Chapitre 12 : Un simple bisou ?


Le regard au couleur d'une olive verte se posait sur Semi sans aucune émotion particulière. Semi fixait son camarade de ses orbes noisettes en essayant de faire des signes avec ses yeux et son faciès pour lui faire comprendre de partir au lieu de rester planté devant nous après avoir dit ce pourquoi il était venu. Mais Ushijima fronça les sourcils et ne semblait pas du tout interpréter ce que son ami essayait de lui communiquer. Moi, je me mordaillais la lèvre inférieure pour ne pas rire, parce que c'était d'un comique.

- Est-ce que tu à un problème à ton visage ? Tu veux aller à l'infirmerie ?

La difficulté de ne pas rire était à son apogée, j'avais même arrêté de respirer par peur d'exploser. Ushijima était, d'une certaine manière, d'une naïveté en ce qui concernait les relations humaines et sociales, que c'était presque impossible de lui en vouloir. Semi secoua la tête de droite à gauche, expirant tout l'air de ses poumons en se levant, signe de réédition.

- Non, je vais bien, laisse tomber, dit-il en posant sa main sur l'épaule du brun pour le rassurer.

Ushijima, le regard remplit d'incompréhension, ne répondit rien, et suivait des yeux son ami s'avancer vers le centre du terrain où l'équipe avait déjà commencé à s'échauffer. Il se tourna vers moi, l'air un peu penaud, comme si le fait de ne pas avoir compris le dérangeait un peu plus que ce que l'on pourrait croire, mais cela ne dura qu'une seconde, avant que son air stoïque reprenne le dessus. Comme disait le proverbe : Chassez le naturel et il revient au galop.

- Ushijima-san, tu m'as sauvé la vie, merci, dis-je avec un petit sourire, encore à la limite de rire, en me levant du banc pour ne pas attraper un tortis-colis en le fixant.

Nouveau froncement de sourcils de sa part, comme si c'était un tic à chaque fois qu'il ne comprenait pas quelque chose. Sauf qu'avec l'expression assez dure de son visage, on pourrait croire qu'il était plus énervé que confus.

- T'as vie n'était pas en danger, dit-il en me regardant de la tête au pied comme pour être sûr que je n'avais aucune blessure visible.

Un pouffement s'échappa de mes lèvres. J'avais toutes les peines du monde à ne pas me laisser emporter par l'hilarité et que j'essayai de masquer en toussant.

- En effet, c'était une métaphore, mais merci tout de même, répondis-je, ma main dissimulant ma bouche, et par extension, mon sourire.

- Hum.

Je voyais dans son regard encore un peu de confusion, mais il ne voulait pas approfondir le sujet, certainement désintéressé. Et puis il n'en aurait pas eu l'occasion même s'il le voulait, car le coach le somma de venir rejoindre les autres maintenant s'il ne voulait pas faire des heures supplémentaires à la fin de la rencontre amicale, et qu'il aurait tout le temps de faire les yeux doux aux filles à la fin du match.

Je me rassis sur le banc en bois tout en reportant mon regard sur le blond, et je ne pouvais pas m'empêcher de me demander « Pourquoi ne pas essayer au final ? » Il avait l'air d'être un garçon cool, amusant et carrément mignon. En plus d'être musclé. Il n'avait pas l'air d'avoir un défaut repoussant au premier abord, alors pourquoi ne voulais-je pas au moins lui laisser une chance ?

Trop compliqué.

J'avais déjà eu ce débat interne quand j'avais rencontré mon ex petit-ami, Nikolai, et j'avais finis par céder, et qu'est-ce que cela m'avait apporté ? Rien. Aucun sentiment n'était venu pointer le bout de son nez après un an de relation. J'avais passé des bons et des mauvais moments avec lui, mais rien n'avait été au-delà de la simple affection. Est-ce que lui m'avait aimé ? Aucune idée, l'un comme l'autre, nous n'avions jamais prononcés les trois mots fatidiques. Moi parce que je ne ressentais rien, lui certainement par fierté, ne voulant pas être celui qui le dit en premier. Parce que Nikolai était un russe, et les russes étaient des personnes qui avaient une fierté et un égo aussi surdimensionné que la taille de leur pays. (NDA : Pardon les russes pour ce cliché)

Dans le cas actuel avec Semi, en plus du fait que je partirai probablement à la fin de l'année scolaire pour retourner en France, s'ajoutait la distance entre ici et mon lieu de résidence à Tokyo. De ça, je pouvais aussi ajouter nos clubs. C'était tout simplement incompatible entre nous. Puis, mes yeux glissaient vers la silhouette imposante du brun. Les paroles de Tendo me chatouillaient à nouveau l'esprit, remettant au milieu de mes pensées des scènes de romances pleines de niaiseries, qui me plaisaient bien mieux avec Ushijima qu'avec Semi.

