d'une voix pleine d'émotion, la main sur son cœur et l'autre serrant fermement son Sceptre.
La Déesse alla ensuite de lit en lit, prononçant tendrement leurs noms, les remerciant pour leurs combats et leurs sacrifices, et les baignant de son cosmos toujours si incroyablement doux et chaud en posant délicatement sa main sur un bras, une épaule, un poignet.
Une déferlante d'amour et de pardon qui traça, pour beaucoup d'entre eux, un net chemin vers la rédemption.
Après le passage salutaire de leur Déesse, ils glissèrent tous dans un sommeil réparateur et apaisé, accompagnés par la voix mélodieuse et vibrante d'allégresse d'Athena qui, depuis ses appartements, chantait pour chacun d'eux.
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Fin du flash back.
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- Ce devait être un très beau moment, fit remarquer Aioros avec une pointe de regret et d'envie mêlées.
- En effet, reconnut Saga. Mais j'étais quand même préoccupé, aussi bien par l'attitude de Radamanthe qu'a ton sujet. Alors je n'en ai vraiment ressenti les effets qu'après le passage d'Athéna à mon chevet, lorsqu'Elle m'a apaisé.
- Tu pensais que je pouvais ne pas revenir, après avoir retrouvé ma mémoire ?
- Non. De tous les Ors, le Sagittaire a toujours été le plus fervent protecteur de la Déesse Athéna. C'est bien la raison pour laquelle il protège toujours Pégase. Tu n'as jamais pu demeurer loin d'Elle, même l'âme endormie. Je savais très bien que tu reviendrais.
- Et en as-tu éprouvé de la joie, à un quelconque moment ? voulut savoir Aioros.
Saga se retourna et se retrouva dans ses bras.
Du regard, il redessina les traits fins du visage de son compagnon.
Par Athéna, comme il l'aimait !
Comment avait-il pu croire un seul instant qu'il pourrait vivre sans l'avoir auprès de lui ?
- J'ai été tout à la fois l'homme le plus heureux et l'homme le plus désespéré qui soient, révéla-t-il en nouant ses mains autour de son cou. Je ne savais absolument pas comment te faire face et j'en avais pourtant terriblement envie et besoin.
- Résultat, tu as expédié notre premier échange en te confondant en excuses, sans m'en laisser placer une seule, grimaça Aioros. Et quand j'ai enfin pu parler, j'étais tellement blessé et choqué par tes mots et ton violent rejet, que je n'ai pas réussi à sortir le moindre son. Tu en as profité pour filer.
- Je suis désolé, murmura Saga en posant sa main sur sa joue.
- Je sais, répondit Aioros en appuyant son visage contre sa paume. Tu as autant souffert que moi, j'en suis conscient.
- Sauf que je le méritais… mais pas toi.
- On en est plus là, Saga, mon aimé, rappela-t-il en prenant sa main pour déposer un baiser contre ses doigts repliés. C'est fini, le temps de la culpabilité est révolu. Tu dois me rendre heureux pour expier tes fautes, ne l'oublie pas.
- Jamais.
Ils échangèrent alors un doux baiser, comme pour sceller cette promesse renouvelée.
Puis, durant un moment hors du temps, ils restèrent sagement serrés dans les bras l'un de l'autre, à profiter de chaque sensation, chaque émotion que cela provoquait en eux.
Ils en avaient besoin, l'un autant que l'autre.
- J'aurais préféré que le temps s'arrête et qu'on puisse demeurer ici, rien que tous les deux, soupira Saga après ce tendre échange, mais sans bouger encore.
- Moi aussi, évidemment. Mais nous avons des obligations.
- Tu es prêt, on monte voir Shion, alors ?
Ils s'étaient mis d'accord sur ce sujet, pendant leur petit-déjeuner.
L'un comme l'autre préféraient tenir leur Grand pope informé de leur nouvelle situation au plus tôt, avant qu'il ne l'apprit autrement.
- Oui ! assura Aioros en s'écartant. Enfin, avant, j'aimerai te demander quelque chose...
- Je t'écoute.
Aioros prit la main de Saga et le conduisit dans la chambre, jusqu'à son armoire.
- Je n'ai pas eu le temps de t'en parler, ce matin, mais je ressens comme un appel, une sorte de résonance, et cela vient clairement de là. Tu peux m'expliquer ?
Saga sourit avec un brin de nostalgie au fond des yeux.
- Je me doutais que tu le ressentirais. Tu n'as pas deviné ce que cela pouvait être ?
- J'aurais dû ?
- Tu aurais pu.
Le Gémeau ouvrit le meuble, fouilla un court instant à l'intérieur et en sortit un objet enroulé dans un drap très fin et précieux. Il en écarta délicatement les pans d'une main et un éclat d'or illumina soudainement la pièce.
- C'est ce que je crois ? demanda le Sagittaire, saisi par une vive émotion.
Saga hocha la tête, lui aussi ému.
- C'est la première flèche d'or que tu as tiré, quand tu as reçu ton armure. Tu me l'avais offerte.
- Et tu l'as gardé tout ce temps... réalisa l'archer en relevant les yeux vers son amant.
- Évidemment. Je l'ai caché ici, c'était mon plus précieux trésor. Il était hors de question que le Lémure mette la main dessus. Lui ou qui que ce soit d'autre, d'ailleurs !
Plus touché que jamais, Aioros prit Saga dans ses bras et le serra contre lui avec toute la force de son amour et de sa joie. Son étreinte lui fut rendu à l'identique par son compagnon, gagné par son émotion.
- Je t'aime.
- ´ros…
- Merci ! le coup a-t-il en le serrant plus fort encore. Merci de m'avoir aimé par-delà la mort et le temps, et de m'avoir gardé près de toi.
- Il n'est pas nécessaire de se mettre dans un tel état, tu sais… murmura Saga, le nez dans son cou.
- Me dit-il en frissonnant encore.
Le Gémeau sourit, alors qu'ils s'écartaient l'un de l'autre, puis embrassa chastement mais tendrement les lèvres tant aimées.
Il enroula ensuite la flèche d'or si précieuse dans son tissu, avant de ranger le tout dans l'armoire.
