Chapitre 21 L'heure du jugement

Les journées à Fort Céleste se faisaient de plus en plus douces malgré la haute altitude. Le printemps pointait le bout de son nez et les chutes de neige devenaient de plus en plus clairsemées. Ce jour-là tôt dans la matinée, Lédara avait décidé de suivre le conseil de Blackwall et Cullen et de rejoindre les terrains d'entraînement. L'Inquisitrice avait donc revêtu sa tenue habituelle de voyage, ses dagues ceintes à sa taille et son arc passé par-dessus son épaule. Elle avait demandé à Cassandra si elle voulait l'y accompagner et la rejoignait à l'armurerie où elles s'étaient donné rendez-vous. Quand Lédara entra dans la large pièce, elle surprit son amie qui discutait avec Mère Giselle, apparemment pressante.

- Si vous pouviez y réfléchir, dame Cassandra, insista la Révérende Mère, les prêtresses sont toujours séquestrées. Si personne ne fait rien, elles débattront pendant…

- Et vous croyez que moi, la coupa la Chercheuse, je vais réussir à les mettre d'accord ?

Cassandra jeta un bref regard sur l'Inquisitrice qui était restée en retrait.

- J'en ai assez entendu pour aujourd'hui, Mère Giselle, conclut-elle exaspérée.

La Révérende Mère la salua d'un bref signe de tête et se dirigea vers la sortie. Arrivée aux côtés de l'Inquisitrice, celle-ci lui demanda, suppliante avant de s'en aller :

- Parlez-lui, Votre Grâce.

- Que se passe-t-il ? demanda alors Lédara en s'approchant de la Chercheuse qui réunissait ses affaires pour l'entraînement.

- Je suppose que vous savez que Léliana et moi sommes toutes les deux candidates pour être la prochaine Divine, dit abruptement Cassandra.

Lédara poussa un petit soupir, se doutant bien que cette affaire allait être remise sur le tapis tôt ou tard.

- A cause de ce qui s'est passé à Halamshiral, bien sûr, continua la Chercheuse. Vous, et donc votre entourage, avez la faveur de l'Empire orlésien. Alors maintenant, la Chantrie parle de nous sans même nous avoir consultés avant.

- Comment vous et Léliana pouvez être candidates ? demanda Lédara, vous n'êtes même pas prêtresses.

- Ce ne serait pas la première fois, répondit Cassandra en se dirigeant vers la sortie. Amara III était la sœur de l'empereur, et Galatée une simple roturière. Au moins, Léliana et moi faisions partie de la Chantrie. Ce serait accepté.

Les deux femmes sortirent de l'armurerie et marchèrent à travers la cour en direction du pont levis.

- Si vous n'en voulez pas, dites-leur, fit bêtement Lédara.

Cassandra resta un moment silencieuse. Elles arrivèrent sur le pont aérien et la Chercheuse s'arrêta soudain, observant les montagnes.

- Cela n'aurait jamais dû se passer comme cela, dit-elle gravement. La Chantrie, le Cercle des mages, les templiers… Ce n'était pas censé finir comme cela. La Chantrie doit transmettre la foi, l'espoir. Elle ne peut pas renier ce devoir, même face à une mort certaine.

- Je m'étonne de vous entendre dire cela, surtout vous, intervint Lédara.

- Ce n'est pas moi qui ai proclamé l'Inquisition contre l'avis de la Chantrie, peut-être ? dit-elle ironiquement. Pendant toutes mes années en tant que Chercheuse, j'ai fait ce qu'on m'a dit. Ma foi l'exigeait. Mais aujourd'hui, ma foi exige autre chose : que j'ouvre les yeux.

La Chercheuse se retourna face à l'Inquisitrice. Une lueur brillait dans ses yeux, l'espoir que la situation pouvait être améliorée. Mais Lédara n'était pas aussi optimiste que son amie sur ce sujet-là.

- De nombreux événements extraordinaires nous ont conduits à cette situation, dit l'Inquisitrice.

- Je n'en suis pas si sûre, dit lentement Cassandra, tout cela couvait depuis longtemps. Vous saviez que Varric était andrastien ? Il blasphème dès qu'il en a l'occasion, mais au fond, c'est un croyant. Son cœur est profondément vertueux. Mais il ne mettrait jamais un pied dans une Chantrie. Et cela devrait être le premier lieu vers lequel se tournent les vertueux. Il faut qu'elle change. Et si je dois être celle qui apporte ce changement, alors soit.

- Vous n'êtes pas la seule candidate, remarqua Lédara, qu'est-ce que vous faites de Léliana ?

- Elle dit vouloir préserver l'héritage de Justinia, répondit Cassandra, mais on a un souvenir d'elle très différent. Justinia savait que les prêtresses, comme le peuple, n'accepteraient un changement que progressif. Je crois que Léliana raserait tout pour recommencer à zéro, et ce serait le chaos assuré.

Lédara observa à son tour les montagnes, la bise faisant voltiger ses mèches folles autour de son visage.

- Qu'est-ce que vous changeriez dans la Chantrie, vous ? demanda-t-elle alors.

- Le Cercle des mages a sa place, mais il doit être réformé, répondit posément la Chercheuse. Les mages doivent pouvoir se gouverner, mais avec notre aide. Les templiers doivent faire figure de protecteurs des innocents, et non de gardiens de prison. Chacun doit être vigilant, mais aussi compatissant envers les autres peuples de Thédas, humains ou non. Voilà ce que je changerais.

- Votre détermination est admirable, soupira Lédara en se retournant vers son amie.

- Je ne fais rien qui ne vaille la peine d'y mettre tout mon cœur.

- C'est ce qui fait tout votre charme, sourit la jeune Marchéenne.

Les deux femmes s'observèrent un instant, écoutant le sifflement du vent.

- J'ai de l'influence, reprit lentement Lédara, et je peux aider la Chantrie à trancher…

- Je ne peux pas vous demander de faire cela, la coupa Cassandra.

- Ce ne serait pas nécessaire.

Cassandra la regarda indécise, oscillant entre la reconnaissance et le refus.

- Si vous pensez que c'est ce qu'il faut faire, alors… Je ne devrais sûrement pas m'en faire les prêtresses n'ont encore rien décidé. Pour l'instant, nos priorités restent de rétablir l'ordre et d'arrêter Corypheus.

Les deux femmes reprirent leur route en silence, méditant toutes deux leur conversation. Lédara admirait les idées de son amie, mais elle ne prendrait pas de décision à la hâte. Elle souhaitait entendre Léliana à ce sujet avant de fixer son choix. Il fallait admettre que la jeune Marchéenne ne voulait pas se séparer de Cassandra. Etre Divine l'éloignerait à coup sûr de Fort Céleste, et elles ne pourraient plus se voir comme elles le faisaient à cet instant. C'était un choix difficile.

Lorsque les deux femmes arrivèrent sur les terrains d'entraînement, Lédara aperçut tout de suite Cullen qui supervisait l'entraînement du matin. Elle fit signe à Cassandra de commencer sans elle et s'approcha du Commandant, se postant à ses côtés et observant à son tour les soldats et recrues.

- Il paraît que je manque d'entraînement, dit-elle le sourire aux lèvres.

- Un entraînement régulier ne vous ferait effectivement pas de mal, répondit Cullen en lui jetant un regard amusé. A Darse, vous pratiquiez tous les jours.