Je secouai énergétiquement la tête, chassant le mal de ma tête.

Je devais rester quelqu'un de raisonnable. Rappel-toi : TROP-COM-PLI-QUÉ.

Les étirements physiques s'étaient terminés pour laisser place à l'échauffement au filet, à faire quelques smashs, quelques services, quelques réceptions. Le bruit des pas martelant le sol en bois avec maltraitance, les chaussures qui couinaient comme le cri d'un animal en détresse, et le fracas des ballons assommant le sol comme le retentissement d'une détonation. Tous ces bruits m'étaient désagréables et je les avais associés avec des comparaisons totalement exagérées. Que ce soit pour le volley ou pour le basket, c'était juste les sons qui en découlaient qui m'irritais. Les boum boum des pas, les couik couik des chaussures, et les bam bam des ballons, c'était juste horripilant. Je préférais mille fois entendre le hennissement d'un cheval et le son de ses sabots claquaient sur le sol que ceux-là. Mais j'avais fini par m'habituer, à ces bruits, à force de côtoyer des entraînements de ce genre avec mes amis, sans jamais réussir à les apprécier pour autant.

Les bruits s'estompaient quand les éclats de plusieurs voix s'élevaient à l'entrée du gymnase. Je tournai la tête vers ces nouveaux sons pour voir une ribambelle de brochette masculine, tous aussi grands et musclés que l'équipe de volley de ce lycée. Ils étaient suivis de près par les cheerleaders qui les avaient probablement accueillies. Certains semblaient déjà se connaître et se serraient la main, ou une petite accolade suivie par une tape sur l'épaule, tout ça avec le sourire aux lèvres.

- C'est les anciens du lycée, me dit une voix à côté de moi.

Je sursautai, un peu surprise, pour voir un des deux coachs debout à côté du banc, les bras croisés sur son torse en fixant les garçons se saluaient amicalement.

- Ils faisaient tous du volley ? Demandais-je en laissant court à ma curiosité.

- Oui, c'est la tradition, on fait appel à des anciens joueurs pour organiser un match pour débuter la saison.

- Oh, c'est plutôt sympathique, ça donne un côté fraternel au club.

- C'est aussi une occasion de tester nos recrues avant de faire les matchs d'entraînement avec d'autres lycées.

- Vous voulez dire que c'est leur sélection ? Pour savoir qui va être remplaçants et probablement devenir titulaire une fois que les terminales auront quittés le club ?

L'homme d'une quarantaine d'année au cheveux court posa ses yeux surpris sur moi.

- C'est le but en effet, me répondit-il après quelques secondes de silence.

Ce n'était pas étonnant, presque normal après tout. L'équipe de volley masculine était une grosse équipe, une des favorites du pays, cela faisait quelques années qu'ils gagnaient leur qualification pour participer au tournoi national. Ils avaient même réussi l'année dernière à aller jusqu'en demi-finale. Cette année l'objectif était évidemment d'aller en finale et de remporter le titre, et pour cela, il fallait se montrer dur et exigeant. D'où le fait trier dès le début le bon grain du mauvais à cultiver.

À KAIS, mon ancienne école, c'était différent. Ce n'était pas une grosse équipe connue comme Shiratorizawa, elle était l'éternelle seconde place aux qualifications préfectorales. Depuis trois années consécutives déjà. Mais pour leur défense, l'équipe vainqueur était en tout point similaire aux aigles de mon lycée actuel. Cependant, le club de KAIS n'était pas non plus mauvais, car les résultats étaient continuellement serrés, et pendant les matchs d'entraînements, contre cette équipe rivale, elle arrivait parfois à gagner quelques sets. Mais ce qui me marquait le plus, c'était la différence d'ambiance, aussi comparable au jour et la nuit. À KAIS c'était festif et conviviale, le coach était une crème qui prenait beaucoup de temps pour aider individuellement chaque joueur, qu'importe son niveau. Alors qu'ici, c'était stricte et austère, mettant de côté ceux qui n'étaient pas assez bon pour briller.

