Elie se réveille sur un matelas dur, dans une pièce glacée. La douleur est sa première compagne, elle la salue comme une habituée. Elle ouvre les yeux. Plafond blanc, murs blancs, odeur d'hôpital. Elle est nue sous le drap fin, comprend le froid. Elle jette un œil à sa main gauche et voit qu'elle est partie et l'espace d'un instant panique, ne comprenant pas, ne se souvenant pas. Et puis ça lui revient, des mémoires floues d'esclaves, de combats, d'un géant butarien et… D'Alia. Pourquoi Alia est dans ce souvenir ? Non, les blessures ont du la faire délirer. Elle commence à s'agiter et entend une porte s'ouvrir. Une asari avec un doux sourire entre dans la pièce, suivie de Bray, impassible. L'asari se penche vers elle et dit d'une voix très mélodieuse :

« Bonjour, Elie, je suis le docteur K'Oleï, Aria m'a demandée de m'occuper de vous.

- Ma main… répond Elie, la voix rocailleuse.

- Entre autres, oui. Comment allez-vous ? Des douleurs ?

- Terriblement.

- Je vais augmenter les doses. Je suis venue vous proposer une possibilité : le laboratoire avec lequel je travaille vient de finaliser un prototype de prothèse avancée. Le bras serait bionique, intégré aux cellules encore intactes de votre bras, avec une technologie de pointe, permettant une plus grande force, une meilleure dextérité et une sensibilité extrêmement réduite à la douleur. Nous n'avons pas encore la possibilité de recouvrir la prothèse avec un derme synthétique, mais d'ici…

- Le prototype, combien ?

- Je ne comprends pas la question ?

- Elle demande combien va lui coûter le prototype, doc ? Intervient Bray.

- Aria se charge de la question financière. Ne vous souciez que de vous…

Elie grogne. Encore une dette. Elle soupire. Encore coincée. Elle préférait sa main en morceaux.

- Combien de temps ?

- Je peux le poser en cinq heures, et, vu votre dossier et votre rapidité de récupération, disons que vous serez sortie dans dix heures. Mais le temps d'adaptation au bras… Il vous faudra plusieurs jours, et de l'entraînement, pour tout maîtriser.

- Allez-y.

- Bien, je vais tout préparer. Vous serez opérée d'ici moins d'une heure, répond le docteur avant de sortir de la pièce.

Bray s'approche, l'observe longuement, et dit :

- Vous allez être toute brillante comme une boîte de conserve. N'empêche, joli coup dans ce bar. Le géant butarien que vous avez tué, Aria l'avait mis à prix. Votre bras vaut ça. Et j'ai gardé la lame, je suis sûre que vous voulez la récupérer. »

Et le butarien s'en va, laissant dans la clinique d'Oméga un chevalier qui n'est plus beaucoup humain.

Le centre de surveillance est une ruche d'activité. Aria a déclenché la chasse pour T'Soni et a menacé de tuer celui qui ne saurait la voir. La pirate patrouille au milieu de la salle, observant le travail de ses yeux et de ses oreilles. Bray l'a appelée il y a plusieurs heures. Elie est en train d'être opérée. Tant mieux, si tout se passe bien, quand elle aura attrapé l'asari, la mercenaire sera à ses côtés. Mais Aria sait que la confrontation va être une véritable profession de foi pour l'humaine. Soit elle reste loyale à la pirate, soit elle craque. Et Aria n'a vraiment pas envie de la revoir craquer. Il faut qu'elle prépare ses pions pour la confrontation. T'Soni lui donnera ce qu'elle veut. Et si il faut revenir un peu en arrière avec Elie, soit. La reine d'Oméga la possédera toujours à la fin de la nuit.

Dans une navette volus à destination de Mars, Miranda s'installe dans un coin, battue, brisée, et terrorisée pour sa sœur. Elle est en colère, contre elle, contre Shepard, contre Aria, contre la galaxie toute entière. Elle vient de recevoir un message de Féron indiquant qu'une surveillance est mise en place auprès d'Oriana et que les agents du Courtier essaient de découvrir qui sont les hommes d'Aria sur place. Mais ça ne rassure pas Miranda. Tant qu'Aria vivra, désormais, la vie d'Oriana sera en danger. A cause d'elle. Miranda aurait pu être à Bennings, aider sa sœur à reconstruire ou travailler dans un laboratoire de recherche ou peu importe. Non, il a fallu qu'elle court dans ce désastre car elle croyait pouvoir sauver Shepard. Elle a juste donner encore plus de pouvoir a une pirate qui en est avide. C'est de sa faute si Liara est sur cette station, son rôle dans la galaxie découvert, en danger. Et son esprit repart vers Shepard. Elle se dit que la sauver risque de coûter beaucoup trop cher. Et cette pensée lui fend le cœur. Shepard a tout donné pour sauver tout le monde et une femme qui l'aime se dit que se mettre un peu en danger, c'est trop pour l'aider ? Miranda se dit alors qu'Elie avait tort. Miranda est elle aussi un monstre, elle irait bien à Oméga.

Dans un appartement d'Oméga, une psychologue n'est pas sortie depuis des jours. Depuis que Miranda et Liara sont parties, Kelly est restée prostrée sur son lit, l'esprit envahi par les Récolteurs, les Moissonneurs, les délires terrifiants des drogues, et par Shepard, qui la frappe, qui la jette, qui menace de la tuer… Elle a beau se répéter que ce n'est pas vraiment Shepard, elle reste bloquée sur sa voix, son corps, qu'elle admirait. Elle sait qu'il faut qu'elle sorte de sa torpeur, qu'elle reprenne son travail, mais elle se dit, tout doucement, parfois, que ce serait bien que quelqu'un soit là pour elle… Alors elle se dissout délicatement dans la torpeur de son appartement, seule avec ses revenants.

Dans le bidonville au fond d'Oméga, Alia observe les plus jeunes se préparer à aller au marché. C'est toute une aventure, dangereuse si on ne sait pas faire, surtout à leur âge. Mais il faut bien manger. L'adolescente regarde sans cesse le contact de cette Kahlee Sanders. D'un côté, elle veut rester, aider les autres, mais d'un autre, elle sait très bien que ce n'est pas en restant ici qu'elle va changer les choses. Mais Shepard est encore là. Et si elle a bien compris, Liara et Miranda s'en vont. Qui va aider le Commandant, si elle s'en va aussi ? Mais elle est réaliste, elle ne peut rien faire si même deux femmes comme les héroïnes du Normandy n'ont pas réussi. Alors Alia s'écarte de ses amis, et, d'un geste, scelle son destin, le change, pour essayer d'aller vers le bien, enfin, loin d'Oméga.

Liara n'est pas une professionnelle du monde de l'ombre. Elle travaille derrière les écrans, elle ne fait pas d'infiltration, d'assassinats ou de vols. Elle commandite ces choses là. Mais ces deux prochaines heures, elle va devoir se fondre au décor, sans ses ressources, sans alliés, dans un territoire hostile. Alors elle met l'armure qu'elle avait acheté pour Miranda, un peu trop grande, non adaptée à une carrure asari, désagréable au plus haut point. Mais au moins, de loin, elle ressemble à une humaine. Le casque est douloureux, terriblement. Mais elle doit essayer, c'est sa seule chance. Alors dans la nuit artificielle d'Oméga, une asari dans une armure humaine se faufile comme une souris.

Et ça marche. Jusqu'au déclenchement du confinement par une reine furieuse.