Bonus du chapitre 10 à 13.
Chapitre 10
Ushijima Wakatoshi
Paradoxalement, elle était silencieuse comme elle pouvait être généreuse en parole. Je saisissais ce contraste dans sa personnalité quand nous étions en train de marcher vers la sortie du bâtiment qui abritait la salle de musculation. La sonorité de son accent n'était pas désagréable à entendre, et ses propos n'étaient pas gorgés par de l'hypocrisie malsaine qui me révulsais tant. Elle était honnête et n'avait pas cette retenue de dire les choses, elle les formulait simplement, mais élégamment, avec sincérité, sans pour autant avoir un débit de parole incessant. Elle possédait une maîtrise qui me semblait totale des mots, cela en faisait sa meilleure arme, et son charme. Elle arrivait si bien à manipuler l'art de la conversation que ça m'impressionnait beaucoup, moi qui avais toutes les peines du monde à comprendre les gens qui m'entourait et à communiquer avec eux. J'aimais ce trait de sa personnalité. Parler quand c'était nécessaire et savoir apprécier le silence quand il se présentait à nous. Un temps pour tout, sans excès, mais sans restriction.
Quand elle était venue jusqu'à moi, me disant d'arrêter pour ne pas me surmener, cela m'avait un peu agacé et donné encore plus envie de continuer. Comme un regain d'énergie pour lui prouver le contraire, que j'étais parfaitement capable de repousser mes limites. Et pousser par l'adrénaline, je l'avais provoqué du regard, parce que je maîtrisais ce que j'entreprenais, me blesser était la dernière chose que je voulais faire. Elle avait accepté mon défi, avec audace et sans gêne, un peu à la manière de Tendo. Cette subtile autorité qu'elle avait essayé d'instaurer me paraissait dérisoire, presque incongrue. Comment une fille qui me semblait dépourvue de force et qui était plus petite que moi pouvait se montrer autoritaire ? Comment croyait-elle pouvoir me forcer à me soumettre à ses ordres ?
La réponse, je l'avais trouvé dans son regard, qui m'aspirait un peu plus à chaque fois que je m'y confrontais. Elle était déterminée, n'envisageait pas un seul instant subir un échec. Je l'avais amené sur mon terrain, sur de la compétition, elle avait mordu à l'hameçon sans hésitation, sans crainte de moi et cela m'avait intrigué. J'étais intrigué d'elle, de son comportement si différent des autres, comme Tendo. Alors, je l'avais laissé faire, voulant voir comment elle comptait s'y prendre, me laissant diriger par ce sentiment de curiosité qui ne se manifestait peu souvent chez moi.
J'avais écouté ses directives parce qu'elles n'étaient pas non plus dépourvues de sens, elle n'était pas novice dans la pratique de la musculation, contredisant ce que j'avais douté au début. Son ton n'avait à aucun moment faiblit, dictant ce qu'elle pensait être juste sans méprise. Ses pupilles bicolores n'étaient pas fuyards et se confrontaient aux miennes sans sourciller. L'audace et l'assurance en suintait et j'appréciais ce regard. Parfois, ses yeux brillaient quand elle s'égarait à observer mon corps en mouvement, je ne comprenais pas pourquoi, mais ce regard là aussi, j'appréciais l'avoir sur moi.
Cela avait un peu plus accentué mon sentiment de curiosité, me demandant pourquoi elle était restée, pourquoi faisait-elle cela. Quand elle mit en cause Tendo, je me sentais un peu déçu, ayant l'impression qu'on me prenait pour un enfant qui ne savait pas s'occuper de lui-même seul, alors que j'étais quelqu'un de responsable et certainement de mature, selon mon propre point de vue. Ses propos avaient gonflé mon entêtement, comme une provocation indirecte, insufflant encore une fois de l'énergie en moi.
Puis, sa voix laissa échapper des mots. Sincère, presque inaudible, mais que j'avais réussi parfaitement à entendre. À cet instant, son honnête avait pris le dessus, voulant exprimer ce qu'elle ressentait. Sa franchise m'avait calmé dans mon ardeur, et je me surprenais à ne pas vouloir l'inquiéter davantage. Alors j'avais cessé une fois ma série achevée. Pour sa sincérité, pour son regard et parce que je venais de comprendre que j'aimerai bien être son ami.
