Bonjour à tous et à toutes,
Je suis si désolée de vous avoir fait attendre si longtemps, le temps passe vite et parfois l'inspiration se fait rare!
J'espère que cet avant-dernier chapitre vous plaira, j'ai hâte de savoir ce que vous en pensez dans les reviews.
/
Jarod ouvrit doucement la porte et la trouva debout au milieu du salon, soudainement d'apparence plus spacieuse. Un de ses bras était replié sur sa poitrine, l'autre pendant à son côté. Il remarqua que le bout de ses doigts dépassait d'un pull en maille épaisse, certainement aussi doux que confortable. Ses yeux étaient grands ouverts et brillants. Il comprit à son regard qu'elle éprouvait de la difficulté à admettre qu'il put se tenir devant elle, elle était visiblement parcourue par une peur latente. Dans sa vie, elle aimait, et ceux qui avaient le malheur de le faire en retour finissaient toujours par partir.
Il pensa alors au fait qu'elle était comme un jeune chaton de ceux qui vous regardent intrigués, qui vous suivent sans pour autant se laisser approcher et qui n'acceptent l'affection que lorsqu'ils la demandent.
Cette comparaison le poussa à refermer doucement la porte derrière lui puis à rester immobile et silencieux. Dans le moment d'inertie qui lui parut durer une éternité, il calcula mentalement la distance qui devait les séparer. Il constata ainsi que les quatre mètres de séparation étaient peut-être exagérés pour assurer un climat de confiance entre eux deux. Pourtant, il se retint tout de même d'avancer vers elle, et surtout de le relever à haute voix. Il faisait ici preuve d'une grande mesure, d'une capacité à l'écouter et la comprendre.
Durant tout son trajet de retour en direction de la grande bâtisse, il avait contemplé la signification des actions de Parker. Il l'avait imaginée composer son numéro, enfin… hésiter à le composer durant plusieurs minutes. Il l'avait clairement vu lever les yeux au ciel, entendue jurer et pester contre elle-même. Puis, il avait rejoué par dizaines sa voix l'incitant à rebrousser chemin et surtout, à passer outre la douleur ressentie des heures plus tôt face à son rejet abrupt et froid.
Peut-être avaient-ils enfin choisi de grandir tous les deux ? Peut-être que pour la première fois de leurs existences entremêlées, ils préféraient se détacher de leurs mécanismes appris d'un environnement des plus anxiogènes et toxiques ?
Il se posa toutes ces questions alors qu'elle s'avançait doucement dans sa direction. Plus il contemplait leur situation et le caractère exceptionnel de leurs actions respectives, plus son cœur semblait s'approcher de l'explosion. Le regard nouvellement déterminé de Parker n'aidait en rien à calmer ce qui s'approchait d'une tachycardie.
Il revint à ses esprits quand il sentit le front de la jeune femme se poser sur son sternum. Il l'entendit soupirer puis murmurer un simple « merci », si rare dans la bouche de Parker.
Elle se détacha de lui pour lever la tête et le regarder brièvement dans les yeux. Il sentit par la suite deux mains se poser sur les côtés de son visage. Le regard de Parker changea en un instant. Il ferma les yeux quand des lèvres chaudes déposèrent un puis trois baisers sur sa mâchoire. Son cœur battait toujours aussi vite, sa respiration devint laborieuse.
Il voulait lui dire mille choses. Mais, il fut plus judicieux de rester mutin, leurs échanges silencieux étaient parfois plus pertinents. Les proses n'étaient pas révélatrices de leurs états d'esprit respectifs. Et, elle était plus à l'aise avec le silence que le dialogue, plus apte à lui montrer qu'à lui décrire. En effet, elle n'acceptait l'affection que lorsque c'était elle qui la sollicitait.
Il se laissa donc faire et ne protesta pas quand sa lourde veste toucha le sol.
/
« Wanda Ivanovitch »
Jarod jeta un bref coup d'œil à Parker, assise à ses côtés, enveloppée dans un plaid en tartan. Il posa de nouveau son regard sur le passeport russe qu'il tenait entre ses doigts. Puis, il referma la page et ouvrit l'autre document, britannique cette fois-ci.
« Juliet Evans » lut-il à haute voix.
« Depuis combien de temps Wanda et Juliet existent-elles ? » demanda-t-il avant de décrocher ses yeux de la page glacée pour les poser sur la jeune femme qui portait une expression difficilement lisible. Elle sortit de son silence, et lui répondit d'une voix rauque :
« Quelques années. »
Il haussa un sourcil, visiblement surpris par sa réponse. Elle comprit qu'il voulait en savoir plus et qu'il n'allait pas se gêner à lui poser des questions.
