Merci à celleux qui me lisent, et surtout qui postent des reviews, ça me touche beaucoup ! J'espère que ce chapitre va vous plaire, je serai curieuse de savoir ce que vous en pensez.
Bonne lecture, et prenez soin de vous !
Ils entamèrent par la suite une routine intoxicante. Jarod prit l'habitude de se glisser dans les draps de celle qui passait ses journées à le traquer. Dans le silence et la pénombre de la pièce, il trouvait sa partenaire de jeu. Parker l'accueillait avec ferveur et se délectait de sa visite. Ils n'échangeaient pas de mots ni de tendresse lorsque, satisfaits et encore haletants, ils s'écroulaient. Et Jarod finissait par repartir aussi discrètement qu'il était arrivé.
La nuit, ensemble, ils vivaient une alchimie parfaite qu'aucun d'eux n'avait précédemment expérimentée. Leurs étreintes constituaient une sorte de zone grise dans laquelle leurs existences étaient autres. Ils parvenaient à faire fit de leurs réalités, à oublier qu'une fois le jour levé, ils devaient endosser leurs rôles respectifs. Jouer ensemble durant la journée, ils continuaient de le faire avec brio, aux yeux et à la vue de tous les personnages récurrents du drame que constituait leurs quotidiens. En réalité, ils en venaient à se convaincre eux-mêmes que ce qui se tramait la nuit n'appartenait pas à la même pièce de théâtre.
Au départ, grisés par le fait que la solitude ne les guettait plus alors qu'ils se trouvaient dans l'intimité, ils omettaient le danger qui planait sur eux. Pourtant, à chaque fois que Jarod quittait son lit, elle sentait le manque s'installer. Sa peau hurlait d'envie de sentir le contact de ses mains. A chaque fois que Parker soupirait une dernière fois de plaisir, il ne désirait rien d'autre que de l'entendre encore et encore. Quand il passait le pas de la porte, il hésitait de plus en plus à faire demi-tour. Et lorsqu'il composait le numéro de la jeune femme, tapi dans un motel à l'autre bout du pays, il se sentait perdre pied. Leurs échanges téléphoniques ne comprenaient plus de mots. Ils prenaient fin lorsque l'un d'eux décidait que la tension était insoutenable. Et le manque peut-être aussi…
Leur dynamique changea pour la première fois lorsqu'il décida de répéter leur routine le soir de l'anniversaire de Parker. La sachant seule pour cette occasion et probablement peinée par ce constat, il se rendit chez elle. Néanmoins, il était conscient qu'il ne pouvait se permettre de rompre les règles de leur nouveau jeu. Alors, comme à son habitude, il attendit le milieu de la nuit pour se glisser près de la jeune femme et laisser courir ses lèvres sur son cou.
Particulièrement attentive, elle l'avait entendu monter les escaliers et ouvrir doucement la porte. Quand il se glissa à ses côtés, Parker comprit que le soulagement qu'elle ressentit fut nourrit par la satisfaction d'un manque. De surcroît, il venait rompre sa solitude spécialement difficile en cette occasion. A la douceur des gestes de son partenaire, elle constata qu'il savait exactement ce dont elle avait besoin. Elle s'abandonna ainsi totalement à lui, voulant disparaître dans le moment partagé. Et quand elle vint de façon intense dans ses bras, elle s'effondra malgré elle en larmes.
D'abord désemparé et ne voulant pas commettre d'impaire, il ne bougea pas. Mais, réconforté par la pénombre ainsi que l'intimité qu'ils partageaient depuis peu, il s'autorisa à l'entourer de ses bras afin qu'elle se blottisse contre lui. Ce geste calma immédiatement les sanglots de la jeune femme.
« J'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas ? » chuchota-t-il inquiet malgré tout.
Il la sentit secouer la tête avant de l'entendre dire « On dort maintenant », sa voix et étouffée.
Machinalement, elle se blottit davantage dans les bras de son partenaire. Dans la pénombre et le silence, elle se laissa peu à peu accepter le fait qu'il lui apportait un réconfort bienvenu. Elle constata également qu'il ne la poussait pas à s'exprimer avec des mots. Ses actions ne dénotaient pas avec ses besoins, elle en fut extrêmement soulagée. Elle ajouta à ses réflexions qu'elle n'était pas mortifiée par le fait de s'effondrer devant lui. Mais trop épuisée, cette pensée traversa son esprit sans qu'elle ne trouve la force d'y réfléchir précisément. Elle se concentra alors sur la respiration calme de Jarod et profita de la quiétude apportée par son partenaire sans se soucier de ce qui risquait de naître entre eux.