Je regardai ces garçons postaient derrière les limites du terrain à ramasser les balles, sans aucun signe d'amusement sur le visage, et les cris du coach s'acharnaient sur le moindre détail.

Je n'aimais définitivement pas l'ambiance de ce club.

Pourtant, Tendo avait été le seul de ma classe à m'avoir parlé comme à n'importe quelle autre élève, Eita qui avait toujours fait preuve d'attention envers moi, Hayato qui échangeait quelques paroles sincères quand nous nous croisions dans les couloirs, et Ushijima, qui semblait être égal à lui-même en ma présence, comme avec n'importe qui d'autres d'ailleurs. Mais Ushijima avait quelque chose de plus, quelque chose que je n'arrivais pas encore à déterminer.

J'aimais bien les membres de ce club.

C'était complétement stupide, l'aspect et l'ambiance du club de volley me rebutais, mais j'appréciais les membres qui le constituait. Où était donc passer la logique des choses ?

Je m'étais perdue dans mes pensées à comparer les deux clubs et mettre enfin le doigt sur ce qui me déranger avec cette équipe, le temps pour eux de finir leurs échauffements et d'établir les équipes. Pour mon plus grand bonheur, ou pas, les cheerleaders n'étaient pas autorisées à rester, elles avaient donc quitté les lieux une fois leur tâche accomplie.

- Je peux m'asseoir ?

Un peu prise en flagrant délit de rêvasserie, je clignai des yeux pour voir un jeune garçon aux cheveux clairs avec une frange en dégradé lui barrant le front, à quelques pas du banc.

- Bien sûr, répondis-je en souriant.

Il s'installa avec deux autres garçons qui devaient être des recrues si je ne me trompais pas. Les deux équipes prenaient leur position sur le terrain, des recrues avaient étés intégré dans les deux équipes, que ce soit l'équipe officiel du lycée que celle des anciens membres.

- C'est l'heure du concours, entendis-je Tendo chantonnant au loin en se dandinant.

- J'suis chaud, répondit Hayato en claquant des mains avant de prendre position à l'arrière.

- Ne vous fatiguez pas trop les gars, c'est moi qui vais gagner le bisou, dit Eita avec une pointe d'arrogance autant dans sa voix que dans l'expression de son visage.

Je soupirai en les entendant se provoquer mutuellement comme des gorilles, et le pire, c'était qu'ils n'étaient absolument pas discrets car un des anciens du lycée demandait des explications sur ce fameux concours, que bien sûr, une des nouvelles recrues lui racontait dans les grandes lignes en attendant le coup de sifflet imminent. Plusieurs regards avides et curieux se tournaient dans ma direction, où des sourires presque carnassiers se dessinaient sur les lèvres des garçons plus âgés.

- On vous laissera encore moins gagner, va falloir trimer si vous le voulez votre bisou les jeunes, répondit un des anciens étudiants.

Pourquoi les hommes avaient-ils toujours ce besoin primitif de prouver quelque chose dès qu'il y avait une fille dans le coin ?

Le match commença avec un service smashé fait par un membre de l'équipe invité. Au début, j'observais sans vraiment y prêter une grande attention, le volley ne m'intéressait pas vraiment et j'en avais déjà assez vu pour en avoir fait le tour selon mon avis. Mais ça serait mal venu de ma part de dénigrer ce sport. Si je ne l'appréciais pas plus qu'un autre, c'était parce que les passes semblaient aller trop vite pour moi. Même si j'avais appris les règles, j'avais parfois des difficultés à comprendre les actions. Les échanges étaient si intenses, si vifs, que le ballon se perdait dans une vitesse folle, presque trop compliqué pour une non-initiée à suivre le rythme. Ce qui faisait que je n'arrivais pas à me laisser emporter par l'émotion qui découlait de ce sport.

- Vous êtes des premières années ? Demandais-je aux garçons assis avec moi.

- Oui senpaï, me répondit le garçon à la frange.

Bien qu'il n'avait pas dit « princesse », j'avais aussi des difficultés avec cette marque de respect pour les aînés, juste parce que j'étais dans une classe supérieure à lui. Je trouvais cela un peu trop démesuré.