« Après mes études, peu de temps après mon retour à Blue Cove. »
Il la questionna de nouveau du regard, elle ne se retint pas de lever les yeux au ciel cette fois-ci. Avant d'élaborer, elle sortit un bras de la couverture pour attraper le passeport russe qu'il tenait toujours dans ses mains. Elle l'observa un instant, puis étaya sa réponse sans lever la tête du document.
« J'ai compris que le Centre n'était pas vraiment une organisation pacifique. Et surtout, que j'étais la fille de son dirigeant, outre le fait que j'en étais une employée. » Elle leva enfin les yeux. « Il me fallait une porte de sortie. Je le sentais. »
Il constata la naissance d'une certaine auto-culpabilisation dans les yeux de Parker et repensa au chaton – il devait la laisser venir à lui.
« C'est toi qui as choisi ces noms ? ». Elle hocha la tête, et apparut visiblement soulagée qu'il lui pose cette question et ne relève pas sa lâcheté. « Pourquoi ? »
Elle fit un discret sourire qui lui réchauffa immédiatement le cœur.
« Wanda pour Wanda Gàg, l'autrice et illustratrice de Millions of cats. » Il fronça les sourcils, elle comprit qu'il n'avait jamais entendu parler de cet ouvrage.
« C'est un vieux livre pour enfants. » Il voulait connaître l'histoire, elle le sentit à son regard curieux.
« Un couple de vieux veut adopter un chat, ils se retrouvent avec des millions de chats et ils leur demandent lequel est le plus beau. Ils deviennent tous jaloux et s'entre-tuent. » Jarod ne cacha pas sa surprise face à tant de violence dans un livre pour enfants, il remarqua une lueur rieuse dans les yeux de Parker qui continua son récit, imperturbable. « Finalement, il n'en reste qu'un seul, le plus laid, qui ne s'est pas battu avec les autres parce qu'il savait qu'il n'était pas le beau. Ils décident de l'adopter, s'en occupent. Et… une fois lavé et nourri, c'est le plus beau de tous les chats. »
Il l'écoutait attentivement avec tant de douceur dans ses yeux, mais aussi cette adorable curiosité. Tous les deux furent projetés des années auparavant, alors qu'elle passait de longues minutes à lui faire part de récits similaires.
Jarod ne put finalement s'empêcher de rire doucement à l'évocation de millions de chats alors qu'il n'arrivait pas à voir Parker autrement qu'un petit félin depuis une bonne heure. Elle l'observa avec une certaine confusion, ne s'attendant pas à ce que cette brève histoire provoque une quelconque hilarité.
« C'est une drôle d'histoire, la morale est bonne » souleva-t-il lorsqu'il s'arrêta enfin de rire.
Il y eut par la suite un moment d'inertie durant lequel ils s'observèrent avec une tendresse respective à peine dissimulée. Il approcha doucement sa main du visage de la jeune femme et déposa sa paume sur sa joue. Elle ferma les yeux un instant, se laissant aller à ce geste d'affection. Puis, elle ouvrit les yeux en posant sa main sur la sienne pour finir par l'attraper. Elle tourna la tête afin de déposer un baiser sur sa paume. Ses yeux se posèrent sur ceux de Jarod, il remarqua directement une pointe de tristesse dans son regard.
« Jarod, tu sais, il y a quelques mois quand tu es venu ici c'était pour m'annoncer ton départ. » Il hocha la tête, complètement partagé entre l'espoir qu'elle se lance dans une cavale à ses côtés et la peur de la perdre une nouvelle fois.
« Je crois que tu dois partir. » Il entendit énormément de chaleur et de bienveillance dans la voix de la jeune femme, pourtant, ses yeux étaient humides.
« Je ne comprends pas… tu m'as dit de revenir et… les passeports ? » Elle posa la main de Jarod devant elle, ne lâchant pas sa prise rassurante sur ses doigts.
« Il a des choses que je vais gérer seule. Tu dois retrouver ta famille, les mettre à l'abri.
_ Et toi ?
_ Wanda va très bien s'en sortir. Ça demandera un peu de préparation, mais j'y arriverai. »
Il resta silencieux avant de froncer les sourcils, visiblement non satisfait par la situation.
« Et… nous ? »
Elle lui fit un léger sourire, encore surprise qu'il continue de s'accrocher à elle. Pour la première fois, elle décida d'y croire : quelqu'un pouvait l'aimer, revenir et être honnête.
« On va se laisser pendant un moment. » Elle s'arrêta pour lui sourire plus franchement. « Et peut-être que j'irai passer le Nouvel An à Manhattan.
/
Alors vous vous rappelez de Grant le "Mixologue"?
