Hey !

Bon, j'ai une semaine de retard, mais c'est la faute au Nano. Je suis trop occupé à écrire pour relire ce que j'écris. Maiis voilà le chapitre tout beau tout proche. Puis j'ai enfin un plan à suivre. Je devrais m'en tirer sans trop de mal.

Bref !

Merci à Mijoqui et Lae pour leur review !

Bonne lecture !


Avant que le feu ne se répande

.

Le rideau tremble à peine. Le souffle qui suit le passage d'Aqua s'efface, comme les siècles qu'elle a traversés. Du vent, un tissu qui retombe. Et ma pièce se rendort.

Elle n'a pas de temps à perdre.

Des couloirs, des escaliers. Et bientôt, des bibliothèques alourdies par de puissants ouvrages. Une lumière diffuse écarte la nuit, rampe contre les murs, une flamme agitée tangue au sommet d'une bougie. La cire coule, blanche. Comme les doigts qu'elle devine sur la couverture d'un livre. Les phalanges diaphanes caressent le papier, nonchalantes. Sans se soucier de sa présence. Du reste du monde.

Il tourne les pages, et rien ne semble exister autour de lui.

Aqua savait qu'elle le trouverait ici. Elle s'avance, mais il la devance.

– Bonsoir. Ou bonne nuit ? Je ne sais jamais quoi dire à cette heure. Enfin, bonne nuit, c'est plutôt pour les gens qui vont dormir, non ?

Son visage entouré d'une masse de boucles blanches, Joshua sourit sans la regarder. Il laisse les yeux descendre au bas de la page qu'il lit, glisse une langue de tissu tout contre, puis il referme l'ouvrage. Silence. Il se relève, et l'or fragile de la lumière colore son visage.

– Bonsoir, ça suffira.

– Remarque, puisqu'on passe notre vie dans le même manoir, on ne se quitte jamais vraiment, non ? Alors pourquoi se saluer ?

Elle avait oublié ce talent particulier du vampire, d'agacer son auditoire en moins de trois répliques. D'une longue inspiration, elle ravale ce sentiment désagréable. Elle en a vus, des comme lui. Il en faut plus pour défaire sa patience.

– Fais comme tu veux, elle lâche.

– Je n'ai pas besoin de ta permission pour ça.

Enfin, le garçon relève ses iris mauves vers elle. Sa digne attention piquée d'une curiosité féline, il enchaîne aussitôt.

– Qu'est-ce qui t'amène ici ?

Bien. Au moins, elle n'aura pas à amener le sujet.

– Les Izunia.

– Oh. J'en déduis que le sommet ne s'est pas bien passé ?

– Disons que la situation est tendue.

Jambes croisées, Joshua emmêle ses doigts entre ses boucles. Elle sent chez lui cette satisfaction de ceux qui sont heureux d'avoir eu raison, même quand ils prédisent des catastrophes. Ça l'agace, mais elle passe outre, encore. Depuis le temps, elle sait comment il est. Est à l'heure actuelle, il est tout ce qu'elle peut espérer d'aide pour affronter les heures sombres à venir.

Xemnas a beau dire, ils peuvent faire quelque chose. Et s'il n'agissent pas maintenant… Eh bien, elle préfère encore ne pas penser à ça.

– Et donc, qu'est-ce que tu attends de moi ?

Le vampire croise les jambes.

– Si tu veux un gentil petit pigeon voyageur, je me vois contraint de refuser. Tu imagines bien que si je remets un pied là-bas, c'est ma vie que je joue. Enfin, ma vie. Tu m'as compris.

– Tu n'auras pas à bouger d'ici.

Elle n'est pas bête. Elle a eu l'occasion de rencontrer Ardyn, et, sans jamais lui avoir parlé, elle a senti ce qu'il y avait de sombre chez cet homme. Les Izunia ne sont pas réputés pour leur mansuétude. Des rumeurs qui courent, ils sont encore adeptes de la mise à mort par exposition au soleil. Et pour un vampire aussi vieux que Joshua...