Pour la première fois, il resta sous ses draps jusqu'à l'orée du jour, ne quittant la bâtisse que lorsque le ciel bleuissait de nouveau.
A partir de cette nuit, ils prirent l'habitude de dormir quelques heures ensemble avant qu'il ne disparaisse à l'aube. La journée était encore réservée à leur autre jeu, à leur pièce de théâtre grotesque.
La situation évolua encore, deux semaines plus tard, lorsque Parker fut tirée de son sommeil par un coup porté à la cuisse. Regagnant conscience, elle comprit que le coup avait été donné involontairement par Jarod qui balbutiait des paroles incohérentes et s'agitait de façon croissante. Familière avec les cauchemars et autres terreurs nocturnes, elle comprit immédiatement qu'il était coincé dans un univers de douleur. Sans réfléchir, elle tenta de le réconforter.
Jarod sortit de sa torpeur grâce à la voix douce de celle avec laquelle il avait partagé plusieurs nuits dans les derniers mois. Prenant conscience de son corps, il sentit les mains de la jeune femme courir sur son crâne. Dans la pénombre de la chambre, il chercha son regard. Malgré la faible lumière, il vit les yeux attentifs et inquiets de Parker. Sans s'en rendre compte, il l'implora du regard. Alors, elle lui fit signe de s'approcher, d'un air rassurant. S'exécutant, il posa sa tête sur la poitrine de la jeune femme qui reprit ses tendres caresses.
« Merci » murmura-t-il, sa respiration revenant à la normale. Il sentit l'étreinte de Parker se resserrer autour de lui et pensa à toutes les terreurs nocturnes auxquelles il avait dû faire face, seul. Il réalisa que toutes ces années durant, personne n'avait été là pour le sortir de ses pires cauchemars. Surtout, il comprit que non seulement il était réconfortant de sentir quelqu'un d'autre le soulager de son fardeau, mais qu'elle était la personne la plus à même de comprendre ce qui se tramait dans ses rêves. Le soulagement, la tristesse et le poids de ces années firent monter les larmes. Il s'effondra sur la jeune femme.
Sentant les larmes de Jarod rouler sur sa peau nue, son cœur se serra et ses yeux s'embrumèrent. Elle pensait elle aussi à toutes les fois où, en pleine nuit, elle avait dû faire face à ses démons seule. Elle fut ainsi emprise d'une vague de compassion pour lui comme pour elle. Rapidement, elle sentit ses propres larmes glisser sur ses joues. En silence, elle se laissa aller à sa peine.
Ils pleurèrent plusieurs minutes durant, cherchant un réconfort silencieux dans les bras de l'autre.
Et dans le noir, ils vinrent tous les deux à la conclusion que depuis qu'ils avaient entamé cette nouvelle dynamique, ils faisaient plus facilement face à leurs douleurs latentes. Ils étaient les deux seules personnes en mesure de comprendre la violence de leurs terreurs nocturnes et de savoir quels personnages grotesques les peuplaient.
Le lendemain matin, elle ouvrit les yeux et constata qu'il n'était plus à ses côtés. Néanmoins, elle trouva une tasse de café encore chaud sur sa table de nuit. Une attention qu'elle prit comme un remerciement. Ce fut également le symbole que ce qu'ils construisaient continuait d'exister hors de la nuit. Avalant doucement son breuvage, elle se surprit à accepter que leur réalité nocturne puisse déborder sur les premières heures du matin.
Une autre phase commença en pleine semaine, un peu après minuit. Alors qu'il pensait la trouver assoupie dans son lit, ce ne fut pas le cas. Une faible lumière éclairait la pièce, celle que la porte de la salle de bain laissait passer un niveau du sol. Une fois devant celle-ci, il s'apprêta à la pousser. Néanmoins, elle s'ouvrit sans qu'il n'intervienne et Parker apparut devant lui. Influencée par la surprise et le fait qu'elle restait constamment sur ses gardes, son instinct prit le dessus. Elle lui lança violemment son poing dans le visage, le faisant basculer en arrière. Il atterrit au sol dans un bruit sourd, une grimace naissante sur son faciès. Parker réalisa ce qu'elle venait de faire et lâcha un « Oh mon dieu ! » avant de s'accroupir instinctivement devant lui afin d'inspecter l'endroit de l'impact. Une fois le visage de la jeune femme au niveau du sien, Jarod croisa son regard. Il ne put s'empêcher de sourire, sourire qui s'élargit lorsqu'il vit les lèvres de la jeune femme s'étirer discrètement vers le haut.
