Un boulot pour Aria. Elle va se retrouver à jouer les mercenaires pour une despote psychotique… L'Hallex, dans ses veines, fait son effet et les douleurs s'estompent, remplacées par un sentiment de légèreté étrange. Vie de merde. Apparemment, Shepard n'est bonne qu'à vivre une vie de merde, au service de gens qui ne méritent rien de plus qu'une balle entre les yeux. Elle devrait faire ça, faire une liste de tous les gens à tuer, responsables de la misère du monde, et les tuer. Et dire que c'est en tant que spectre qu'elle assouvit sa vengeance pitoyable. Et au bout de sa liste, elle devrait y mettre son nom. Elle se demande, de temps en temps, pensée volatile, depuis son réveil il y a quelques jours, si elle ne devrait pas juste se mettre une balle dans la tête. Tout arrêter, tout simplement. Comme ça il n'y aurait plus de souffrance, plus rien. Et elle sait qu'il n'y a rien après la mort. Alors elle n'a pas à avoir peur… Mais l'idée, même si elle est là, dans l'ombre, ne reste jamais longtemps.
Elle s'habille sans y penser, passe la main dans ses cheveux rasés. Un instant, elle s'était dit qu'il fallait qu'elle se coiffe quand même...Elle équipe ses armes, attrape la bouteille de whisky et sort. Elle ne sait pas trop où elle va. Elle déambule doucement dans les rues, croise quelques elcors et un hanari, boit régulièrement de son alcool jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle est suivie. Elle décide alors d'emmener son suiveur dans une petite allée dont elle se souvient, mémoire lointaine d'une mission un peu compliquée. Arrivée au fond de l'allée, elle se fige, écoutant attentivement les bruits de pas derrière elle, qui avançaient régulièrement et maintenant ralentissent, pour s'arrêter au début la ruelle. Elle se retourne, pistolet en main, prête à tirer, jusqu'à ce qu'elle voit le visage anxieux d'Alia. Elle soupire, secoue la tête et range rapidement son arme. L'adolescente lui offre un grand sourire et un petit air coupable, qui ne reste pas longtemps. Shepard, sa voix toujours rauque, lui lance :
« C'est un hobby, chez toi, de suivre les gens ? C'est dangereux de suivre un spectre tu sais ?
- Je croyais que vous n'étiez rien… Rétorque cyniquement Alia, un sourire de conquête aux lèvres.
- Oh putain, t'es insupportable. Viens là, on va se poser un peu ici, le temps que je fume ma clope.
A ces mots, la gamine resplendit, les yeux brillants de joie. Elle sautille jusqu'au soldat qui s'est assise contre le mur et est en train d'allumer une longue cigarette.
- Je peux en avoir une ?
Shepard la regarde attentivement, puis sa cigarette, puis hoche les épaules et en tend une à l'adolescente.
- Ton corps, ton choix, la crevette. Pourquoi tu me suivais ?
- Je vous ai vue près du marchand, à l'entrée du quartier. Je me suis dit que j'allais veiller sur vous, de loin. Et puis, vous avez tendance à vous perdre. Je me tenais prête à vous aider.
- En vrai, je n'ai aucune destination. Je dois voir quelqu'un dans la journée, pour un truc. Mais à part ça, je n'ai rien à faire. Pour la première fois depuis des années, je n'ai rien à faire.
Et ça me terrifie, pense-t-elle.
- C'est bien non, de pouvoir juste flâner, se promener, discuter avec une amie, sans le poids du monde sur vos épaules ? Non, She… Whelps ?
- Dis comme ça… Appelle-moi Elie, c'est proche de mon ancien prénom. Et tutoie-moi. J'ai l'impression d'être vieille, sinon.
- Haha, ok Elie. Et tu es vieille. C'était quoi, ton prénom, tu sais avant ?
- Eléanor… Mais personne ne m'appelait comme ça.
Presque personne.
- Eléanor, c'est beau. Mais Elie, c'est cool aussi. C'est mieux que Whelps. Sérieux, il n'y avait pas un nom plus badass que tu pouvais trouver ?