– Mm. Je suppose que tu as des questions pour moi, alors ?

Est-ce qu'il s'en doutait depuis le début ? Sans doute, ça lui ressemblerait. Joshua a toujours su mener les conversations comme on traîne un chien en promenade. Il laisse courir, mais la laisse attend au creux de sa main.

Ses mirettes s'allument, pleines de lucioles curieuses.

– Oui. Concernant-

– Ardyn, je sais. Et pour commencer, tu fais bien d'avoir peur.

Elle soupire. Attrape la chaise la plus proche, pour mieux s'y laisser tomber.

– Qu'est-ce que tu entends par là ?

– Ardyn est patient. Quand il a une idée en tête, il ne la lâche pas, même s'il sait qu'il lui faudra des années pour la réaliser.

Et ça, ça ne l'arrange pas. Mais elle s'y attendait.

– Et tu sais ce qu'il a en tête ?

– Là ? Je dirais qu'il pense à son prochain repas. Ardyn adore la chasse. La traque l'excite, il peut passer des jours à courser sa proie.

– Je ne parle pas de ça.

Et ça, Joshua le sait aussi.

– Tu connais ses positions quant à la non divulgation de notre existence.

– Oh, ça. Ce n'est un secret pour personne.

– Certes. Mais il commence à semer le doute chez les autres clans.

– Commence, seulement ? Au risque de te décevoir, ça fait plusieurs années qu'il s'y applique. Il n'a jamais accepté le traité des Guerres de Valachie. Il est borné. Déraisonnable, aussi. Mais diablement futé.

– Sauf qu'aujourd'hui, ses magouilles portent leurs fruits.

Le sourire du garçon se fissure. Elle ne devrait pas s'en réjouir, mais c'est une petite victoire qui lui plait. Autant la savourer.

– Oh, je vois.

Il laisse sa main traîner sur la couverture du livre abandonné. Tourne la tête vers la lumière fébrile qui s'agite près de lui. Dans ces moments, Aqua donnerait cher pour savoir ce qui se passe dans la tête du transfuge. Enfin, c'est sûrement le même genre de film que ceux qu'elle ressasse. Des souvenirs qu'elle ravive, est des issues impossibles qu'elle invente, pour tous les futurs qu'elle ne connaîtra jamais.

– Qu'est-ce qui t'as poussé à les abandonner ? elle demande finalement.

– Un différend d'ordre idéologique.

Ça, elle sait. C'est la même réponse que Joshua leur sort, depuis plus d'un siècle. Mais les Izunia ne sont pas le genre de clan qu'on peut déserter pour un simple différend d'opinion. Elle le sait, lui aussi.

– Quel genre de différend ?

– Ardyn et moi n'étions pas d'accord sur certains points. A commencer par cette obsession qu'il a, de vouloir étaler notre existence au grand jour.

– Et tu n'es pas d'accord avec lui ?

Cette fois, elle est sincèrement surprise. Elle a toujours pensé que Joshua était du même avis que ses anciens camarades. Elle l'avait accepté ici en connaissance de cause. Il faut dire, vu le bonhomme et son sérieux complexe de supériorité, ça lui semblait logique.

– Bien sûr que non !

Il agite sa main comme on chasse un moucheron.

– A l'heure actuelle, ce serait une erreur fatale. Les humains sont trop bien équipés, et ils sont renseignés à notre sujet. Il ne leur faudrait pas longtemps avant de faire la part entre les légendes qu'ils se transmettent et la vérité sur nos points faibles.

Là-dessus, ils sont d'accord. Mais ces arguments mis de côté, Aqua n'a pour autant jamais souhaité l'avènement d'une ère où les vampires retrouveraient leur suprématie sur la race humaine. Elle n'est pas tant attachée à ces derniers, mais… Elle aussi, elle a été humaine. Un jour. Elle ne saurait l'oublier. En revanche, elle ne doute pas que cette idée plairait à son interlocuteur.

– Ça n'a pas l'air d'effrayer Ardyn, elle constate.

– Les Izunia ont tendance à surestimer leurs capacités.

