Je le suit de mon propre chef. Ce n'est pas un enlèvement car je suis consentant. Je peux me débattre, hurler ou bien m'enfuir. Je me suis laissé faire, charmé par ce regard rubis. J'ai moi-même honte de mon comportement. Ses paroles résonnent encore en moi. C'est possessif et bestial. Sa voix a résonné un long moment avant qu'il ne m'entraîne avec lui en dehors de la demeure. Personne n'a objecté et je sais que si quelqu'un avait parlé, il aurait été violent. Ce que j'ai perçu dans ses yeux à cet instant m'a glacé sur place, mais en même temps, cela a éveillé quelque chose en moi. Comme l'étincelle d'un feu éteint depuis des années.
Je n'ai accordé aucun regard au roi, trop inconscient pour se lever. Aucun remord dans mes yeux, aucune tristesse sur mon visage. Je souriais discrètement. N'ayant pas l'habitude, cela devait ressembler à une grimace.
Je me fige en sentant la queue de cet homme m'entourer les hanches. Il est plus grand que moi d'au moins deux têtes. Il baisse son visage et me regarde droit dans les yeux. C'est la première fois que l'on me considère ainsi. Je me sens convoité mais surtout, j'ai l'impression de l'intéresser pour autre chose que mon talent de ménagère. J'aurais dû me sentir blessé qu'un homme ai un tel regard, mais au contraire. Je suis flatté qu'un homme comme lui ai des yeux aussi brûlant fixés sur mon corps.
- Comment t'appelles-tu ? Il esquisse un sourire, sans nul doute pour se montrer bienveillant.
Autour de nous, la vingtaine d'homme marche en formant un cercle. J'ai eu le temps de les compter et les détailler discrètement. Je repose mes yeux sur lui, ayant un peu mal à la nuque de devoir lever ainsi ma tête. Je lui adresse un demi-sourire.
- Izuku.
Je répond timidement, détestant toujours autant ma voix fluette. À mon âge, elle ne va plus muer. Il sourit de toutes ses dents, hochant simplement la tête. Il ne me demande rien de plus, gardant seulement sa queue autour de mes reins. Il raffermit sa prise, obligeant nos épaules à se frôler.
Je ne sais pas qu'elle est la destination. Nous n'avons pas pénétré la ville, nous l'avons simplement longé. Nous nous sommes enfuis tels de vulgaires voleurs. J'ai une boule au ventre à l'idée d'être poursuivi. Je suis en train de goûter à la liberté, il est hors de question de retourner dans cette cage dorée.
Soudain, mon pied tape dans un caillou, me faisant trébucher. Red Riot me rattrape, m'empêchant de me faire une nouvelle fois mal. Il plaque mon corps contre le sien et entoure ses bras autour de ma taille. Je me retrouve la joue plaquée sur ses pectoraux. Je met plusieurs secondes à réaliser, clignant des yeux frénétiquement. Je pose timidement mes mains sur son torse et le repousse. Je sens mes joues prendre feu face à cette soudaine proximité. C'est un toucher intime, vraiment très intime. À contrario du roi, je n'ai pas eu peur quand ses bras musclés sont passés autour de mes reins. J'ai justement beaucoup trop apprécié cette brève étreinte. On ne m'a jamais étreint avec affection. C'était involontaire, mais appréciable.
- Excusez-moi. Dis-je en reculant. Même si je prends mes distances pour oublier ce moment extrêmement gênant, il continue de me maintenir de sa queue. Étant peu habillé, les écailles grattent ma peau doucement comme une caresse. Je m'emmêle souvent les pieds.
Je passe une main dans mes boucles vertes et détourne le regard. Nous continuons de marcher alors que le reste du groupe ne nous a pas attendu. Je peux toujours les voir mais ils sont tout de même déjà très loin.
- J'avais remarqué.
