Bonus du chapitre 5 à 9


Chapitre 5

Tendo Satori

Je venais de terminer mon footing avec Semi quand nous passâmes la porte du gymnase attribuée au club de volley, comme étant la ligne d'arrivée invisible. J'étais un peu essoufflé, mais rien d'étonnant après avoir parcouru une dizaine de kilomètres. Nous étions les derniers vu que ce beau gosse avait perdu quelques instants à tenter sa chance auprès de la nouvelle, ce que j'avais d'ailleurs minutieusement observé.

Je changeai de chaussures et m'avançai vers Wakatoshi qui était arrivé bien avant tout le monde comme à son habitude. Il avait déjà entrepris de s'entraîner à effectuer des services pendant que des membres assignés au poste de ramasseur de balles récupéraient ses boulets de canon un peu éparpillés dans les recoins du gymnase. Les pauvres devaient courir partout à cause de la puissance d'attaque de notre champion qui ne ménageait pas ses efforts.

J'applaudis à un de ses supers services smashés qui rebondit très haut après avoir percuté le sol dans un bruit sourd et finir sa course à l'étage. Le grand brun se tourna vers moi quand il m'entendit le féliciter.

- Tu as mis plus de temps à revenir, me fit-il remarquer de sa voix grave et terriblement neutre.

Le commun des mortels qui ne connaissait pas l'homme se serait certainement senti un peu offusqué de cette remarque qui pouvait malheureusement être mal interprétée à cause de son apparence brute et son manque de tact. Cependant, il n'y avait aucun son de reproche dans ses mots, c'était juste un fait qu'il exposait, et comme il n'en savait pas la cause, il n'avait pas émis d'hypothèse. C'était un peu comme une forme de question indirecte de sa part, sa façon de m'exposer ce fait était une forme de curiosité venant de lui sans pour autant s'imposer. C'était l'une des principales raisons qui faisait que Ushijima Wakatoshi n'avait pratiquement aucun ami, car il avait du mal à se faire comprendre par les autres et ne faisait pas d'effort pour leur rendre la tâche plus facile.

- C'est à cause de Semi-semi et ses plans qui seront forcément foireux de toute manière, dis-je en haussant le ton vers la fin de ma phrase pour être certain d'être entendu par le concerné.

- Stoppez vos enfantillages et au boulot ! Sinon j'vais vous trouver une bonne occasion de vous plaindre ! S'écria le coach qui montrait des signes d'impatience.

Il serait bien impétueux de notre part d'aller à l'encontre de ses ordres, sauf si nous souhaitons mourir jeune. Le coach était sévère et attendait de nous que nous nous donnions tous les soirs à 200%. Et personne ne voulait subir son courroux, du coup, tous les joueurs s'étaient mis en position pour commencer l'entraînement pendant deux heures. C'était éreintant et difficile, mais un réel plaisir de jouer. Je pouvais interpréter ma façon de pratiquer ce sport sans aucune chaîne autour de moi, et c'était satisfaisant après tant d'année à avoir été opprimé et jugé. Ici, dans cette équipe, quand bien même elle pouvait paraître austère et hautement disciplinée, elle était accueillante et chaleureuse. Depuis un an maintenant, j'étais leur coéquipier, leur ami, et à aucun instant j'ai senti le regard du jugement posé sur moi. J'avais été accepté à ma juste valeur, me faisant découvrir un nouveau sentiment : l'amitié.

Le cours était officiellement fini mais comme à son habitude, Wakatoshi était resté pour continuer à s'entraîner, comme s'il n'était jamais satisfait de son niveau et qu'il voyait toujours le plus qu'il pouvait accomplir. Et comme à mon habitude, j'étais resté lui faire des passes ou le contrer. Semi, Reon et Hayato avaient décidé de rester aussi, mais contrairement à nous deux, ce n'était pas systématique.

Les danseuses du dimanche étaient arrivées pendant notre cours, mais quand bien même je les avais remarqué, je n'y avais aucunement apporté une once d'importance, comme la plupart de mes coéquipiers. Quand bien même elles balançaient leur jambes nues, faisaient des pirouettes ou se dandinaient comme des dindes, les titulaires de l'équipe n'avaient pas porté un seul regard sur elles, bien trop concentrés sur leur propre activité.

- Pourquoi tu souris comme un débile ? Questionna Hayato en observant Semi pendant nos étirements pour clore l'entraînement.

- J'ai établis le premier contact, bientôt, j'aurais une copine, répondit-il le sourire au coin de ses lèvres.