Ils sont réputés pour leur fierté, c'est vrai. Elle a eu tout le loisir de le constater la dernière fois qu'elle les a croisés.

– Ils ont tardé à sortir des frontières de la Roumanie, Joshua poursuit. Leur connaissance du monde actuel est plus limitée que la nôtre.

– Je doute qu'Ardyn se lance dans une conquête du nouveau monde sans s'être renseigné avant. Il n'est pas inconscient.

S'il est aussi patient que l'autre le dit, il aura préparé son coup. Donc, il sera renseigné sur les humains et leur grandes avancées technologiques. Comment pourrait-il encore croire qu'il aura l'avantage sur eux ?

Aqua soupire. Elle ne comprend pas. Et ce qu'elle ne comprend pas ne peut que l'inquiéter.

– Non. Mais il est confiant. Et vieux, Joshua rétorque. Tu sais comment sont les anciens. Ils ont du mal à comprendre que le monde d'il y a mille ans n'a plus grand chose à voir avec celui d'aujourd'hui.

Oh oui. Deux yeux jaunes s'imposent à elle, perchés sur un sourire étriqué, et Aqua grimace. Ceux qui ont connu la suprématie des vampires ont bien du mal à s'en défaire. C'est ce qui les rend dangereux, cet orgueil mêlé d'inconscience.

Mais peut-être qu'elle se trompe. Qu'Ardyn est mieux préparé qu'il n'y paraît.

– Tu crois…

Elle commence, déteste déjà la fragilité dans sa voix. Le doute. Aqua ne doit pas douter. Elle seconde Xemnas. Il lui faut cette fermeté, un timbre franc comme un coup de marteau, et la douceur qu'il faut avec pour faire glisser sa voix. Si elle tremble pour une question, comment pourra-t-elle faire face le moment venu ?

– A ton avis, est-ce qu'il aurait une chance de l'emporter ?

– Sur les humains ? J'en doute.

– C'est-à-dire ?

– Comme nous l'avons déjà établi, les vampires n'ont pas la capacité de surpasser les humains pour l'instant. Quand bien même nous profiterions de l'effet de surprise, il nous faudrait des mois mois pour inverser le rapport de force qui s'est installé. La fenêtre est trop large, ils auront le temps de réagir. Et puis, ils peuvent se battre de jour.

– Mais ?

Parce qu'elle le sent, cet élan dans sa voix. Fragment mesquin qu'on devine sans le voir. Ces idées que Joshua nourrit, et qu'il prend plaisir à taire pour mieux les annoncer.

– Ça fait plus d'un siècle que j'ai quitté cet endroit. Ardyn a eu le temps de s'organiser, depuis. Qui sait s'il n'a pas mis au point une stratégie avantageuse ?

– Tu l'en penses capable ?

– Je pense surtout que j'en sais trop peu pour affirmer quoi que ce soit.

Le garçon hausse les épaules, renverse la tête. S'étire et fait rouler ses petites épaules. La lumière fragile des bougies masquent son aspect juvénile, mais rien ne saurait cacher la finesse de son corps, brusquement coupé dans sa croissance. Cette trogne d'éternel adolescent juché sur son mètre soixante. Ça lui serrerait le cœur, si elle ne savait pas toute la mesquinerie dont Joshua est capable.

– Est-ce que tu pourrais te renseigner ?

– C'est une faveur que tu me demandes, il roucoule.

– Je peux te l'ordonner.

– Je n'ai pas le choix, donc.

Le garçon soupire.

– C'est fourbe de ta part. Tu sais ce que je risque, si je m'approche encore de mes anciens camarades ?

La mort. Pour de vrai, cette fois.

– Oui. Et tu auras déjà disparu depuis longtemps, si Xemnas ne t'avait pas accepté ici.

– C'est du chantage que tu me fais ?

– Il a pris un grand risque en s'opposant à Ardyn.

– Je lui en suis reconnaissant.

– C'est l'occasion de le prouver.