Sa voix est plus rauque que tout à l'heure. Sa phrase sonne comme un grognement. Il doit me trouver bête, et je le comprends. Je n'arrive pas à savoir pourquoi il a dit que j'étais à lui. Je ne suis pas doué pour grand chose si ce n'est faire le ménage et m'attirer des ennuis. Peut être me veut-il pour effectuer les même tâches que je fais dans le château ? Après tout, un esclave reste un esclave. Je n'ai pas grande valeur et aucune attache. Peu importe où il m'emmène et pourquoi, cela ne changera rien à ce que je suis.
- Que t'arrive t-il ? Le ton de sa voix est redevenu normal. Il marche toujours près de moi, comme si j'étais à deux doigts de tomber. N'ayant pas l'habitude d'aller dans la forêt, je me prend vite les pieds dans les racines. Tu sens la peur.
Je plisse le nez, sans manquer de froncer les sourcils. Il peut sentir mes émotions ? C'est un être bien mystérieux.
- Je n'ai pas peur.
Et c'est vrai. Ce n'est pas la peur qui retourne mon cœur. J'ai un sentiment en moi, qui entoure mon cœur depuis tout à l'heure, mais je ne parviens pas à mettre le doigt dessus. Appréhension ? Anxiété ? Tristesse ? Je n'ai pas assez de vocabulaire pour le nommer.
- Je ne te ferais aucun mal, si c'est ce qui te tracasse. Il reporte son regard devant nous, penseur. Et mes compagnons non plus. Il me regarde de nouveau, ses yeux rouges me brûlaient la peau. Tu es à moi, ils ont interdiction de te toucher.
Un frisson parcours mon corps à cet instant. Son regard parle pour lui, mais ses paroles résonnent encore dans ma tête. À lui. Ce n'est pas comme un cheval appartient au cavalier ou alors que la couronne revient au roi. C'est bel et bien comme la dame appartient au gentilhomme. Il me voit sous un angle différent de tout ceux que j'ai rencontré jusqu'à aujourd'hui. Du désir danse dans ses prunelles.
Je ne suis pas dégouté par cette idée. Il est certes, différent, mais il n'en reste pas moins désirable. Je sais reconnaître les belles choses. Ses muscles fermes, ses épaules carrées, ses bras forts, son visage bestial et sa carrure. Lui-même est un Dieu grec taillé à même la pierre. Comparé à ses compagnons, il dégage quelque chose en plus qui me met en confiance. Non pas que les autres sont effrayants, bien au contraire certain m'ont souris, mais avec lui, je me sens à l'aise.
Je regarde mes pieds, me sentant aussi puéril qu'une jouvencelle. Il me fais ouvertement la cour et a déclaré que je suis à lui. Comment ne pas être gêné ?
- Quand vous dites cela, dans quel sens l'entendez vous ?
Je commence à triturer mes doigts. J'ai besoin de l'entendre dire les choses plus clairement. Il faut que je fasse face à la réalité pour voir si je suis surtout capable d'endurer ces mots.
Red Riot ne me laisse pas le temps de réfléchir. Il me plaque aussitôt contre un arbre, mon dos rencontrant l'écorce dure. J'émet un gémissement plaintif, la douleur étant minime mais présente. Je prend conscience de la situation quand je vois son visage en face du mien, à quelques centimètres. Il est extrêmement proche. Je peux sentir son souffle chaud s'abattre contre mon visage. Malgré la pénombre dans laquelle nous sommes, je vois les traits de son visage changer, et il devient sauvage. Je suis devenu sa proie.
Il place sa main sur ma joue et l'autre sur ma hanche. Ses griffes caressent ma peau tendrement. C'est un délicieux contraste car je sais que ses griffes peuvent me trancher la chaire d'un seul coup. Ses écailles sont également chaudes, comme les braises d'un feu en perdition. Ce n'est pas désagréable, mais cela pique un tantinet. Je n'ai jamais eu de tel contact avant lui. Je découvre et c'est tellement rafraichissant.
