Quand Liara revient à l'hôtel, elle tombe sur une Miranda qui marche de long en large, un datapad à la main, les yeux vifs et l'air déterminé, mais totalement ignorante que quelqu'un vient d'entrer, concentrée absolument sur les flux de données. Liara avance encore un peu et se racle la gorge, signalant sa présence.

« Liara… Alors ? Comment va Alia ?

- Aussi bien qu'elle peut après avoir été agressée par une brute. J'ai fait ce que je pouvais pour elle. Tout est de son côté, maintenant. Des nouvelles intéressantes ?

- La surveillance d'Aria est montée d'un cran. Liara, tu sais qu'elle va trouver un moyen de nous faire partir d'ici ? Et que ce moyen ne sera pas forcément très joli, la connaissant. Comment on va faire ? Si nous ne pouvons plus approcher Shepard, comment est-ce qu'on pourra l'aider ?

- Miranda… Je sais qu'on devra partir, dans peu de temps, oui. Mais dis-toi que le plan qu'on avait imaginer pour Oméga, on pourrait l'imaginer à l'extérieur. Un changement de scène, seulement.

- Attirer Shepard hors d'Oméga ? Ce serait radical, mais peut-être plus facile que ce qu'on avait envisagé. On aurait au moins plus de temps pour agir, et une vraie possibilité de faire partir Shepard.

- Oui, et on pourrait appeler nos alliés à l'aide, qui, j'en suis sûre, se feront une joie de nous aider. Miranda, il faut que tu sois préparer pour la rencontre avec Aria. Je ne sais pas ce qu'elle prépare, mais le fait qu'elle nous laisse tranquille, ainsi… C'est inquiétant. Elle a un plan pour nous et je ne pense pas qu'on va l'apprécier.

- C'est ce que je pense aussi. Peut-être qu'on devrait partir dès maintenant, commencer à organiser le leurre, et tant pis pour Aria.

- Non. Je ne fuis pas. Elle pense avoir la main. Je veux comprendre pourquoi. Je pensais au début qu'elle allait se servir de Shepard, la menacer pour nous forcer à partir, mais si il n'y avait que ça, on serait déjà devant elle.

- Et en attendant, on fait quoi ? Tu as des nouvelles de ton chimiste, pour la pilule ?

- Non, il est hors système, ça devra attendre. En attendant, on enquête, sur Aria, ses réseaux intra-Oméga et hors d'Oméga, sur ses systèmes de surveillance, ses équipes. Sur She… Sur Elie. Il faut analyser les missions qu'elle a faite et qu'elle va continuer à faire pour pouvoir créer un leurre convaincant. Et il faut trouver le fournisseur de ces maudites drogues.

- A vos ordres, Courtier de l'ombre… Je dois dire que tu m'impressionnes. Un truc a changé, je sens que, je ne sais pas, tu as plus d'espoir, ou de détermination, je me trompe ?

- Non, tu ne te trompes pas. Je… D'un certain point de vue, je hais toujours Shepard pour ce qu'elle ose nous faire subir, pour tout ce chaos qu'elle entraîne. Mais d'un autre, j'ai compris quelque chose. Je pense que le choix de partir pour Oméga que Shepard a fait, elle ne l'a pas fait avec lucidité. Et je suis prête à me battre pour lui donner le droit de pouvoir choisir sa vie, avec lucidité. Parce que c'est Shepard. C'est ce qu'elle ferait.

- Cette femme a de la chance de t'avoir, tu sais…

- Elle a de la chance de nous avoir. A nous deux, on va renverser la galaxie. »

Les deux femmes rient doucement dans la semi-obscurité de la chambre. Liara observe Miranda, et comprend ce qui la rendait si spécial aux yeux de Shepard : sa force de caractère, son intelligence acerbe, sa ténacité, sa loyauté farouche, son humour fin, et quelque chose dont Eléanor n'a certainement jamais osé lui parler, une grande tendresse. C'est la meilleure alliée qu'elle pouvait espérer. Ainsi, dans un petit hôtel d'Oméga, deux puissantes biotiques complotent contre une reine pour sauver un chevalier qui ignore qu'il en a besoin.

Quand Elie se réveille du néant jaune, elle se rend compte qu'elle est au quartier du marché. Elle sourit, pioche le cocktail habituel dans ses poches, avale et déambule au milieu des stands et des magasins, trouvant agréable le brouhaha de la foule autour d'elle comme un cocon d'activité qui lui assure qu'elle existe. Quand elle se retrouve devant un magasin vendant des poissons, elle passe longtemps à admirer la vitrine. Se rappelle en avoir eu un qu'elle avait nommé Napoléon. Elle se demande si le petit empereur a survécu à la guerre… Est-ce que Williams s'en occupe maintenant ? Cela l'étonnerait. Et c'est bien dommage, la cabine était belle, quand on y voyait des poissons nager.