Elle frissonna quand l'air bien frais du soir venait agresser nos sens. J'hésitai. Normalement, les amis prenaient soin des autres, mais il y avait deux problèmes : Je n'étais pas son ami et je n'avais que ma propre veste. Mon hésitation s'envola vite, car je pris la décision de ne rien faire. Je songeai à lui demander d'être ami car l'idée me plaisait bien. Elle n'avait pas peur de moi et sa compagnie ne m'irritait pas, puis Tendo semblait l'apprécier lui aussi. J'avais confiance au jugement de mon coéquipier et lui-même avait engagé les démarches dans ce sens, comme il l'avait fait avec moi, pour s'immiscer dans sa vie et se lier d'amitié avec elle.
- Bonsoir Ushijima-kun, minauda une voix très aigüe.
Je regardai la capitaine des cheerleaders avec son amie se mettre en travers de notre route. Je fronçai les sourcils, n'appréciant pas leur présence et encore moins le regard mauvais qu'elles avaient glissé vers De Villiers.
- Bonsoir, avais-je répondu par politesse.
- Tu sors aussi tard de ton entraînement ?
Elles ignoraient toutes formes de politesses envers la blonde, ce que je dépréciais encore plus. C'était un manque de respect et d'éducation qui allait à l'encontre des principes que mes parents m'avaient inculqués.
- Oui, répondis-je un peu sévèrement.
- Fait attention à ne pas en faire de trop et te blesser, tu veux venir manger avec nous ?
Elles m'agaçaient à parler sans savoir, et je n'avais pas envie de perdre davantage de mon temps avec elles.
- Non, bonne soirée.
Je les contournai sans plus de mots et d'attention, elles n'en méritaient pas de toute manière. Ce genre de personnes étaient des nuisances dont je n'avais nullement besoin dans ma vie. Mes objectifs étaient clairs et nets, et ces filles ne m'apporteraient rien de concret, elles n'avaient rien qui ne m'intéressait et je n'avais pas envie de passer plus de temps que nécessaire à leur conversation stérile. Elles représentaient le genre de filles qui me rebutait au même niveau que les timides : Elles étaient mesquines. Ces femmes qui mentaient et ne se préoccupaient que de leurs propres intérêts, n'hésitant pas à se servir des autres pour gravir les échelons et nourrir leurs ambitions.
- Woua, je crois que je peux dire que tu ne les apprécies pas ces deux-là, me dit De Villiers qui m'avait suivi jusqu'ici en silence.
- Non, je ne les apprécie pas.
Elle pouffa légèrement en arrivant à l'intersection qui allait séparer nos chemins.
- Je te comprends, je ressens certainement la même chose que toi, dit-elle en se stoppant.
Je lui fis face, sachant bien qu'elle n'avait aucunes relations amicales avec les cheerleaders et qu'elles étaient même en conflit. Leurs confrontations étaient devenues le sujet favori des lycéens. C'était d'ailleurs quelque chose que je ne comprenais pas, pourquoi y avait-il étant d'engouement aux mésaventures entre ces filles ? Pourquoi tous semblaient être accaparé par leurs disputes comme si cela était une distraction ? Je ne cherchais aucune réponse à ces questions, cela ne m'intéressait pas à ce point. La stupidité des gens n'avait pas de mesure et c'était la seule chose que j'en retenais. J'étais sur le point de lui dire aurevoir quand sa main se posa sur mon avant-bras, stoppant net le fil de mes pensées.
- Merci de m'avoir écouté Ushijima-san, et si jamais on se recroise à la salle, ça sera avec plaisir, me dit-elle avec le sourire. Mais cette fois-ci, je m'y mettrai sérieusement à mon programme parce que ce soir, je n'ai pas du tout rempli mes objectifs, marmonna-t-elle en fronçant les sourcils, un peu fâchée.
