Yo ! Cet OS est écrit pour la Nuit du FoF, où il fallait rédiger en une heure sur le thème Nid. Si vous avez des questions sur les Nuits ou le FoF en général n'hésitez pas à m'envoyer un MP !

Bonne lecture !

De broussailles et de bordel

C'est embroussaillé, bordélique comme tout ce qui lui ressemble, plein de babioles brillantes, encombré et confortable. Elle s'y écrase sans grâce, sans prudence, parce que s'il est un endroit où tout ça est accessoire, c'est ici. Son nid. Elle soupire, dans sa bouche, le goût de sang de pomme perdure, le parfum suave lui fait tourner la tête. Elle grogne en sentant sa canine d'or lui griffer la lève, se traîne hors de son nid pour la retirer. Elle la pose sur sa coiffeuse, bâille, s'effondre à nouveau sur la paille. De la paille et de l'or. Et des plumes. Grises, blanches, douces. La créature qui l'habite a beau être féroce, elle a des plumes douces. Et pour la première fois, chatouillant le nez d'Eda, des plumes qui ne sont pas les siennes la font éternuer. Elle attrape la tige dure entre ses ongles, fait glisser le poil lisse sur sa joue.

Deux jours seulement que Lilith est partie. Ça se construit vite, un quotidien. Bien plus vite qu'un nid. Celui dans lequel elle dort, Eda, elle l'a depuis plus de vingt ans. Elle y travaille chaque jour. Y ajoute, y retire, rajuste, tasse avec son poids ensommeillé, détruit par colère, y repasse du temps. C'est un vieux nid, plein de choses nouvelles. Un bijou que Luz lui a trouvé au marché, les plumes de sa sœur.

Maintenant que sa sœur est partie il reste ça. Il reste le nid, il reste l'objet, il reste ce qu'Eda peut tenir contre elle, ce qui est si petit qu'on dirait que son corps va l'avaler. Et quand Luz partira elle aussi, il restera le nid, le petit bijou en forme de soleil, une pierre froide qui se réchauffe dans sa paume. Une petite pierre et une petite plume, et ce sera à nouveau elle, la maison et Roi. Et si Roi part lui aussi, elle ajoutera son petit bout de corne au nid de souvenirs.

Au milieu des pièces d'or et des gobelets sertis d'émeraude, c'est ce qu'elle a de plus sacré. Et si la maison voulait partir …

« Eda ? »

Un grattement à la porte. Eda est très éveillée d'un coup. Elle balance un bras sur le rebord du nid, grogne, lance une main sur la poignée de porte pour ouvrir. Ongles contre le bois, capuche remontée sur le crâne, c'est qu'elle se prend vraiment pour un chat, la petite.

« Quoi ? »

Un chat qui tient un chien dans ses bras. Quelle drôle d'affaire, quelle drôle de baraque, quelle drôle d'histoire. Ça lui ressemble, il faut dire, et tout ça est embroussaillé et bordélique, elle espère seulement que ça finisse bien. Elle ne sait pas si elle-même finit bien. Elle a peut-être abusé sur le sang de pomme ?

« On arrive pas à dormir et on se demandait si …

— Une pyjama party ! Hoooouuuuiii !

— Hooty ! »

La maison se tait, et son cou qui venait de passer la fenêtre se rétracte. Hooty pose la tête sur le rebord, blessé. Luz se prend le visage dans les mains. Elle recommence.

« On se demandait si tu voudrais bien partager ton nid ? »

Et Eda grogne, récupère sa main, s'enfonce à nouveau dans son nid.

« Faites vous petits. Et pas la peine de me réveiller pour ça, vous montez, vous mouftez pas, vous dormez.

— Dormir ensemble ! Je peux par-ti-ci-per ? »

Il a la voix joyeuse, le hibou-maison, et on dirait que son bec sourit, et vraiment, ça donne envie à Eda de lui cogner le visage. Mais si Lilith manque à quelqu'un, c'est à Hooty. Alors elle ne dit rien, il la connaît assez, il l'a entendue hésiter, il allonge son cou pour reposer sa tête sur les branches recouvertes de duvet. Il ricane.

« Je peux vous raconter une histoire si –

— Non. Tu peux dormir, mais motus. »

Il a la mine vexée, mais elle le voit trouver les plumes de Lilith. Elle le voit fermer les yeux. C'est embroussaillé et bordélique, comme tout ce qui lui ressemble. Les jambes de Luz s'enroulent autour du cou de Hooty, ou peut-être ce sont ses bras. Il y a un poids sur le dos d'Eda qui ressemble à Roi, des plumes chaudes qui lui chatouillent le nez, et elle croit qu'elle sent une main humaine pas loin de sa main. Elle a perdu un bras quelque part, elle le sent s'accrocher à un tissu, loin de son corps, ou alors c'est Roi qui le lui a pris comme doudou. C'est, pour un moment, leur nid.