Je ne pu m'empêcher d'exploser de rire assez vulgairement.

- Tu te fais des films mon cher Semi, dis-je entre deux fous rire.

Nos camarades me regardaient perplexes de mon hilarité, ils ne comprenaient tout simplement pas la situation puisqu'ils n'avaient pas assisté à la scène.

- Non, ça s'est passé comme dans un manga de fille qu'elles adorent lire ! J'suis sûr, j'ai mes chances, bougonna-t-il pas très content que je me moque de lui.

- De quoi vous parlez ? Demanda Reon les sourcils froncés.

- De Semi qui pense qu'il va faire tomber la nouvelle sous son charme, résumais-je.

- Il s'est passé quoi ? Sourit Hayato, intéressé par l'anecdote.

Semi raconta avoir vu la jeune fille courir vers deux hommes qui semblaient l'attendre devant une luxueuse voiture noire et du mouchoir qui avait glissé de sa poche pendant sa course. Qu'il avait saisi la chance que, « le destin avait mis sur sa route » comme il le disait, pour le récupérer et lui permettre de se présenter à elle en faisant son petit numéro de beau gosse. Et qu'ainsi, il pourrait la draguer et la faire tomber amoureuse de lui pour qu'elle devienne sa petite amie d'ici peu.

Étant fin observateur, le visage de la demoiselle avait clairement montré des signes d'agacement plus qu'autre chose. Mais Semi ne le voyait pas sous cet angle, Semi voyait ce qu'il voulait bien voir de toute manière. Quand bien même, moi, c'était l'ensemble du tableau que j'avais scruté. Ces hommes semblaient remplir une fonction de garde du corps, j'en était pratiquement certain. Cette voiture noire aux vitres teintées ressemblait à celle qu'utilisait des stars ou des personnes importantes pour circuler en toute discrétion. Et puis la plaque d'immatriculation du véhicule qui était inhabituelle. J'avais déjà compris dès le premier jour que cette blonde n'était pas n'importe qui, qu'elle était probablement riche et devait être quelqu'un d'important. Je m'étais retenu de taper son nom sur internet car je voulais le découvrir par moi-même, mais maintenant que j'avais vu ces nouveaux indices très curieux, j'étais à deux doigts de craquer et de m'empresser de prendre mon téléphone pour satisfaire cette envie qui me tiraillait l'esprit. La tension était à son apogée.

- Vous parlez de De Villiers-san ? Entendis-je Eira Kusanagi demander de sa voix faussement mielleuse, me sortant de mes réflexions.

Avec les autres, nous levâmes nos visages vers les filles debout alors que nous étions allongés sur nos flancs pour nos étirements.

- Vous savez, elle est dans ma classe et on a beaucoup discuté toutes les deux, commença à dire cette hyène avec son sourire diabolique que j'étais le seul à voir.

On ne pouvait pas dire qu'elle était en train de mentir, en effet, les deux filles avaient souvent discuté ensemble, mais ce n'était pas dans un contexte amical, ce qu'elle avait bien omis de mentionner.

- Elle m'a dit qu'elle avait du mal à s'intégrer car son ancien lycée lui manquait, et qu'il y avait peut-être quelque chose qui pourrait l'aider à se sentir mieux, mais qu'elle n'osait pas le dire par peur d'être mal jugée, continua-t-elle à dire en jouant les fausses amies qui comprenait sa situation et qui voulait l'aider en parlant à sa place.

Je sentais le traquenard arriver comme je devinais qu'elle jouait la comédie pour certainement porter préjudice à la nouvelle.

- Et c'est quoi ? S'empressa de demander Semi, qui devait encore une fois croire que c'était une seconde occasion de se rapprocher de la blonde.

- Apparemment, dans son ancien lycée, ils l'appelaient tous « Princesse » et qu'elle souhaiterait que nous l'appelions comme ça ici aussi, que ça pourrait l'aider à se sentir à l'aise parmi nous, dit-elle en prenant une fausse voix gênée.

Mais alors que les autres gobaient cette connerie, je tournai mon visage vers mon meilleur ami, qui fronçait les sourcils, comme si lui aussi, n'était pas dupe de la manipulation de la cheerleader sur nos coéquipiers. Il se leva en fixant Eira quelques instants, dont un éclair de peur traversa le visage de la concernée, et il s'éloigna du groupe sans dire un mot. Je me levai subitement pour lui emboiter le pas, curieux de vouloir lui sortir les vers du nez.

- Tu n'y crois pas à son histoire ? Demandais-je alors que nous entrâmes seuls dans le vestiaire.