J'hochai la tête, ne sachant pas si elle était fâchée contre moi ou contre elle-même. Tout ce que je retenais, c'était le contact de sa paume sur mon bras.
- C'était quand même une bonne soirée, repose-toi bien et à demain, ajouta-t-elle une nouvelle fois avec un sourire sincère.
- À demain, bonne soirée, répondis-je simplement, comprenant qu'elle n'était donc pas fâchée contre moi.
Son regard n'avait pas quitté une seule fois le mien, pendant tout l'échange. C'était presque avec regret que je la vis tourner les talons, que la chaleur de sa paume s'évanouie. Comme avec Tendo lors de nos premiers échanges, sa façon d'être avec moi m'intriguait et son regard m'intéressait.
Chapitre 12
Tendo Satori
Mon instinct ne me trompait que rarement. J'éprouvais des difficultés à faire confiance aux gens depuis que j'étais enfant, depuis que j'avais commencé à entrevoir et à subir la méchanceté du genre humain très tôt. J'avais compris bien jeune que la vie ce n'était pas un conte de fée, que le père noël n'existait pas et que ce qui pouvait te faire le plus de mal, c'était nos compères. On m'avait exclu dans tous les groupes sociaux que j'avais pu côtoyer, soi-disant parce que j'étais terrifiant, mais en quoi un enfant était-il terrifiant ? Tout ça parce qu'à force de vivre seul et sans ami, j'avais réussi à comprendre l'espèce humaine plus rapidement que la plupart des gens, j'arrivais à lire en eux. C'était en grandissant que j'avais fini par comprendre que mon instinct les intimidait, car ils avaient l'impression que je pouvais découvrir leurs plus noirs secrets.
Mon talent de déduction et d'observation était à la fois mon meilleur ami et mon pire ennemi, mais lui, au moins, me trahissait que peu de fois. Et ce soir encore, il ne m'avait pas déçu.
Dès le début, j'avais flairé que Prudence De Villiers était une jeune femme différente. De par sa culture européenne que par son attitude plus mature. Bien qu'elle montrait des signes de caprices et d'arrogances puérils par moment, elle semblait porter un certain poids sur les épaules. Aujourd'hui je savais qui elle était, et pourquoi il y avait tout cet engouement des professeurs auprès d'elle. Ma réussite avait débuté par une petite recherche sur internet sur un détail qui m'avait fortement intrigué. Les différentes plaques d'immatriculations existantes au Japon. Et celle que j'avais vu la première semaine de la rentrée correspondait, d'après internet, à une plaque d'immatriculation pour les véhicules diplomatiques. J'avais donc poussé ma recherche pour déterminer qui pouvait bénéficier de ce type de véhicule et les interlocuteurs n'étaient pas si nombreux, parce que déjà, cela appartenait obligatoirement à une ambassade. J'en avais déduit qu'elle était liée de près ou de loin à l'ambassade de France. Cependant, elle était encore qu'une lycéenne, et donc, impossible pour elle d'être une employée en politique diplomatique. Ce qui avait limité ma conclusion finale qu'à un seul choix possible : Elle était de la famille proche de l'ambassadeur, et vu les gorilles qui l'avait récupéré, elle ne pouvait ne qu'être sa progéniture.
Étant sûr de ma conclusion, j'avais assouvi cette curiosité et j'avais tapé son nom sur la barre de recherche. Elle était bien la fille de Guillaume De Villiers, ambassadeur de France au Japon. Mais ce que j'avais appris ensuite était tout aussi fabuleux. Sa famille était connue dans le monde de la politique étrangère car elle comptait dans son arbre généalogique des ambassadeurs et politiciens de renoms depuis quelques générations. À mes yeux, ce prestige familial frôlait presque la noblesse, même si c'était que de l'exagération de ma part. Son grand-père était connu pour avoir travaillé avec les pays du Moyen-Orient et avait reçu le titre d'ambassadeur de carrière, ce qui lui octroyé la fonction d'ambassadeur à vie, et cela, peu importait le changement de chef d'état. À l'heure actuelle, ce grand homme était à la retraite, d'après sa page Wikipédia. Son oncle était en poste au même titre que son père en Pologne et son cousin faisait ses débuts en étant un proche collaborateur du ministre des affaires étrangères françaises. Pour être du gros poisson, elle en était bien un, sa fortune et son patrimoine familial m'avait fait presque loucher.