Bien sûr, Xemnas n'a pas abrité le traître par pure bonté d'âme. Joshua est futé, et plein d'une connaissance engrangée dont il use sagement. Pour eux, c'est un atout. Mais il n'empêche que sans eux, les Izunia auraient détaché sa tête du reste de son corps depuis longtemps. Et ils pourraient encore le faire, s'ils décidaient soudain de lui retirer leur protection. Ils perdraient un élément précieux. Mais tout intelligent qu'il soit, s'il refuse de coopérer, Joshua ne leur sert à rien.

Silence. Joshua admire le plafond, perdu dans un monde d'idée qu'il est seul à comprendre. Il soupire. Se relève. Il ne sourit pas, cette fois. Et pour elle, c'est bon signe.

– Eh bien. Je vais voir ce que je peux faire.

Parfait.

– Mais je ne te promets rien.

– Ce ne sont pas des promesses que j'attends de toi, mais des résultats.

De toute façon, Joshua sait tordre les promesses pour mieux les arranger. Mieux vaut ne pas négocier avec lui.

Satisfaite, Aqua se redresse. Le problème n'est pas réglé, mais ça avance. Et c'est déjà un début.

Elle ne peut plus feindre de ne pas voir la catastrophe qui se prépare.

– Comment se porte Vanitas ?

La question fuse. La vampiresse plisse les yeux.

– Pourquoi cette question ?

– Quoi ? Je n'ai pas le droit de me soucier de mes paires ?

Si. Mais ce n'est pas dans sa nature. Elle cherche la menace glissée entre ses mots. Qu'est-ce qu'il insinue ?

– Il se porte aussi bien qu'il peut, elle lâche.

– Tu m'en vois ravi. Je t'avoue qu'avec l'arrivée du nouveau...

Elle souffle.

– Si tu veux de ses nouvelles, tu sais où le trouver.

– Certes, mais tu reconnaitras que c'est dur de l'approcher. Enfin, c'était. Parait-il qu'il sort souvent, ces derniers temps.

Joshua peut bien parler. Il passe sa vie terré dans cette bibliothèque.

Est-ce qu'il essaie de lui faire du chantage au sujet de Riku ? Non. Il sait que le risque est trop grand. Xemnas lui tomberait dessus. Pire, il pourrait réveiller le patriarche.

– Enfin, je suppose que ça ne me regarde pas. Je ne suis qu'un transfuge, hein ? Ce serait malvenu, si je venais me mêler de vos histoires.

Ça, elle n'en a que faire. Le félon vit ici, il peut bien faire ce qu'il veut, tant qu'il n'enfreint pas leurs règles. Mais elle sent qu'il a quelque chose en tête, et ça ne lui plait pas.

On ne peut jamais faire pleinement confiance aux Izunia.

Enfin. Elle a eu ce qu'elle voulait, et elle est loin d'en avoir fini avec cette histoire. Alors elle tourne le dos à l'angelot déchu, et elle abandonne les lourdes bibliothèques à leur silence. Maintenant, il faut qu'elle contacte les Gainsborough. Nouer de solides liens tant qu'Ardyn ne les a pas tous divisés, c'est une priorité. Et elle sait qu'Aerith sera d'accord avec elle sur ce point.

Seule dans le couloir, Aqua attrape le téléphone qu'elle n'utilise presque jamais.

Il ne lui faut pas longtemps pour trouver le numéro de Zack.

xoxoxox

– Café ?

Riku n'en boit pas, d'habitude. Mais il hoche la tête. Allez savoir pourquoi. Le sourire de Kairi, peut-être. Elle a cet élan jovial qui force à acquiescer avant que le cerveau ne prenne pleinement conscience de l'information qu'il enregistre. Et quand il se retrouve avec une tasse chaude entre les mains, c'est trop tard. Il ne peut plus refuser.

Bah, ça lui donnera un petit coup de fouet. Il en a bien besoin.

– Merci.

– Avec plaisir. J'adorais ça, de mon vivant.

– Ah ?

– Oui. Et j'aime encore l'odeur quand on en fait.

– Tu peux plus en boire, je suppose ?