- Beaucoup de choses ont changé depuis Darse, soupira Lédara en repensant à tout le chemin parcouru depuis. Vous avez maintenant une véritable armée sous vos ordres.

Elle se tint à ses côtés et balaya du regard les soldats et recrues qui s'exerçaient.

- Elle est là pour vous, rectifia le Commandant.

Les deux dirigeants restèrent un moment silencieux.

- A Darse, dit soudain Lédara d'un ton confidentiel, vous m'avez dit que vous me feriez part de votre expérience dans un combat. C'est l'occasion de tenir votre parole, non ?

Elle le regarda avec une petite moue malicieuse. Cullen sourit : elle se souvenait de cela. Il lui jeta un bref regard, puis il retira son manteau, prit deux longs bâtons sur un présentoir d'armes et entra dans l'arène. Une rumeur comme quoi deux hauts dirigeants allaient s'affronter se répandit parmi les soldats et tous les curieux s'amassèrent contre les barrières de bois. Cullen lança l'un des bâtons à Lédara qui l'attrapa au vol, la mine intriguée.

- Avez-vous déjà combattu au bâton ? lui demanda le Commandant.

Lédara fit non de la tête en entrant à son tour dans l'arène, amusée par l'idée.

- Eh bien, je vais vous apprendre, dit Cullen le sourire aux lèvres.

L'ancien templier ne portait aucune protection, seule une chemise de lin couvrait son torse, retenue dans son large pantalon de cuir. Lédara retira alors ses armes et son manteau maillé de fer afin de se retrouver à égalité avec son adversaire. Tous deux se retrouvèrent au centre de l'arène et le silence se fit rapidement autour d'eux. Cullen fit tourner son bâton entre ses mains, le maniant avec une grande agilité. Lédara le tenait en son centre à la verticale, jouant légèrement de son pouce sur le point de balance. Le Commandant se mit en garde, puis donna son premier coup que l'Inquisitrice esquiva, tout comme elle l'aurait fait en combat réel.

- Cette technique est utilisée pour apprendre à parer et attaquer à la fois, commenta Cullen. L'esquive n'est qu'en dernier recours.

Lédara hocha de la tête. Le templier attaqua à nouveau et la jeune femme para deux coups à la suite, avant de riposter. Il para avec élégance, et les deux adversaires s'observèrent à nouveau. S'ensuivit un nouvel assaut auquel la jeune femme riposta de plusieurs coups, parés avec agilité par le Commandant, les échanges se faisant de plus en plus long.

- Il faut adopter un rythme, continua Cullen, et celui qui dicte ce rythme est celui qui mène le combat. C'est-à-dire celui qui gagnera.

Il attaqua à nouveau, plus rapidement cette fois-ci. Lédara eut peine à le suivre et il la toucha au bras. Celle-ci chargea alors son adversaire, adoptant encore un autre rythme, réussissant à faire reculer le Commandant de quelques pas.

- Vous apprenez vite, lui dit-il à l'oreille alors qu'il parait son dernier coup.

Cullen la repoussa fortement, remettant de la distance entre eux. Le combat entre les deux dirigeants dura ainsi plus d'une heure, leurs échanges se faisant de plus en plus complexes et intenses, jusqu'à ce que le Commandant assène son coup de grâce. Il fit tomber l'Inquisitrice d'un seul mouvement, mais la retint en glissant son bras dans son dos. Les deux combattants étaient à bout de souffle et Lédara éclata de rire. Cullen la releva, la maintenant volontairement contre lui de son bras dont les muscles saillaient après l'effort fourni durant l'entraînement. A contrecœur il la relâcha enfin, saluant son adversaire et marquant ainsi la fin du combat. Lédara ressortit de l'arène les muscles douloureux mais ravie de cet instant privilégié. Elle retourna vers Cassandra qui avait observé le combat comme l'avaient fait tous les soldats présents :

- Je savais bien qu'il avait des choses à vous apprendre, notre Commandant, dit la Chercheuse d'un ton enjoué.

Lédara sourit et s'excusa de ne pas s'être entraînée avec elle comme promis.

- Vous reviendrez, je le sens, répondit Cassandra avec un clin d'œil.

- Pour sûr ! s'exclama la jeune Marchéenne, cela m'avait manqué tout cela.

L'Inquisitrice balaya du regard les terrains d'entraînement où les soldats avaient repris leur activité et se retrouva comme à Darse, le cœur plus léger et plus proche du monde qu'elle ne l'avait été depuis qu'elle avait été nommée Inquisitrice. Elle réunit ses affaires et retourna à Fort Céleste auprès de la paperasse qui l'ennuyait tant.

Le lendemain, quand l'Inquisitrice arriva dans le bureau de l'Ambassadrice, celle-ci était affairée dans ses papiers comme à l'accoutumée. Elle grattait un parchemin de sa plume, déposant des pattes d'encre élégantes et rapides sur le parchemin vierge. Son front plissé sous la concentration lui donnait un air sérieux, mordant sa lèvre inférieure involontairement. Lédara s'arrêta dans son élan, sa première idée ayant été de rejoindre la salle de Commandement comme à son habitude tous les matins. Joséphine leva les yeux de son travail et s'aperçut de la présence de l'Inquisitrice puis posa sa plume devant elle.

- Puis-je avoir votrrre attention, Inquisitrrrice ? dit-elle avec son fort accent exotique.

- Bien sûr, répondit Lédara qui s'était approchée du grand bureau de l'Ambassadrice. Je vous écoute.

- Nous avons rrreçu des lettrrres de l'archonte Radonis de Tévinter et du roi Markus du Névarra. Que les deux monarques s'adrrressent à nous, c'est une grrrande prrremière.

- Je présume qu'ils ont désespérément besoin de notre aide, dit Lédara, laconique.

- Vous prrrésumez bien, lui répondit Joséphine en esquissant un sourire. L'archonte Radonis demande à l'Inquisition, en tant « qu'entité neutre », d'érrradiquer un culte venatori à la frrrontière névarro-tévintide. Le roi Markus nous demande la même chose, mais exige que nous prrrêtions allégeance au Névarra au lieu de Tévinter.

- Pourquoi le dirigeant de Tévinter s'en prendrait aux Venatori ? s'étonna la Marchéenne.

- Il n'a aucune rrraison de les porter dans son cœur, expliqua l'Ambassadrice, l'Archonte se sent en concurrrence avec Corypheus. Une divinité autoprrroclamée qui tombe du ciel et tente de s'emparrrer du trrrône, cela a de quoi refrrroidir plus d'un monarque.

L'Inquisitrice poussa un petit rire avant de reprendre plus sérieusement.

- Parlez-moi de Radonis, demanda-t-elle.

- Comme la plupart des dirrrigeants à Tévinter, il descend d'une prrrestigieuse lignée. C'est un mage et un politicien extrrrêmement compétent. D'aprrrès la rumeur, il aurrrait un faible pour les chats.

Lédara haussa un sourcil à la mention sur les chats.

- Et quel genre de personne est le roi du Névarra ? demanda-t-elle sans relever l'incongruïté de tout à l'heure.