- Non, répondit-il simplement, comme à son habitude.

- Et pourquoi ?

Il retira son tee-shirt et me regarda.

- Kusanagi-san ment.

- En effet, mais comment tu peux en être sûr ? Dis-je presque au minaudant.

- Tu m'as dit qu'elles ne s'entendaient pas, et la nouvelle n'aime pas que tout le monde parle d'elle.

Je fis de gros yeux, intrigué par cette soudaine son affirmation.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Sa réaction devant les toilettes.

Je souriais. Encore plus intrigué que jamais. Ushijima Wakatoshi n'avait jamais montré beaucoup d'intérêt pour les autres, à part les membres du club, mais il avait prêté attention à la blonde lorsque que nous l'avions croisé.

Décidément, cette histoire me fascinait beaucoup trop.


Chapitre 7

Ushijima Wakatoshi

Je n'avais aucun problème de sommeil, c'était on/off. Je ne passais pas de longues minutes à pouvoir m'endormir et dès que le réveil sonnait le matin, je me levai la seconde suivante. Tendo, lui, était une larve qui traînait des pieds jusqu'à qu'il avale son petit déjeuner. C'était aussi le seul moment de la journée où il était silencieux, car son cerveau n'avait pas encore mis ses rouages en route.

Comme tous les matins, le réveil avait sonné à six heures pour l'entraînement matinal qui débutait à sept heures. Nous étions en train de marcher en silence vers le réfectoire que j'entendis Tendo émettre un petit gémissement et me barrer la route avec son bras.

- Humm mais qui vois-je là-bas ? Chantonna-t-il.

Je levai les yeux vers la silhouette à l'allure féminine marcher un peu plus loin devant nous. Ses cheveux au couleur du blé étaient relevés et ses jambes étaient habillées d'un pantalon en tissu qui se collait comme une deuxième peau. Je l'avais uniquement aperçu avec l'uniforme scolaire et les cheveux relâchés, mais elle était parfaitement reconnaissable même de dos, il s'agissait de la nouvelle.

- Ohh mais ça ne serait pas De Villiers-san de si bon matin ? Dit Tendo en haussant la voix de manière enjouée.

Nous avions repris notre route dans sa direction. Alors qu'elle s'apprêtait à passer la porte pour accéder au self, elle se retourna et ne semblait pas surprise de nous voir si tôt le matin. Je n'étais pas particulièrement curieux, mais je ne pu m'empêcher de me faire la réflexion que c'était la première fois que je croisais sa route avant les cours.

- Tendo-san, Ushijima-san, bonjour, salua-t-elle en nous attendant.

- Hello Girl ! C'est la première fois que je te vois si tôt, lui répondit mon ami en agitant ses deux mains comme un enfant à notre approche.

- Bonjour, dis-je simplement.

Je fourrai les mains dans les poches de ma veste car la température commençait à attaquer le bout de mes doigts alors que j'étais plutôt insensible au froid en général, faisant de moi une personne qui n'appréciait pas l'été. Je laissai mes yeux glisser sur le corps de la jeune fille, éveillant légèrement ma curiosité sur le sport qu'elle pratiquait au vu de la tenue qu'elle avait revêtit. Cependant, ma curiosité n'était pas assez grande pour me donner envie de poser la question, c'était simplement une réflexion qui me traversait l'esprit pendant l'instant présent.

- Alors qu'est-ce que tu fais de si bon matin ? Questionna mon ami en penchant la tête sur le côté, un de ses tics quand sa curiosité à lui était piquée.

La blonde sursauta légèrement, sans trop savoir pourquoi et je ne cherchais pas spécialement à comprendre.

- J'ai quelque chose à faire à mon club, répondit-elle.

- Viens manger avec nous, enchaîna mon ami après quelques secondes de silence.

Il l'avait dépassé ne lui laissant pas vraiment le choix, c'était aussi une de ses habitudes, d'imposer un choix à autrui, mais cela n'avait jamais été contre l'intérêt de la personne qui en été la victime. Je pouvais parler en connaissance de cause.

