Yo ! Cet OS est écrit en trente minutes pour les 24H du FoF, sur le thème Le choc fut d'une telle violence qu'elle pensa l'espace d'un instant que tout était fini.
Bonne lecture !
Dans la gueule du hibou
Encore là. Dans cet endroit, et la créature qui la poursuit.
Mais cette fois elle arrête de courir. Elle l'a vu, la dernière fois, le petit animal effrayé à l'intérieur du monstre. On ne sait plus qui est dans qui. Il y a le monstre en Eda, et dans le monstre un petit monstre qui a peur, et dans le monstre Eda enfant, et dans Eda enfant la peur du monstre et dans la peur du monstre la force d'Eda et la peur et … Et quand on essaie de démêler ces fils, plus rien ne concorde. Ils sont deux à jouer aux poupées Russes avec la peur, et quand la créature ici ouvre la bouche, elle se laisse avaler. Elle se laisse entrer dans le monstre.
C'est plus douloureux que ce à quoi elle s'attendait, c'est si violent, si soudainement noir qu'elle pense qu'elle a peut-être tout mal interprété, qu'elle s'est trompée et qu'elle vient de mourir, comme ça, d'abandonner, elle n'arrive même pas à avoir peur, il fait trop noir pour ça, et puis elle entend quelque chose qui pleure.
Il fait chaud, brûlant, même, dans les entrailles du monstre. Ça pique la peau comme la pluie bouillante, ça fait mal à Eda, c'est certain, et ça fait mal, aussi, au petit animal qui est là, à la place du cœur.
Elle essaie de parler, mais sa voix ne sort pas. Il n'y a pas d'air ici, rien à respirer.
Pas de magie non plus, pas de lumière, juste des pleurs et de la peur. Des pensées, confuses. Elle les entend.
Ne me fais pas de mal.
Elle croit qu'elle rit. Elle n'est pas sûre. Elle n'a pas échoué, alors, elle a trouvé qui elle voulait.
Tu as au moins aussi peur de moi que j'ai peur de toi, hein ?
Ça tressaille, elle le sent, elle sent la panique comme si c'était la sienne, et l'angoisse aussi. Peut-être que la question est mal posée. Peut-être qu'ils ne sont pas vraiment deux êtres, mais une seule entité, séparée en deux parties. Cela fait si longtemps que le petit monstre est là.
Et Eda, elle les collectionne, les petits monstres. Elle les aime, et elle a appris à leur parler. Hooty, King, et puis Luz. Des petites choses bizarres qui ne savent pas bien comment on fait pour être dans le monde, mais qui essaient.
Alors, petit monstre, qu'est-ce qu'on fait ? Comment on se débrouille ? On a une chouette vie, quand même, avec de chouettes personnes dedans. Faudrait pas la gâcher.
Ne m'arrache pas de toi. Je ne peux vivre qu'ici. Ne me fais pas disparaître.
Alors ne fais pas mal à celleux que j'aime.
La panique se calme, lentement. La petite créature n'a sans doute jamais parlé à personne. Elle vit en Eda depuis trente ans, elle est née ici, et Eda l'a toujours rejetée. Elle a été une mère affreuse pour sa petite malédiction. Ou une grande sœur. Une jumelle. Une âme-sœur.
Je … je ne sais pas ne pas faire mal.
Et moi, je ne sais pas utiliser des glyphes. Alors j'apprends. Si tu veux bien, je peux te montrer.
Je ne peux pas apprendre. Je casse tout. Je casse ton corps, et je viens de casser ta tasse préférée.
Mon corps résiste bien, depuis que tu es là. Je me suis fait couper la tête, tu sais ? Sans toi je serais morte.
Sans moi tu n'aurais pas de problèmes. Tu dis ça pour mieux me tuer.
C'est une maladie, dis, de culpabiliser. Je le répéterai jamais assez. J'aime ma vie. Et tu en fais partie.
L'air revient. Un peu de lumière, aussi, de l'espace. Juste assez pour pouvoir s'approcher du petit monstre. Pour lui tendre la main. Il mort, il pince, il griffe, avant de comprendre comment se blottir. C'est un début.
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