- Aujourd'hui, c'est un vieil homme, dit plus raisonnablement Joséphine, beaucoup crrraignent pour son état de santé. Il n'en demeurrre pas moins un Pentaghast. Leur dynastie est prrrodigieusement influente au Névarra.

- Je doute que Cassandra soit susceptible de mal prendre que l'on tourne le dos à sa famille, même en tant que Pentaghast, fit remarquer Lédara.

- Avec tout le rrrespect que je dois à la Chercheuse Pentaghast, son poids politique est, de toutes les manièrrres et si j'ose dirrre, « limité ».

- Quelle serait votre décision, si vous étiez à ma place ? lui lança alors l'Inquisitrice de but en blanc.

- Vu le piteux état de leurs rrrelations avec Orlaïs, réfléchit Joséphine, je me rangerrrais du côté de l'Empire tévintide. Difficile de gagner leur amitié, et le pouvoir de Markus s'amenuise visiblement. Tévinter est notrrre meilleur choix sur le long terme.

Lédara s'était adossée au bureau de l'Ambassadrice et observait l'âtre de la cheminée où quelques flammes léchaient une bûche déjà largement calcinée. Elle réfléchit un instant, puis se souvint tout à coup :

- Il se trouve que j'ai de la famille au Névarra. Si vous expliquez notre point de vue à l'Archonte, les Trevelyan peuvent convaincre le roi Markus qu'il faut soutenir les deux territoires. Ma famille peut bien faire cela pour moi…

- Que l'Inquisition rrrecueille les bonnes grrrâces de Tévinter et du Névarra ? Nous ne pourrrions rêver mieux ! s'exclama Joséphine. Pour votrrre famille, je m'en occupe. L'une de mes diplomates détachée à Ostwick possède un trrrès bon rrrelationnel avec les membrrres de votrrre famille.

- Très bien, conclut Lédara, mais… Vous faites bien parvenir mes lettres à ma mère le plus discrètement possible, n'est-ce pas ?

- Oui, Inquisitrrrice, confirma Joséphine, comme vous me l'avez demandé.

- Et qu'en est-il de… ? demanda la jeune Marchéenne avec anxiété.

- Votre pèrrre s'acharne à vouloir rrrécupérer ses drrroits sur vous, répondit Joséphine. Mais soyez sans crrraintes, tant que vous serez dans l'Inquisition et que je serai là, il ne pourrra pas vous atteindrrre.

Lédara poussa un profond soupir, l'air inquiet, puis un court silence se fit entre les deux femmes.

- Encorrre une chose, fit soudain l'Ambassadrice, des partisans nobles de la Chantrrrie de la cité de Jader clament à qui veut l'entendrrre que la Divine est morte par votrrre faute. Leur coalition prrrend de l'ampleur, je prrréconise un détachement à Jader pour rrrégler le prrroblème.

- Est-ce que l'on me croira si je clame haut et fort que je n'ai pas tué la Divine ? soupira l'Inquisitrice que la nouvelle exaspéra.

- Peut-êtrrre, s'ils entendent parler de vos exploits, répondit Joséphine. Nous devrrrions leur rrraconter comment vous avez rrrefermé la Brèche qui déchirait le ciel. Même à Jader, cela pourrrait vous valoir quelques admirrrateurs.

- Qu'est-ce que les nobles gagnent à m'accuser ainsi d'avoir tué Justinia ? lança Lédara.

- Cela donne un bouc émissaire aux nobles qui sont mécontents que Gaspard soit monté sur le trrrône.

- Que proposez-vous ?

- Nous pourrrions combattrrre leurs mensonges en faisant circuler des rrrumeurs de notrrre côté, suggéra l'Antivane, une campagne de diffamation, cela leur apprendrrrait que nous savons faire prrreuve de subtilité, nous aussi.

Voyant que l'affaire était conclue, Lédara allait reprendre son chemin pour la salle de Commandement quand elle s'arrêta soudain. Elle avait remarqué le ton mélancolique de la noble dame et s'inquiétait un peu pour elle.

- Tout va bien, Joséphine ? lui demanda-t-elle gentiment.

L'Ambassadrice jeta un bref regard à l'Inquisitrice, replongea dans ses papiers et en sortit une lettre décachetée.

- Nous sommes en trrrain de cimenter une alliance avec dame Forsythia des Anderfels, Votre Grâce, dit-elle en lui tendant la lettre. La tâche est disons… délicate.

Lédara lut rapidement le contenu du pli et fronça les sourcils :

- Elle nous fera « fouetter vifs » ?

- Je pense qu'elle voulait dire « écorcher vifs », rectifia Joséphine, elle a tendance à confondrrre les exprrressions quand elle est nerveuse. Je l'ai dissuadée de déployer des trrroupes lorsqu'elle a appris que nous avions conclu un accord avec son frrrère, avec qui elle est en conflit. Dame Forsythia aime employer un langage… comment dirrre, coloré.

- Vous prenez plutôt bien les menaces de mort, plaisanta Lédara.

- Ce sont les manières théâtrrrales des gens de pouvoir, Inquisitrice, rrrien de plus.

- Vous n'avez pas répondu à ma question, reprit la jeune Marchéenne en lui rendant la lettre de dame Forsythia.

Joséphine la rangea dans son bureau et poussa un petit soupir.

- J'avoue que mon équipe de l'ambassade à Antiva me manque, dit-elle soudain. C'était toujours intérrressant de discuter avec eux des visiteurs du jour.

- Si vous voulez en parler avec moi, j'ai le temps, lui dit Lédara en souriant doucement.

- Je ne veux pas vous dérrranger, bégaya Joséphine prise au dépourvu.

- Si cela me dérangeait, je ne vous l'aurais pas proposé, Joséphine.

Dame Montilyet se leva de son fauteuil et fit quelques pas dans la pièce, indécise, puis regarda la porte donnant sur le grand hall avec inquiétude. Lédara devina alors sa crainte et dit subtilement :

- Nous pouvons discuter « d'alliances potentielles » dans mes quartiers, si vous le souhaitez.

Ce dernier argument finit de convaincre l'Ambassadrice et l'Inquisitrice l'invita alors à monter dans ses appartements où elle ouvrit l'une des portes du balcon, voulant profiter de la chaleur du soleil. Les deux femmes se tinrent près de la balustrade de pierre, profitant du beau temps et de la légère brise, puis Joséphine se mit à raconter tout ce qui lui pesait sur le cœur : cela allait des plus lourdes affaires découlant de Halamshiral jusqu'aux petites bévues de certains domestiques ou la visite de nobles abracadabrants, ou encore des frasques de Séra. La conversation dura plus d'une heure.

- … en plein sur le sol du salon, finit-elle scandalisée, devant tous les invités de la soirrrée ! Qui ferrrait une telle chose devant ses invités ?

- Le Duc de Kellington, apparemment ! rit aux éclats Lédara, les larmes aux yeux.

- Et Cole qui rôde et effrrraie tous les invités, reprit Joséphine. Le seigneur Génard ne répond toujours pas à nos courrriers ! Et Séra ! N'a-t-elle pas dans sa garrrde-robe un chemisier sans taches de moutarde ? Et puis, il y a Dorian, qui s'obstine à tout prrrendre à la légère, à moins que cela ne l'arrrange. Sans parler de…

Joséphine, qui s'était accoudée à la balustrade de pierre et observait les montagnes tout en parlant, se rendit compte que le soleil était arrivé à son zénith.