Elle continue ses errances, doucement portée par les odeurs, les sons, les couleurs. Elle achète du whisky à un gamin qui, dès qu'il est payé file en courant, des cigarettes à un autre, encore plus jeune que le premier. Elle sourit quand elle voit que ses pas l'ont guidé, heureux hasard, fortuite coïncidence, vers un concessionnaire. Elle regarde le catalogue, n'écoutant absolument pas le volus qui lui vante elle ne sait trop quoi. Elle opte pour un milieu de gamme, 75 000, entièrement noir. C'est la première fois de sa vie qu'elle possède un véhicule pour elle-même. Et c'est si bête, mais si génial comme sensation en même temps. Elle se dépêche de grimper dedans et prend les airs. Elle n'a pas piloté depuis des mois, et le fait que personne ne lui tire dessus est étrange. Calme, mais pas forcément rassurant.

Elle se promène au-dessus d'Oméga, se faufile entre les immeubles, les véhicules, les épaves. Elle reconnaît, de haut, certains endroits où elle a saigné, où elle a fait couler le sang. Le complexe où Garrus s'était retranché. L'immeuble qui abrite l'appartement où Morinth est morte. Cet endroit devant l'Afterlife où Nyreen s'est tuée avec les Adjudants. L'ancienne clinique de Mordin… Elie se rend compte qu'elle voit ces lieux, les reconnaît, connaît la charge émotionnelle renfermée dans ces souvenirs mais ne ressent rien. C'est comme de feuilleter un catalogue de mémoires, son corps, son esprit tout se souvient. Sauf son âme et son cœur. Elle poursuit sa promenade, découvre certains endroits secrets, étrangement beaux d'Oméga, comme cette zone inondée aux eaux polluées par l'ezo. Elles sont d'un bleu surnaturel, transformant ce petit coin en lagon de contrée alien. Où ce cimetière de vaisseaux, si sombres qu'elle doit balayer ses phares pour observer les épaves, certaines si vieilles qu'elle ne reconnaît même pas la race qui a pu les construire. Après encore une heure, elle met la musique à fond, avale une nouvelle pilule, accélère, et s'engouffre dans la circulation. Il est temps de rejoindre Aria à l'Afterlife.

Avant de monter au salon privé, elle s'arrête au bar où elle est accueillie chaleureusement, mais sans drague, par Kalena. Son cœur se pince légèrement, elle aime flirter. Mais elle comprend. Il serait dangereux pour la barman qu'elle soit entendue en train de lui dire des mots doux. Mais la conversation, ainsi que les désormais traditionnelles boissons, sont agréables. Elle finit doucement sa dernière bière, salue d'un coup de chapeau et d'un clin d'œil Kalena, et monte rejoindre Aria. En haut des escaliers, elle s'arrête à l'entrée, un petit sourire aux lèvres.

Aria est en train de discuter avec Anto. Elie ne l'avait pas revu depuis la libération d'Oméga, et pensait juste qu'il était mort. Elle reste à l'entrée, respectueusement assez loin pour ne pas entendre leur conversation, puisqu'elle n'y est pas conviée. Au lieu de ça, elle joue avec ses biotiques, testant ses nouvelles limites, créant des vagues, des pics, des variations, que seule Aria, étant la seule biotique à portée, peut sentir. Et elle sent la réponse des biotiques d'Aria, à ses vagues elle recevra une caresse, comme un coup de vent, à ses pics, une ondulation comme une goutte qui tombe sur la surface de l'eau, à ses variations rapides, des variations plus lentes, et vice-versa. Elle s'amuse, et elle sent qu'Aria aussi. Elle sourit, sous son chapeau.

