Dans un nuage d'Hallex et d'alcool, la nuit passe et un sommeil sans rêve, obscur et silencieux accueille le soldat. Elle est réveillée par l'appel d'un des sbires de la reine d'Oméga, qui lui dit qu'elle a un job hors station et qu'elle doit bouger rapidement. Shepard grogne en se préparant, eau, whisky, Hallex, deux barres protéinées et elle retrouve les rues de la station. Ce qu'elle ignore, c'est qu'à l'arrière de l'Afterlife, dans une petite salle sans fenêtre, une Kelly Chambers terrifiée attend de rencontrer pour la première fois Aria.
Kelly croit savoir pourquoi la pirate l'a convoquée. Hier, après avoir un peu enquêté, et découvert le faux nom de Shepard, elle a réussi à contacter Miranda, et lui a parlée du Commandant, de la discussion qu'elle a eu avec elle. Dire que Miranda était choquée est un euphémisme. Il a fallu que Kelly lui assure trois fois que c'était bien Shepard, pour que l'ex agent se remette à réfléchir correctement. Miranda l'a bombardée de questions auxquelles Kelly était incapable de répondre. Tout ce que voulait la psychologue, c'est de l'aide pour empêcher leur ancienne supérieure de sombrer au fin fond d'Oméga. Et Miranda lui a assurée la sienne. Elle a dit qu'elle arriverait le lendemain, avec du renfort, certainement. Aria a du entendre parler de l'arrivée de la scientifique. Elle sait que la pirate protège, à sa façon, le Commandant. Des ordres ont été donnés dans tout Oméga, que Whelps, la mercenaire à l'œil gris, appartenait à Aria. De cette façon, personne ne l'approche, et encore mieux, personne n'en profite quand le soldat est trop ivre ou droguée pour comprendre ce qui l'entoure.
La porte de la petite pièce sans fenêtre s'ouvre et Kelly sursaute à la vue d'un géant butarien, qui l'attrape par le col et la traîne jusque dans une salle donnant sur l'intérieur de la boîte de nuit. On entend faiblement les basses. Aria est debout, de l'autre côté de la pièce, bras croisés, regard brûlant.
« Petite pimbêche de Cerberus, tu as ouvert ta bouche beaucoup trop grand.
- De quoi est-ce que vous parlez ? Je ne comprends pas… Je ne suis plus avec Cerberus…
- Je le sais ça. Et tu sais très bien de qui je parle. Quelqu'un va arriver dans cette station, poser des questions et l'idée me déplaît énormément. Vois-tu, j'ai fait une promesse à une amie et je compte la tenir. Tu vas m'aider à tenir cette promesse. Tu me suis ?
- Oui, Aria. J'écoute…
- Bien. A quiconque viendra et te demandera si Shepard est ici, en vie, tu diras que non, que tu t'es trompée, qu'il n'y a que des drogués, des dégénérés, et des ex-agents de Cerberus désœuvrés ici. Que tu es désolée mais que tu devais être défoncée et as cru quelque chose, à un moment. Si ça peut t'aider, j'ai des drogues qui te rendront encore plus crédible. Maintenant que j'y pense… »
Elle tape sur son omni, évitant le regard terrifié de Kelly, et envoie un message à un de ses dealers. Sans un autre mot, le géant butarien revient, reprend la rouquine par le col et la ramène dans la pièce sans fenêtre. Elle sait qu'elle est dans la merde. Qu'Aria, pour des raisons qu'elle n'arrive pas à comprendre, est prête à tout pour protéger l'identité de Shepard. Kelly a peur de ces raisons, du jeu que la reine d'Oméga est en train de jouer. Car le Commandant n'est pas en état de juger des intentions de l'asari.
Shepard, elle, vient d'arriver au vaisseau que lui a indiqué l'employé d'Aria, elle y monte et voit un galarien aux commandes. A peine le sas fermé qu'il fait décoller l'appareil. C'est un petit vaisseau turien, rapide et discret. Elle a déjà piloté un de ces engins. Elle pense à Joker, un instant. Secoue la tête, avale un Hallex, du whisky et ramasse le datapad où Aria a réuni les données pour sa mission. Apparemment, un groupe de mercenaires se la joue pirates de l'air et pille les cargos d'ezo d'Aria depuis quelques jours. Son job est de retrouver le vaisseau des pirates, de l'assaillir et de les éliminer. Avec un extrême préjudice, comme on dit, je ne sais plus où sur Terre… La mission semble bien mais lente. Trouver un vaisseau, ça va vouloir dire attendre sur le chemin des cargos. Shepard observe les trajectoires des vaisseaux qui ont été pillés, à la recherche du point idéal où s'installer en observation. Elle le trouve, le signale au pilote et s'installe le plus confortablement possible dans un coin sombre et frais. Heureusement, j'ai mon whisky et mes doses...