- Oh, ce n'est pas vrrrai, s'exclama-t-elle, il est déjà midi ?

- Vous avez raison, je n'ai pas vu le temps passer, sourit Lédara.

- Vous êtes trrrop polie, Inquisitrice. Je ne voulais pas m'étendrrre aussi longtemps. Vous devez me prrrendre pour une vérrritable pipelette.

- Vous aviez besoin de vous détendre un peu, c'est tout.

- Je n'aurrrais pas dû m'étendrrre autant sur ces sujets, s'excusa Joséphine. Cependant, je n'avais pas eu le cœur aussi léger depuis des semaines.

- Mais vous semblez encore préoccupée, décela Lédara.

Joséphine se mit à rire nerveusement.

- Vous avez rrraison, avoua-t-elle enfin, je devrrrais peut-être vous en parler. Je… je dois d'abord vous donner quelques détails sur la forrrtune des Montilyet. Ma famille descend d'une grrrande lignée de marchands, mais aprrrès cerrrtaines mésaventures, nos finances ont été dévastées. Les Montilyet sont maintenant endettés depuis plus d'un siècle.

- Endettée ou non, votre famille semble s'en tirer, fit Lédara en pensant lui faire un compliment.

- Cela ne suffit pas ! s'écria Joséphine. Le moindrrre désastre pourrrait nous érrradiquer complètement. Depuis des générrrations, nous faisons tout pour nous éviter les crrréanciers. Nous avons même vendu nos terrres. Mais c'est tellement rrrageant de voir ma famille rrréduite à cela !

Cette situation précaire semblait profondément atteindre la jeune Antivane.

- Je suis l'héritièrrre, continua-t-elle, si je vends d'autrrres terrres, ma famille se retrouverrra sans ressources. Je ne peux pas leur laisser un tel hérrritage.

Lédara l'observa un instant puis détourna son regard sur les montagnes : les gens pauvres s'inquiètent de leur prochain repas. Joséphine avait des problèmes de riches. Mais elle pouvait comprendre la détresse de l'Antivane elle-même ne pourrait laisser sa mère dans la misère.

- Pourrais-je vous aider d'une quelconque manière ? lui demanda l'Inquisitrice, attentionnée.

- Vous serrriez prrrête à… à m'aider ? bégaya Joséphine.

Lédara lui sourit, le regard sincère. L'Ambassadrice réfléchit un instant.

- J'avais fait tellement de prrrogrès, murmura-t-elle, j'avais négocié la possibilité pour les Montilyet de rrrevenir commerrrcer à Orlaïs. Nous aurrrions pu tout rrrebâtir à parrrtir de là. Mais lorrrsque j'ai envoyé les documents à Val Royeaux… j'ai apprrris que mes messagers avaient été assassinés et que les documents de notrrre réhabilitation avaient été détrrruits.

- Pensez-vous qu'ils visaient l'Inquisition ? demanda Lédara.

- Léliana a mené l'enquête et obtenu quelques rrréponses. Le Comte Boisvert, un noble de Val Royeaux, affirme connaîtrrre l'identité des assassins de mes messagers. Et il aimerrrait que vous veniez avec moi pour êtrrre publiquement vu en trrrain de s'entrrretenir avec vous.

- Qu'est-ce que cela apportera au comte d'être vu avec moi ? s'étonna Lédara.

- Il mentionnerrra dans les rrréceptions qu'il doit rencontrrrer quelqu'un d'imporrrtant, expliqua Joséphine, ses alliés et ses rrrivaux en prendrrront bonne note. Après votrrre entrrrevue, il y aurrra des spéculations. Le comte orrrientera subtilement les rrrapports à son avantage. Il veut se serrrvir de nous, mais s'il connaît l'identité des assassins, qu'imporrrtent ses intentions.

Lédara réfléchit quelques instants. Des chantages de ce genre devaient arriver tôt ou tard.

- Si cela peut vous aider, j'accepte de rencontrer cet homme avec vous.

- Oh, merci ! et j'en prrrends l'entièrrre rrresponsabilité, Inquisitrice. Je veux savoir qui a tué mes messagers juste pour nuirrre à ma famille.

- Alors écrivez au Comte Boisvert, conclut Lédara, et avertissez-moi dès que vous aurez une réponse.

- Merci, Inquisitrice.

Lédara sourit gentiment à l'Ambassadrice, heureuse de pouvoir aider sa conseillère en diplomatie. Elle se rendit compte qu'elle ne connaissait que très peu Joséphine alors que celle-ci se pliait en quatre pour l'Inquisition. Toujours aimable et souriante, elle gérait tous les invités de Fort Céleste avec professionnalisme et rédigeait tous les courriers officiels d'une main experte. Comment faisait-elle pour ne jamais perdre son sang-froid ? Mais leur discussion avait plu à Lédara qui découvrit que même l'Ambassadrice Montilyet pouvait avoir ses moments de faiblesse. Tous les membres de l'Inquisition étaient humains, après tout.

Joséphine quitta le balcon et traversa la vaste chambre jusqu'aux escaliers qui menaient à la sortie. Dila et Shanna finissaient de monter les marches et saluèrent discrètement l'Ambassadrice, lui laissant le passage libre pour redescendre et rejoindre le grand hall quand cette dernière s'arrêta soudain :

- Encore une chose, Inquisitrrrice !

- Dites-moi, répondit Lédara en refermant les battants de la porte-fenêtre.

- Maîtresse Poulin est arrrivée hier à Fort Céleste et attend son jugement, ainsi que le Mairrre Dedrick de Boscret.

- C'est vrai, Lédara avait complètement oublié qu'elle devait juger ces deux personnes sur la demande d'Orlaïs et de Férelden. Cela ne l'enchantait guère.

- Préparez le jugement pour la fin de l'après-midi, répondit simplement l'Inquisitrice.

- Bien, tout sera prrrêt.

Joséphine sortit, laissant l'Inquisitrice à son repas qu'apportaient l'elfe et la jeune fille.

Une fois que la jeune Shanna eut fini son service de l'après-midi, celle-ci se précipita aux écuries pour annoncer à Daron qu'un jugement aurait lieu avant la soirée. Le jeune elfe avait été engagé par le maître palefrenier peu après le retour de l'Inquisitrice de Sahrnia il s'occupait alors chaque jour des bêtes et faisait des heures supplémentaires avec Orkaan dès qu'il le pouvait, avec le secret espoir de croiser l'Inquisitrice en personne. Quand Shanna déboula dans l'étable avec la nouvelle du jugement, Daron finit rapidement sa tâche et rejoignit Anton qui revenait des terrains d'entraînement, courbaturé et exténué. Mais ce dernier, à l'annonce de son ami, se ragaillardit d'un seul coup et alla se changer aussi vite que possible. Les nobles et tous les gens travaillant pour l'Inquisition se réunissaient déjà dans le grand hall, emplissant les murs d'un brouhaha sourd. Shanna, Daron et Anton se rejoignirent dans la cour pour s'infiltrer ensemble dans la vaste salle bondée. Ils se frayèrent difficilement un chemin au travers de la foule mais ils ne réussirent qu'à longer les murs et leur progression fut stoppée par des soldats. Pressés par l'affluence, ils furent à nouveau plaqués contre le mur de la salle. Shanna fit alors un signe à ses compagnons pour qu'ils la suivent et ils passèrent par la porte qui menait à la Rotonde.