- C'est vrai qu'Eléanor est un joli prénom. Je me demande souvent comment mes drogués de parents ont pu réussir à me trouver un si beau prénom… »
Cela faisait plus d'un an et demi qu'elle n'avait plus pensé à ses parents. Depuis ce jour, sur le vaisseau du Courtier de l'ombre, où Liara lui avait dit qu'elle avait trouvé des informations sur ses parents, s'il elle souhaitait les lire, ou les faire disparaître. Shepard les as lues. A regretté. Fille de deux drogués. Son père a tué sa mère dans un moment de délire du aux drogues qu'ils s'injectaient tous les deux. Quand la sécurité de la ville est arrivée, son père avait fait une overdose, non loin du cadavre de sa mère, et la petite, deux ans à l'époque, a été retrouvée en train de jouer, non loin, dans une flaque de fluides écœurante. Et c'est ainsi que le monde accueillit Eléanor Shepard dans le système. Elle n'a aucun souvenir de ce moment là, de l'appartement, de ses parents. Ils ne sont que des noms, des ombres dans l'arrière-plan. Anderson était un père. Ouais, et tu l'as tué… Chakwas était ce qu'elle connaissait de plus proche d'une mère. Perdue dans ses pensées, le soldat ne s'est pas aperçu du regard à la fois triste et doux de sa compagne du moment. Voyant que Shepard dérive vers des pensées qui sont peut-être un peu sombres, l'adolescente reprend :
- J'en comprends qu'ils sont morts. Sinon tu leur aurais demandé… Tu as grandi où ?
- Ils sont morts, oui. Je ne les ai jamais connus. J'ai grandi sur Terre, dans une grande ville française, Marseille. Je ne pense pas que tu connaisses… C'est une des pires villes de la Terre, avec Détroit et Beijing.
- Non, je ne connais pas. Je n'ai jamais été ailleurs que sur cette station. Oméga, c'est ma galaxie. Pourquoi ta ville est une des pires ?
- L'insécurité, le chômage, la surpopulation, la pollution… Et on peut continuer comme ça longtemps. La vie sur Terre, dans les grandes villes, c'est compliqué. Quand on est pauvre, il y a extrêmement peu d'opportunités. C'est les gangs, l'espace, ou la mort.
- Et toi, comment tu es devenue le Commandant Shepard ? Je veux dire, si tes parents sont morts… Je connais les orphelins d'ici. Les plus pauvres des plus pauvres…
- J'ai choisi les trois.
- Comment ça ? Demande vivement Alia, visiblement confuse de la réponse de Shepard.
- J'ai été à l'orphelinat jusqu'à mes dix ans, peut-être. Je ne sais plus trop pourquoi j'en suis sortie. Peu importe. La vie dans la rue était compliquée. J'ai fait équipe avec d'autres gamins de mon âge et puis quelque chose est arrivé… Et je me suis retrouvée dans un gang...De mes douze ans à mes seize ans, j'ai été avec eux. Puis j'ai fuit. Je me suis faite arrêter au spatioport. Je voulais entrer dans un des vaisseaux amarrer là. Sauf que je ne savais pas que c'était un vaisseau de l'Alliance. Les soldats m'ont amenés à leur chef qui m'a proposée un marché. On oublie l'incident, et j'intègre l'armée. J'ai posé une seule question à ce monsieur : Est-ce que je partirai dans l'espace après ? Il m'a dit : absolument. J'ai signé. J'ai combattu et je suis morte. Deux fois.
Alia regarde le soldat avec un mélange d'admiration et de compassion et pendant un moment, semble incapable de parler. Puis elle fronce les sourcils et demande :
- Comment ça, tu es morte deux fois ? Aux dernières nouvelles, la première fois est censée être définitive…
- Haha ! Oui, normalement on reste mort. Mais des gens ont cru bon de me ramener de l'au-delà pour botter le cul des Collecteurs, et ensuite des Moissonneurs.