Aria est déconcentrée. Cela n'arrive pas souvent. Mais il est rare que quelqu'un fasse ce que lui fait Elie. Elle a songé à lui dire de cesser, mais elle doit avouer que ça lui plaît beaucoup. Depuis qu'Elie a commencé les pilules, Aria a senti ses biotiques changer, devenir plus puissants, oui, mais aussi plus… Asaris, à défaut d'autres termes. Et si on peut dire quelque chose de la mercenaire, c'est qu'elle apprend vite et qu'elle étudie avec passion. Aria sent les biotiques de l'humaine la caresser, la toucher, l'effleurer, d'abord timides, puis plus assurés. Maintenant, la Matriarche sent qu'elle est en train non plus d'étudier ses propres biotiques, mais les réponses qu'elle reçoit. Cela rend Elie encore plus perfectionniste. A chercher le bon accord, le bon tempo, le bon dosage. Et quand une danse douce et synchrone se met en place entre elles deux, éveillant tous ses sens, Aria sent une vague électrique parcourir tout son corps. Elle essaie de se concentrer sur Anto qui lui a expliqué les derniers ajustements qu'il a fait dans la Travée de l'Attique ces deux derniers mois. Tous les pions sont en place aux postes clés des colonies. Aria vient de tripler son territoire et personne ne le sait. Ou peut-être que la seule personne qui le sait ne pourra jamais utiliser cette information contre la reine d'Oméga. Aria a hâte de confronter la petite sang-pur… Sentant une vague de chaleur à cette idée, couplée aux jeux érotiques et biotiques qu'elle joue avec Elie, Aria décide qu'il est temps de congédier Anto et de tourner toute son attention vers l'humaine. Vivement remercié, il s'en va et Aria observe sa mercenaire.

Elle est dans l'entrée, dans une posture presque militaire, jambes un peu écartées, bras derrière le dos, tête baissée, yeux clos et sourire joueur. Très beau sourire joueur, se dit Aria. Elle sent la danse biotique qui continue et elle s'agace un tout petit peu contre elle-même de ne pas être capable de garder ses réponses un peu plus sous contrôle. Elle se lève, se dirige vers la vitre à l'opposé, et regarde le reflet. Elie a ouvert les yeux et observe le corps d'Aria. Elle sent les vagues de biotiques là où les yeux se posent et la Matriarche se contient à peine. Elle claque des doigts puis de la main ordonne à sa mercenaire de venir près d'elle. Elle sourit en entendant l'obéissance immédiate. En quelques secondes, Elie est juste à côté d'elle, si près que leurs épaules se frôlent et leurs biotiques, visiblement maintenant, se caressent et s'entremêlent. Aria frémit, sent frémir l'humaine. Elle observe le profil d'Elie, son œil est clair, et sa bouche dessine ce sourire que, décidément, Aria aime beaucoup, ce petit sourire joueur.

Sans un bruit et sans un mot, la Matriarche se glisse derrière la mercenaire, laissant son corps épouser les formes de celui de l'humaine. Elle ne laisse aucun espace entre elles et le contact fait qu'Elie renverse sa tête en arrière pour finir la joue effleurant les lèvres de l'asari. Lentement, Aria caresse les bras, puis le ventre de l'humaine, qu'elle sent se tendre contre elle. Elle explore, dans une délicatesse exquise, les courbes de ses seins, les muscles de son ventre, les lignes de ses bras. Doucement, elle retire un à un les vêtements qui l'empêche de bien sentir sa mercenaire sous ses doigts. Plus la chair se dévoile et plus les biotiques s'intensifient. Les deux amantes, régulièrement, gémissent et soupirent. Elles entament une danse biotique, d'abord chaotique, puis quand l'humaine comprend, totalement symbiotique, comme les vagues douces et régulières d'un océan d'énergie noire. La Matriarche, à cette sensation, enfonce ses doigts dans les chairs offertes, possessive, se languissant de plus encore. Sa tête posée, sur l'épaule de l'humaine, elle observe ses mains explorer, réclamer, chaque portion de peau à sa portée.

Elle ferme les yeux, retient du bout des doigts ce qui lui appartient, gémit des gémissements qu'elle obtient, ses dents se fermant sur la gorge à sa portée. Rouvre les yeux, noirs de jais quand elle entend la mercenaire murmurer, comme une prière, son nom. Une de ses mains continue sa lente exploration, et l'autre descend doucement sous la ceinture, le bout de ses doigts se régalant des muscles qui se tendent, des poils qui préviennent que la douceur exquise est juste là. En même temps qu'elle pénètre ses doigts dans son humaine, elle y joint son esprit, jouissant immédiatement quand elle sent le plaisir, l'adoration, l'oubli que ressent Elie. Elle jouit une nouvelle fois, lançant une jambe autour de la taille de la mercenaire, s'y accrochant dans le désespoir du plaisir, quand elle sent les premières barrières de l'humaine s'effondrer. Et elle pénètre son amante, jouit encore quand elle sent la violence du souvenir de certains combats qui la lèche. Mienne, murmure-t-elle dans l'union. Elle pose enfin la tête sur l'épaule de son humaine, et ferme les yeux doucement.