- Que fais-tu ? s'écria Daron, on va tout rater !

- Mais non ! le rassura Shanna, suivez-moi.

Juste avant d'arriver à la Rotonde, la jeune fille s'arrêta et ouvrit une petite porte débouchant sur une volée d'escaliers que la petite troupe monta, puis passa une nouvelle petite porte pour atterrir dans des galeries ouvertes donnant sur le grand hall. Celles-ci n'avaient pas été rénovées et ne consistaient qu'en un étroit couloir bordé d'une balustrade de pierre effondrée à certains endroits. Les trois jeunes gens longèrent prudemment le mur et s'accroupirent afin que personne ne puisse les voir car il était interdit de s'aventurer sur ces tribunes. De là, ils possédaient une vue imprenable sur le grand hall : sur la gauche, ils voyaient la foule amassée et retenue par les soldats de l'Inquisition, maintenant l'allée centrale libre pour la venue des personnes en l'attente de jugement. A droite, le trône dominait l'assemblée, attendant sa propriétaire.

Le vacarme qui envahissait la grande salle se tut aussi vite qu'il était monté quand les trois conseillers et l'Inquisitrice entrèrent par la grande porte les trois enfants, depuis leur emplacement, distinguaient parfaitement les quatre hauts dirigeants qui remontaient l'allée dignement. Le Commandant ouvrait la marche, revêtu d'un veston pourpre, sa longue cape pourpre bordée d'or drapée par-dessus et sa fourrure ceignant sa nuque. L'Ambassadrice et la Maître-espionne le suivaient de près d'un pas assuré, dame Montilyet dans sa tunique bleue et or aux manches bouffantes, un large collier de bronze et d'argent reposant sur sa poitrine et tenant son écritoire d'un côté et sa plume de l'autre, et Léliana avec son éternel manteau de mailles surmonté de sa capuche, ne dévoilant que son regard perçant. L'Inquisitrice fermait la marche, la tête haute et le visage impassible. Le Commandant et la Maître-espionne se postèrent à la gauche du trône, en retrait, alors que l'Ambassadrice s'arrêta à sa droite et attendit que l'Inquisitrice s'installe sur son siège.

- Le mairrre Grégory Dedrick de Boscret serrra jugé pour avoir trrrahi ses prrropres électeurs, commença Joséphine dont la voix résonnait contre les murs de pierre. Il admet avoir inondé le Vieux-Boscret il y a dix ans, pour tuer les villageois et rrréfugiés victimes de l'Enclin.

Pendant que l'Ambassadrice présentait le premier cas, deux soldats amenèrent le vieil homme devant l'Inquisitrice.

- Monsieur le mairrre soutient que c'était pour épargner le rrreste de Boscret, mais il est impossible de prrrouver sa bonne foi, continua l'Ambassadrice.

L'Inquisitrice posa son regard sur le maire Dedrick et prit la parole :

- Si monsieur le maire à quoi que ce soit à dire pour sa défense, qu'il le fasse maintenant.

- Il n'existe aucun remède à l'Enclin, se défendit le maire, mais personne n'était prêt à abandonner un enfant ou un parent malade.

- Alors vous avez parrrqué les victimes dans le Vieux-Boscret et vous l'avez inondé ? continua Joséphine d'un ton accusateur. Garrrantissez-vous qu'aucun innocent n'est mort englouti ?

- Presque tous les villageois étaient touchés par l'Enclin, je vous le jure ! s'écria Dedrick, pitié… Je ne pouvais pas dire aux survivants que j'avais noyé leurs familles pour les sauver. Je… Je ne pouvais pas faire cela.

Un bruissement parcourut la foule, puis le silence se rétablit aussitôt, tout le monde attendant le verdict.

- Nous ne pouvons ignorer vos crimes, quelles que soient les raisons qui vous ont poussé à tuer tous ces gens. Je vous condamne à l'exil.

- Il était évident que mon passé me rattraperai un jour, murmura Dedrick, acceptant le jugement de l'Inquisitrice.

Une vague de murmures parcourut la foule et les deux soldats reconduisirent le maire dans les geôles de Fort Céleste. Deux autres arrivèrent avec dame Poulin et l'amenèrent devant l'Inquisitrice. Celle-ci semblait en meilleure santé que la première fois que Lédara l'avait vue, mais l'inquiétude se lisait parfaitement sur son visage, ses traits tirés en témoignant.

- Maîtresse Poulin de Sahrnia est accusée d'avoir soutenu les templiers rrrouges en Dalatie, exposa Joséphine, elle leur a cédé sa carrrière pour une coquette somme. Ils ont alors exploité le terrrain et asservi les villageois pour cultiver du lyrium rrrouge. Seule cirrrconstance atténuante : maîtresse Poulin engrrrangeait des prrrovisions afin d'assurer la survie des derrrniers habitants.

- Nous ne pouvons ignorer vos crimes, dit l'Inquisitrice impassible, mais il semble que vos intentions étaient louables.

- Mon crime n'a été qu'une erreur de jugement ! s'écria dame Poulin, vendre les terres devait assurer la prospérité du village en ces temps difficiles.

- Pourrrtant vous avez continué à accepter les paiements des templiers rrrouges, fit remarquer Joséphine, même aprrrès avoir découvert leurs vérrritables intentions.

- Et alors ? J'ai acheté de la nourriture pour ceux qui restaient, cela ne suffit pas ?

- Il était pourrrtant clair que vous les aviez vendues à l'ennemi, lança encore Joséphine, acerbe.

- On mourait de faim, s'écria la mairesse de Sahrnia, et ils m'avaient promis de rouvrir les mines ! J'ai eu tort de vendre la carrière dans la précipitation. J'ai fait mon possible pour me rattraper.

La foule chuchota à nouveau, certains scandalisés, d'autres compatissants. Après quelques instants, le silence fut ramené afin de laisser l'Inquisitrice rendre son jugement.

- Maîtresse Poulin, dit-elle sentencieusement, tout votre argent servira à reconstruire le village de Sahrnia. Si les habitants vous pardonnent, votre dette sera réglée.

La mairesse tomba à genoux devant la Marchéenne, envahie par le soulagement qu'elle ressentait.

- Votre Grâce, je ferai de mon mieux pour réparer mes erreurs.

Lédara allait pour se lever, pensant son devoir fini, quand un diplomate s'approcha discrètement de l'Ambassadrice et que celle-ci fit signe à l'Inquisitrice que cela n'était pas terminé. Elle resta assise et lança un regard interrogateur à sa conseillère qui semblait un peu déroutée, mais poursuivit sans le montrer à l'assemblée. Deux autres soldats arrivèrent dans le grand hall avec une caisse dont une odeur de mort émanait. Le silence se fit lourd dans la salle, personne ne comprenant ce qui se passait et ce qu'était cette caisse de bois qu'on présentait à l'Inquisitrice. Joséphine était de plus en plus nerveuse, et une fois que la caisse fut déposée devant Lédara, elle prit la parole, la voix légèrement tremblante :

- Je tiens à prrréciser que l'idée ne vient pas de moi, commença-t-elle rapidement, c'est une sombrrre histoire de titres, de drrroits de succession et…

Lédara ne put réprimer un air de dégoût, l'odeur pestilentielle envahissant l'espace.