Il refit face à son amant, pris d'un doute.
- Je peux la garder, n'est-ce pas ?
- Idiot ! rit Aioros. Elle t'appartient, tout comme moi, depuis toujours.
- Je me souviens m'être dit, à cette époque, que c'était un symbole de tes sentiments pour moi, comme si tu l'avais décoché en pensant à moi et qu'elle m'avait atteint en plein cœur.
- C'est exactement cela, Je t'ai confié mon amour et mon être, ce jour-là.
Saga inspira profondément, appuya son front contre celui d'Aioros et l'attira plus près de lui.
Ses mains glissèrent au creux de ses reins, sous son t-shirt, et il caressa doucement la peau mise à nue.
- Mon amour, soupira celui-ci après un court instant, je ne suis pas certain de rester raisonnable, si tu es aussi tendre et câlin à quelques centimètres du lit…
Le Gémeau le relâcha à contrecœur, après lui avoir volé un rapide baiser.
- Je sais bien… Allons-y, si tu es prêt.
- Et toi, tu es prêt à faire face à Aiolia ?
Saga soupira à nouveau, alors qu'ils quittaient la chambre.
- Il va bien falloir, répondit-il en refermant la porte.
- Tout va bien se passer. Je suis heureux, c'est tout ce qu'il voulait.
Ils sortirent des appartements privés sans plus tarder, et traversèrent le Temple.
- Je ne pense pas qu'il se contentera de ce constat. Mais quoi qu'il dise ou qu'il fasse, quels que soient ses besoins, j'accepterai, tant qu'il ne s'agit pas de notre séparation. Je le lui dois, d'une part et de l'autre, cela sera sûrement le meilleur moyen pour être tranquille. Nous sommes ensemble, rien ne doit pouvoir gâcher cela.
- Exactement. D'ailleurs, à ce sujet, tu sais, si j'avais douté un seul instant que tu m'attendais et que tu étais dans de telles dispositions, je serais revenu bien plus tôt, lui confia le Sagittaire, tandis qu'ils sortaient de la Maison des Gémeaux.
Un soleil éclatant les accueillît et les baigna d'une douce et chaude lumière, alors qu'ils commençaient leur ascension.
- J'étais vraiment partagé entre la volonté de respecter ton besoin d'éloignement et mon envie désespérée de te voir. Je sais que je nous ai fait perdre beaucoup de temps et je suis désolé pour cela aussi.
- Je ne te reproche rien. Ce temps n'était pas inutile, ni gâché, il a servi à ta réflexion, à éprouver tes sentiments, à acquérir nos certitudes.
- J'ai toujours su que ce serait toi et personne d'autre, objecta Saga.
- Mais tu étais prêt à accepter que ce ne soit personne d'autre, répliqua Aioros. Maintenant, tu sais que ce ne pouvait être que moi… et c'est tout.
- En effet.
- Tu sais, lors d'un moment privilégié qu'Elle m'a accordé, il y a de cela plusieurs mois, la Princesse Athéna m'a raconté une légende.
- Carrément ! Excusez du peu !
- Oui… Je l'ai bien précisé, c'était un moment privilégié.
- En effet. Elle nous accorde à tous de précieux moments, mais je ne crois pas qu'Elle va aussi loin avec tout le monde.
- Tu l'as évoqué, tout à l'heure : même sans faire de favoritisme, la Déesse Athéna a toujours eu un lien particulier avec le Chevalier d'or du Sagittaire. Je ne peux pas le nier.
- En voici un nouvel exemple. Et c'est mérité, de toute façon. Pour cette ère, tu lui as sauvé la vie, et au péril de la tienne.
- C'est vrai.
- Elle t'a donc parlé d'une légende... reprit rapidement Saga.
Il était peu désireux de s'attarder sur cette nuit tragique.
Et à en juger l'expression d'Aioros, lui non plus.
- Oui, celle du vieillard sous la Lune… Cela te parle ?
Saga ne réfléchit pas longtemps.
- Le seul vieillard sous la Lune que je connaisse, c'est Dokho sous l'effet du mesopetamenos…
Aioros éclata de rire, tellement qu'il s'arrêta en plein milieu des marches, incapable de poursuivre.
Saga profita pleinement du spectacle de ses yeux débordant d'un amour impossible à contenir, en cet instant, il couvait son précieux amant du regard.
Celui-ci finit par se calmer et il reprit son souffle, appuyé contre le Gémeau qui lui souriait.
- Je ne me souviens même plus la dernière fois que j'ai ri comme ça ! soupira-t-il en essuyant une larme qui perlait au coin des yeux. Tu m'auras vraiment mis dans tous mes états…
- Ce n'est parfois pas volontaire, mais c'est toujours grandement apprécié, assura Saga, l'œil malicieux. Mais tu sais, c'est pareil pour moi. Là, présentement, j'ai l'impression d'être un adolescent amoureux pour la première fois. Je retrouve ces sensations que j'avais, autrefois, lorsque le simple fait de te voir me remplissait d'allégresse et que ton sourire, ton rire me réchauffaient le cœur et illuminaient mes journées.
Le Sagittaire fut presque pris d'un délicieux vertige en entendant les mots du Gémeau.
Il avait à peine osé rêver de Saga lui parlant de ses sentiments pour lui aussi ouvertement, et là, il le faisait naturellement et sans fard.
- Oui, je ressens cela aussi, depuis ce matin, avoua-t-il, ému. Et plein d'autres choses inédites, depuis cette nuit et notre merveilleux réveil… ajouta-t-il, le regard intense et brûlant.
Saga se mordit la lèvre inférieure, les poings serrés.
- Tu ne peux pas faire ça, ´ros… Tu ne peux pas me tenir ce genre de propos en plein milieu des marches du Sanctuaire. Comment veux-tu que je pense à autre chose que faire demi-tour pour te ramener chez moi et te faire subir les pires outrages pour ta provocation ?
Le Sagittaire rit de nouveau et serra brièvement le poignet de son compagnon dépité.
- Je suis désolé. Tu as raison, c'est cruel, pour toi comme pour moi. Si on avait 14 ans, on aurait même pas réfléchi, on serait sûrement presque déjà arrivé au Troisième !
