Chapitre 3 : Rencontre

L'autrichien avançait dans les couloirs du palais en tournant la tête pour admirer l'architecture du lieu. Il était terriblement excité. Non seulement l'empereur lui avait commandé un opéra, mais en plus, il avait souhaité le rencontrer. Il s'arrêta devant deux grandes portes, se demandant s'il était au bon endroit, et aussitôt celles ci s'ouvrirent. Wolfgang avança, sourire aux lèvres et une fois en face de Joseph II, il lui offrit une révérence exagérée, comme il les faisait toujours, sans se soucier des gardes qui le fixaient d'un air strict.
- Ah ! s'exclama avec enthousiasme le souverain. Enfin je rencontre le fameux Mozart ! Tous les courtisans me parlent de vous, jeune homme !
- C'est un plaisir de me tenir enfin face à vous, votre Majesté.
Le dirigeant sourit avant de prendre un instant pour le détailler. Il devait avoir une vingtaine d'années. Blond, vêtu d'un costume coloré qui attirait le regard, il avait aussi un maquillage doré autour de ses yeux qui illuminait son regard brillant de malice.
- Je voulais vous informer que d'ici peu, vous aurez la visite de monsieur l'intendant, Rosenberg, ainsi que du compositeur de la cour, Salieri, afin de constater l'avancée de l'opéra que je vous ai commandé. Histoire d'être certain que les répétitions avancent bien.
- A votre guise, votre Altesse.
- Avez vous déjà rencontré notre compositeur officiel Mozart ?
- Antonio Salieri ? Non monsieur, je ne connais que son nom et sa renommée ici. Et également quelques rumeurs à son sujet.
- Des rumeurs ?
L'autrichien eut un sourire amusé.
- Disons que je fréquente beaucoup de femmes, ici à la cour comme en ville, et qu'elles se plaisent à me raconter de quelle façon personne dans cette ville n'arrive à faire tomber cet homme dans ses filets. Elles racontent qu'il est beau, mais terriblement froid et impassible. Il semble être un véritable défi pour Vienne.
Le souverain plissa légèrement les yeux, essayant de déterminer si le jeune virtuose sous entendait quelque chose. Se pourrait-il qu'il soit lui même intéressé par ce « défi » ? Au vu de ce qu'il savait du musicien, c'était fort probable. Voilà qui était très intéressant. Joseph II imagina les deux hommes ensemble. Cela pouvait fonctionner en effet, ils étaient si différents qu'ils ne pouvaient que se compléter.
- Je vois. Et bien vous aurez l'occasion de le rencontrer d'ici quelques temps. Merci d'être venu, mon jeune ami. Je suis ravi de vous avoir enfin rencontré.
Le blond s'inclina profondément avant de repartir.


Antonio replaça une mèche de ses cheveux. Il était anxieux. Rosenberg et lui s'étaient rendus aux répétions de l'opéra, comme l'empereur l'avait demandé, et ils étaient ensuite retournés auprès de l'empereur pour donner leur avis. L'intendant avait incendié le jeune musicien avec tout le vocabulaire possible. Mais lui était encore muet de stupeur, incapable de se maîtriser comme il le faisait d'habitude, la musique de son cadet l'avait percuté, violemment. Joseph II congédia Rosenberg, en le remerciant pour son travail.
- Salieri, dit-il une fois qu'ils furent seuls. Vous n'avez pas dit un mot. Qu'en avez vous pensé ?
Le brun se rappela alors ce qu'il avait ressenti avec violence en écoutant la musique de Mozart. Il baissa la tête pour cacher son trouble.
- Je ne sais pas vraiment quoi dire, votre Altesse, veuillez pardonner mon incompétence.
L'empereur sembla toutefois déceler que quelque chose clochait.
- Approchez, mon ami.
L'homme s'exécuta, et le dirigeant plaça une chaise derrière lui pour qu'il s'asseye. Lentement, il posa ses mains sur les épaules de son compositeur, les massant doucement.
- Détendez vous, murmura-t-il à son oreille. Je vois bien que vous êtes perturbé par quelque chose.
Antonio frissonna au contact sur lui. Cela allait donc encore recommencer ?
- Vous avez vu Mozart, alors ? Comment est-t-il ?
Il prit une longue inspiration avant de répondre.
- Comme Rosenberg vous l'a dit, il est excentrique. Il se fiche bien des convenances, et fait ce qui lui plaît.
- Tout votre contraire.
- Mais sa musique, Majesté... Elle est...
- Oui ?
- Divine... Je n'ai jamais entendu cela nulle part...
- C'est donc sa musique qui vous a bouleversé à ce point.
Il hocha la tête et l'empereur lâcha ses épaule pour se placer devant lui. Il regarda attentivement son visage, ses yeux fuyants, ses joues teintées d'un rouge léger, sa lèvre inférieure, qu'il mordillait anxieusement. Cela lui plut énormément, mais il venait de comprendre quelque chose, quelque chose qui l'empêcha de poser ses mains sur le torse du bel italien, quelque chose qui l'empêcha de le faire frissonner et de le prendre pour le voir crier de plaisir comme il l'avait déjà fait de nombreuses fois.
- Salieri, ce n'est pas juste sa musique qui vous fait un tel effet ?
- Quoi ?
- Mozart, il vous plaît, n'est ce pas ?
Antonio lui jeta un regard paniqué et Joseph II posa sa main sur sa cuisse pour le rassurer.
- Ne vous tracassez pas ainsi je vous prie. Je l'ai vu, ce jeune blondinet rebelle. Il est vraiment très charismatique. C'est normal qu'il vous plaise, même si vous ne voulez pas l'admettre pour l'instant. Je pense que vous ne le laissez pas complètement indifférent non plus, voir l'évolution des choses sera très intéressant.
Il sourit doucement à son musicien qui s'était figé.
- Passer des moments intimes avec vous me manquera, mais ce jeune impertinent saura certainement mieux s'occuper de vous et vos désirs, si j'en crois sa réputation. Et puis, ce ne sont pas les partenaires qui manquent pour me divertir.
Il se leva ensuite et quitta le salon, laissant l'italien profondément choqué, et seul face à une vérité qu'il n'avait pas voulue admettre quand il avait croisé le chemin de Wolfgang Amadeus Mozart. Ce dernier l'attirait, et violemment.