- Pourquoi n'êtes vous pas sur le terrain ? Questionnais-je encore.

- On est prévu pour le prochain set.

- Oh, d'accord, je suppose que c'est pour mieux observer vos capacités en vous séparant en plusieurs groupes.

- Oui senpaï.

Ce garçon avait une l'allure très calme et sereine, mais son ton était agrémenté avec un peu sarcasme sur le mot senpaï, comme si lui aussi n'en voyais pas l'utilité. Je n'en fis rien, ça me faisait même sourire, cela poussa juste assez ma curiosité pour demander son nom.

- Comment tu t'appelles ?

- Shirabu Kenjiro.

- Prudence De Villiers, enchantée.

- De même, mais je connaissais déjà votre nom, senpaï.

- Évidement, grommelais-je dans ma barbe.

Un garçon à côté de lui pencha la tête en avant pour entrer dans mon champ de vision.

- Kawanishi Taichi, enchantée senpaï.

- De même, enchantée.

Je me reconcentrai sur le match devant mes yeux une fois les présentations achevées avec les quelques premières années qui siégeaient à côté de moi. Je n'avais jamais été touchée ou intriguée par un match de volley à KAIS, et je pensais que ça serait exactement la même chose ici, qu'il n'y aurait aucune différence. Qu'importe l'équipe qui jouait, pour moi le jeu restait le même, alors les matchs devaient être tous les mêmes aussi.

Et pourtant, la manière si agile qu'avait Tendo de courir pour sauter afin de contrer l'attaquant alors que la balle venait à peine de retomber sur les mains du passeur adverse, éveillait ma curiosité. Cela mettait une image sur une discussion que nous avions eu tous les deux un matin sur son talent de déduction qu'il appliquait dans sa manière de jouer. Et c'était saisissant. Quand bien même il me l'avait expliqué, c'était une autre histoire maintenant que je pouvais le voir la mettre en pratique. Il semblait être prit de joie à chaque fois qu'il arrivait à contrer son adversaire qui ne pensait sans doute pas trouver un obstacle devant lui au moment fatidique.

Mais il n'était pas le seul à attirer l'attention. Ce qui me troublait plus que tout, c'était cette drôle de façon qu'ils avaient de réceptionner tout ce qui était dirigé vers Ushijima. Je n'avais pas vu une seule fois le brun plier le genou pour renvoyer la balle autrement qu'en smashant.

Semi était impressionnant aussi, ses passes me semblaient être téméraires, ses choix étaient portés sur le champion dès qu'il sentait un peu trop la pression du bloc derrière lui. Et le clou du spectacle était bien là. Quand bien même j'avais déjà vu les garçons de mon ancien lycée sauter pour smasher, quand bien même ils étaient aussi grand, ils n'étaient pas aussi fort que l'ace de Shiratorizawa.

Je comprenais maintenant pourquoi Ushijima Wakatoshi était considéré comme un joueur d'exception. Je n'avais aucune maîtrise dans le volley, mais son talent et sa force était incontestable. Ses attaques étaient toutes envoyées avec une force transformant le ballon en un missile qui explosait les mains qui tentaient de le contrer. Le bruit assourdissant qui en résultait, était le fruit de la brutalité qu'il mettait dans son attaque. Je n'avais jamais vu une telle démonstration de force dans tous les matchs de volley que j'avais pu voir, et ça me donnait des frissons.

Le set se termina sans que je me rende compte du temps qui s'était écoulé, bien trop accaparée par le champion. Le résultat, bien que serré, était en faveur des lycéens, et le changement de recrues sur le terrain s'opéra avant de reprendre pour un second set.

Je souriais aux salutations toutes aussi respectueuses que les précédentes recrues et observaient avec attention la suite du match suivant. Ushijima arrivait à me faire croire que ce sport était facile, alors que son corps et sa posture était le résultat d'un travail acharné pour en arriver là. Son talent et sa force était admirable, presque envoûtant, voir même fascinant, faisant honneur à tous les échos que j'avais pu entendre de lui.

Je n'avais aucune passion pour le volleyball, et je n'en aurais jamais, mais pour une fois, grâce à lui, j'appréciais regarder ce match. J'appréciais le regarder jouer. Tout comme son visage montrait qu'il aimait être là, qu'il aimait frapper dans le ballon et marquer des points. Il était armé d'une concentration incomparable aux autres, ses yeux pétillaient de combativité et je pouvais facilement voir à quel point le volley semblait animer son être, combien il aimait ce sport, combien il en était passionné.

