Assit sur le rebord d'un immense lit à baldaquin, j'attends que l'on vienne me voir.
Red Riot ainsi que le roi Ground Zero m'ont laissés seul, non sans un regard complice. Le lit est haut et large, il y a suffisamment de place pour quatre voir même cinq personnes. Mes pieds ne touchent pas le sol et j'ai dû faire un petit saut ridicule pour grimper dessus. Les draps étant en satin, c'est compliqué de se hisser sans glisser.
Durant mon manège, j'ai parfaitement sentie leur regard brûlant me piquer le dos. Je me sens convoité et cela rends mon sang bouillonnant. C'est plaisant de plaire à de pareil créature semblable à des dieux. Je ne suis nullement dégoûté et c'est bien ce qui me rends honteux. J'ai l'impression de trahir une promesse que je me suis fait à moi-même. Red Riot m'en voudra-t-il de trouver son roi alléchant ? C'est la première fois que je désire deux hommes de la même manière. J'en ai déjà embrassé un, et si l'un de ses compagnons ne nous avait pas interrompu, nous serions sans aucun doute allés plus loin. Mais embrasser un second homme en si peu de temps, serais-je considéré comme un homme de mœurs légère ? Cela n'est coutume nulle part d'avoir plusieurs épouses, et je ne pense pas qu'ici également. Pourtant, à la simple idée d'une nuit de noce à leurs côtés, mon bas ventre fait des siennes.
Pour oublier le picotement dans mes reins, je me met à regarder l'endroit où je me trouve. C'est une chambre de roi, il n'y a aucun doute à ce sujet. Des joyaux ornent chaque murs. Des saphirs, des rubis, des émeraudes encadrent les diverses miroirs. Six miroirs pour quatre murs immenses. La chambre en elle-même est gigantesque. Un sofa en peau de bête est disposé dans un coin avec quelques fauteuils et une table basse. Une grande armoire ainsi qu'un coffre et une commode sont également dans la chambre. C'est décoré avec beaucoup de goût. Des dorures, du rouge et une touche de bronze, c'est un jolie mélange.
Le bruit de la porte me tire de ma rêverie. Ground Zero précédé de Red Riot pénètrent dans la pièce avec un visage indéchiffrable.
- Laisses moi lui parler en premier, tu ne feras que l'effrayer davantage.
Ground Zero qui semble s'avancer vers moi s'arrête et fait demi-tour en grognant. Red Riot prend sa place et pose un genou à terre quand il est à ma hauteur. Même dans cette position, il reste toujours aussi imposant. Il pose une main sur mon genou et une autre sur ma joue. Je ne me fais pas prier pour apprécier l'attention. Un bruit sourd, un grognement, nous ramène à la réalité. Red Riot tourne la tête vers le détenteur de ce bruit.
- Peux-tu rester calme l'espace d'une minute ?
Le roi s'assoit dans le sofa, les jambes posées sur la table basse, les bras reposant sur le dossier. Je me prend à le regarder, oubliant Red Riot. Son regard carmin se fixe dans mes yeux émeraudes et un mouvement de pupille se fait chez lui. Pourtant, il lâche mon regard, claquant sa langue contre son palais. Red Riot est satisfait car il reporte ses yeux sur moi.
- Comment te sens-tu ?
Je baisse les yeux, pour les remonter aussitôt.
- Un peu déboussolé, je dois dire. Je ne comprends pas tellement ce qu'il m'arrive.
Il caresse ma peau, essayant de me détendre. Cela fonctionne parfaitement mais seulement sur le moment. Mon cœur continue de tambouriner dans ma poitrine et mon cerveau surchauffe tant il est perdu.
- Il est vrai que j'aurais dû commencer par là. Il opte pour un regard profond qui me fige sur place. Katsuki et moi sommes mariés.
Mon corps devient glacé. Le sang présent dans mes veines se fige, et mon cœur s'arrête également. Mariés. Red Riot appartient déjà à quelqu'un. Mais, qui est ce "Katsuki ?".
- Qui est Katsuki ?
Ses yeux se font confus avant qu'il ne se relève.
- J'ai oublié de faire les présentations correctement. Je m'appelle Eijiro, alias Red Riot et Ground Zero que tu vois assis au loin s'appelle Katsuki.
- Oh...
C'est tout ce dont je parviens à prononcer. Un petit mot à peine audible. C'est comme si ces derniers jours n'ont étés que des mensonges. Ces paroles, ces caresses, ces baisers. Je ne suis donc qu'un jeu le temps qu'il rentre chez lui retrouver son mari ? Quel idiot je suis.
- Tu ne vois donc pas que tu le désoriente à parler à tout va !