- Mais nous sommes des adultes responsables, alors nous allons être raisonnables, encore une fois. Ceci étant dit… tu ne paies rien pour attendre, l'avertit-il à voix basse en se penchant un instant vers lui.
- J'assumerai tout, promis, autant de fois et aussi longtemps que tu le voudras.
Saga inspira profondément.
Ce genre de phrase ne l'aidait vraiment pas !
- Reprenons, dans ce cas… décida-t-il en poursuivant leur montée. De quelle légende et de quel vieillard parlais-tu ?
- C'est celle du fil rouge du destin. Elle raconte que le vieillard sous la Lune, une divinité qui s'occupe des mariages, sort toutes les nuits pour unir les âmes des nouveaux-nés qui sont destinées l'une à l'autre. Il le fait au moyen d'un fil rouge attaché soit aux chevilles, soit à l'auriculaire.
- Pourquoi ce doigt en particulier ? demanda Saga en levant sa main gauche avec curiosité.
Aioros noua son propre petit doigt gauche au sien.
- Le méridien du cœur y passe. C'est une connexion directe avec lui, donc il en est le meilleur ambassadeur. Il relie directement deux cœurs.
- Ça se tient, en effet. Mais pourquoi Athéna t'aurait-Elle parlé de cette légende ?
- Parce qu'Elle est incroyable de soutien et d'amour pour chacun de nous, répondit le Sagittaire en libérant son doigt. Elle voulait me réconforter et m'encourager à ne jamais abandonner, avec toi. Elle m'a assuré que j'avais des raisons d'y croire, car le fil rouge qui unit nos deux cœurs, par la force de la vie elle-même, a eu beau s'étirer au maximum, s'emmêler, se distendre, il ne s'est jamais rompu. Même pas dans la mort qui, au final, n'a fait que nous éloigner temporairement. Et ce, d'une vie à l'autre, d'un cœur à l'autre, d'une âme à son autre. Et notre Déesse avait raison.
- Je suis tout à fait d'accord.
Saga glissa sa main dans celle d'Aioros et la serra avec force et tendresse, un court instant, avant de la relâcher : il ne leur restait que quelques marches avant d'arriver à la Maison du Cancer.
Ils les gravirent rapidement et entrèrent, mais la trouvèrent vide.
Angelo leur autorisa l'accès depuis le Dixième Temple.
Aioros apprit ainsi qu'il était presque devenu son nouveau voisin, car le Cancer passait une bonne partie de son temps chez le Capricorne.
Il s'en réjouit et se désola dans le même temps pour Aphrodite.
Saga le rassura les deux amants, malgré leur nouvelle relation, ne délaissaient pas leur meilleur ami pour autant.
Et lui aussi avait passé du temps en compagnie du Poissons.
En tout bien, tout honneur, précisa-t-il inutilement, car Aioros le savait déjà.
Ce dernier se promit tout de même d'aller parler un peu avec le dernier Gardien, dès que possible.
Mais pour le moment, Saga et lui devaient s'entretenir avec leur Grand Pope ils reprirent donc leur ascension sans tarder.
La plupart des autres Maisons étaient également vides.
Y compris celle du Lion, qui avait suffisamment dissimulé son cosmos pour éviter de les croiser sans se faire remarquer.
Saga fut presque rassuré de ne pas avoir à affronter Aiolia tout de suite.
Il voulait rester dans sa bulle de bonheur et de douceur, sans avoir à gérer l'agressivité, l'antipathie, les sermons ou les menaces du jeune frère de son compagnon.
Celui-ci leur signifia tout de même, en pensées, qu'il avait lui aussi préféré éviter de voir leurs têtes de « mecs qui y avaient eu le droit et pas qu'un peu » de bon matin, d'où sa fuite.
Aioros avait presque été choqué de l'entendre parler ainsi il avait parfois encore un peu de mal à accepter que son petit frère était à présent un jeune homme de bientôt 22 ans, et non plus le tout jeune garçon qu'il avait dû quitter bien trop tôt.
Et si beaucoup de Chevaliers, soldats et apprentis lui avaient refusé leur amitié, car il était le frère d'un traître, de nombreuses jeunes filles n'avaient pas eu le moindre scrupule à faire plus intimement connaissance avec le beau Chevalier du Lion.
A essayer, au moins.
Les temps étaient durs, le Grand pope terrifiait tout le monde par son aura écrasante, mais fort heureusement, les hommes et les femmes du Domaine sacré avaient aussi le droit de se distraire et de profiter du peu de temps qui leur était accordé, en dehors des entraînements, des missions et autres responsabilités.
Aioros n'avait pas été étonné par le succès de son frère.
Lui-même, en son temps, avait fait chavirer beaucoup de cœurs.
Et en avait brisé tout autant, car le sien était pris.
Il ne voulait le donner à aucun autre qu'à l'aîné des Gémeaux.
Aioros s'était toujours considéré lié à Saga cœur, corps et âme.
Les deux hommes laissèrent donc leur cadet à ses activités – justement, ils sentirent le cosmos de Marine de l'Aigle, sa compagne, à proximité – et poursuivirent leur montée.
Ils eurent alors la surprise de trouver Aphrodite dans la Maison de la Vierge.
Les deux Chevaliers étaient venus les saluer, plutôt que de leur accorder le passage à distance.
Ils arrivaient du jardin de Shaka, ce qui était aussi très surprenant cet endroit été sacré et Shaka ne permettait pas à tout le monde d'y entrer.
- Je voulais adapter l'ensemble de mon jardin à la méditation. Sur les recommandations avisées de notre Grand pope, j'ai demandé à Aphrodite quelques conseils pour l'aménagement et le choix des végétaux, leur expliqua le Sixième gardien. Il a gentiment accepté.
- Évidemment ! intervint le Poissons. Je n'allais pas te laisser faire n'importe quoi avec un si bel espace ! Et puis, j'ai toujours voulu venir jeter un œil à ce fameux jardin, depuis que j'ai appris son existence à notre retour. C'est d'ailleurs un peu dommage qu'on ne puisse pas le montrer à tout le monde, une fois que cela sera fini ! Ce sera tellement magnifique, c'est certain !