Je voulais absolument qu'elle me l'avoue d'elle-même. J'avais envie qu'elle me le révèle de sa propre initiative, mais je devais faire preuve de patience pour combler ce que mon orgueil souhaitait à tout prix.
Néanmoins, cette révélation ne m'avait pas fait changer mon regard, ni mon avis sur elle, cela me permettait juste de comprendre plus facilement certaines choses et d'en déduire d'autres.
Mais ce soir, ce n'était pas vraiment elle qui avait régalé mes sens, mais plutôt mon meilleur ami, Ushijima Wakatoshi. Bien évidement j'avais déjà grillé que la blonde n'était pas du tout insensible au charme brut de notre champion, mais de là à entrevoir qu'il y avait une forte possibilité que cela soit potentiellement réciproque, avait émoustillé ma curiosité.
- Alors ? C'était comment ce baiser sur ta joue ? Demandais-je d'un ton taquin à mon colocataire de chambre.
J'étais assis sur la chaise de mon bureau à faire mes devoirs, mais j'avais beaucoup trop fait preuve de retenu à ne pas poser cette question avant, que j'avais atteint ma limite. Je tournai ma chaise vers le lit superposé, Wakatoshi était allongé sur celui du bas, le sien, concentré à lancer un ballon de volley au-dessus de lui. J'avais spécifiquement attendu un instant comme celui-là, ne voulant pas le questionner devant les autres membres, parce que je savais que ce n'était pas les bonnes conditions pour qu'il se sente à l'aise et en sécurité pour me dévoiler le fond de sa pensé. Ici, dans notre chambre, il était détendu, ses propos ne sortiraient pas de cette pièce et il serait plus enclin à se confesser. Du moins, c'était ce que j'espérais.
Le grand brun laissa le ballon retomber sur ses grandes mains et ne le renvoya pas en l'air. J'observai chaque détail que m'offrait son visage pour déceler ses pensées. Il se perdit à réfléchir quelques instants, ce qui chauffait mes moustaches inexistantes. Il avait pour habitude de dire ce qui lui traversait l'esprit, or là, il réfléchissait. Ce qui me poussait à croire que ce geste l'avait plus marqué qu'il avait bien voulu faire croire aux autres.
- C'était bien, me répondit-il en orientant son regard vers moi.
C'était déjà plus que je ne pouvais espérer, mais je voulais pousser le vice jusqu'au bout.
- Qu'est-ce que tu as ressenti ? Questionnais-je à nouveau en posant ma cheville sur mon genou et laissant mon dos se coller au dossier de ma chaise de bureau.
Un nouveau silence s'imposa, mais pour lui, je faisais preuve de patience et j'attendis. J'attendais encore quand il se remit à lancer le ballon dans les airs, avec un peu trop de force puisqu'il percuta le sommier du lit du dessus, manquant presque de s'écraser sur son visage à la redescente. Ses sourcils se froncèrent, par agacement sans nul doute. Parce qu'il n'arrivait peut-être pas à comprendre et à mettre des mots sur ce qui lui traversait l'esprit.
Les minutes s'allongeaient et il restait muré dans son silence, fixant son ballon entre ses mains, j'étais sur le point d'abandonner temporairement quand il se redressa pour se mettre assis au bord du lit.
- Je crois que j'aurais bien aimé qu'elle recommence, m'avoua-t-il en fixant intensément son ballon qu'il serrait un peu trop fort dans ses mains.