- Halamshiral rencontrrre des difficultés pour libérer les rrroutes commerciales autrrrefois sous le contrrrôle de la Duchesse Florianne, finit par dire l'Ambassadrice au comble de la nervosité. Un prrrocès la prrriverait de ses avoirs, ce qui éviterrrait au passage d'interminables démarches. C'est pour cela qu'on nous demande de la juger.

Le Commandant s'avança au-devant de Joséphine, outré.

- L'Inquisitrice a déjà fait son travail, lança-t-il en colère, la Duchesse est morte !

Lédara garda le silence, observant la boîte qui contenait les restes de Florianne, celle-là même dont elle avait été couverte de sang à Halamshiral, l'ennemi qu'elle n'avait pas réussi à débusquer à temps pour empêcher l'assassinat de l'Impératrice Célène.

- Et vous trouvez cela normal ? demanda-t-elle enfin à Joséphine, je dois juger… un cercueil ?

L'Ambassadrice évita le regard de l'Inquisitrice et se tourna vers la caisse. Elle attendit quelques instants, puis continua le procès :

- Le temps rrréservé à la défense est écoulé. Ses crrrimes empêchent tout accès… Pardonnez-moi… Les émanations…

Joséphine semblait au bord des larmes Lédara, la situation l'irritant plus que ne la mettant mal à l'aise, poussa un petit rire nerveux. C'était ridicule. Elle ne pouvait croire qu'Orlaïs lui demande une chose pareille.

- Que voulez-vous que je dise ? lança-t-elle enfin, qu'on la mette aux travaux forcés ? Son crâne devra jouer une pièce sur la méchanceté et ses conséquences… Je juge également le cercueil : il finira en table basse dans un orphelinat.

- Ça ira, Inquisitrrrice, la coupa Joséphine honteuse, le message est clair.

Lédara poussa un profond soupir, tentant de garder une contenance calme.

- Grande Duchesse Florianne de Chalons : coupable, dit-elle sobrement, ses avoirs seront confisqués. Cela vous suffira-t-il, Joséphine ?

- Oui, Inquisitrrrice, et encore toutes mes excuses.

L'Ambassadrice prit note de l'affaire sur son écritoire, n'osant regarder l'Inquisitrice et ses autres conseillers. La foule était restée muette. Quand la caisse qui contenait la dépouille de Florianne fut sortie, tout le monde se dispersa en silence, les murmures se faisant discret sur ce qui venait de se passer. Lédara se leva avec dignité et se dirigea directement dans la salle du Conseil afin de relâcher la tension qu'avait provoquée cette situation. Ses trois conseillers la suivirent, ainsi que Cassandra. Une fois seuls, Joséphine se confondit en excuses :

- J'ai été prrrise de court ! Si j'avais été mise au courrrant de l'affaire avant, je vous en aurrrais parlé et nous aurrrions pu éviter cela, je…

- Joséphine, la coupa Lédara, ce n'est pas votre faute. Il n'y a aucune raison de vous en vouloir.

L'Ambassadrice poussa un profond soupir, soulagée, mais toujours nerveuse.

- Merci, Votrrre Grâce.

Joséphine retourna dans son bureau elle avait, elle aussi, besoin de relâcher la pression après ce qui s'était passé.

- Malgré la situation, vous avez plutôt bien réagi, dit Léliana qui n'avait prononcé un mot durant tout le jugement. Il faudra maintenant réfléchir sérieusement à la succession du duché. Si nous arrivons à y mettre une personne qui puisse servir nos intérêts, ce serait l'idéal…

- Pas maintenant, Léliana.

- Bien sûr, répondit la Maître-espionne, je vous poserai nos différentes possibilités par écrit d'ici peu.

Léliana sortit de la salle, suivie de Cullen qui ne voulait pas en rajouter. Lédara se retrouva seule avec Cassandra qui était restée à l'écart.

- Ces Orlésiens, dit-elle simplement.

Lédara se mit alors à rire, suivie par la Chercheuse, tellement la situation avait été absurde.

- Ils ne sont pas croyables, finit par dire la Marchéenne une fois calmée.

Les deux femmes se regardèrent un instant, et Lédara remarqua une lueur poindre dans les yeux de son amie.

- Des nouvelles des Chercheurs ? demanda-t-elle alors.

- Il semblerait qu'ils se soient retranchés à Caer Oswin, mais seule une descente dans le fort pourra le confirmer.

Lédara se tourna vers les deux immenses cartes qui couvraient la table en chêne et trouva le lieu dans la région de Férelden, à l'intérieur des terres. Avec la fonte des neiges, le voyage ne devait pas durer plus de huit jours à cheval.

- Nous partirons demain à l'aube, fit la Marchéenne. Qui voulez-vous emmener avec nous ?

- Une petite équipe suffira, je pense, répondit Cassandra. Vous, moi, Iron Bull et Solas, ainsi que quelques soldats.

- Bien, approuva Lédara, je vous laisse vous charger des préparatifs ? Je vais parler à Bull et Solas.

Cassandra sourit et sortit à la hâte de la salle de Commandement.

Le temps avait été clément, permettant au groupe de l'Inquisition d'atteindre Caer Oswin en six journées de voyage. Le fort se situait au sommet d'une colline recouverte d'une forêt dense dont le feuillage renouvelé du printemps verdoyait sous les rayons du soleil. La bâtisse semblait abandonnée depuis longtemps, et les soldats trouvèrent une entrée discrète par les soubassements, couverte de lierre et de ronces. Avant de pénétrer dans le fort, Lédara fit un dernier point de situation avec son équipe :

- On ne sait pas ce qu'on va trouver de l'autre côté de cette porte, dit-elle franchement, on ne riposte que si on nous attaque. Cassandra, il me semble que vous connaissez les lieux.

- Oui, répondit la Chercheuse, c'est l'une des caches des Chercheurs, mais cela faisait bien longtemps qu'elle n'était plus utilisée pour différentes raisons. Caer Oswin… c'est étonnant que la piste nous entraîne ici. Bann Loren, à qui appartient cette forteresse, est un homme modeste et pieux. Dans quoi s'est-il fourré ?

- Il a peut-être été forcé, suggéra Lédara.

- Oui, peut-être. Voyons ce qui se trouve ici, conclut Cassandra.

L'Inquisitrice donna le signal aux soldats d'entrer, suivis de près par les quatre compagnons. La porte donnait accès aux geôles du donjon transformées en dortoir. Le groupe de l'Inquisition avança prudemment afin de garder l'effet de surprise, mais ils se heurtèrent très vite à l'hostilité d'hommes en armure arborant une croix auréolée. Ceux-ci attaquèrent à vue, reconnaissant l'emblème de l'Inquisition. Une fois leurs adversaires maîtrisés, Cassandra inspecta le blason.

- Des Prometteurs, murmura-t-elle, j'aurais dû m'en douter.

Lédara lui jeta un regard interrogateur.

- L'Ordre de la Promesse Ardente est un culte aux étranges croyances sur les Chercheurs, expliqua Cassandra, ils nous traquent depuis des siècles.

- Quel genre de croyances ? demanda la Marchéenne.