- J'ai déjà discuté de cette possibilité avec la Princesse Athéna et notre Grand pope. Je ne vois plus d'inconvénient à en autoriser l'accès. Nous pourrons programmer une nouvelle séance de méditation collective, par exemple.
Les trois aînés échangèrent un regard surpris.
Mais l'étonnement fut de courte durée et Aphrodite laissa échapper un petit rire.
- Cela te ressemble tellement ! fit-il remarquer. La première était plutôt réussie, en vérité. Ce n'est pas étonnant que tu en proposes une nouvelle. Tu n'es pas du genre à y organiser un barbecue ou pire, une soirée mousse !
Aioros pouffa contre l'épaule de Saga, qui tentait de garder son sérieux, mais ne pouvait empêcher son sourcil droit de tressauter nerveusement.
- J'avais déjà trouvé que la séance de méditation collective était une idée… intéressante, la première fois, assura-t-il. C'est ta manière très… personnelle de t'ouvrir aux autres et de resserrer les liens.
- Elle n'est pas appropriée ?
- Oh ! si, ne t'en fais pas ! répondit Aphrodite. La première petite séance de méditation que tu nous as offert a fait du bien à tout le monde, malgré certains dissipés. Et un petit rappel n'en sera que bénéfique, également ! Surtout pour certains. Mais nous en avons tous besoin. Et nous allons rendre ce jardin tellement magnifique que simplement y être sera un bonheur pur et simple !
- C'est vrai, il pourrait aussi servir, avec ton accord, évidemment, à apaiser les tensions en cas de dispute ou de conflit entre nous.
- Aioros a raison. Mais rassure-toi, il ne va pas devenir un jardin public, précisa le Gémeau, soucieux de son ami. Il reste un endroit sacré et il sera préservé en tant que tel.
- Je n'ai pas d'inquiétude, Saga, je te remercie. Je n'ai pas encore eu le temps de t'en parler, mais si tu le veux bien, Aphrodite, nous allons réfléchir à un aménagement permettant d'isoler et de protéger les Arbres jumeaux.
- Oh ! Oui, ça va être merveilleux ! s'enthousiasma le Douzième gardien en battant des mains. On devrait d'ailleurs s'y remettre ! Le temps est précieux et nous devrons en accorder beaucoup à la nature pour finaliser tout cela.
- Tu ne peux plus accentuer la croissance des végétaux ?
- J'en ai le pouvoir, mais pas la volonté, Aioros. Il faut parfois laisser le temps faire son œuvre et ne pas précipiter les choses. Il y a une raison pour laquelle certaines choses prennent du temps. On apprend beaucoup en observant la nature. Il faut respecter son rythme.
- Tu as raison, approuva Shaka. Le plus grand ouvrier de la nature, c'est le temps.
- Exactement !
- Bien, dans ce cas, nous allons vous laisser à vos œuvres. N'hésitez pas, si vous avez besoin d'aide.
- Oui, on a peut-être pas la main verte, mais on a des muscles, précisa Aioros. Même si je me suis moins entraîné que vous, ces dernières années, je reste fort et je peux vous être utile.
- Tu as très bien rattrapé ton prétendu retard, affirma Saga. Je veux dire, ça se voit, non ?
- Mais oui, Saga, on a vu ! confirma le Douzième Gardien avec un petit rire. Si j'en crois ce que je sens et ce que je perçois, depuis plusieurs heures et encore plus maintenant… sûrement pas d'aussi près que toi, cependant…
- Aphrodite ! protestèrent les deux plus âgés.
- Oh ! ca va, je n'ai plus dix ans ! ricana-t-il en repoussant élégamment ses longs cheveux blonds en arrière. Enfin bref, ne vous inquiétez pas pour nous. Mu et Aldebaran vont nous rejoindre, cet après-midi. Mais merci !
Les deux aînés hochèrent la tête.
- C'est valable pour n'importe quel jour.
- C'est noté !
- Merci, ajouta Shaka.
- C'est normal. Alors à plus tard ?
- Oui et aussi… félicitations, leur dit encore Aphrodite. Je vous taquine, mais c'est bien que vous ayez enfin accepté de profiter pleinement de cette nouvelle vie… ensemble. Vous êtes fait l'un pour l'autre, c'est tellement évident ! Vous êtes vraiment beaux.
Saga posa sa main sur son épaule.
- Merci, Aphrodite. Vraiment et pour tout. Tu m'as beaucoup soutenu, surtout ces derniers mois.
- Toi aussi, quand les deux idiots se sont enfin décidés à se monter dessus… pardon, je voulais dire, à être honnêtes l'un envers l'autre... Ils ont été géniaux avec moi, mais ça m'a fait du bien de déprimer un peu avec toi aussi, quand je me sentais seul !
- Quand on veut sincèrement aider quelqu'un qui va mal, surtout si on tient à cette personne, on en oublie sa propre tristesse, assura Shaka.
- J'ai pu le constater, en effet, répondit Saga en serrant l'épaule d'Aphrodite un court instant avec tendresse.
Le Poissons sourit, puis se dégagea doucement, se détourna rapidement et s'éloigna.
C'était d'accord pour prendre un ton léger et plaisanter, mais pas indéfiniment, non plus.
Là, ça devenait juste un peu trop pour lui.
- Allons-y, Shaka, l'heure tourne.
Sa voix était assurée, mais son cœur était comme broyé dans un étau.
Ses amis et frères d'armes aux cosmos parmi les plus puissants de la Chevalerie le perçurent aisément.
Saga esquissa un geste pour le rejoindre, mais Shaka s'interposa doucement.
- Félicitations, leur dit-il. Comme le fait si bien remarquer Bouddha, en cultivant l'amour, on aide chaque âme dans l'univers. Il dit aussi quesi, avec un mental pur, quelqu'un parle ou agit, alors le bonheur le suit comme l'ombre qui jamais ne le quitte. Vous serez très heureux.
- Merci, Shaka, répondirent-ils d'une même voix.