J'en jubilai presque, c'était une soirée mémorable. Prudence avait fui parce qu'elle aussi avait voulu plus, je l'avais toute suite compris aux réactions de son corps et de ses yeux qui avaient brillés avec envie. Et Wakatoshi, qui était bien plus éloquent ce soir qu'à l'accoutumé. Il était beaucoup trop tôt pour en déduire qu'il était intéressé par la jeune fille, il était juste en train de se dire que cela avait été agréable au point de vouloir un autre geste d'attention de ce genre. Il était seulement en train de découvrir les côtés positifs des interactions sociales avec le sexe opposé. Cela allait le pousser à se poser d'autres questions, à s'interroger enfin sur le sujet des filles, des relations qu'il pourrait entretenir avec une femme. À quelque chose qui n'avait aucun rapport avec le volleyball, et ça, c'était une première dans la vie de Ushijima Wakatoshi.
Mais il était trop tôt pour s'emballer davantage. Néanmoins, il ne fallait surtout pas laisser le fer refroidir, et je comptais bien continuer à le battre ce fer, peut-être même engager quelques alliés de confiance.
Chapitre 13
Ushijima Wakatoshi
Je reconnu sa silhouette à l'instant où elle déboucha de l'embranchement, les yeux rivés vers le ciel. Je m'arrêtai dans ma démarche, l'observant se rapprocher de moi, étant encore une fois bien trop distraite et ne faisant aucunement attention à son environnement. Je pensais même qu'elle allait encore une fois me percuter et j'étais prêt à la retenir. Mais au dernier moment, ses yeux vairons rencontrèrent les miens, évitant ainsi l'accident.
- Ushijima-san, me salua-t-elle en s'inclinant légèrement.
- De Villiers, répondis-je en ressentant une étonnante satisfaction de la voir.
Depuis mon enfance, depuis que mon père m'avait fait prendre goût au volley, en me racontant ses histoires, en passant ses jours à jouer avec moi pour m'apprendre les bases de ce sport qu'il avait autrefois pratiqué, je ne pensais qu'à ça. C'était mon but d'être un champion comme celui dans ses anecdotes, c'était mon rêve de jouer parmi les meilleurs. Mais depuis que j'étais dans ce lycée, d'autres chose avaient commencé à avoir de l'importance à mes yeux.
Grâce à cette équipe, à Tendo, j'avais commencé à faire un peu plus attention aux autres, à mes coéquipiers, ce qui n'avait pas été le cas pendant mes années au collège. Avant, seul mon ambition et mes résultats avaient de la valeur à mes yeux, mais maintenant, j'appréciais ce lien que j'avais doucement tissé avec les autres membres de mon équipe, avec Tendo.
Et bien que la blonde avait commencé aussi à intriguer ma curiosité depuis peu, ça n'avait pas eu autant d'impact que le soir où j'avais gagné ce fameux concours. J'y avais participé uniquement dans l'esprit de compétition, voulant juste prouver que j'étais le meilleur, n'attendant pas cette récompense qui avait surexcité mes coéquipiers. Je n'avais absolument pas compris pourquoi ils en discutaient autant, pourquoi cela les avait tellement poussés à se dépasser, car ce n'était pas inhabituel de faire des petits concours comme ça entre nous, pour stimuler nos performances. Mais ce jeudi soir-là, ce concours nous avaient poussé à aller plus loin, à être plus audacieux, plus téméraire dans notre jeu. J'avais moi-même était emporté par cette aura de combativité.
Et c'était ce qui nous avait fait perdre, car nous avions voulu trop en faire, nous poussant à commettre plus d'erreurs, tenter des choses que certains ne maitrisaient pas totalement. Simplement par orgueil, par prétentieux, par rivalité masculine. Ce que le coach nous avait implacablement reproché, et nous en avions subi le châtiment juste après.
