Chapitre 4 : Une discussion avec l'empereur

L'autrichien, allongé sur son lit, repensait à ce qu'il s'était produit aujourd'hui. Les rumeurs disaient vraies, Antonio Salieri était doté d'un charisme incroyable, et il était effectivement très bel homme. Mais, dans un premier temps, Mozart avait simplement été vexé de ses premières paroles, et il s'était montré insolent avec ses visiteurs. Mais quelques temps après, quand il avait croisé le regard sombre du maître de la chapelle, il avait voulu l'impressionner. Et le résultat avait dépassé toutes ses attentes. Il se savait talentueux, comme il savait que Salieri allait aimer sa musique. Malgré son assurance, il s'était trompé, le compositeur officiel de la cour de Vienne n'avait pas aimé sa prestation, il l'avait adorée, adulée. Quand Mozart avait tourné la tête pour le regarder, il s'était délecté du spectacle. L'italien avait semblé en transe, lui qui affichait un air impassible quelques instants avant avait dévoilé une expression de plaisir incontrôlé, pur et violent, sous les notes de l'autrichien. En voyant cela, le blond avait eu un brutal déclic. Il le voulait. Il voulait être celui qui réussirait le défi de le faire tomber, non plus par fierté comme il y avait songé en entendant les rumeurs sur la rigidité et l'implacabilité de l'homme, mais par attirance pour lui. Il voulait revoir ce visage ivre d'envie, ses yeux brillants sous le choc, et plus encore. Il voulait Antonio Salieri, entier et pour lui. Il s'endormit en imaginant coincer le musicien sous son corps avant de l'emmener dans un plaisir immense.


Mozart fit la moue en avançant dans le couloir, il était frustré. Cela faisait plusieurs jours qu'il venait régulièrement au palais, sous prétexte d'avoir des choses à revoir concernant l'opéra de l'empereur, mais dans le réel but d'approcher le maître de la chapelle, cependant ce dernier semblait l'éviter, et ne lui avait pas adressé un mot, disparaissant dès que le blond était dans les environs. Voilà qui n'allait pas l'aider dans son objectif. Un serveur apparut soudainement près de lui, lui désignant la porte du grand salon.
- Sa Majesté souhaiterait vous parler, messire Mozart.
Wolfgang fronça les sourcils. Que lui voulait Joseph II ? Il entra dans la pièce gigantesque qui ne contenait pourtant qu'une seule personne. Il était étrange que l'empereur rencontre des visiteurs seul, et le blond se demanda pour quelle raison il souhaitait le voir en privé. L'homme était installé dans un canapé, et il désigna le sofa en face du sien. Le musicien s'y assit après l'avoir salué.
- Alors comme ça, on court après Salieri comme tout le monde ?
L'autrichien afficha un air stupéfait. Comment savait-il ?
- Pardon votre Majesté ?
- Oh, Mozart, ne faites pas l'innocent avec moi, sourit alors son Altesse. Non seulement je sais, comme tout le reste de la ville, à quel point vous êtes un séducteur libertin, et je me doute que le défi de mon compositeur ne peut qu'attiser votre intérêt, mais en plus, je vous vois tous les jours dans le palais en train de fureter partout. Et ne dites pas que c'est pour ma commande, c'est peut être convaincant pour les gardes, mais moi j'ai régulièrement des rapports sur l'avancée du rapport, je sais donc très bien ce qu'il en est !
Wolfgang ouvrit la bouche, cherchant une excuse, mais il la referma avant de rire doucement.
- Je suis percé à jour on dirait. Que va-t-il m'arriver ?
- Mais rien voyons. Votre talent est précieux pour Vienne, et puis, sans vouloir vous vexer, tout le monde connaît vos penchants.
Le blond grimaça, il était vrai qu'il ne faisait preuve d'aucune discrétion.
- Pourquoi avez vous souhaité me parler de ça, votre Majesté ? Vous avez l'intention de m'avertir fermement de ne pas pervertir votre compositeur de mes travers ?
Joseph II éclata de rire.
- Oh non mon cher Mozart, au contraire ! Je voulais vous donner quelques conseils pour l'approcher !
Wolfgang écarquilla les yeux, ne croyant pas ce qu'il entendait, ce qui fit de nouveau rire l'empereur.
- Voyez vous, je m'inquiète pour lui. Sa solitude le pèse, même s'il refuse de l'avouer, et je pense que ce serait vraiment bien pour lui de s'ouvrir un peu aux plaisirs de ce monde, d'autant plus que malgré ce qu'il tente de faire croire, il est loin de ne rien ressentir.
L'autrichien hocha la tête, oui, ça il le savait très bien pour l'avoir vu.
- Et bien, se prononça-t-il après un court silence. Je suis flatté que vous vouliez m'aider à courtiser votre musicien favori, mais comment comptez vous savoir comment faire ?
- Mais je le sais déjà mon jeune ami.
- Je ne vous savais pas si proches. J'ignorais que Salieri se confiait à vous sur sa vie privée.
De nouveau, l'empereur rit.
- Oh Mozart, il ne se confie pas. Mais je sais. Il est loin d'être novice dans le domaine du plaisir. Notamment du plaisir entre hommes. Nous avons été bien plus proches que vous ne le pensez.
Wolfgang ouvrit grand la bouche, surpris. Avait-il bien compris ? Lentement, il articula.
- Vous... et Salieri... ?
Devant son air effaré, Joseph II eut de nouveau un rire bruyant.
- Et oui. Je fais partie des victimes de son charme. Mais sachez, mon jeune ami, que c'était ma seule volonté. Il n'a jamais rien dit à ce sujet, mais c'est moi qui lui ai fait des avances et qui ai voulu découvrir de genre de relations, et lui a découvert cela à mes côtés. Mais honnêtement, je soupçonne qu'il n'en ait jamais vraiment eu envie avec moi... Il n'a sûrement rien dit de crainte que je n'en sois fâché, mais c'est bien embêtant, il aurait pu s'exprimer, j'aurais compris.
Voyant que Mozart était très attentif à ses paroles, il se pencha légèrement, comme pour faire une confidence.
- Écoutez bien mon jeune ami, Salieri est un homme qui contient ses pulsions et émotions, mais elles sont pourtant présentes, et violentes en lui. Il suffit de toucher son cou ou sa taille pour le faire frémir, et chaque contact semble décuplé quand il le ressent. Un simple toucher, et il se soumet à votre emprise. Toutefois, il ne fera jamais le premier pas. Si vous voulez le courtiser, il faut foncer. Mais ne faites pas la même erreur que moi, n'allez pas trop loin tout de suite. Prenez votre temps, pour ne pas l'effrayer. Il assume très mal son désir pour les hommes, il essayera probablement de fuir dans un premier temps. Mais croyez moi, vous lui faites de l'effet, je l'ai découvert, et il n'a pas su me le cacher.
Wolfgang ne s'était pas encore remis de son étonnement, mais il enregistrait chaque information. Le dirigeant de Vienne lui affirma qu'il l'aiderait à séduire son compositeur, et il l'invita ensuite à partir. Mozart retourna dans le couloir, où il marcha en silence, en essayant de comprendre ce qu'il venait de se passer. L'empereur savait qu'il désirait le maître de la chapelle, cela ne le dérangeait pas, et il voulait même l'aider à obtenir ce qu'il voulait. Rien n'allait dans cette situation, mais c'était pour lui plutôt positif.