Katsuki s'approche de nous et repousse Eijiro avec sa queue. Ce dernier recule de quelques pas.
- Que fais-tu ? Dit le rouge agressivement.
Je reste spectateur et regarde Katsuki attraper mon visage pour le relever. Des larmes coulent sur mes joues, je le sais car je les sens couler. Je me sens tout bonnement pathétique. Un esclave comme moi ne plaira jamais à des êtres comme eux. Ils sont trop beaux et parfaits pour aimer ou désirer un corps tel que le mien. Mes larmes continuent de couler et quelques sanglots sortent de ma bouche. Je n'arrive plus à distinguer qui est qui tellement ma vision est brouillé.
- Pardonnez-moi... Je porte ma manche à mon visage et essuie mes joues. C'est un piètre spectacle que je vous donne.
Quelque chose s'enroule autour de ma jambe. Il me faut plusieurs minutes pour comprendre que c'est la queue du roi Katsuki. Il me tient fermement la cuisse et sa prise sur mon menton se fait plus douce. Il caresse ma peau de son pouce.
- Pourquoi pleures-tu ?
Sa voix est plus grave, elle me transperce le cœur sans que je puisse l'en empêcher.
- Je pensais que... Enfin... J'avais cru comprendre que Eijiro me désirait comme compagnon. Je comprends parfaitement maintenant, je me suis fourvoyé et il vous appartient déjà.
Un froncement de sourcils déforme les traits de son visage. Il prend mes joues à pleine main et rapproche brusquement nos visages.
- Tu es simplement trop jeune pour lire entre les lignes, jeune Izuku. Ce que mon compagnon tente de te faire comprendre c'est que nous te désirons. J'ai pleinement confiance en mon mari et je sais qu'il t'a choisi pour lui comme pour moi.
Du coin de l'œil, Eijiro a le regard sombre et je m'aperçois que Katsuki également. Je sais que ce regard est pure désir et savoir qu'il est dirigé en ma personne me fait frémir.
- Vous voulez dire que je serais la troisième roue du carrosse ?
- Absolument pas. Intervient Eijiro resté silencieux jusqu'à lors. Tu seras notre compagnon, à tous les deux.
- Je ne comprends pas. Une telle chose est-elle possible ? Je veux dire, regardez moi.
Je ne suis pas un homme à proprement parlé. Je suis encore jeune et mon corps n'est pas désirable à mes yeux. Je ne comprend pas ce qu'ils voient en moi. Alors qu'eux sont le parfait exemple du combattant aux muscles saillants, je suis un jeune homme apprenant à mettre un pied devant l'autre. Je suis sûr qu'ils ont à disposition plusieurs prétendants ou prétendantes bien plus intéressant que moi.
- Serais-tu aveugle ? Me demande Katsuki en battant des ailes. Tu es si beau. Au moment même où je t'ai vu, mes reins se sont embrasés. Ta peau laiteuse et tachetée, ton corps fuselé, tes yeux émeraudes. Il colle nos nez, m'obligeant à le regarder droit dans les yeux. Si je n'étais pas raisonnable, je t'aurais déjà fait mien à même ces draps.
Sa dernière phrase prononcée dans un murmure me fait gémir. Eijiro n'est pas en reste puisqu'il s'est approché de nous et tient fermement l'avant bras de Katsuki. Malgré ses yeux noirs, il semble être le seul à rester maître de ses émotions.
- Reprends toi, mon roi. Dit Eijiro en ronronnant, et en me regardant droit dans les yeux. Nous aurons tout notre temps pour le faire nôtre. D'abord, on lui doit quelques explications, tu ne crois pas ?
Je pense qu'il nous a fallut plusieurs minutes pour nous détacher tous les trois. Si j'ai bien compris, Katsuki évite d'être proche de moi tant que je suis sur le lit car apparemment, c'est très tentant pour lui. Nous prenons de l'espace pour rester à bonne distance. Je sais d'avance que si l'un d'eux revient porter sa main sur moi, je n'arriverai pas à réfléchir correctement.
- Vous voulez donc que nous formions un...
- Un trouple. C'est très courant dans notre espèce et il n'est pas rare d'en apercevoir dans la métropole. Me répond gentiment Eijiro.
- Pourquoi des noms de code ?
- C'est pour protéger nos identités contre les humains ou bien des ennemis de notre propre espèce. C'est Katsuki qui me répond en premier.
- Ai-je le droit de refuser cette offre ?
Tous deux se regardent. Je ne pense pas qu'ils ont émit cette hypothèse.
- Après tout, il est vrai que le but premier de la quête d'Eijiro était de transmettre un message au roi des Hommes. À aucun moment je ne pensais le voir revenir avec notre troisième compagnon. Comme il ne t'a rien dit, tu peux être surpris. Libre à toi de dire non et de partir. Les portes te sont grandes ouvertes.