Avec précaution, je laisse ma joue reposer plus franchement dans la paume de sa main où écailles et peau humaine se mélangent parfaitement. Je le vois arborer un regard surpris avant de sourire de toutes ses dents. Je viens de m'abandonner à lui avec ce simple geste et je le sais. Je le veux. En cette nuit fraîche, pleine de chaleur humaine, j'ai choisi moi-même le destin que je désire.
- Tu sembles aimer les flatteries.
Je ne peux que hocher la tête, les mots restant bloqués dans ma gorge devenu sèche.
Sa main sur ma hanche se fait impatiente. Il la fait remonter lentement, soulevant mon habit. Il la pose à plat sur mon ventre. Je sens cette chaleur se répandre en moi. Cela me prend le corps et m'arrache un son. Ma respiration se coupe tant la chaleur est écrasante. Je sais que cela vient de son propre corps, qu'il me transmet son propre désir. À la simple idée de tant de désir en lui, je sens mon corps prendre feu pour la première fois de ma vie.
Son genou droit se fait soudainement taquin. Il se fraie un chemin entre mes propres jambes devenues molles. Il presse alors entre mes cuisses et repose son front contre le mien. Nos respirations se mélangent et deviennent erratiques. Pourtant, nous ne faisons rien d'intime jusqu'à présent. Il ne fait que me malmener.
Soudain, sans comprendre, il plaque brusquement son corps contre le mien. Il écrase ses lèvres contre les miennes sans que je n'ai le temps de prendre ma respiration.
Ses lèvres sont un peu rugueuses mais savoureuses. Son bassin se frotte frénétiquement au mien, m'offrant ainsi toute l'attention que je souhaite au fond de moi. Il répond à mes attentes sans que je n'ai besoin de les formuler. C'est comme si Red Riot avait été fait pour moi, ou bien, que j'étais venu au monde pour lui.
Il bouge ses lèvres et je prend le temps de le goûter. Mes bras restés pendus à mon corps s'animent brusquement. Je m'accroche à son cou et le rapproche un peu plus de moi. Les ailes dans son dos se mettent à bouger et il les fait battre dans l'air. Sa queue s'enroule autour de mes jambes, me gardant près de lui.
Je sens un muscle humide venir titiller ma bouche. J'entrouvre mes lèvres et laisse sa langue prendre possession de ma cavité. Il se fait d'abord joueur, explorant ma bouche de toute part puis, il vient lier nos langues. Elles dansent ensembles, se battent, s'emmêlent. C'est chaud et humide. C'est le contact le plus intime que je n'ai jamais eu. Je lui offre mes lèvres, mais je sais que je lui donne beaucoup plus.
Nous nous détachons l'un de l'autre par manque de souffle. Il a toujours ses mains sur mes hanches alors que les miennes se sont frayées un chemin dans ses cheveux rougeoyants. Ils sont finalement plus doux que je ne l'aurais cru.
Je tente en vain de reprendre ma respiration alors qu'il dépose un léger baiser sur mes lèvres. Ce simple contact m'enflamme de nouveau.
Il dépose son front contre le mien et je vois enfin la vraie couleur de ses yeux. Ils ne sont plus rouge, ils sont noir de désir. Leur couleur onyx est époustouflante. J'ai l'impression de ne plus distinguer de pupilles. C'est donc bien moi qui le rend aussi bouillonnant.
- Tu as la réponse à ta question, Izuku ?
Je gémis. J'ai honte de m'entendre faire de tel bruit mais c'est plus fort que moi. Le feu qu'il a attisé ne veut plus s'éteindre.
- Red Riot... S'il vous plaît.
Je m'accroche à ses épaules, complètement perdu. Je le vois attraper sa lèvre entre ses dents et la mordre férocement.
- Merde.
Il jure et reprend l'assaut de ma bouche. Je n'attendais que cela. Ce nouveau sentiment est si bon, j'en suis déjà accro. Je ne veux pas qu'il s'arrête, pour rien au monde. Qu'il continue de m'embrasser, jusqu'au matin. Que ses mains explorent mon corps. J'en ai envie.