Quand elle avait prononcé mon nom pour dévoiler son verdict, j'étais juste satisfait d'avoir réussi, d'avoir gagné, d'être le meilleur. Au moment où elle avait commencé à s'approcher de moi, ses yeux s'étaient mis à briller en me regardant, je m'étais mis inconsciemment à attendre ce geste promis. Ses joues s'étaient rosies, comme ces filles quand elles déclaraient m'aimer. Elle avait fait preuve de timidité, je l'avais remarqué pour avoir vu cette attitude sur la plupart des filles qui m'adressaient la parole. Mais comparé aux autres, elle n'avait pas fui, sa main s'était posée sur mon épaule et ses lèvres sont venues caresser ma joue. Le contact doux de ses lèvres sur ma peau avait provoqué une décharge dans mon corps, un frisson agréable s'était répandu sur mon épiderme, hérissant mes poils et me donnant la chair de poule. Les réactions de mon corps m'étaient devenus incompréhensibles, j'avais senti ma main vouloir l'empêcher de s'éloigner de moi, appréciant une seconde fois l'avoir si proche, redécouvrant la tendresse de sa poitrine se presser contre mon torse. Elle était partie alors que je n'avais toujours pas réussi à comprendre quelles étaient toutes ses sensations et ses envies inconnues qui s'étaient emparé de mon corps et de mon esprit.
Aujourd'hui encore, je ne comprenais toujours pas, et depuis ce soir-là, mes pensées s'égaraient parfois à ressasser ces souvenirs, me faisant penser à autre chose que le volley le temps de quelques minutes. Je voulais comprendre pourquoi cette fille m'avait fait ressentir cela, pourquoi les autres me laissaient, elles, en totale indifférence, comme à mon habitude.
- No, I just ran into him so calm down, dit-elle à ce qui ressemblait être de l'anglais, les traits de son visage se durcissant un peu par la colère.
Je fronçai les sourcils, mes notions en anglais n'étaient pas très bonnes malgré ma bonne volonté d'assimiler cette langue universelle. Et quand bien même j'aurais voulu tenter de traduire, elle avait parlé beaucoup trop vite pour moi.
- Excuse-moi Ushijima-san, je répondais à une amie, m'expliqua-t-elle en me montrant son téléphone qui était collé à son oreille.
Je me contentai de hocher la tête, n'ayant rien à dire sur ce fait, notant juste qu'elle avait une amie qui était peut-être anglaise ou américaine.
- Bien, je ne vais pas te déranger plus longtemps et je vais te laisser aller t'entraîner, ajouta-t-elle avec un sourire que je trouvais joli sur son visage, effaçant l'air fâché qu'elle avait eu juste avant.
- Tu ne me dérange pas, lui répondis-je aussitôt, me sentant nullement déranger par sa personne. Tu peux venir avec moi si tu le veux.
Je disais toujours avec honnête ce que je pensais, et là, les mots étaient sortis au moment où ils m'avaient traversé l'esprit. Parce que je voulais qu'elle me regarde jouer, je voulais qu'elle me dise encore une fois que j'étais le meilleur. Comme ce fameux soir, encore et encore celui-là. Elle nous avait si généreusement complimentés. Personne n'avait douté de sa franchise, son visage avait été aussi parlant que ses mots, nous faisant comprendre qu'elle était sincère avec nous. Sa franchise avait pris au dépourvue mes coéquipiers, qui n'avaient pas arrêtés de s'égosiller comme des enfants en répétant à tue-tête ses propos une fois dans le vestiaire, en défiant notre épuisement. Nous n'étions pas habitués à entendre ça, enfin, pas comme elle l'avait fait. On nous admirait, nous félicitaient régulièrement, mais sa façon de le dire, avec ses mots à elle, nous avaient touché.
- J'aurais bien accepté mais … aujourd'hui c'est un cours avec le coach dans mon club, donc je ne peux pas rater mon entraînement, me répondit-elle.
J'étais un peu déçu, mais seulement un peu, parce que je comprenais. Elle aussi avait des engagements envers son propre club, et je me demandais juste à quel point était-il important pour elle. Était-elle passionné par son sport ? Avait-il une place importante dans sa vie comme le volley en avait pour moi ? Je me disais qu'un jour, quand le moment se présenterait, je lui poserai ces questions, comme je lui demanderai si nous pourrions être ami. Mais pas maintenant, elle comme moi devions nous entraîner.
- Je vois, bon entraînement alors, lui dis-je.
- De même, me répondit-elle en ayant l'impression qu'elle me dévorait du regard.
En partant, j'y pensais encore, à ce regard, à ce bisou.