Les sets s'étaient enchaînés et mes yeux avaient du mal à regarder ailleurs que le champion en action. Comprenant pourquoi tant de monde étaient en admiration devant lui, pourquoi les filles tombaient amoureuses de lui. En dehors, il était stoïque et morne, alors que sur ce terrain, il brillait comme une étoile. Je me sentais comme ces filles, comme un papillon attiré par cette lumière éclatante.

Le nuage d'admiration se dissipait peu à peu pendant qu'ils étaient en train de terminer les derniers étirements de fin de match, la victoire était pour les anciens étudiants à juste un set d'écart sur les cinq menés en ce début de soirée. Je me levai pour aller à la rencontre des membres actuels du club alors qu'ils se dirigeaient vers moi, certainement avec le concours au premier plan dans leur esprit, alors que je voulais avant tout les féliciter pour cette performance qui ne m'avait pas laissé indifférente.

- Bravo ! C'était vraiment impressionnant ! Dis-je en applaudissant, un grand sourire sur les lèvres, comme une enfant.

- Ça t'as vraiment plût ? S'enquit Eita.

- Oui vraiment, vous étiez tous formidables.

- Merci, dit Hayato en se grattant l'arrière de son crâne, un peu gêné.

Ils me regardaient tous avec un petit sourire à la fois ravi et gêné, mais leur regard brillait de joie face à mes compliments, et j'avais davantage envie de les couver d'éloges. Ushijima, lui, restait fidèle à lui-même, il se contentait de me fixer sans vergogne, le visage neutre. L'équipe fini par m'encercler, attendant le verdict.

- Je n'y connais pas grand-chose au volley, et pour être tout à fait honnête, je ne voulais pas venir au début, commençais-je dans un élan de franchise que j'avais envie de leur partager en essayant de capter leur regard un par un.

- Ah bon ? Tu t'es forcée à venir alors ? Demanda Eita avec un air déçu.

- Je pensais que ce match de volley ressemblerait à n'importe quel autre, mais au final, aucun de vos matchs n'étaient pareils, et à aucun moment je me suis ennuyée. J'ai vraiment aimé vous regarder jouer. On aurait dit que vous alliez vous envoler et que rien ne pouvait vous arrêter. Même si vous êtes perdant, pour moi c'était vous les meilleurs.

Quelques rougeurs apparaissaient sur les joues des garçons. Certains se passaient nerveusement une main dans leurs cheveux, d'autres regardaient leurs pieds.

- Et bien, tu es débordante de compliments aujourd'hui, me dit Tendo, les joues un peu rouges sans pour autant se dévêtir de son éternel sourire malicieux.

- C'est juste que je n'imagine pas le nombre d'heures que vous avez dû passer pour avoir un tel niveau, et je trouve que vous méritez simplement qu'on vous le dise aussi souvent que possible : vous êtes incroyables, lui répondis-je avec un sourire sincère.

Ses yeux s'ouvraient en grand, avant qu'un large sourire prennent place sur son visage. La seconde suivante, je me retrouvais enfermée dans ses bras, le visage collé contre son tee-shirt un peu humide à cause de la transpiration.

- Mais t'es trop mignonne ! Hurla-t-il dans mes oreilles en m'étouffant à moitié dans son étreinte, se dandinant de droite à gauche.

Pas que le geste me dérangeait venant de lui, mais c'était fortement désagréable de sentir sa sueur sur mon visage. Je grimaçai un peu, en essayant de me décoller de lui après avoir attendu quelques secondes pour ne pas le vexer à le rejeter instantanément.

- Lâche-là Satori, t'es dégoulinant de sueur, lui dit calmement Reon.

- Moi aussi je veux lui faire un câlin, dit Eita.

- Non, personne ne fait de câlin tant que vous êtes sales, réprimanda le capitaine en barrant le chemin au blond qui avait commencé à s'avancer dans ma direction.

Tendo s'écarta de moi en ignorant ce que disaient ses coéquipiers. En voyant son sourire malicieux reprendre possession de son visage, je savais ce qu'il allait dire. Il posa négligemment son bras autour de mes épaules pour me serrer contre lui, comme pour m'empêcher de fuir si l'idée me venait à l'esprit.