Étonnamment, c'est facile de lui faire la conversation. Kairi rend tout facile. C'est comme un manteau de neige qui lisse le paysage. Il n'y a plus qu'à s'y laisser glisser, sans s'inquiéter des imperfections qui percent le paysage.

– Techniquement, si, elle rit. Mais on ne peut pas digérer les aliments quand on a été transformés, alors…

Le gris hésite. Avale une gorgée trop amère et retient une grimace.

– Il se passe quoi, si vous mangez des trucs ?

– Ça ressort par là où c'est entré.

– Oh.

– C'est pas très ragoutant, hein ?

Riku préfère ne pas faire de remarque. Pas qu'il ait peur de la vexer - c'est sans doute impossible - mais il y a des sujets qu'il vaut mieux éviter d'aborder, quand on mord dans une tartine de beurre. Pour une fois qu'il se lève tôt, il voudrait profiter de son petit déjeuner sans encombre.

– Enfin. Ça devrait pas t'inquiéter, je pense pas que Sora ait prévu de te transformer. Tu vas pouvoir te gaver de pizza tranquille.

C'est tout calme, à cette heure. Les vampires rentrés de leur chasse nocturne se reposent, les autres humains dorment encore - ou bien ne sont pas couchés. Riku aime cet entre-deux où tout semble mort. Il pourrait même aller prendre son petit déjeuner dans le jardin, profiter des dernières fraîcheurs de la journée avant que le soleil de Juillet ne monte trop haut. Mais Kairi ne pourrait pas l'y suivre, alors il attend dans la cuisine, entre les poutres centenaires du manoir.

– Xemnas ne serait pas d'accord pour ça, je suppose ? il demande entre deux crocs.

Il lui faut un fond de courage pour aborder ce nom. S'il s'est remis de leur rencontre, le souvenir pesant qui le noie persiste. Il a bien mal dormi, cette nuit.

– D'accord pour te transformer ?

– Oui.

– Bah, ce serait compliqué, je suppose. Dans l'idée on peut changer qui on veut, tant qu'on abuse pas. On a encore la place au manoir.

– Mais ?

Pas qu'il ait envie de tenter l'expérience, seulement… C'est drôle, quand même. Sora et lui, ils n'ont jamais évoqué cette possibilité. Riku va grandir, vieillir, finir avec des cheveux plus gris qu'ils ne le sont déjà, alors que son meilleur ami brun à jamais le regardera dépérir. Ce n'est pas rien. Pourquoi ça ne l'inquiète pas plus ?

Remarque, il a dû en voir des morts, Sora. Il est préparé.

– Disons qu'il y a des cas où c'est plus compliqué.

– C'est-à-dire ?

C'est pour ça qu'il lui fait des secrets, sans doute. Pas besoin de parler de sa famille à quelqu'un qui finira par tomber en poussière, hein ?

Merde. Il est mauvaise langue. Puis ils ne parlent jamais de leur famille respective. C'est à peine si Riku évoque son père devant lui. Il a ses raisons, mais dans cette logique, le vampire avait sans doute les siennes. N'empêche, découvrir comme ça que l'homme qui dirige cet endroit était aussi le frère de son pote… D'accord, ça le vexe.

Même Vanitas n'a jamais abordé le sujet. Pourquoi ?

– Il y a des humains auxquels on évite de toucher.

– Pourquoi ?

Kairi agite son doigt devant ses lèvres.

– Secret défense. Impossible d'en parler, désolée.

Et voilà, encore des cachotteries. Et toujours, c'est lui qu'on laisse la tête vide. C'est sans doute la même chose pour les autres habitants humains qui trainent ici, mais quand même. Il n'aime pas qu'on le mette à part. Ça lui laisse un sale goût d'infériorité qui perce son cœur comme la pointe d'une aiguille. Douleur vive et légère, tenace. Irritante. Cette mise à l'écart ternit son humeur. Mais, encore une fois, il ne peut pas se plaindre. Il savait, en venant ici, qu'il y aurait des règles à respecter.

D'une traite, il termine sa tasse.