« Tu as une sacrée droite, c'est dingue ! » s'exclama-t-il en riant doucement et en se frottant le visage. Elle l'observa un petit moment mi-inquiète, mi-amusée, avant de se décider à agir.
« Je reviens » déclara Parker puis se redressa et quitta sa chambre. Il entendit de rapides bruits de pas et comprit qu'elle descendait les escaliers.
Elle revint quelques minutes plus tard, un torchon humide en main. Jarod s'était assis sur le bout du lit, se tenant toujours le côté du visage. Plutôt que de lui tendre ce qui allait le soulager, elle poussa la main du caméléon pour appliquer elle-même le tissu glacé sur sa peau déjà marquée. Le visage de Parker proche du sien, il put l'observer attentivement. S'ils partageaient une proximité physique depuis plusieurs semaines, la lumière restait toujours éteinte. Comme un rempart entre eux. Pourtant, éclairée par la lampe de chevet qu'il avait allumé un peu plus tôt, il put se délecter des traits fins de la jeune femme à l'air concentré.
Jarod s'arrêta surtout sur ses grands yeux bleus. Il remarqua qu'il retenait sa respiration et que son cœur était plus serré que jamais. Il contempla l'effet produit par son amie d'enfance. Il vint à la réalisation que celui-ci n'était pas seulement le fait du désir, quelque chose d'autre naissait dans leur proximité.
Parker sentit le regard insistant de son partenaire. Elle détacha ses yeux de la glace qu'elle maintenait sur sa joue et les plongea dans ceux du caméléon. Elle fut surprise par l'intensité portée par les deux billes marrons qui l'observaient attentivement. Elle y retrouva une expression similaire à de l'incrédulité. Sentant son cœur se serrer, elle vint également à la conclusion que ce qu'elle éprouvait n'était pas uniquement lié à un désir animal. Machinalement, elle ôta le tissu de la peau de Jarod. Ils s'observèrent immobiles et silencieux durant de longues secondes. Lorsque leurs lèvres se rencontrèrent, leur étreinte fut tendre et dépourvue de la passion qu'ils expérimentaient à chaque fois qu'ils échangeaient un baiser.
L'étreinte se transforma rapidement. Pour la première fois, ils n'éteignirent pas la lumière pour s'enlacer de la plus intime des façons.
Lorsque Parker ouvrit les yeux, elle constata que le soleil commençait à se lever. Elle tourna la tête et le trouva assoupi à ses côtés, une certaine quiétude posée sur son visage. La jeune femme ne put s'empêcher de sourire à la vue de celui qui partageait son lit. Elle écouta sa respiration un long moment, constatant qu'il dormait profondément. Elle profita de cette occasion pour céder à l'envie de s'approcher de lui pour lui déposer un baiser sur le front. Dans son sommeil, il soupira de contentement mais ne bougea pas.
Quelques heures plus tard, ce fut au tour de Jarod de trouver une tasse de café chaud sur la table de nuit. Des effluves de parfum flottaient encore dans la chambre lorsqu'il se décida à quitter le confort des couvertures. Elle avait déjà déserté les lieux, partie prétendre vouloir lui ôter sa liberté. Devant le miroir de la salle-de-bain, il s'observa un long moment. Outre un bleu sur le côté de son visage, il constata la présence de stries écarlates partant de son cou pour aller mourir sur son sternum. Pour la première fois, il put rejouer dans son esprit les images vivaces de Parker offerte à lui. Plus jamais il ne voulait partager un moment de la sorte avec elle dans la pénombre.
Sans le savoir, à quelques kilomètres, arrêtée à un feu rouge, la jeune femme se perdit dans les souvenirs de la veille et opéra au même constat.
A partir de cette nuit, la lumière ne fut plus un rempart face à leur intimité croissante.
TBC...
