Hey ! Voici le second chapitre de ce récit :)
Je tiens à vous prévenir avant le véritable début de cette histoire : Les sujets abordés ne seront pas forcément des plus plaisants - addictions, harcèlement, violence, terreur. Je ne sais pas encore exactement combien de chapitres comportera cette fiction mais je sais déjà qu'il y en aura un peu trop. Je ne veux pas bacler mon écrit mais je sais pertinemment que la longueur d'une histoire peut effrayer. Je m'attache également à l'histoire de chaque personnage. Je ne veux pas vous donner des personnalités clichés, sans profondeurs.
Je souhaite également remercier Gg - je crois que c'est ton pseudo, excuse-moi si je me trompe - pour ton commentaire. J'espère que ce chapitre te plaira tout autant ;) Merci également pour les follows et les favs :)
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture :D
- Dimanche, six jours avant le départ -
« Alors, t'en penses quoi ? »
La jeune femme tourna à peine le regard en direction de sa soeur.
Du coin de l'œil, elle distingua ses lèvres étirées dans un sourire doux mais excité, la retranscription parfaite de ce sourire que la plus vieille portait comme quand elle était gosse et que le père Noël passait rapidement leur faire un petit coucou pendant le repas de famille. Petit coucou qui s'était rapidement transformé en cauchemar le soir où, enivré de son jeu d'acteur, leur oncle avait décidé que ce ne serait pas très grave d'aller boire un apéro avant de passer voir ses nièces.
Lexa l'avait longuement imaginé dire une phrase dans le genre ''Oh, vous savez, les petites m'adorent ! Alors je peux avoir un peu de retard, elles ne me détesteront pas !''
Lorsqu'il avait franchi la porte d'entrée, l'oncle avait oublié sa barbe et son ventre débordait de son costume. Cette vision n'était pas parfaite et ne trompait personne mais cela en fut fini du père Noël quand il gerba les restes du Chardonnay sur la table du salon joliment décorée pour l'occasion.
Ce fut la seule fois où Lexa vit le sourire d'Anya s'effondrer. Si ses souvenirs étaient encore corrects, elle se rappelait même de l'avoir entendue chialer dans les bras de leur mère. Pour sa part elle n'avait rien dit, elle n'avait pas pleuré bien qu'elle était la benjamine de la famille.
Non.
Elle avait juste eu le temps de sentir l'odeur de la médiocrité avant que son père ne la traîne dans la cuisine…
Elle secoua le visage, sa lèvre inférieure bloquée entre ses dents de devant, concentrée.
« J'en penses que c'est complètement con. »
Anya soupira avant de secouer les deux billets sous le nez de la jeune femme. Celle-ci grogna des mots inintelligibles tout en balayant d'une main distraite le bras de sa voisine.
Elle y était presque, il était hors de question qu'elle perde à ce niveau du jeu.
« Deux billets. J'ai obtenu deux billets, tu te rends compte à quel point c'est compliqué d'en choper ? J'ai payé le double pour les obtenir sur le site officiel. Elle s'assit d'un bond sur le lit, dérangeant sa petite-sœur qui lui envoya un mauvais regard. T'imagines ? Toi et moi, roulant à fond en direction de ce festival, le soleil, la chaleur, l'odeur de l'asphalte, un paysage désertique, des lunettes de soleil rétro-futuriste, aller dormir à la belle étoile... Le rêve quoi !
- Parle pour toi, grommela Lexa en crispant la mâchoire.
- Un road-trip avec sa soeur préférée, personne ne refuserai cette offre,
- Tu es ma seule sœur, ça me paraît logique que tu sois ma préférée, je n'ai pas eu grand choix. »
Anya l'observa un instant et, si Lexa lui avait prêtée la moindre attention, elle aurait rapidement décelé ce rictus effronté qui ne présageait rien de bon.
« Au fait, commença-t-elle.
- Hum hum... »
La brunette renifla et s'avança sur le bord du lit pour obtenir une meilleure vision de l'écran de télévision posé sur le bureau. Encore un petit effort et sa nuit blanche passée à se nourrir seulement d'oreo et de jus d'orange bas de gamme finirait par payer.
« J'ai largué Lincoln. »
La cadette stoppa ses fins doigts en action sur la manette et resta un moment interdite.
Anya a largué ce connard prétentieux... Anya a largué l'homme de sa vie. Qu'est-ce que... ?
Elle fut dans l'incapacité totale de prononcer le moindre mot pendant un laps de temps incertain. Elle fut même incapable de vaincre ce monstre, en bas à droite de l'écran, qui allait ruiner ses heures d'efforts et de concessions.