Nous avions suivi le pas de Tendo en silence, c'était agréable. Sur le peu de contact que j'avais eu avec la gent féminine, cela m'avait souvent agacé. Elles parlaient beaucoup, bégayaient dans leurs mots, s'étaient montrées hésitantes dans leurs propos. Et souvent, dès que je les regardais dans les yeux, elles me fuyaient, cachant leur manque de confiance en soi. Certaines d'entre elles m'avaient fait part de leurs sentiments, mais je ne les connaissais pas, pourtant, elles, elles semblaient me connaître, enfin, elles croyaient me connaître. À mes yeux, c'était juste des filles de mon âge qui fourmillaient autour de nous, à regarder nos entraînements sans comprendre le jeu ni nos ambitions. Elles jugeaient nos performances sans comprendre le travail que nous avions accompli pour en arriver là. Elles criaient sans raison nos noms, souvent le mien, mais une fois devant moi, leur talent d'élocution avait disparu. Je n'aimais pas ces filles-là.

En rentrant dans la file pour récupérer nos petits-déjeuners, mon regard se fixa à nouveau sur la blonde devant moi. Quand bien même elle était plus grande que les autres, elle était petite face à moi, quand bien même sa peau était si blanche, elle semblait être en bonne forme physique et quand bien même elle avait l'air d'être délicate, elle semblait si sûre d'elle. Elle me paraissait différente des filles agaçantes.

- Tu es dans quel club De Villiers-san ? Reprit Tendo quand nous posâmes nos plateaux sur une des nombreuses tables inoccupées et que je m'installai à côté de lui.

- D'équitation.

- Ohh tu es donc dans un club sportif, je m'en doutais ! S'exclama-t-il ravi d'avoir vu juste. J'aurais dû parier avec toi Wakatoshi-kun, reprit-il en se tournant vers moi.

- Je n'aime pas parier, me contentais-je de dire.

Je ne dirai pas que j'étais content d'avoir eu une réponse à ma question, j'étais juste satisfait d'avoir pu combler ma curiosité.

- Tu sembles avoir un bon instinct, lui répondit-elle en souriant.

- C'est là tout mon talent !

Tendo s'empressa de lui narrer ses exploits de fin observateur qu'il était. Je mangeais en écoutant leur conversation quand il se lançait dans des explications sur le volleyball. La fille l'écoutait attentivement, répondant à ses questions qu'il lui posait pour s'assurer qu'elle suivait le rythme et qu'elle comprenait ce qu'il lui racontait. J'étais étonné de voir qu'elle saisissait assez vite le principe et les règles de mon sport favoris sans avoir l'air lassée et ennuyée de la frénésie dans laquelle mon coéquipier semblait être envahi.

De temps en temps, ses yeux glissaient dans ma direction, et j'accrochai son regard, trouvant ses yeux si particuliers, agréable à regarder. Je ne voyais aucune gêne, aucun manque de confiance en elle la saisir, elle maintenait toujours le contact quelques instants avant de reporter son attention sur Tendo qui était devenu impossible à arrêter.

Quand Tendo se stoppa enfin et lui posa une question sur son activité pour son club, mais les autres membres de notre équipe s'installaient à nos côtés à ce moment précis, l'appelant par le surnom que leur avait soufflé la capitaine des cheerleaders. J'avais beau être un piètre observateur, elle se braqua, son sourire avait disparu, laissant juste une fine ligne former ses lèvres et quelques minutes après, elle annonça son départ d'une voix un peu tremblante, n'attendant aucune réponse de notre part.

Elle n'aimait pas ce surnom, elle n'en voulait pas. La capitaine était bien une menteuse.


Chapitre 9

Tendo Satori

Le trouble brillait dans son regard, ce qui me poussait à lui caresser les cheveux quelques secondes de plus. C'était une expression que je préférais voir sur son visage que le masque de l'indifférence qu'elle se forçait à mettre tous les jours depuis un peu plus de deux semaines. Elle n'avait pas l'air méchante, au contraire, elle était juste un peu arrogante, ce que certains élèves du lycée n'arrivaient pas à différencier. Mais moi, je commençais un peu à la cerner cette petite étrangère. Sa démarche assurée, toujours la tête haute, son regard vairon qui scrutait tout ce qu'il voyait sans aucune trace de timidité, son sourire poli mais à la fois condescendant et ses gestes maniérés mais élégants. Elle avait tout pour être détestée des autres filles. Car elle était un contraste trop voyant pour toutes celles qui se sentaient éclipsées par sa présence.

Prudence était l'image de la femme de pouvoir indépendante. Ce qui se démarquait beaucoup dans une gamme de filles qui était plutôt du style frêles jeunes filles soumises à protéger. Bien que cela ne semblait pas être son objectif de briller par son caractère exotique, involontairement, c'était le résultat qu'elle renvoyait. C'était ce que les autres percevaient, ne cherchant pas à voir au-delà des apparences. Contrairement à moi.