Le Sixième gardien hocha la tête, puis s'en alla rejoindre Aphrodite, qui l'attendait devant les lourds battants de la porte du jardin.
Il souffrait, certes, mais pas au point d'agir irrespectueusement envers son hôte.
- Est-ce ça va aller ? lui demanda d'ailleurs ce dernier en arrivant à sa hauteur.
Le Douzième gardien ne s'étonna même pas d'avoir été percé à jour.
Il pourrait nier ou éviter le sujet, mais il choisit de répondre franchement.
Après tout et contre toute attente, il s'entendait très bien avec Shaka.
Cela ne le dérangeait pas de se confier à lui.
Et puis, aussi discret qu'il ait pu être, ses sentiments complexes pour Saga n'étaient plus vraiment un secret, parmi les Ors.
Même les cinq Bronzes l'avaient su ou deviné, d'une manière ou d'une autre.
- Oui et non, répondit-il. Je suis heureux pour lui, pour eux. Ils le méritent tellement ! Mais je n'ai pas assez de bonté et d'altruisme en moi pour me dire que le bonheur de Saga fait le mien ! Je suis toujours un mauvais garçon.
- Non, je ne crois pas. Ta réaction est censée, c'est profondément humain.
- Peu importe, Shaka, ne te soucie pas de ça. Et puis, ça finira par passer, n'est-ce pas ? Tu n'as pas une phrase comme ça qui parle de ce genre de sentiment et de situation ?
- Je ne suis pas un dictionnaire de citations, tu sais.
Cette remarque fit bien rire Aphrodite et chassa sa tristesse d'un coup de balai bienvenu.
- Peut-être pas, reconnut-il en souriant, mais tu es un puits de sagesse aussi profond que Dokho !
- Certes…
- Alors ?
Shaka ne fit même pas semblant de réfléchir une seconde.
- Alors, Si tu veux être triste, vis dans le passé, si tu veux être inquiet, vis dans le futur. Mais si tu veux être en paix, vis dans le présent.
Aphrodite tourna son visage redevenu grave vers les colonnes entre lesquelles Saga et Aioros avaient disparu.
D'autorité, mais avec douceur, Shaka se mit devant lui, emplissant son champ de vision.
- Ne te tourne pas vers le passé, Aphrodite. Laisse-le aller, et la tristesse qu'il te cause avec lui. Le présent, c'est…
- Toi ? sourit-il à nouveau mais de manière un peu crispée. Tu es bien téméraire, d'un coup !
- J'allais dire, mon jardin, répliqua Shaka, imperturbable.
Le sourire du Poissons s'accentua, et devint incroyablement doux.
Shaka ne l'avait jamais vu en adresser de tels qu'à ses deux meilleurs amis du Cancer et du Capricorne, ainsi qu'à l'aîné des Gémeaux, évidemment.
Il en avait aussi surpris d'équivalents, lorsque le Douzième gardien contemplait le jardin.
- Je te taquine, rassure-toi. Allons donc nous occuper de ce jardin en question, que nous avons abandonné en pleine inspection. Ça m'apaisera. Et ne t'inquiète pas pour moi, je vais déjà mieux. En grande partie grâce à toi, d'ailleurs ! Merci beaucoup, Shaka.
La Vierge l'observa un instant de ses grands yeux d'un bleu si pur, puis ouvrit les portes de son jardin et entra, immédiatement suivit de son aîné.
Pendant ce temps-là, Aioros et Saga continuèrent leur progression.
Le Sagittaire profita du passage dans son Temple pour aller se changer.
Bien évidemment, il fut impossible à Saga de rester sagement à l'attendre dans son coin.
Il n'eut de cesse d'embrasser et de caresser chaque parcelle de peau mise à nue.
Aioros dû finalement le mettre hors de sa chambre pour pouvoir terminer de s'habiller.
Et il dû se dépêcher de le faire, avant que son compagnon ne perdit patience et ne forçat le passage.
Il n'était pas sûr de pouvoir résister encore, dans ce cas-là.
Ceci fait et après avoir échangé un long baiser, qui faillit lui aussi avoir raison de leur résolution, ils quittèrent le Neuvième Temple et terminèrent l'ascension des marches en traversant les dernières Maisons, vidées de leurs occupants.
Milo et Camus étaient aux arènes avec Aldebaran.
Quant à Shura et Angelo, qu'ils pensaient trouver encore dans le Dixième temple, ils les croisèrent finalement devant le Palais du Grand pope.
- Vous allez voir les vieux, vous aussi ? demanda le Cancer après les avoir salués.
Il se prit inévitablement un tacle sur le crâne de la part de Shura.
Il était habitué et prévenu, pourtant, il ne cherchait jamais à l'éviter.
- Oui, confirma Saga avec un petit sourire. Tu n'as pas mis Shion de trop mauvaise humeur, ça va ?
Le passage d'Angelo au Palais avait souvent de fâcheuses retombées pour ceux qui passaient après lui.
Shion s'en était ouvert à Saga, une après-midi où ils avaient travaillé ensemble, durant une pause qu'ils s'étaient accordés.
Malgré sa patience légendaire, Shion perdait vite son calme face à l'impertinence du Cancer. Il devait souvent le reprendre et le sermonner, même s'il ne faisait rien de bien méchant.
Angelo trouvait souvent un complice en Dokho, qui adorait taquiner son compagnon, lui aussi.
Au fond, Shion aimait ces moments-là, après coup.
Ils lui rappelaient leur jeunesse, et faisaient remonter à la surface les souvenirs d'un autre Cancer dont ils étaient très proches, Dokho et lui, tout aussi impertinent et à la langue bien pendue, lui aussi.
Aujourd'hui qu'il voyait les jeunes hommes s'épanouir et profiter de la vie, ses anciens frères d'armes lui manquaient d'autant plus.
Heureusement que le plus précieux d'entre tous lui avait été rendu.
- Non, était en train de répondre Shura. Pour une fois, il a su se tenir.
- Hey !
- Je suis content que vous vous soyez retrouvés, ajouta-t-il sans tenir compte de l'intervention du Cancer.