Un stupide monstre n'atteignant même pas le niveau trois.
Niveau trois, bon sang...
« Tu m'as entendue ? »
Évidemment qu'elle l'avait entendue, il n'y avait qu'elle pour parler dans ce genre de moment aussi important et solennel ; il n'y avait qu'elle pour oser entrer dans sa chambre sans frapper et enfin, il n'y avait qu'elle pour venir la déranger ainsi. D'ailleurs, elle n'eut même pas à tourner le visage, suspicieuse et principalement curieuse.
Elle capta dans la voix de sa sœur une légère intonation trompeuse.
Cette information vint la frapper aussi subtilement qu'un tyrannosaure dans une galerie d'art. Une bonne gifle n'aurait pas été aussi humiliante.
Un niveau trois, sans déconner ?
« T'es pas en train de me faire une blague, j'espère, Anya ? »
Enfin elle osait la fixer.
Sa voisine eut un mal fou à retenir son ricanement et gâcha son jeu d'actrice médiocre à l'instant où, sur le bord gauche de ses lèvres, un creux se forma. Elle finit par largement sourire et Lexa comprit son manège d'enfant trop gâté.
Un bruit sourd résonna et les deux sursautèrent.
Le téléviseur afficha, moqueur, une couleur rouge pastel qui s'étira longuement pendant une dizaines de secondes avant que n'apparaisse le message suivant : Dead. Le son du jeu était lourd de sens et n'empêcha pas de masquer la colère sourde de la joueuse.
Dead par un enfoiré de niveau trois... niveau trois... NIVEAU TROIS !
« Nonnnn ! » s'exclama Lexa en descendant du lit pour s'agenouiller devant la télévision.
De dos elle paraissait bien ridicule : Agenouillée comme si elle priait une icône en forme de cube de la marque Samsung et rageuse au point de lâcher des insultes que sa sœur n'avait pas la moindre idée, avant ce moment, de l'existence.
Cette dernière sortit son portable de sa poche arrière et ouvrit l'application Snapchat dans un silence qu'elle trouvait bien trop hilarant. Elle farfouilla dans les filtres moches et finit par trouver ce qui semblait convenir au mieux à la situation.
Devant elle, toujours abasourdie par sa défaite, Lexa continuait d'insulter sans compassion ce monstre hideux aux allures de petit vieux flétri et impoli. Ce genre de petit vieux que vous pouviez croiser dans le métro et qui se mettait à vous juger simplement parce que vous paraissiez trop jeune à ses yeux. Elle détestait par-dessus tout, ce genre de vieux, ce genre d'individu qui se prenait pour le centre du monde, ce genre de monstre de niveau trois pouvant réduire à néant des heures de concentration.
Elle détestait soudainement son aînée qui l'avait déconcentrée.
Les prunelles de la brunette tournèrent au noir.
Qui était-elle pour se faire humilier ainsi par un monstre de niveau trois... Elle sentit ses yeux picoter et ses cernes se marrer :
Tu nous prives de sommeil pour te faire éclater de cette manière ? Bien joué en tout cas, tu n'as que ce que tu mérites !
Un second bruit sourd éclata dans l'air accompagné d'un flash non-volontaire.
« Merde... » marmonna Anya en planquant le plus rapidement l'objet du délit dans son dos avant que sa soeur ne l'aperçoive.
Manque de chance pour elle , les réflexes de la benjamine ne manquaient pas de rapidité et, en à peine quelques secondes, elle lui sautait dessus violemment en la poussant contre le lit. Les deux basculèrent lourdement sur le matelas, l'une essayant de s'échapper, l'autre essayant d'étouffer sa voisine avec un des coussins mit à disposition.
« T'as intérêt... à... effacer... cette photo ! » s'exclama Lexa essoufflée par les coups qu'elle assénait à sa victime.
Anya ne pouvait s'empêcher de rire entre deux attaques bien qu'elle commençait à craindre le ton énervé de sa petite-soeur.
« C'était pour rire ! Je vais l'effacer alors arrête de- elle ne put terminer sa phrase, recevant le coussin en pleine figure. Lex' ! »
D'un geste habile du genoux elle contra le nouveau lancé de la brunette et parvint même à l'écarter à l'autre bout du lit. Elle la fixait d'un regard meurtrier et la jeune femme était certaine que si ses pupilles avaient été des mitraillettes, elle serait morte sur place s'en avoir pu dire un mot supplémentaire. Mais ses yeux n'étaient que des yeux - bien joué Watson - alors elle pouvait fuir... ou lui renvoyer la balle.