Bien des garçons avaient commencés à avoir le béguin pour elle. Son apparence d'étrangère qui attisait la curiosité des petits japonais que nous étions, l'élégance qui en découlait à chacun de ses mouvements et la détermination qui brillait dans son regard. C'était presque trop tentant de vouloir s'approcher de l'armure de mépris qu'elle avait érigé autour d'elle et s'y frotter.

Une teinte rose prit possession de ses joues, ce qui était adorable mais aussi intriguant. Elle n'avait aucun problème à embrasser des personnes sur la joue, mais le simple contact de ma main sur ses cheveux l'embarrassait. La différence entre nos cultures était amusante à mes yeux, me donnant encore plus envie de la connaître. De percer cette amure de mépris.

Nous allons bientôt arriver au début du mois de mai avec la Golden Week la semaine prochaine, et elle semblait n'avoir aucun ami ici, au contraire, elle avait su se faire une petite troupe d'ennemis. J'étais à la fois admiratif de sa force de caractère à faire face, seule, contre tous, et à garder sa fierté luire dans son regard, à ne pas montrer des signes de faiblesses. Et d'un autre sens, j'en étais jaloux, j'aurais aimé avoir un tel pouvoir contre ceux qui m'avaient tant insulté, tant méprisé.

Mais c'était aussi ce qui me poussait tellement à vouloir devenir son ami, car j'aurais aimé voir quelqu'un me tendre la main pendant ces pénibles années. D'avoir un ami qui aurait pu me comprendre, qui ne m'aurait pas jugé, et je pensais être le mieux placé pour avoir ce rôle pour elle. Mais cette fille était un peu comme un animal qu'on avait battu trop fort, car maintenant, toute main qu'elle voyait tendue vers elle, elle s'en méfiait comme si elle allait se retourner contre elle à n'importe quel moment, comme si elle voyait la trace de la trahison et de la malveillance flottait partout autour d'elle.

Soit, je n'avais pas vraiment la patience comme vertu, mais bizarrement, j'arrivais à y aller doucement, ne m'imposant pas comme je l'avais fait avec Wakatoshi. Parce que je savais que cela aurait l'effet inverse avec la blonde. Mais ce qui allait accélérer les choses, c'était bien le grand brun.

Le plan avait éclos dans ma tête à l'instant où je l'avais vu poser un pied dans la salle de musculation, à l'instant où j'ai vu son hésitation à cause de notre présence. Enfin, surtout à cause de moi et de Wakatoshi, et peut-être un peu Semi aussi, vu ce qu'il s'était passé tout à l'heure. Dans l'ensemble, j'étais pratiquement sûr qu'elle nous appréciait, mais elle ne voulait pas l'admettre, et il y avait au fond d'elle, cette peur de nous voir nous retourner contre elle à toute instant. Mais surtout, parce que notre champion arrivait plus que n'importe qui d'autre à effriter cette armure qu'elle avait forgé.

D'où le plan de lui forcer un peu la main à passer du temps avec Wakatoshi. J'avais grillé dès le début le trouble que faisait naître notre champion dans son esprit, j'avais grillé à quel point elle s'efforçait de nier l'évidence qu'il lui plaisait. Et avec le comportement qu'avait eu mon ami aujourd'hui, je mettrai presque ma main à couper qu'il portait un peu plus d'intérêt à la jeune fille qu'il ne voulait bien l'admettre.

Tout deux avaient un caractère imposant, et tout deux voulaient nier l'effet, pour l'instant à peine perceptible, qu'ils se produisaient l'un sur l'autre. C'était comme une petite graine, fragile, qui demandait à être nourrie si elle voulait grandir, et je m'étais mis en tête d'être le jardinier qui allait aider cette petite graine à évoluer. Je voulais voir comment deux individus qui paraissaient à la fois similaire et opposés, allaient s'apprivoiser.

- T'es sûr que c'est une bonne idée de laisser la Princesse s'occuper de Wakatoshi ? Questionna Reon une fois que nous avions quitté le bâtiment pour nous rendre vers nos dortoirs.

- Mais oui t'inquiète pas pour elle ! Je suis certain qu'elle va réussir à se faire écouter.

- J'suis sceptique.

- Je suis d'accord avec Reon, d'habitude il n'y a que toi qu'il écoute, alors j'ai du mal à croire qu'il va lui obéir bien gentiment, ajouta Hayato.

- Très bien, on lance les paris alors ? Dis-je parfaitement amusé de la situation.

Des ricanements s'élevaient, me montrant que mes coéquipiers trouvaient cette situation aussi amusante que moi.