Pourtant, même si cette envie prend mes reins, quelque chose m'empêche d'aller plus loin. Et je remarque bien, malgré son baiser qui se fait plus chaud, que c'est la même chose pour lui.
- Red Riot, retient tes ardeurs.
J'ouvre mes yeux que j'avais fermés plus tôt pour savourer le goût de ses lèvres.
L'acolyte de Red Riot, celui aux écailles sombres, nous interrompt sans gêne, les poings sur les hanches. Mon amant me relâche, un air contrarié plaqué sur le visage. Mais il reste près de moi, ne me lâchant pas des yeux.
- Tu ne vois pas que je suis occupé, Dark Shadow ?
Étant plus petit, je suis obligé de me pencher pour bien voir l'intrus. Il n'ai vraiment pas d'humeur et je peux le comprendre. Nous retardons les autres à batifoler ainsi dans notre coin comme de jeune amant.
- Je crois que tu ferais mieux de te calmer. Regarde dans quel état tu te trouves.
Je sens encore l'excitation de Red Riot contre ma jambe et je sens également mon égo gonfler. Il a envie de moi. C'est moi qui l'a attisé.
Mon amant s'éloigne et je fais de même, à contre cœur. Nous sommes en sueur, excités et nos habits sont froissés. De plus, nous devons dégager une certaine odeur puisque Dark Shadow met sa main sur son nez, l'air rebuté.
- Calmes également tes phéromones. Tu l'as marqué, j'espère que tu es content. Il empeste ton odeur.
Instinctivement, je sens mon corps mais je ne décèle que ma propre odeur, celle de la sueur et de la crasse.
- Tu vas me faire la morale ?
La queue de Red Riot bat l'air et frappe le sol. Un courant électrique parcoure l'atmosphère, signe de la tension présente. Il s'est placé devant moi, comme pour me protéger. Je suis touché par cette attention.
- Moi, non. Mais j'espère que tu sais ce que tu fais.
Dark Shadow ne reste pas plus, sans doute énervé ou bien dérangé par cette fameuse odeur. Red Riot se retourne vers moi et souffle. Il m'offre un tendre sourire que je lui rends avec plaisir.
- Tu penses pouvoir marcher ?
Mes jambes sont semblables à du coton. La fatigue commence à me tirailler de plus en plus, et c'est seulement maintenant que je me rends compte de mon état de fatigue.
- Je crois.
J'attrape la main qu'il me tend, alors qu'il entremêle nos doigts ensemble. Je rougis, sans savoir. Pourtant, avec ce que nous avons fait juste avant, ce simple geste devrait paraître anodin. C'est sans nul doute le flot de sentiment mêlé aux hormones qui m'a rendu aussi sûr de moi. Maintenant que tout est redescendu, je me rends compte de mes actes ainsi que de mes pensées malsaines. Je ne sais pas ce qu'il m'a fait, je suis encore tout retourné.
Il m'aide à avancer sur une bonne vingtaine de mètres. Après plusieurs minutes, nous arrivons dans une clairière où la petite troupe nous attend de pied ferme.
Red Riot lâche ma main et je perds mon unique moyen de me réchauffer. Les soirées sont fraîches, encore plus en forêt. Je ne dis rien, le laissant s'éloigner. Après tout, je n'ai rien à dire.
- Il commence à se faire tard et la nuit est bien avancée. Nous allons nous reposer et nous reprendrons la marche à l'aube. Cherchez de quoi manger et de quoi faire un feu.
Tous acquiescent et partent dans la forêt au pas de course. Je reste là, les bras le long du corps, penaud. Il ne reste que moi, Dark Shadow, Red Riot et un autre aux écailles jaunes vives.
Je ne sais pas comment va se finir la nuit, alors au fond, j'espère au moins ne pas mourir de froid malgré le souffle de glace qui sortait d'entre mes lèvres.
