Bonsoir à toustes, merci pour vos reviews et votre impatience ! Je suis désolée je vous ai fait attendre par manque d'inspiration et parce qu'il est vraiment difficile de rendre justice à ces deux personnages. Continuez à me donner vos impressions, c'est vraiment utile à mon inspiration, surtout lorsque vous me faites part de vos réflexions.
Bonne lecture !
Après avoir passé plusieurs heures face à ses angoisses dans une chambre qui sentait le sexe et les larmes, Parker se décida à sortir de sa torpeur. Elle s'étonna elle-même lorsqu'elle préféra se préparer un thé plutôt que de jeter deux glaçons dans un verre et les noyer de spiritueux. Elle n'avait pas besoin d'oublier sa peine, elle voulait s'y confronter avec les idées claires.
Parker se rendit dans le salon, sa tasse fumante en main. Machinalement, elle prit place sur le canapé. Ses yeux se posèrent directement sur les deux verres abandonnés sur la table basse à côté de la bouteille de whisky vidée la veille. Elle soupira rejouant certaines de leurs conversations teintées de joie et dépourvues de leur gravité habituelle. Elle fut frappée une nouvelle fois par leur complicité évidente.
Alors qu'elle fixait le verre qui avait été celui de Jarod, ses yeux furent attirés par un morceau de papier posé non loin de là. Elle se pencha pour poser sa tasse sur la table et empoigna le carré blanc. Sur celui-ci figurait un numéro de téléphone. Quand l'avait-il laissé ? La réponse à cette question était fondamentale puisque s'il l'avait fait le matin même, cela signifiait qu'il lui laissait une seconde chance. En revanche, si le numéro avait été laissé la veille sans qu'elle ne s'en aperçoive, la peine qu'elle lui avait infligée le matin même aurait été encore plus importante.
Face à ces interrogations, elle continua de fixer le numéro jusqu'à pouvoir le composer de mémoire. Elle hésita à se lever et attraper son téléphone afin d'entendre sa voix. Mais ce n'était pas prudent, ni pour elle, ni pour lui. D'autre part, après une journée d'autoflagellation, elle continuait de se persuader qu'elle ne méritait pas une personne comme lui dans son existence. Elle abandonna alors le carré de papier et à regagner sa chambre. Epuisée par une courte nuit, la consommation excessive d'alcool de la veille et surtout, ses ruminations épuisantes, elle s'écroula rapidement.
Mais son esprit fatigué ne lui laissa pas de répit. Ses terreurs réapparurent avec une violence qu'elle ne connaissait plus depuis plusieurs mois. Elle se réveilla la gorge irritée par ses propres cris, la poitrine brûlante et l'œil hagard. Elle ferma les yeux pour se calmer dans la pénombre inquiétante de sa chambre soudainement trop étroite.
« Quelque chose te préoccupe ?
_ Je n'ai pas bien dormi cette nuit.
_ Un cauchemar ?
_ Oui.
_ Tu en fais souvent ?
_ Oui, depuis qu'elle est…
_ Tu viens de vivre un choc émotionnel, c'est tout à fait normal d'avoir du mal à trouver le sommeil.
_ Je veux dormir.
_ Je peux te montrer un exercice que j'ai appris avec Sydney. Ça m'aide à me calmer quand je me réveille la nuit. »
La jeune Miss Parker hocha la tête et lança un regard inquiet à son ami. Elle trouva dans ses yeux une lueur rassurante. Il baissa légèrement son menton et décroisa ses jambes préalablement en tailleur. Puis, il s'installa sur le dos, fixant la paroi supérieure grise et froide du conduit d'aération dans lequel ils s'étaient retranchés. Quand il remarqua qu'elle n'avait pas bougé, il tourna la tête et la rassura du regard. Elle se mit alors en position dans un geste bien moins apaisé que celui du génie.
« Ok, ferme les yeux et visualise un carré… C'est bon ? » Elle hocha la tête et il remarqua que son épaule était contre la sienne.