- Ils n'ont pas eu tort, je dirais que ça a plutôt bien marché comme plan. Mais comment… C'est pour ça, tes cicatrices oranges, ton œil rouge ?
- Exactement. Une femme… Une amie à moi a reconstruit des portions entières de mon corps et a réussi à rétablir une activité cérébrale dans un cerveau qui avait subi une privation d'oxygène et l'entrée dans l'atmosphère d'une planète.
- Wow, cette femme doit être incroyable…
- Elle l'est. C'est Miranda. Elle est parfaite, mais faut pas lui dire ça… Ça lui monte à la tête…
- C'est quoi, ce petit sourire, Commandant ? Je pensais que votre cœur était pris par une très jolie asari ?
- Quoi ? Comment ? Miranda et moi… C'est compliqué. Mais c'est réglé. Elle aura toujours une place spéciale dans mon cœur, tu vois ?
- Mouais… D'autres femmes amoureuses de vous, Commandant, ou deux ça vous suffit ? Demande l'adolescente, un grand sourire aux lèvres.
- Ho ça suffit, crevette ! Allez, debout, je dois passer un coup de fil et tu dois me parler de toi ensuite » dit le Commandant, rougissant et luttant pour tenir droit sur ses jambes, malgré la douleur qui l'assaille.
Elle s'éloigne un peu de l'adolescente, prends le dernier Hallex puis retrouve le contact du dealer. Anthony Clayton, me voilà.
« Ouais, c'est qui ?
- C'est la fille du cargo butarien, celle à qui tu as donné de quoi l'aider pour ses douleurs.
- Ha oui, je me souviens de toi ? On se voit quand ?
- Maintenant, si t'es dispo. Où tu veux.
- Ok je t'envoie la destination. A tout' la vieille. »
Alors qu'elle achève la conversation, elle se retourne et voit Alia, bras croisés et regard triste, la fixer. Shepard sait qu'elle ne va pas aimer ce que l'adolescente veut lui dire.
« Elie… Je t'ai dit. Tu devrais arrêter l'Hallex. C'est vraiment une saloperie…
- Ça va aller, t'inquiète. J'en ai besoin, sans ça, je ne peux pas fonctionner.
- Tu fonctionnes à peine avec. Je sais que tu viens d'en reprendre parce que tu recommences à buter sur les mots, à galérer à arranger tes pensées. Tu vas finir vide. Comme une épave de vaisseau. Toujours là, physiquement, mais il n'y aura plus rien de toi. J'ai déjà vu ça. Et… Tu es la putain de sauveuse de la galaxie, tu devrais pas faire ça…
Elle finit sa tirade en pleurs, ses mains agrippées aux avants-bras de Shepard, qui grimace à la douleur que ça lui inflige, mais ne dit rien. Elle continue après avoir arrêter de pleurer.
- Tu ne devrais pas être seule. Tu ne devrais pas être ici. Tu devrais être avec tes amis… Tu as dit qu'ils étaient ta famille. Alors va retrouver ta famille, putain. Tu sais très bien combien de gens ont tout perdu dans cette guerre. Toi, tu as des amis, des amours, et au lieu d'en profiter, tu te détruis. Ici. Au fond de l'enfer du monde des vivants. Et ça me brise le cœur de te voir comme ça parce que tu mérites pas ce que tu t'infliges. Personne ne mérite ça... »
Shepard observe la gamine, en silence. L'Hallex a éteint tous les capteurs de douleurs, et une euphorie hors de propos s'installe dans la tête du commandant. Elle a envie d'exploser de rire, mais elle sait que ça blesserait l'adolescente. Alors elle reste là, mains liées à celle d'une gamine, les yeux dans les yeux. Alia n'aime pas regarder l'œil synthétique. Il est froid, totalement inhumain. Un instant, elle se dit qu'elle regarde probablement deux yeux synthétiques. Une entrée dans une atmosphère, elle n'est pas un génie, mais ça ne doit pas faire du bien aux globes oculaires. Mais l'œil rouge est vivant, féroce. Et on voit, derrière cette lumière, on voit la détresse du Commandant. La profondeur de sa tristesse. Alia veut l'aider, en a fait sa mission, la veille, quand elle l'a vue avaler une capsule de Hallex. Mais si le soldat continue de se droguer, elle ne pourra rien faire. Et plus ça ira, et moins il y aura de Shepard à aider.