Je suis étonné d'entendre ces paroles sortir de la bouche du roi. Il les a prononcé sans me regarder, simplement en fixant le ciel dehors. Eijiro lui aussi ne me regarde pas. Je fixe alors la porte. Puis la fenêtre. Partir d'ici aussi subitement ? Après des promesses de liberté et de désir, voulais-je vraiment retourner dans ma prison dorée ? Il est clair que non. Mais me dire que je serais leur compagnon, à tous les deux, c'est aussi effrayant qu'excitant.
- Il est vrai que je pourrais m'enfuir. Je vois bien dans vos yeux de la sincérité mais également une profonde tristesse. Pourtant, nous nous connaissons à peine.
Je vois Eijiro baisser les yeux et jouer avec le bout de ses ailes. Katsuki, le roi, se lève de son siège et c'est les bras croisés qu'il se met devant la fenêtre. Depuis le lit, je tente de déchiffrer leurs émotions.
- J'ai eu vingt huit ans le mois dernier. Je suis un jeune roi et je ne gouverne pas des sujets. J'aide à la prospérité de mon peuple et au bien-être de mes camarades. Eijiro et moi sommes fiancés depuis l'âge de nos dix huit ans. Un amour fou a vu le jour entre nous. Nous nous connaissons depuis nos premiers pas. Ce fut comme une évidence.
Il marque une pose et pose sa main sur le verre de la vitre. Sa voix toujours aussi grave se casse vers la fin de sa phrase.
- Je suis un roi heureux et j'ai un mari que je n'échangerai pour rien au monde. Néanmoins, nous ne possédons toujours pas notre propre famille. Après plusieurs années ensemble, impossible pour nous d'avoir un enfant. Malgré les essais, aucun de nous ne tomba enceint. Ce n'était pas le fait d'être un mâle puisque chez nous c'est tout à fait normal. Alors nous sommes allés voir notre guérisseur.
Il se remet face à nous et dépose son dos contre le rebord. Son visage est inexpressif.
- Les semaines se sont écoulées et le verdict est tombé. Nous n'étions pas des porteurs nés. Nos corps ne sont pas fait pour porter la vie, mais pour la donner. Suite à ça, nous étions inconsolables. Nous nous aimons tellement fort qu'il est impossible pour nous de nous séparer. Les années ont passées et Eijiro a eu cette idée saugrenue : avoir un troisième partenaire.
Les bras croisés, il plante son regard dans le mien.
- Aucun ne me convenaient, je ne parvenais pas à ressentir du désir pour quelqu'un d'autre. Jusqu'à ce que mes yeux se posent sur toi. Tu pourrais penser que tu n'es qu'un moyen pour nous d'avoir ce que nous désirons le plus. Or, dans notre espèce la famille est une chose sacrée. Je vois en toi un futur amant, un compagnon potentiel. Un homme que je pourrais aimer.
Ce flot de paroles, aussi sincère que bouleversantes, deviennent compliqué à dire. Je vois dans son regard la peine qu'il a accumulé ainsi que la souffrance au cours de ces années. Je compatis, moi qui souhaite par dessus tout avoir ma propre famille. Ils ont dû traverser plusieurs étapes dans leur relation et pourtant, malgré ces épreuves, ils s'aiment toujours.
- Je ne sais quoi dire. Je suis partagé entre la chance de pouvoir être cet homme et la peur d'entrer dans un monde où je ne connais absolument rien. Je ne sais pas ce que c'est que d'aimer et d'être aimé. Je ne connais pas vos coutumes, ni votre espèce mais, ce serait une joie pour moi de le découvrir à vos côtés.
Malgré une ambiance plutôt morose, un éclat de vie jaillit dans leurs yeux. Ma réponse doit les satisfaire au plus au point tandis que moi, je suis bien décidé à saisir cette main que Dieu me tend.
Ils se lèvent tour à tour et se présentent face à mes pieds. Je me lève également, évitant d'attendre qu'on me donne l'ordre puisque je ne suis plus un esclave.
- Tu acceptes donc notre proposition ? Eijiro passe sa main sur mes épaules tout en attendant ma réponse.
- Je souhaite simplement être heureux.
Leur sourire est l'unique réponse que j'obtiens mais elle me satisfait.
- Et si nous lui faisions visiter le château en attendant l'heure du repas ? Demande Eijiro en avançant.
- Pourquoi pas. Puisque nous allons vivre ensemble, autant qu'il connaisse sa nouvelle demeure.
C'est avec leurs mains sur mes hanches, leur queue enroulées à mes jambes, que nous avançons pour visiter cet immense château.