- C'est vrai, ça ! Congratulazioni ! Si vous étiez au Troisième cette nuit, j'ai peut-être bien fait de rester au Dixième ! J'aurais sûrement été tenté de descendre jeter un œil…
- Mais t'es intenable ! soupira Shura. Viens, c'est bientôt l'heure de déjeuner, lui dit-il encore en le tirant par le bras sans ménagement.
- Ah, c'est pour ça que t'es ronchon !
- Je suis pas… arrête de te moquer de moi, estupido ! protesta-t-il alors qu'Angelo éclatait de rire. On se voit plus tard, salua-t-il leurs aînés.
- Ci vediamo !
- Ciao, répondit Aioros. A tout à l'heure.
Angelo ne pouvait pas s'empêcher de glisser un mot ou deux, voir plus, en italien, lorsqu'il parlait avec Aioros.
Même s'ils n'avaient pas vécu au même endroit, l'un au Nord et l'autre plutôt au Sud et en Sicile, ils avaient souvent partagé leurs souvenirs de l'Italie.
Ce qui avait fait du bien à l'italien de naissance autant qu'à celui d'adoption.
Le premier, pour avoir un interlocuteur qui savait de quoi il parlait, et le second, pour penser un peu à autre chose que le rejet de son amour qui occupait tout son esprit.
Saga, lui, se contenta d'un signe de la tête en souriant, et ils les regardèrent s'éloigner en se chamaillant encore.
- A les voir ainsi, je suis transporté quinze ans en arrière, sourit Aioros.
- Quel drôle de couple, tout de même, répondit Saga. Je n'aurais pas parié sur eux.
- Même en connaissant leurs sentiments respectifs ? Car tu l'as toujours su, n'est-ce pas ?
- Oui. Mais les liens qui les unissent, et j'intègre Aphrodite car ils ont toujours formé un vrai trio, ont toujours été aussi profonds que complexes. Ils ont tout fait et découvert ensemble, plus souvent le pire que le meilleur, malheureusement.
- Malgré tout, ils ne se sont pas perdus. Et ces deux-là ont même fini par se trouver, fit remarquer le Sagittaire.
- Shura est impressionnant. Par sa droiture et son intégrité, mais aussi et surtout, son incroyable amitié et sa loyauté, il a sauvé Angelo et Aphrodite de leur propre folie sanguinaire, et ce n'était vraiment pas loin pour Angelo. Sans lui, je les aurais complètement détruits.
- Il les aurait complètement détruits.
Quelques mois plus tôt, Saga aurait protesté et réclamé de pouvoir endosser pleinement cette responsabilité.
Cette fois-ci, il accepta simplement la correction de son compagnon en hochant la tête.
Un geste simple qui en disant très long sur son cheminement personnel.
Et qui eut son petit effet sur le Neuvième gardien.
- Si on avait été n'importe où ailleurs, je t'aurais embrassé, sache-le, murmura Aioros.
- Garde cette idée en tête pour le retour. Et si tu oublies, nulle crainte, je me ferais un plaisir de te le rappeler.
- Je ne risque pas d'oublier !
Ils échangèrent un tendre sourire complice et un long regard.
Puis, ils gagèrent la porte du Palais du Grand pope, et après avoir salué les gardes en faction, ils entrèrent et se firent annoncer.
On les invita rapidement à gagner le bureau où ils trouvèrent Shion et Dokho chacun la tête dans un énorme registre, pour le premier, et un livre bien épais lui aussi, pour le second.
- Nous sommes désolés de vous déranger.
- Vous êtes les bienvenus, assura Shion en se levant. Je vous l'ai toujours dit, ma porte est ouverte à tout moment.
- Merci.
- C'est un plaisir de vous voir ensemble, se réjouit Dokho.
Il alla leur donner une rapide accolade, mais l'ancien Bélier garda une distance protocolaire, même dans ce lieu plus intime et dans un moment informel.
- Que pouvons-nous faire pour vous ? reprit le Grand pope en les invitant à s'asseoir d'un élégant geste de la main.
- Nous n'allons pas rester, merci, refusa poliment Saga.
- Et nous n'en avons pas pour longtemps, ajouta Aioros.
- Nous sommes seulement venus vous prévenir que tout était… arrangé, entre nous, et vous offrir notre aide commune, à présent.
- Arrangé, vraiment ? répéta Dokho avec un large sourire espiègle. La formulation est intéressante. Et peut-on connaître les termes de l'arrangement ?
- Dokho, cesse un peu de les taquiner…
- J'aime bien déstabiliser Saga ! répliqua-t-il en entourant le Gémeau d'un bras protecteur. Ça paraît difficile, mais en vérité, c'est si simple !
- Vieux Maitre, je vous en prie… grimaça le Gémeau.
- D'accord, d'accord !
La Balance s'écarta et reprit sa place près du Pope.
- Nous sommes heureux pour vous, affirma celui-ci, les mains croisées devant lui. N'est-ce pas ?
- Évidemment ! confirma Dokho avec toujours un énorme sourire aux lèvres.
- Si je comprends bien, nous allons dorénavant pouvoir compter sur votre collaboration ?
- Sur votre étroite collaboration, même ?
Shion se tourna vers son compagnon, les poings sur les hanches, cette fois.
- Dokho, vraiment ?
- Désolé, désolé ! s'excusa-t-il face au regard noir de l'ancien Bélier.
Saga et Aioros échangèrent un sourire rapide.
L'amour et la grande complicité qui unissaient les deux Chevaliers du passé étaient à la fois discrets et incroyablement présents.
Leur lien emplissait tout l'espace, les baignant tous d'une douce chaleur.
Leur bonheur serein était communicatif.
- En effet, c'est la raison principale de notre venue. Vous pouvez compter sur nous deux, promit Aioros.
Il aurait voulu prendre la main de Saga, mais il se contenta de frôler ses doigts rapidement.
Aussi discret fut-il, ce geste n'échappa pas à leurs aînés, qui sourirent avec bienveillance.
Et quelque chose qui ressemblait à du soulagement, aussi.
- Je tenais également à m'excuser pour avoir rendu la situation compliquée.