« Je dois y aller.
La voix de Whelps interrompt les pensées d'Alia.
- Chercher ta drogue ? Vas-y Shepard. Détruis toutes tes chances de pouvoir un jour avoir une vie normale, une famille. Tu es en train de devenir un parfait habitant de cette station, sans espoir et sans avenir.
- Et qu'est-ce que je dois faire, Madame la grande sage ? Tu ignores la moitié, qu'est-ce que je dis, tu ignores tout de ma vie. Et de mes choix. Des raisons qui m'ont fait venir là.
- Ben alors, dis-moi, Shepard. Dis-moi. Et ne me donne pas ce que tu as dit par rapport à ton asari, là, c'est des conneries. Donne-moi les vraies raisons et alors je ne te ferai plus chier. Je t'accompagnerai même chercher ta merde. J'attends.
- Tu te prends pour qui, Miss J'suis meilleure que tout le monde ! T'es un rat d'Oméga, t'as aucun avenir, qu'est-ce que tu viens me parler de choix. T'es qu'une gamine insolente qui ne connaît rien au monde réel. »
Shepard regrette immédiatement ses mots. Surtout quand elle voit la douleur dans le regard d'Alia. Avant qu'elle puisse réagir, l'adolescente part en courant et disparaît dans le ventre bouillonnant de la station. Bien joué, tu as fait fuir la seule personne qui ne voulait pas se servir de toi. Monstre. Résignée, difficilement triste à cause de la joie artificielle qui s'est installée dans sa cage thoracique, Shepard se dirige lentement vers le lieu de rendez-vous. Sur le chemin, son cerveau se vide et elle accueille cette sensation avec un immense plaisir. Arrivée près des docks, elle cherche l'humain, finit par le trouver, assis avec une turienne sur des caisses attendant de partir dans les cargos.
« Ha, je t'avais dit qu'on attendrait pas longtemps, dit-il à l'alien tout en descendant de la caisse. Antho Clayton, enchanté. On a pas beaucoup parlé la dernière fois qu'on s'est vu.
- Ouais, j'étais pas dans mon assiette. Whelps. Elie.
- Ok, Elie, je suppose que t'es là pour le produit. Tu veux la même chose, d'autres trucs ? J'ai pas mal de stock cette semaine, alors hésite pas.
- Du Hallex, et… tu aurais de puissants anti-douleurs ?
- Le Hallex est très bien pour ça, mais je comprends. J'ai un puissant dérivé morphinique, ça, ça peut le faire, mais tu es vraiment dans le gaz pendant très longtemps, des opiacés, mais c'est plus… récréatifs. Non, à part le Hallex, je vois pas trop de choix. Mais j'ai des hallucinogènes, si t'es dans un autre monde, ton cerveau s'en branle que ta jambe soit douloureuse.
- Non… Surtout pas. Je vais rester au Hallex alors. Une boîte, c'est combien ? Et j'ai quatre gélules de Creeper à revendre, un échange, ça t'intéresse ?
- Du Creeper, c'est du sacré matos ça… Et pourquoi tu le revends ? Je veux pas que tu me refiles de la merde, tu comprends ?
- Oui, je comprends. Le trip était beaucoup trop, disons, intense. Un soldat ne devrait pas prendre ça, tu vois ?
- Ho… Ok. Merci pour l'info. Écoute, pour les quatre gélules de Creeper, je peux te donner deux boîtes de dix Hallex. Et après, l'Hallex, c'est 1000 la boîte.
- Je prends les deux boîtes. Voilà les gélules. Fais vraiment gaffe avec ça, c'est pas de la merde.
- Merci pour le conseil, je voudrais pas tuer mes clients. Allez, bonne route soldat, à la prochaine. »