« C'est en quatre phases. D'abord tu inspires, puis tu gardes tes poumons pleins, tu expires et tu gardes tes poumons vides, et tu recommences. Quatre secondes à chaque fois, le tout en dessinant un carré. Tu comprends ? »
Il la sentit encore une fois hocher de la tête et malgré la tentation, il choisit de ne pas la regarder pour lui laisser de l'espace.
« On le fait ensemble ? »
Elle suivit son exemple, et avec une maigre seconde de retard sur lui, prit une grande inspiration. Ses poumons se gonflèrent d'un air nouveau, alors qu'elle sentait les larmes brûler ses yeux derrière ses paupières fermées. Elle compta quatre secondes avant de retenir sa respiration, profitant d'une sorte de suspend dans la peine qui nourrissait depuis un mois sa jeune âme. Lorsqu'elle expira, quatre secondes plus tard, elle fut incapable de retenir un sanglot puis un deuxième. Au moment de retenir de nouveau sa respiration, Jarod attrapa sa main et serra ses doigts. « Un, deux, trois, quatre » compta-t-il à haute voix comme pour l'encourager à inspirer de nouveau.
Ensemble, ils dessinèrent mentalement cinq carrés, sans jamais qu'il ne lui lâche la main, après quoi, elle sentit sa tristesse apaisée. Pour la première fois depuis la mort de sa mère, le poids omniprésent sur sa cage thoracique se trouvait allégé.
Droite dans son lit, elle avait fermé les yeux et employé cette technique. Puis, elle s'était projetée dans ce souvenir si particulier. Celui-ci l'avait accompagnée de nombreuses années durant. A l'abris des regards, elle avait plusieurs fois rejoué la voix de Jarod qui comptait les secondes et traçait de façon allégorique un carré parfait. Ce souvenir avait été altéré par les années passées à le rejouer dans la pénombre d'une chambre d'hôtel aseptisée ou dans un ascenseur bien trop familier – mais surtout, au milieu de la nuit après le réveil de la partie meurtrie de son subconscient. Avec les années, la voix de Jarod semblait plus grave, sa main plus large.
Cette fois-ci, le souvenir joué n'en était pas un. C'était lui, tel qu'il était aujourd'hui, tel qu'il fut le matin même.
Prise d'une résolution inédite, elle alluma sa lampe de chevet et se leva. Sans plus attendre, elle tira son lit pour le dégager d'un mètre cinquante environ du mur contre lequel il était disposé. Elle chercha alors la latte de parquet portant une discrète indentation réalisée quelques jours après son retour à Blue Cove, des années plus tôt. Elle jura lorsqu'elle se cassa un ongle en essayant de soulever le morceau de bois à mains nues. Résolue à dévoiler ce qui se cachait derrière la latte, elle finit par se lever afin de partir chercher l'outil qui lui permettrait à coup sûr de venir à bout de celle-ci.
Quelques minutes plus tard, Parker interrompit son pas décidé pour contempler la situation : elle était pieds-nues et en pyjama dans son jardin, au beau milieu de la nuit. Mieux encore, elle tenait fermement un pied-de-biche dans sa main droite et une lampe torche dans l'autre. Elle eut une brève pensée pour Broots – il était certainement incapable de l'imaginer hors de ses tailleurs stricts, alors encore moins dans une telle situation. Chassant l'image du technicien de son esprit et retrouvant son air grave, elle se dirigea d'un pas résolu vers sa maison puis sa chambre.
La latte céda facilement sous l'effet de levier prodigué par l'outil. Parker retrouva alors ce petit espace qui n'avait pas été ouvert depuis des années. Sous la planche de bois, elle avait entreposé du liquide, des coordonnées bancaires, deux passeports et un cellulaire d'appoint accompagné de son chargeur.