- C'est sûr qu'en acceptant de travailler avec Aioros sur certaines tâches, tu nous aurais fait gagner du temps et de l'expertise, reconnut Shion. Mais ne parlons plus du passé. Il n'y avait rien d'urgent et tout a été mené à bien, même si cela a pris plus de temps et demandé plus de moyens. Tu as beaucoup aidé, Saga, et tu n'étais pas obligé de le faire. Toi aussi, Aioros, bien sûr.
- C'est normal, répondit celui-ci.
- C'est notre devoir, ajouta Saga. Mais j'aurais pu…
- Tutututu… l'arrêta Shion en levant la main entre eux. Je l'ai déjà dit, oublions le passé, maintenant que nous en avons tiré les leçons qui s'imposaient. L'important, c'est aujourd'hui où vous vous présentez à nous, ensemble et unis.
- Surtout unis, insista Dokho. Parce que vous avez dû parfois vous tenir ainsi l'un à côté de l'autre, mais il y avait un gouffre insondable entre vous, alors. Je suis heureux de constater que vous avez comblé ce vide avec plein de beaux sentiments. C'est maintenant un vaste champ où vous pouvez batifoler à loisir !
Shion leva les yeux au plafond en retenant un soupir.
- Merci, Vieux Maître, répondit cependant Saga. Merci à tous les deux pour votre patience et votre bienveillance.
- Merci à vous, ajouta Aioros.
Se laissant gagner par l'émotion, Shion abolit la distance entre eux et posa une main sur chacune de leurs épaules, qu'il serra un court instant avec tendresse.
- Soyez heureux pour vous-même, et pour Notre Déesse, leur demanda-t-il avant de reprendre sa place. Elle sera ravie d'apprendre cette nouvelle.
- Vraiment ?
- Oui, bien sûr, confirma Dokho, Elle demandait souvent après vous deux, jusqu'à ton départ, Aioros. Elle s'inquiète pour chacun de nous, et est très soucieuse de notre bonheur.
- Elle sera vraiment soulagée, ajouta Shion.
- Tant mieux. Louée soit-Elle.
- Oui, et grâce lui soit rendue.
Les deux aînés hochèrent la tête.
- Vous avez de la chance, ne l'oubliez jamais, rappela encore le Grand Pope. A notre époque, ce genre de relation n'était pas vraiment tolérée. La réincarnation d'Athéna de notre temps, Sasha, était douce et compréhensive. Mais la société autour… Et bien, disons que c'était très compliqué.
- Ce ne sera pas forcément simple pour vous non plus, aujourd'hui, mais…
- Ça n'a pas d'importance, Maitre Shion, Maitre Dokho, assura calmement Aioros. Si vous et la Déesse Athéna, vous nous autorisez à… être nous-mêmes et être ensemble, c'est suffisant. Bien sûr, l'avis de nos pairs compte, et surtout celui de nos frères…
- Mais nous pouvons nous passer de leur approbation, certifia Saga.
- Vous n'aurez pas à le faire, je suis certain que tout le monde a apprécié le feu d'artifice de cosmos de cette nuit !
- Vieux Maitre !
- Maitre Dokho !
- Dokho !
Les trois voix s'étaient élevées en même temps.
La Balance éclata de rire face au regard courroucé de son compagnon, et surtout aux mines déconfites des deux Chevaliers devant eux.
- Ça demande un peu de pratique, mais vous arriverez bien vite à maîtriser cela. Je vous donnerai quelques conseils, si vous voulez.
- Est-ce que tu pourrais arrêter cela, s'il te plaît, Dokho ? lui demanda Shion en fronçant les sourcils. Tu es maintenant le seul à t'amuser, ici !
- Mais je suis sérieux !
- Ça ira, Vieux Maitre, refusa poliment Saga. Merci à vous. Si vous le permettez, nous allons nous retirer, a présent.
- Oui, cela vaut mieux, acquiesça Shion. Merci d'être venus. Nous ferons sûrement appel à vous bientôt. Nous avons bien avancé, mais il reste encore du travail. Votre aide nous sera précieuse.
- C'est un honneur de vous l'offrir, Grand pope.
- C'est un honneur de vous servir, Grand Pope.
… affirmèrent-ils d'une même voix.
Ce qui provoqua quelques échanges de regards complices et entendus.
- J'y pense, tu ne voudrais pas leur confier la vérification en Autriche ?
- Aioros vient à peine de rentrer, Dokho.
- Oui, mais ça leur permettrait d'être un peu tous les deux loin du Sanctuaire. Je doute que cela lui pose problème, dans ces conditions, je me trompe ?
- Vous pouvez m'envoyer où vous le souhaitez et quand vous le jugez nécessaire, assura le Sagittaire. Puis-je demander de quoi s'agit-il ?
- Un enfant présenterait des aptitudes particulières qui pourraient être liées à l'éveil d'un cosmos. Il faudrait aller vérifier sur place. Je comptais envoyer un seul d'entre vous, mais je n'ai pas encore réfléchi à un nom. C'est une demande très récente.
- Tu peux envoyer Saga en mission et Aioros peut l'accompagner en guise de repos. Ça fait des mois qu'il parcourt le globe pour défendre les intérêts du Sanctuaire ou simplement le représenter. Ça leur ferait le plus grand bien à tous les deux, non ?
- C'est une idée qui se défend, reconnut Shion. Vous seriez d'accord ? Vous n'êtes pas obligés de me répondre maintenant…
- Bien sûr, Maître Shion.
- Évidemment, confirma Saga.
- Dans ce cas, laissez-moi en parler à la Princesse Athéna. Je reviendrai vers vous par la suite.
- Grand Pope, acquiescèrent-ils en s'inclinant.
- Cela vous fera du bien de pouvoir vous retrouver dans une vraie intimité, hors de portée des oreilles indiscrètes de vos camardes, à l'affût du moindre cri ou gémissement évocateur, de…
- Dokho, il suffit ! le coupa le Grand pope avec autorité. Saga, Aioros, vous pouvez disposer.
Les deux plus jeunes ne se le firent pas dire deux fois et quittèrent le Palais, après avoir salué leurs aînés.