- Ils pensent que ce sont eux les Chercheurs. Les seuls et uniques. Ils prétendent que nous leur avons volé leurs pouvoirs il y a bien longtemps, les empêchant de provoquer la fin du monde.

- Pardon ? s'exclama l'Inquisitrice, étonnée.

- Pour eux, c'est le seul moyen d'éradiquer le mal. « Et le monde renaîtra en un paradis », cita la Chercheuse, c'est absurde.

- Pourquoi les Chercheurs ne se sont-ils pas occupés d'eux ? grogna Iron Bull.

- Nous l'avons fait, répondit Cassandra, et plus d'une fois. Mais ils finissent par refaire surface, comme les mauvaises herbes. Personne ne sait comment.

- Je ne comprends pas cette manie de vouloir tout détruire, murmura Lédara en plaisantant.

- Cela expliquerait l'éventuelle présence des Chercheurs ici, mais pas le lien avec Corypheus, réfléchissait tout haut Cassandra, n'ayant pas entendu.

- Continuons à chercher, conclut Lédara.

Le groupe s'engouffra dans les salles de l'ancien donjon, surveillant leurs arrières et avançant prudemment afin de ne pas rameuter l'entier de l'Ordre sur eux. Le fort était typiquement féreldien et Lédara reconnut des morceaux de plans du château de Golefalois, quoique Caer Oswin semblait être une construction plus ancienne. L'endroit avait été longtemps abandonné, en témoignaient les amas de poussière et de toiles d'araignées, et les nombreuses traces de pas au sol indiquait que l'Ordre de la Promesse ardente n'était là que depuis peu. Au détour d'un couloir, dans le fond d'une pièce sombre, l'on vit un cadavre d'un soldat Cassandra reconnut l'un des Chercheurs.

- Il semble avoir été torturé à mort, murmura Lédara en observant le corps.

- Les Prometteurs paieront pour cela, grogna de dégoût Cassandra.

Ils quittèrent silencieusement la pièce et atteignirent une petite porte donnant accès à une large cour où une dizaine de Prometteurs s'affairaient à différentes tâches. La Chercheuse organisa l'attaque qui fut expéditive. Il était essentiel que l'Inquisition ne se fasse pas remarquer et se devait donc d'être silencieuse et efficace. Tous les soldats choisis par Cassandra avaient parfaitement intégré ces deux préceptes et exécutaient la mission à merveille. Une fois les corps des Prometteurs morts mis à l'abri dans les étables de la cour, Lédara et ses compagnons les fouillèrent afin de ne laisser aucun indice derrière eux. L'un des hommes détenait un parchemin soigneusement plié dans son plastron Cassandra le prit vivement et le lut à voix haute :

- « Les Chercheurs de la Vérité s'étant montrés résistants aux effets du lyrium rouge, l'Ancien a décidé de les placer sous votre tutelle. Prenez le contrôle de votre destin et n'oubliez pas que l'Ancien attend votre dévotion en remerciement. » Signé : Seigneur Samson, Commandant des templiers rouges.

- Le voilà, notre lien, maugréa Lédara.

- Corypheus ne se rend donc pas compte que les Prometteurs veulent la fin du monde ? s'exclama Cassandra, à quoi lui servent-ils ?

- Ils vont tellement bien ensemble, grogna Bull.

- C'est moche, renchérit la guerrière, mais cela n'explique pas comment il est parvenu à capturer les Chercheurs ou ce qu'il en a fait. On doit continuer de chercher.

- La lettre disait que les Chercheurs étaient résistants au lyrium rouge, fit remarquer Lédara.

- Nos capacités nous confèrent de nombreux dons, mais une résistance à la corruption du lyrium rouge ? Cela m'étonnerait. Cependant, cela expliquerait pourquoi on n'en compte aucun parmi les templiers rouges… De ce fait, les Chercheurs seraient inutiles à Corypheus. Il n'aurait aucune laisse pour nous contrôler.

- On les trouvera, Cassandra, dit Lédara en se relevant et en s'approchant de son amie.

- Je sais bien, murmura la Chercheuse, d'une façon ou d'une autre.

L'Inquisitrice fit signe au reste du groupe qu'ils reprenaient les recherches. Ils montèrent un escalier pour accéder aux portes du bâtiment principal, là où se trouvaient jadis les appartements de bann Loren. Ils tombèrent effectivement dans le hall principal où ils rencontrèrent une faible résistance. Les lieux, autrefois vastes et plaisants, avaient été transformés en entrepôts : des caisses et des tonneaux pleins de vivres étaient entassés contre les murs. A l'étage, la salle de réception avait été changée en réfectoire avec de longues tables et des bancs. L'Inquisition continua à parcourir les pièces en silence, guettant le moindre bruit. Le groupe s'élevait dans les étages et commença à voir du lyrium rouge incrusté dans les murs. Arrivée en haut d'une nouvelle volée d'escalier, Cassandra s'arrêta net : sur le palier de la prochaine volée se trouvait un jeune homme adossé contre les marches de pierre. La Chercheuse accourut auprès de lui, effondrée.

- Daniel ! Daniel, vous m'entendez ? dit-elle précipitamment en s'agenouillant auprès du jeune homme.

- Celui-ci était toujours vivant, mais semblait d'une extrême faiblesse. Son visage était pâle et couvert de veinures rougeâtres. Ses yeux, enfoncés dans leur orbite, étaient injectés de sang.

- Cassandra ? gémit-il péniblement en entendant la Chercheuse. C'est… c'est bien vous ? Vous êtes en vie…

- Et vous aussi, le rassura la Chercheuse, je suis contente de vous avoir trouvé.

- Non, murmura Daniel, ils… ils m'ont mis un démon dans le corps, il me dévore.

- Quoi ? s'exclama Cassandra affligée, c'est impossible ! Vous ne pouvez pas être possédé !

- Je ne suis pas possédé, tenta d'expliquer le jeune homme mourant, ils m'ont nourri avec… je ne sais pas... Je le sens grandir.

Lédara regarda la scène désolée. Il était clair que le jeune homme était condamné, et la Chercheuse en était consciente.

- Cassandra, murmura la Marchéenne.

Daniel essaya de se relever, mais la guerrière l'en empêcha, le prenant tout contre elle.

- Le Seigneur Chercheur, souffla-t-il.

- Bien sûr qu'on le trouvera, le rassura Cassandra, s'il est vivant, on…

- Lucius nous a trahis, Cassandra, la coupa-t-il, il nous a envoyé ici, un par un. « Pour une mission importante », il disait. Mensonges…

Le jeune homme toussota, ses dernières forces le quittant inexorablement.

- Il était avec eux depuis le début, reprit-il, et il travaille toujours avec eux.

Lédara s'était agenouillée auprès des deux Chercheurs.

- Mais nous avons rencontré le Seigneur Chercheur Lucius à Val Royeaux peu de temps après l'explosion du Conclave, se rappela l'Inquisitrice.

- Ce n'était pas lui, dit Daniel, c'était un démon déguisé.

- Quoi ? s'exclama encore Cassandra qui ne comprenait plus rien. Ce n'est pas possible, les Chercheurs ne peuvent pas…

- Le Seigneur Chercheur l'a permis, lui révéla Daniel, il a laissé le démon prendre le contrôle pendant qu'il…

- … Venait ici, finit Cassandra.