Se sentant démunie d'un moyen de contre-attaque, elle finit par récupérer la vieille peluche en forme de tigre de Lexa qui traînait dans son dos.
La brunette se jeta sur elle sans ménagement, la poussant juste au bord du matelas dont le sommier laissa transparaître un craquement.
« Un niveau trois Anya ! Le coussin frôla le visage de la concernée dans un bruit étouffé. Un putain de niveau trois ! »
La victime l'observa une seconde avant de rigoler à plein poumon. Lexa n'était pas forcément en colère pour la photo, ni pour l'annonce de l'obtention des billets. Au contraire, elle avait l'air d'en avoir rien à faire. Cependant l'idée d'être morte dans un jeu vidéo quelconque la transcendait bien plus qu'autre chose... Du Alexandria tout craché, pensa-t-elle en évitant un nouveau coup.
Bon, ça commençait à devenir énervant ce comportement.
« Calme toi ! Tu peux toujours rejouer le niveau ! »
Lexa s'arrêta nette dans son geste.
Ses cheveux bruns qui lui tombaient devant ses yeux se mouvaient encore légèrement et étaient un peu ébouriffés. Coupés récemment dans un jolie carré, ils ne pouvaient plus cacher cet énervement sourd qui la contrôlait.
Elle se dit qu'elle devait avoir l'air d'une folle furieuse à agir ainsi... Mais elle venait de passer une nuit blanche à dégommer du monstre et à remplir des quêtes angoissantes et surtout inintéressantes. Une nuit entière à manger des oreos, à boire du jus d'orange à la bouteille, à se frotter les yeux de fatigue... Et voilà que son abrutie de grande sœur venait la déranger pendant le combat final. Voilà que sa sœur lui expliquait toute contente qu'elle l'invitait avec elle à aller à un festival minable à l'autre bout de leur région. Voilà que sa sœur détruisait en une phrase ses efforts et voilà que sa sœur, toujours aussi débile, lui disait qu'elle pouvait rejouer le niveau.
Lexa l'aurait fait. Elle se dit que, en y repensant, c'était pas si bête comme proposition. Seulement durant cette longue nuit pendant laquelle elle n'avait pas bougé de son siège, elle n'avait pas pensé une seule fois à sauvegarder sa partie. Je le ferai juste après cette quête. Puis était apparu le boss. Comme heureux de bloquer la jeune femme dans une boucle infernale : une fois entré dans le combat, il était impossible de sauvegarder.
Impossible de sauvegarder une nuit entière de non-sommeil.
Et voilà où elle en était alors que son radio-réveil n'affichait que neuf heures et demie du matin : À moitié debout sur son propre lit, un coussin entre ses mains juste au-dessus de sa tête, ses cheveux en pétards, prête à frapper sa soeur sans une once de pitié pour le sang familial.
« Rejouer le niveau ? Répéta-t-elle comme lointaine à son propre corps. Rejouer le NIVEAU !
- Bah quoi ? »
Profitant de la stupeur de la plus petite, Anya lui balança la peluche droit dans sa figure fatiguée. Surprise, elle lâcha un hoquet, frappée de plein fouet, avant de s'écarter d'un pas laissant le chemin de la porte de la chambre libre de vue. Ne manquant pas l'occasion de fuir, Anya prit ses jambes à son cou, roula sur le côté pour atterrir un peu plus violemment que prévu sur la moquette couvrant le sol.
Réagissant enfin, elle n'eut pas à attendre une éternité avant d'entendre le sommier craquer de nouveau, trahissant la venue de la plus jeune.
« Tu vas me le payer Anya ! Revient ici ! »
Elle l'entendit qui sautait pour venir à sa rencontre.
« C'était pour rigoler, t'énerves pas comme ça ! T'as tes règles ou quoi ? »
Pensant enfin pouvoir respirer sans devoir se défendre, la jeune femme se releva afin d'atteindre la poignée de la porte. Mais c'était sans prévoir le retour en force de Lexa qui la plaqua au sol un peu plus brusquement que ce qu'elle n'avait prévu.
Le souffle d'Anya se bloqua une seconde dans sa cage thoracique et elle regretta immédiatement d'avoir forcé leurs parents à inscrire Lexa au club de rugby lorsqu'elles étaient jeunes.
Elle a besoin de socialiser, de se défouler... Quelle arnaque, se dit-elle.