– Pourquoi ? Ça t'aurait tenté, la vie de vampire ?

– Pas vraiment.

L'existence de nuit, à l'écart du monde, pourquoi pas ? Fini les responsabilités. Le monde lourd et l'avenir plein de nœuds qui l'angoisse chaque fois qu'il essaie de se projeter au-delà des études. Tout a l'air simple ici, le temps s'est arrêté. Mais l'éternité à mordre des inconnus dans une ruelle sombre… Même avec Sora, ça lui fait peur.

Un temps infini qui s'étire, c'est comme un gouffre ouvert sous ses pieds.

– Alors qu'est-ce qui te mine ?

Oh. Ça se voit tant que ça ?

– C'est mon café qu'est pas terrible, c'est ça ? elle plaisante.

– Du tout.

– Fais pas genre. Tu sais, c'est encore plus flagrant pour nous quand quelqu'un essaie de mentir. On capte toutes les petites grimaces que vous retenez.

Bon, il est grillé.

– Je suis pas fan de café.

– Oh, fallait le dire ! On a du thé aussi, et du chocolat. Faudra qu'on rachète du jus de fruit, Dem a tout liquidé, mais pour le reste…

– Dem ?

– Il fait partie des vampires qui aiment encore manger, à l'occasion. Même si… Bah, comme je t'ai dit, quoi, faut que ça ressorte.

Et là, il est content d'avoir terminé sa tartine, parce que les images qui lui viennent ne lui auraient pas donné envie d'y mordre.

Est-ce que les vampires ont encore de l'appétit, face à la nourriture que les humains consomment ?

– Et donc ?

Elle ne compte pas le lâcher, hein ? Cette insistance, on dirait Sora. Ils se sont bien trouvés.

– C'est rien.

– Si c'était rien, tu le dirais.

Elle a raison. Ça pique, un peu. Il faudra qu'il apprenne à mentir.

– C'est des conneries.

– C'est mieux, elle glousse. Mais ça répond pas à ma question.

Ses doigts fins jouent sur le bois sec de la table. Une peau à l'apparence si douce, qui s'avance sans craindre les échardes. Pas aussi blanche que celle de Vanitas, mais claire, tout de même. Des ongles roses. Elle est jolie, Kairi. Pas d'une beauté qui touche Riku, mais il sait la reconnaître.

– Allez, crache le morceau. Je répèterai rien à Sora.

Ce n'est pas tant ça qui l'inquiète, que le ridicule de son propre caprice. Mais si elle insiste ? Riku se connait. Il va tasser ça dans un coin comme une pile de linge sale, mais ça va lui revenir en pleine figure. Il soupire.

– C'est à propos de votre chef, là. Xemnas.

– Il fait un sacré effet, hein ?

– Ouais.

Ça, il ne va pas le nier. Néanmoins, ce n'est pas la question.

– Je savais pas que c'était le frère de Sora.

– Oh, ça.

Kairi étend son bras le long de la table. Son corps suit comme elle s'affale, s'abaisse dans un mouvement qui lui rappelle celui d'un chat paresseux.

– Sora voit pas vraiment les choses comme ça, aussi. Donc bon.

Riku hausse un sourcil.

– Il voit pas les choses comme ça ?

– C'est vieillot, ces histoires de familles par le sang. Ça se disait encore quand il a été transformé, mais maintenant…

Là, il n'est pas sûr de comprendre. Famille par le sang ? Oui, c'est l'idée. Pour avoir un beau frère, il faudrait que Sora soit marié. Et il ne l'est pas.

– Désolé, elle rit. Je te parle de ça comme si tu connaissais déjà. Mais ça doit faire bizarre de voir des gens compter leur âge en siècles, hein ?

– Un peu, oui.

Il passe sa main dans ses cheveux.

– Je comprends. Mais on s'y fait, t'inquiète. Après je dis ça, j'ai eu le temps de m'y habituer. C'est sûr que c'est facile à dire.