La Chercheuse ne savait plus que penser. Elle savait que quelque chose était arrivé à son Ordre, mais pas qu'il avait été corrompu à ce point. Cette lueur d'espoir qui brillait dans ses yeux venait de s'éteindre, remplacé par la tristesse et une colère sourde.

- Cassandra, murmura Lédara à son amie, nous allons tout faire pour l'arrêter.

La guerrière hocha lentement la tête. Elle regarda le jeune homme qu'elle tenait dans ses bras. Celui-ci sentait sa mort approcher.

- Ne me laissez pas comme cela, la supplia-t-il, je vous en prie…

- Vous auriez dû venir avec moi, murmura Cassandra la voix tremblante, vous ne croyiez pas plus à cette guerre que moi.

- Vous me connaissez, répondit Daniel, je voulais tellement cette promotion…

- Rejoignez le Créateur, Daniel. Vous y avez toute votre place.

Cassandra jeta un bref regard à son amie. Lédara sortit l'une de ses dagues et la lui tendit. La Chercheuse murmura une dernière prière, inaudible, puis trancha la gorge du jeune homme. Elle l'allongea au sol et replia ses bras en croix sur sa poitrine. Lédara posa une main sur l'épaule de son amie, respectant son silence.

- C'était mon apprenti, dit Cassandra au bout d'un moment, je n'ai jamais rencontré de jeune homme aussi exemplaire.

La Chercheuse se redressa et son visage s'assombrit, envahi par la colère :

- Et maintenant, trouvons le Seigneur Chercheur Lucius.

Cassandra monta la volée d'escaliers, laissant le cadavre de son apprenti derrière elle. Rien ne pourrait l'arrêter dorénavant. Le reste du groupe la suivit en silence. L'équipe parcourut les étages à la recherche du Seigneur Chercheur, jusqu'à arriver au sommet d'une tour où la plupart des Prometteurs s'étaient retranchés. Cassandra combattait chaque ennemi avec une fureur sourde : d'apparence calme, elle ne faisait qu'une bouchée de ceux qui se dressaient contre elle. Lédara était fort inquiète pour son amie et savait qu'il lui faudrait agir si cela devait partir en vrille. Quand l'Inquisition atteignit le dernier étage, l'homme que Cassandra avait tant en haine les attendait, assis derrière un large bureau, calme et serein.

- Seigneur Chercheur Lucius, dit sombrement Cassandra.

L'Inquisitrice donna l'ordre aux soldats de surveiller les étages inférieurs pendant qu'elle-même, Cassandra, Bull et Solas s'entretiendraient avec Lucius.

- Cassandra, l'accueillit le Seigneur Chercheur, avec quelqu'un qui est sans nul doute le nouvel Inquisiteur.

- Vous allez devoir vous expliquer, lui lança Lédara en s'avançant au-devant de lui.

Le Seigneur Chercheur se leva lentement et fit quelques pas dans la pièce en direction d'une fenêtre. Cassandra bouillonnait aux côtés de Lédara, et celle-ci posa discrètement sa main sur son épaule afin de lui signifier de ne rien faire d'irréfléchi. Lucius observa un instant l'horizon, puis prit enfin la parole :

- Vous savez sans doute que les Chercheurs de la Vérité formaient la première Inquisition… C'est vrai. Nous nous sommes battus pour rétablir l'Ordre à une époque où la folie régnait, il y a longtemps. Et nous en avons tiré une fierté. Nous avons voulu refaire le monde. Le rendre meilleur.

Il s'arrêta un instant. Chaque mot qu'il prononçait était soigneusement choisi et appuyé par sa voix grave et légèrement éraillée. Son regard semblait s'être perdu dans un lointain passé.

- Mais qu'avons-nous créé ? La Chantrie, continua-t-il calmement. Les Cercles des mages. Et une guerre qui continuera longtemps.

- Alors vous vous êtes dit qu'aider Corypheus réglerait tous les problèmes ? lui lança Lédara d'un ton accusateur.

- Corypheus est un monstre aux ambitions limitées, répondit Lucius.

- Et votre ambition à vous est tellement plus noble, cracha Cassandra avec colère.

- Les Chercheurs sont des abominations, Cassandra, dit-il toujours aussi calme. Nous avons créé un monde décadent et nous nous sommes battus pour le préserver, alors qu'il s'écroulait. Il fallait nous arrêter.

Cassandra le regardait avec dégoût, sa main posée sur la garde de son épée, prête à dégainer. Lédara resta en avant, maintenant de la distance entre les deux Chercheurs.

- Vous ne me croyez pas ? lança Lucius à la Chercheuse, voyez par vous-même.

Il retourna à son bureau et y prit un ouvrage volumineux qu'il vint tendre à la Chercheuse. La couverture était ornée de l'emblème des Chercheurs de la Vérité, un œil rayonnant incrusté dans le cuir usé. Il était scellé d'un verrou d'argent et le dos possédait de lourdes charnières qui permettaient l'ouverture du livre. Cassandra saisit prudemment le livre entre ses mains.

- Les secrets de notre Ordre, continua Lucius, transmis du précédent Seigneur Chercheur, qui a été tué. La guerre avec les mages avait déjà commencé, mais il n'était pas trop tard pour que j'agisse.

- Vous avez livré les templiers à Corypheus, grogna Cassandra, la colère faisant trembler sa voix, vous avez fait tuer tous les Chercheurs.

- Ce que Corypheus a fait avec les templiers importe peu, répliqua le Seigneur Chercheur, j'ai vu l'avenir. J'ai créé un nouveau monde pour remplacer l'ancien. Ce monde prendra fin pour que le prochain existe. Un vrai renouveau.

Une lueur démentielle avait envahi le regard de Lucius qui parlait avec de plus en plus de ferveur.

- Rejoignez-nous, Cassandra. C'est la volonté du Créateur !

A ce moment, la Chercheuse laissa tomber le livre à terre et dégaina son épée. Lédara fit signe à Bull de la retenir alors qu'elle-même prit sa dague au poing. Lucius avait lui aussi sortit son épée de son fourreau lorsqu'il comprit qu'on ne le suivrait pas et allait l'abattre sur l'Inquisitrice quand il s'arrêta soudain. Un filet de sang sortit de sa bouche la jeune Marchéenne avait été plus rapide et avait fait glisser sa lame sous la gorge du Seigneur Chercheur. Cassandra foudroya son amie du regard, ne comprenant pas ce geste.

- Pourquoi m'en avoir empêché ! s'écria-t-elle alors.

L'Inquisitrice se tourna vers elle et la regarda droit dans les yeux.

- L'Inquisition a rendu son jugement, Cassandra.

Le regard de la Chercheuse changea du tout au tout : elle comprit que Lédara voulait lui épargner les conséquences d'un tel acte. Si Cassandra avait tué le Seigneur Chercheur, peu importe s'il était devenu fou ou non, jamais elle n'aurait pu accéder au titre de Divine, ou d'un quelconque Ordre. Simplement parce que son acte aurait été considéré comme une vengeance pure et simple de ses frères d'armes. Cassandra baissa les yeux, ébranlée au plus haut point. Lédara donna l'ordre au reste de l'équipe de quitter Caer Oswin, leur mission étant terminée. La Chercheuse ramassa le livre à ses pieds et l'emporta, suivant le groupe comme une ombre égarée.