« La vache, t'y vas pas de main morte... grogna-t-elle en essayant de se dégager.
- Ça doit être les hormones qui me jouent des tours, imbécile ! »
La brunette lui donna une petite tape derrière le crâne avant de se relever.
« Et tu crois vraiment que blaguer sur ta relation avec Lincoln est très drôle ?
- J'ai pas dit ça,
- Oh, fit semblant de s'étonner la cadette. Alors tu l'as vraiment largué ? »
La jeune femme se massa quelques secondes l'arrière du crâne avant de se relever tant bien que mal. Elle se tenait les côtes d'une manière que sa petite sœur aurait trouvé comique si elle n'était pas autant énervée contre elle.
« Bien sûr que non, c'est l'-...
-... l'homme de ta vie, blablabla. » termina Lexa en mimant de grands gestes moqueurs.
Anya maugréa dans sa barbe imaginaire.
« Je me disais bien que c'était suspect... Mais en attendant, tu m'as fait perdre. »
Anya se préparait déjà à lui répondre d'un air joueur mais elle aperçut du coin de l'oeil la jeune femme qui serrait de nouveau dans sa main droite un des coussins vengeurs.
« Je t'ai fait gagner du temps, tenta-t-elle. Regarde, maintenant tu peux me donner ta réponse directement sans être distraite ! Si ce n'est pas un coup de génie de ma part, je ne vois pas ce que c'-
- De quelle réponse tu parles ? » s'enquit Lexa en avançant d'un pas la faisant reculer machinalement.
La plus vieille posa une main fébrile sur la poignée de la porte, prête à s'enfuir si la situation dérapait. Et elle savait que la situation allait déraper. Elle parlait avec Lexa. Elle discutait d'un festival avec sa petite-soeur.
« Pour le festival. »
Le rire de la brunette résonna bruyamment dans la pièce.
« Tu crois sincèrement que je vais aller m'enterrer avec toi à des centaines de kilomètres d'ici pour voir des artistes dont tu ne connais même pas le nom jouer ?
- Je connais... euh, elle posa un doigt sur son front. Tu sais ce groupe que j'écoutais quand j'étais au lycée et que tu détestais et-
- Justement Anya, je détestais ton groupe de pseudo rockeurs. C'est évident que je vais pas sauter de joie pour aller les voir. Et puis t'as qu'à demander à l'homme de ta vie de t'accompagner.
- Lincoln par chez ses parents une semaine pour suivre une convention sur je sais plus trop quoi...
- Je vois que tu l'écoutes vachement ton futur mari, se moqua Lexa avant de reprendre son sérieux. Bon, maintenant sors de ma chambre avant que je ne t'éclate le crâne contre le sol une nouvelle fois. »
Elle avança d'un nouveau pas et Anya leva les mains en l'air en signe de neutralité.
« Ok ok ok, calme toi Batwoman, elle ouvrit la porte et, juste avant de partir pour de bon, elle lâcha dans un filet de voix qui ne passa pas inaperçue : Je te laisse une semaine pour y réfléchir j'ai déjà préparé mes affaires pour vendredi soir. »
La porte claqua et obligea Lexa à murmurer sa réponse pour elle-même :
« Tu peux toujours rêver... abrutie. »
En arrière plan continuait de se jouer le son du jeu vidéo. Inlassablement, comme s'il s'agissait d'un moyen narquois de l'humilier un peu plus. Rageant entre ses dents serrées, l'adolescente attrapa d'un geste vif la télécommande et éteignit l'écran avant d'en faire de même pour sa console.
Elle partit s'allonger sur le lieu qui avait accueilli un combat quelques minutes plus-tôt et lâcha un long bâillement équivoque.
Une nuit gâchée pour rien... Maugréa-t-elle en récupérant son petit tigre en peluche qui venait de subir un véritable affront. Elle passa ses doigts sur le front de son vieil ami, les yeux fixés au plafond, et l'esprit occupé à s'énerver contre sa sœur.
Je détestais ce groupe...
Quelque chose vibra tout à sa droite et fit trembler dans un mince écho le matelas. Elle reconnut ce vibremment si caractéristique et hésita quelques secondes avant d'attraper son portable à bout de bras.
Une notification apparut au centre : Any_a' vous a identifiée dans une publication.
Elle se releva abruptement et mit un moment à faire disparaître le sentiment d'avoir sa tête qui tourne. Elle ouvrit Instagram et, avant d'aller jeter à un œil au compte de sa chère sœur, elle prit un peu de son temps pour liker deux trois publications. Du dessin, de la photographie, un acteur d'une série à la mode. Une publicité également qu'elle vit passer d'un œil terne.