C'est la première fois qu'elle retourne dans un vaisseau depuis son arrivée à Oméga. Ce vieux coucou n'est pas le Normandy, mais il fait le job, bien armé, discret et très rapide, il est idéal pour les attaques éclairs sur des vaisseaux de même taille et plus grands. Whelps se dit qu'elle pourrait aborder le Normandy avec ça. L'idée fait sourire. Cela rendrait dingue Ashley, pour sûr. Est-ce qu'elle tirerait sur son ancien Commandant ? L'ancien soldat, froidement, se rend compte qu'elle en est absolument sûre. La vie dans l'espace lui manquait, apparemment. Elle se retrouve à apprécier le bruit discret du moteur, ce bruit que tous les habitués des voyages spatiaux apprennent vite à aimer. Car si il y a ce bruit, ce tremblement, c'est que le vaisseau fonctionne encore et que la mort n'approche pas dans le silence de l'immensité.
Le pilote place la petite navette près d'un point de passage et l'attente commence. Elle a les horaires de passage des cargos et essaie de comprendre ce qui motive les pirates à attaquer tel fret, plutôt qu'un autre. Elle cherche, pendant plusieurs heures, le motif de leurs attaques. Et c'est dans le manifeste des passagers que se trouve la réponse. Dans les trois cargos attaqués, trois noms. Certainement des frères, ou en tout cas les membres d'une même famille. Ils doivent rencarder les pirates sur les cargaisons et les horaires de passage. Il suffit qu'elle trouve un de ces noms sur un des prochains cargos et elle aura sa cible. Elle envoie une requête à Aria, puis s'assoit en silence, laissant les substances l'emporter doucement vers le néant.
Kelly, elle, vient d'être ramenée auprès d'Aria. Avec l'asari, un vieil humain à la barbe grise et aux yeux injectés de sang. Aria lui montre la psychologue et dit :
« Tu sais ce que j'attends de toi. Quant à toi, Malo, dit-elle au géant butarien, tu ramèneras la fille dans son quartier, et fais passer le mot, pendant les jours où elle est vulnérable, elle est intouchable. Elle est inoffensive et son travail est efficace. Entendu, tout le monde ? »
Un choeur de « Oui, madame » retentit dans la pièce alors qu'elle s'en va. Kelly tremble car elle comprend le plan d'Aria. Elle va être transformée en junky, le temps de quelques jours, le temps de tromper Miranda. C'est diabolique, cruel et bien pensé. Le vieil homme s'approche de la psychologue avec un doux sourire. Il s'accroupit pour être à son niveau et lui explique :
« Je vais t'injecter un truc qui va te faire planer pendant deux-trois jours, il y a plusieurs phases, l'euphorie, le gaz, les hallus, l'immobilité, l'envie de tout exploser… Tu vas voir, tu vas ressentir tout l'univers, pendant ces quelques jours. C'est génial, faut juste se détendre et laisser faire les choses, ok ? Si tu stresses, ça va juste compliquer un peu les choses, ok ? »
Il voit Kelly hocher la tête, abattue. Il lui offre un petit sourire puis s'attelle à la tâche en chantonnant une vieille chanson. Quand Kelly sort de l'Afterlife, ce soir là, elle ne comprend plus vraiment qui elle est…
Shepard a le nom du vaisseau qui va être visé. Elle observe la trajectoire que l'équipage a enregistré et détermine le meilleur endroit où tendre une embuscade. Elle trouve le point, le transmet au pilote. Dans dix-neuf heures, elle sera là où les pirates attendront leur proie. Et ils vivront leurs derniers instants. C'est long, l'attente sur un vaisseau, quand il y a si peu de place, et si peu de membres d'équipage. Elle observe la voie lactée par un des rares hublots que possède le vaisseau. Elle se souvient de ce qu'a dit Liara, une fois… Que ce serait si facile de se perdre, là-bas. De disparaître de la face du monde… Mais elle n'était pas sérieuse. N'est-ce pas ? Elle n'arrêterait pas d'être le courtier de l'ombre. Et que fabriquerait Shepard sur une planète lointaine ? Elle ne se voit pas vraiment mère. En fait, quand elle y pense, là, seule dans ce vaisseau, avec son corps douloureux et son esprit brisé, l'idée la terrifie. Pourquoi as-tu fait cette promesse, alors ? Elle l'ignore… Peut-être parce qu'elle était sûre de ne pas survivre, de ne pas avoir à la tenir. Sombre lâche…