Pour la première fois, Aria ne sort pas immédiatement de l'union. Elle profite de ce moment de béatitude pour découvrir les nouvelles zones qu'elle vient de conquérir dans l'esprit de sa mercenaire. Elle se repaît de ce qu'elle y trouve, violence, puissance, gloire, et rage. Et contre elle, Elie ondule de plaisir, les doigts d'Aria encore en elle, son esprit emplie d'elle, sa main posée sur son sein, elle jouit encore, une dernière fois, orgasme puissant, mais doux et lent, qu'elle sait être partagé avec la Matriarche qui la possède, là, toute entière. Elle rouvre les yeux et observe leur reflet. Elle croise les yeux de l'asari, ils sont encore sombres et brillants de plaisir. Elle voit les mains d'Aria qui dessinent lentement de doux motifs sur sa peau tandis que, dans un geste d'une tendresse absolue, la tête d'Aria repose sur son épaule, ses lèvres effleurant doucement sa joue. Et à ce moment là, Elie se rend compte que tout en elle, y compris des choses qu'elle ignore ou veut ignorer, mourait d'envie, se languissait, d'un peu de tendresse.

Aria doucement se retire de l'union, l'esprit alangui par le plaisir. Jamais elle n'avait connu ce niveau d'extase purement sexuelle avec un alien, et même avec très peu d'asari. Elle essaie de ne pas se rappeler que le peu d'asari qui lui ont fait ressentir ce genre de choses lui ont aussi fait ressentir beaucoup plus. Elle reste doucement, posée contre son humaine, encore quelques secondes. Puis elle se détache, délicatement, luttant contre l'envie de déposer un baiser sur la joue qui lui est offerte, peu désireuse d'affronter tout ce que ce baiser, et même juste cette envie peuvent signifier. Au lieu de cela, elle s'éloigne et va s'asseoir sur son canapé. Elle se sert un verre de liqueur et s'installe. De là, elle observe sa mercenaire qui ne bouge pas, à demi-nue. Au contraire, elle fixe son regard dans le reflet, sur Aria qui se repaît de cette image. Son humaine attend. Un ordre, un mouvement. Elle attend d'obéir. Et c'est parfait. Aria lui dit de se rhabiller et de la rejoindre et l'humaine obéit. Mais sans urgence. Aria la voit se retourner, ce sourire joueur aux lèvres, et commencer, lentement, très lentement à se rhabiller. Elie est très douée au jeu de la séduction, admet Aria, peut-être même un peu trop. Elle finit par remettre son chapeau, doucement, continue de sourire et rejoint à pas lents l'asari.

« Que les choses soient claires. C'était extrêmement agréable, mais à partir de maintenant, il est interdit de jouer avec tes biotiques quand il y a d'autres personnes avec nous. A part si l'ambiance s'y prête, évidemment.

- Bien, madame, désolée.

- Tu es comme une enfant avec un nouveau jouet, qui pourrait te blâmer ? Et tu n'es pas vraiment désolée, encore une fois, une enfant...

- Vous êtes trop gentille, Aria.

- D'excellents orgasmes peuvent parfois avoir cet effet-là. Nous étions censées nous retrouver pour parler du travail, Elie, soupire Aria, un sourire paresseux aux lèvres.

- Je vous écoute, milady, répond Elie souriant tout autant que l'asari.

- Oui… Je veux que tu me trouves Lawson, ce soir. Je veux qu'elle parte d'ici demain. Mes yeux les ont perdues, elle et T'Soni, quand elles ont quitté l'appartement de Chambers. Va dans la salle de surveillance, ils t'aideront à les repérer.

- Vous ne voulez pas que je vous amène les deux ?

- Non, seulement Lawson ce soir. Je me réserve la sang-pur pour plus tard. Au travail, Elie. »

Et sans un mot de plus, Aria disparaît dans les couloirs de l'Afterlife, laissant sur le canapé une très satisfaite, très souriante Elie. Elle se lève doucement et se dirige vers la salle de surveillance et est une nouvelle fois étonnée de voir les portes s'ouvrir à son approche. Elle sent son ego s'extasier de la confiance que lui accorde l'asari et se rend compte seulement maintenant qu'elle avait besoin que quelqu'un lui fasse confiance, un besoin vital. Elle entre dans la salle et est accueillie par un brouhaha de ruche en plein travail. Elle se pose près de l'entrée, avale une pilule rouge et se prépare pour sa mission.