Après leur départ, Shion retourna à son bureau sans un regard pour son compagnon.
- Tu m'en veux ? demanda celui-ci.
- Je suis habitué. Je me demande seulement comment tu peux être à la fois si sage et si immature, en même temps ! Si respectueux et si impertinent, sur un même sujet.
- Tu ne sais toujours pas ?
- Qu'est-ce que tu vas me sortir comme ânerie, encore ? soupira l'ancien Bélier en levant le visage vers lui.
- Rien ! C'est juste que je suis Dokho de la Balance.
- C'est censé tout expliquer ?
La Balance en question lui dédia un sourire plein de dents.
- Beaucoup de choses, en tous cas ! La dualité, les paradoxes… peut-être même le ying et le yang, tiens !
Shion secoua la tête, puis reprit son registre.
- J'ai même pas le droit à un baiser ?
- Non.
Le sourire de Dokho s'effaça.
Il vint se placer derrière Shion et entoura son cou de ses bras, le menton posé sur son épaule.
- Je suis désolé si mon attitude t'a déplu. Je voulais seulement les détendre et les taquiner un peu. Je fais juste ce que tu ne t'autorises pas à faire, avec eux. Moi, je suis un peu la vieille tante excentrique, là où toi, tu agis comme un vieil oncle strict.
- C'est faux. Je ne suis pas strict, je permets beaucoup de libertés, dans cette nouvelle vie.
- Tu es strict et protocolaire dans tes relations avec eux. Tu pourrais être plus proche et plus intime avec certains.
- Ce n'est pas ainsi que je conçois ma relation avec eux. Je ne suis pas seulement un de leurs pairs, je suis aussi et surtout leur Grand pope. Une distance s'impose de fait. Tu as ta place parmi eux, car tu es toujours le Chevalier d'Or de la Balance. Tu les as a guidé devant le Mur des Lamentations, tu as partagé un moment très fort et intense et vous êtes morts ensemble.
- En effet. Mais toi, tu les as accueillis et guidés à leur arrivée au Sanctuaire. Tu les guides et les accompagnes depuis notre retour à la vie. Il aurait juste fallu que tu acceptes de venir boire un verre avec nous tous, de temps en temps.
- Je prends le thé avec certains, régulièrement.
- Et c'est déjà très bien, amour. Mais je te parle de petites soirées détendues, moi, à plusieurs.
- Ce n'est plus de mon âge. Et surtout, ma présence ruinerait l'ambiance.
- Parce que tu es trop sérieux et non parce que tu es trop vieux. Mais tu aurais pu te détendre autour d'une bière ou deux. Ou un verre de vin. Ou alors pas d'alcool du tout, après tout ! Aldebaran ne boit jamais, il a trop peur de tout casser !
- Ils n'agiraient pas normalement en ma présence, Dokho, tu le sais bien. Pas tous, en tous cas.
- Je suis sûr que ça pourrait venir au fil des heures. Tu sais t'amuser, Shion. J'ai pas oublié et toi non plus. Tu adorais ces petites soirées qu'on faisait avec Mani, Cid, Kardia et les autres aussi, parfois.
L'ancien Bélier se crispa légèrement.
- J'étais un adolescent, à peine un jeune homme. C'était dans une autre vie, si lointaine. Ils me manquent tous encore tellement, Dokho… soupira-t-il en posant ses mains sur les bras de son amant. Vous m'avez tous cruellement manqué à chaque seconde. J'adore nos jeunes chevaliers, je suis tellement fier d'eux... Mais c'est encore douloureux, d'autant plus que ce sont des adultes, désormais et je revois nos camarades dans chacun d'eux ou presque. Je ne peux pas me détacher de cela.
- Je comprends, le rassura Dokho. Tu as préféré ne plus trop t'attacher aux autres pour ne pas avoir à subir à nouveau un deuil si douloureux. Je ne peux qu'imaginer cette lente agonie qui fut tienne, à vivre seul ici, dans les ruines et le souvenir, le chagrin et la désolation. Je t'ai soutenu comme je l'ai pu, mais nous ne pouvions pas maintenir ce lien télépathique trop longtemps, ni trop souvent.
- Ce fut douloureux pour toi, également.
- Certes. Mais j'étais dans un autre lieu. Chaque pierre et quel que soit là où tu posais ton regard, il y avait un rappel des jours heureux enfuis à jamais. On m'a au moins épargné cela.
- Et j'en suis soulagé, tu n'imagines pas combien...
Dokho le serra plus fort contre lui.
- Après avoir vécu si longtemps aux Cinq pics, quasiment seul, jusqu'à l'arrivée de Mu, et aussi et surtout de Shiriyu et de Shunrei, avec qui je me suis autorisé à me lier davantage, je suis heureux de pouvoir retrouver une forme de vie sociale. Et moi aussi, je revois nos camarades en chacun d'eux. Je le prends surtout comme une seconde chance de pouvoir profiter d'eux ou d'apprendre à mieux les connaitre.
- Je n'ai pas ta sagesse.
- Je n'ai pas ton vécu, mon adoré.
Shion soupira une nouvelle fois.
- Recule et laisse-moi donc te donner ce baiser que tu m'as réclamé, tantôt.
Dokho s'exécuta volontiers et savoura le baiser de son aimé.
Mais après le rappel de si douloureux souvenirs, les deux amants avaient besoin de beaucoup plus, même si ce simple échange leur apportait déjà beaucoup.
Une fois n'est pas coutume, l'ancien Bélier usa de son pouvoir et les téléporta, toujours enlacés, directement dans sa chambre de Pope, à proximité du bureau.
Ils atterrirent en douceur sur le lit.
Et ils ne le quittèrent plus jusqu'au début d'après-midi, lorsque le besoin de satisfaire d'autres appétits se rappela bruyamment à eux.
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Note :
1 strapadsada ; spécialité grecque d'oeufs brouillés, tomates, menthe et féta.
Je sais que The Lost Canvas n'est pas canon mais j'aime tellement les Chevaliers d'or de cette série que je ne peux m'empêcher de m'en inspirer.
J'espère que vous avez aime ce chapitre.
Merci d'avoir lu et bonne continuation.