Adossée contre le sommier, elle brancha le mobile et choisit d'observer les passeports le temps que l'appareil ne s'allume. Elle ne put s'empêcher de rire ironiquement en remarquant que leur date de validité allait expirer trois mois plus tard. Elle réalisa alors que toutes ces années durant, elle avait dormi au-dessus d'une porte de sortie dont personne ne connaissait l'existence. Elle ne pouvait plus et ne voulait plus l'ignorer, et les dates d'expiration en était les signes édifiants. Mais elle ne pouvait pas non plus faire cela seule.
L'écran s'alluma et son cœur se serra. Elle prit une grande inspiration avant de faire jouer sa mémoire photographique pour composer la dizaine de chiffre laissée sur le carré de papier encore posé sur sa table basse. Elle appuya sur l'icône d'appel et attendit, le cœur battant la chamade.
Trois sonneries retentirent avant d'entendre un « Allô ? » prononcé d'une voix aussi grave qu'intriguée. Entendre Jarod lui coupa le souffle quelques secondes. Qu'était-elle en train de faire ? Elle ne s'était absolument pas préparée à la suite des événements.
« Allô. Répéta-t-elle, sa propre voix sonnant de façon presque étrangère à son oreille.
_ Parker ? demanda-t-il plein de précaution.
_ Oui. » Dit-elle simplement. Puis elle se tut et entendit le son distinctif d'un clignotant, il était en train de rouler. Le silence continua alors qu'il coupa le moteur à l'autre bout du fil.
« Parker ? l'interpella-t-il une nouvelle fois, un léger énervement présent dans sa voix.
_ Généralement ce n'est pas moi qui t'appelle, je n'ai pas l'habitude… »
Elle laissa un temps, envisageant qu'il puisse éventuellement entamer la conversation. Il ne dit rien, au point où elle se demanda un instant s'il était encore au téléphone. Comprenant qu'elle était dans une position où elle devait se faire violence, elle s'adressa de nouveau à lui.
« Tu as laissé ton numéro hier soir ? »
Elle l'entendit prendre une grande inspiration.
« Non, ce matin… J'avais prévu de te le donner de toute façon. Je ne pensais pas que tu appellerais.
_ Moi non plus » répondit-elle les yeux dans le vide.
Il demeura silencieux, sa peine était palpable même au travers de combiné.
« J'ai repensé au carré.
_ Au carré ?
_ La technique que tu m'as apprise après la mort de ma mère.
_ Tu t'en souviens ? » Elle crut percevoir une certaine excitation dans sa voix. Elle ne put alors s'empêcher de sourire légèrement, ce qui s'entendit par la suite dans sa voix. Elle l'imagina se remémorer cet instant particulier.
« Oui… Elle prit une grande inspiration et ferma les yeux. Je l'utilise souvent…enfin parfois. »
Parker laissa le silence couler entre eux. Pourtant, dans son esprit se jouait une cacophonie, elle se battait avec elle-même, essayait de se convaincre d'être honnête, d'arrêter de lui faire du mal. Une nouvelle fois, elle inspira de façon audible pour se donner du courage.
« Je suis désolée. Je n'aurais pas dû réagir comme ça. Je… j'ai peur. J'ai déjà perdu tellement de… Pas toi, je ne peux pas te perdre. Tu as toujours été là. J'ai du mal à comprendre pourquoi…
_ Tu as toujours été là aussi.
_ Je t'ai fait tellement de mal. Des larmes menaçaient de s'échapper de ses yeux déjà humides, et sa gorge était serrée.
_ Moi aussi je t'ai fait du mal. C'est ce que l'on fait de mieux, se faire du mal. Mais, on arrive à faire tout l'inverse aussi… surtout ces derniers temps. »
Ils se turent tous les deux, jusqu'à ce que Parker ne reprenne la parole d'une voix douce et frêle.
« Tu es loin ? demanda-t-elle. Elle l'entendit rire doucement.
_ Je crois que oui. »
Elle l'entendit reprendre son sérieux. Le silence s'étendit de nouveau, jusqu'à qu'il ne le rompe, d'une voix de velours :
« Demande-moi. »
Elle prit une grande inspiration, serra ses doigts autour du téléphone.
« Reviens ».