Est-ce que ce serait déplacé, de lui demander quel âge elle a ? Kairi n'est pas du genre qu'on gêne facilement, mais Riku se souvient de cette phrase qu'il a déjà tellement entendu, comme quoi l'âge des femmes ne se demande pas, et…

Oh. Il faut vraiment vraiment qu'il arrête de se prendre la tête pour des broutilles.

– Ça fait longtemps que t'es… Comme ça ?

Il a dû mal la formuler sa question, parce qu'elle glousse à nouveau. Elle ne rit pas vraiment ça mais passe dans sa gorge, là, un truc léger. Fragile. Des bris de verre. Et Riku comprend ce qui happe Sora chaque fois qu'il la regarde. Est-ce que son rire a toujours été aussi clair, ou bien sa transformation a-t-elle influencé jusqu'aux sons qui sortent de sa bouche ? Il pense à Vanitas, soudain. Ses yeux ont-ils toujours été aussi jaunes, sa peau aussi blanche ?

– Deux cents ans. Je suis une des plus jeunes, ici. Humains exceptés.

Ah. Donc, deux cents ans, c'est jeune. Il note.

– C'est Sora qui t'a transformé ?

– Non, Aqua. En général, ce sont plutôt les têtes du groupe qui s'occupent de ce genre de choses.

– Pourquoi ?

– Une question d'habitude, je suppose ? Puis Sora est adorable, vraiment, mais à choisi, je lui fais clairement plus confiance à elle pour un truc aussi important !

Il peut comprendre oui. C'est vrai qu'il est adorable, leur chien fou. Mais ce n'est pas… Comment Demyx, dit, déjà ? Le couteau le plus aiguisé du tiroir ? Riku ne sait pas quelle dextérité la transformation nécessite mais lui aussi, à choisir, il se reposerait plus facilement sur le bras droit du manoir.

– Eh ! T'es déjà débout, Riri ?

Tiens tiens.

– Salut, chat.

Kairi allonge son sourire, alors que Sora apparaît brusquement derrière elle. Riku n'a même pas le temps de sursauter. Soudain son ami est là, et il pose ses yeux pétillants sur la vampiresse.

– J'pensais pas vous trouver ici aussi tôt ! Qu'est-ce que vous faites ?

– On discute.

– Et de quoi vous parlez ?

– Mm, genre, tu nous as pas écoutés ?

– Juré ! J'ai fait tout le tour du manoir pour trouver Vanitas. J'savais même pas que vous étiez ici.

– Mm.

La rouquine fait mine d'hésiter. Mais Riku, lui, ne doute pas. Il sait la spontanéité de Sora. Et puis, s'il les avait entendus, il se serait sans doute vexé - pour mieux se faire réconforter.

Il les regarde, là, les deux qui se zieutent, leurs mirettes pleines d'étoiles. Des siècles d'amour dans le sang. C'est mignon. vraiment.

Mignon, mais terriblement loin de lui.

Alors il baisse les siens, d'yeux. Il récupère sa tasse vide.

– Eh, tu vas où Riri ? Sora s'étonne.

– Faire un tour dehors.

– Mais le soleil est déjà-ah bah oui, j'suis con.

Riku confirmerait bien, juste pour l'embêter. Mais ça se bloque dans sa gorge. Alors il reste là, à les regarder qui se regardent eux-même. Avec cette impression toute bizarre qui agite son ventre plein de nœud. Il trouve le moyen de sourire.

Il les salue d'un geste de la main. Avec des mots qu'il oublie, aussi. Et il s'éclipse.

Il ne sait pas ce qui l'empêchait de rester, là. Ce n'est pas comme s'il se sentait exclu face à leur amour séculaire, non. Pas comme s'il les jalousait. Mais c'est… C'est juste…

Plus fort que lui.

Encore une fois.

Il faudra bien qu'il s'y habitue. Ce manoir porte une histoire qui le dépassera toujours.

Et le regard jaune qu'il croise soudain n'arrange pas les choses.


Et voilà. Un petit cliffhanger.

(Joshua est venu malgré moi. J'espère juste qu'il ne prendra pas trop de place. Même si c'est mal barré.)
A la semaine prochaine !