Et, enfin, lorsqu'elle découvrit la publication, elle se crispa.
« ANYA ! s'écria-t-elle sans attendre. Supprime immédiatement cette putain de photo de ton compte ! »
Le son d'une musique dans des enceintes résonna en termes de réponse et Lexa l'injuria de tous les noms en retombant sur le lit qui ne s'empêcha pas de craquer à nouveau sous son poids.
« Quelle journée de merde... » lâcha-t-elle à haute voix.
Fermant les yeux, elle essaya de trouver un semblant de sommeil pour calmer son tempérament colérique. Malheureusement, elle le savait pertinemment, quand on venait de passer une nuit blanche, il était rare de retrouver les bras de Morphée aussi simplement. Au contraire, on se sentait soudainement énergique, soucieux de vouloir faire quelque chose, n'importe quoi. Juste... S'occuper l'esprit, peut-être bien.
Sa solution s'afficha comme par magie ou simplement par instinct devant ses paupières closes : ouais, maugréer contre sa sœur s'annonçait être une sacrée bonne occupation.
Elle peut se les mettre où je pense ses putains de billets...
Un nouveau vibremment la tira de ses insultes et elle se tenait prête à aller défoncer d'un bon coup d'épaule la porte de la chambre de Anya si celle-ci avait encore décidée de l'afficher ainsi sur les réseaux.
J'ai l'air vraiment débile, même de dos, sur cette photo...
Elle vit d'abord le nom du correspondant s'afficher puis, elle fut attirée par la taille du message qui sortait de la norme. Rien que de voir apparaître ce nom sur cet écran sortait de la norme. Avec ce constat, son estomac remua maladroitement dans son ventre et lui fila un soudain stresse qu'elle pensait pouvoir éviter une fois protégée par les murs blancs de sa jolie chambre.
Ses doigts devinrent moites alors qu'elle ouvrait pleinement le message.
De Costia : mignonne la bébé lesbos devant ses jeux vidéos. Tu sais que tout le lycée te déteste déjà ? Puis ta sœur qui en rajoute... Ça n'arrange pas ton cas. M'enfin bon, la lesbienne fait pas le moine. T'es vraiment un putain de cliché, n'ose même pas m'adresser la parole une nouvelle fois lundi. Je te glisserais tes affaires dans ton casier. Ma soeur te remercie.
Elle relut le message une bonne quinzaine de fois avant de s'en détacher en balançant son portable à l'autre bout du lit.
Le moindre de ses gestes, la moindre parole, le moindre remords, la moindre amitié qu'elle espérait entretenir pouvaient être balayés si facilement qu'elle eût envie de chialer comme sa sœur l'avait fait le jour de Noël.
Elle eut envie de revoir cet oncle bourré mort trop tôt. Lui au moins n'aurait pas détruit aussi simplement son quotidien. En cette ancienne compagnie, vivre ce genre de terreur n'était juste qu'un mauvais moment à passer. Un instant à regretter de l'avoir amené puis se dire que ce n'était pas si grave que cela et que, d'ici quelques semaines, la famille en rigolerait autour d'une table bien dressée. Une semaine, voilà combien de temps aurait duré sa haine contre le faux père Noël.
Mais là c'était bien différent.
Tout était différent pour l'esprit étriqué de cette petite ville perdue dans la campagne fourbe d'Arizona, pleine de mépris et de secrets dont on ne devait jamais aborder le thème sous peine de se voir lapider en place publique.
Aujourd'hui et cela depuis environ cinq mois, Lexa était la victime de l'esprit bordé de perfection de sa propre ville. Elle était la jeune femme que la population viendrait voir sur l'échafaud. Elle était celle qui avait dévoilé son orientation sexuelle à son amie, au cours d'un froid mois de décembre, les joues rougies, le regard baissé sur ses chaussures et le nez glacé.
Son écran s'alluma sans discontinuer et elle fut obligée de le mettre en mode avion pour ne rien subir d'autre. Insulte, insulte, prêcheur, insulte. Jouer le rôle de la morte lui paraissait bien plus concret que tout cela.
Puis, le pire la frappa de plein fouet et elle eut la soudaine envie d'aller se jeter devant la porte de sa mère pour y pleurer à chaudes larmes :
Sa propre sœur ne savait même pas le mal qu'elle lui faisait en publiant une maigre photo.