- Bien, et donc, qui t'as le plus impressionnée ? Qui va pouvoir avoir l'honneur de recevoir ton baiser ?

Le ton de sa voix était joueur, ses yeux rieurs, et j'avais l'impression qu'il connaissait déjà la réponse, ce qui était un peu troublant. Je ne ressentais pas de gêne à dire qui m'avait fait le plus impression parmi eux, pas après avoir passé la plupart du temps à dévorer des yeux leur champion sans aucun état d'âmes.

Alors qu'ils étaient en train d'attendre le verdict autour de moi, les anciens élèves de cette école s'étaient approchés eux aussi pour entendre ma réponse. Je pris une inspiration en ancrant mes yeux dans ceux de Ushijima qui avait gardé le silence, attendant que les choses se passent.

- Ushijima-san.

Alors que des gémissements de protestations de la part de Eita ou les moqueries des leurs aînés se répercutaient contre les murs du gymnase, en disant que c'était évident que le gagnant serait le champion, Tendo se pencha vers mon oreille.

- J'en étais sûr, tu n'as pas arrêté de le regarder, murmura-t-il amusé.

Je ne pu réprimer un sentiment de gêne m'envahir. Même si je savais ne pas avoir fait preuve de discrétion, encore une fois, le fait qu'on me le fasse remarquer, était beaucoup plus embarrassant. Alors que Ushijima me fixait, sans que je puisse comprendre à quoi il pouvait bien penser à travers son air stoïque, Tendo me mit une tape dans le dos pour me pousser vers le brun.

- Allez le bisou ! Dit-il en claquant des mains.

Il n'y avait que quelques pas qui me séparaient de Ushijima, j'avais juste à les franchir, et à lui faire juste une bise, rien d'extraordinaire. Je le faisais tout le temps. Mais alors que nos regards ne s'étaient à aucun moment dérobés de l'autre, je sentais comme une tension naître dans mon ventre. La timidité prenait soudainement place dans mon corps, rendant mes membres tendus et ma gorge sèche. Ce qui provoqua une hésitation qui gonfla au fur et à mesure que les secondes défilaient.

- Bah alors, je croyais que tu avais l'habitude de faire des bisous sur la joue, entendis-je la voix taquine de Tendo résonner derrière moi.

Le fait qu'il avait saisi mon hésitation m'embarrassait encore plus. Cependant, maintenant que j'étais sur le fait accompli, je ne pouvais pas m'échapper de cette situation. Je devais juste imaginer que c'était Saturino ou Raphael, et ça irait mieux.

Je franchis le dernier pas me séparant du volleyeur. Je posai une main sur son épaule large pour avoir un appui stable et me mettre sur la pointe de mes pieds afin d'avoir un bon équilibre. Il me suffisait de mettre le visage de mes amis au lieu du sien pendant quelques secondes. Ce que je n'arrivais pas à faire, car ses yeux de ce vert olive qui me paraissaient magnifiques n'appartenaient à personne d'autre que lui. Le sang afflua sur mes joues comme si j'étais en feu quand mes lèvres se posaient sur sa joue. Cela ne dura qu'une seconde, une seconde qui était à la fois si rapide et si lente.

Les « oohhh » des garçons s'exclamaient alors que je repris une distance raisonnable avec le brun. Je ne les écoutais pas, n'entendant que les battements de mon cœur cogner dans mes tympans. C'était qu'un bisou sur une joue, pourquoi étais-je dans cet état ? J'avais chaud, et le regard brillant, presque féroce, de Ushijima semblait faire davantage augmenter ma chaleur corporelle. Encore une fois, je n'arrivais pas du tout à interpréter ce qui pouvait bien se passer dans sa tête. Il n'avait pas bougé d'un pouce pendant les quelques secondes qui s'étaient écoulées, et là, son regard était fort et écrasant sur moi, mais ça ne ressemblait en rien à de l'énervement, au contraire.

Prise dans toutes ses sensations si étranges, complétement en proie à l'émotion comme une petite minette amoureuse, j'avais juste envie de fuir ce regard si intense qui était en train de me faire fondre.

- J'y vais, dis-je en me retournant brusquement, courant presque vers la sortie, ignorant royalement ses voix qui m'appelaient, car j'étais incapable de résister plus longtemps à l'envie de recommencer.