Chapitre 37 Vieilles connaissances

L'Inquisitrice, à dos d'un majestueux alezan et suivie par ses trois conseillers à cheval, se tenait enfin devant les grilles du Palais d'hiver d'Halamshiral où devait se tenir le Conseil exalté convoqué de concert par les royaumes de Férelden et d'Orlaïs. C'était la Divine Victoria qui avait réussi à négocier le lieu de cette assemblée et n'avait pu faire mieux que le Palais d'hiver où s'étaient tenues les négociations de paix entre le Grand Duc Gaspard et feu l'Impératrice Célène.

L'Inquisition était venue avec une escorte digne des plus grandes puissances de Thédas et tous les hommes qui accompagnaient la Messagère avaient été soigneusement sélectionnés par Léliana et Cullen. Tous arboraient leur armure de l'Inquisition, rutilante pour l'occasion, et les dirigeants s'étaient vêtus de leurs plus beaux habits sur ordre de l'Ambassadrice Montilyet. Léliana s'était vêtue à la garçonne, en pantalon noir et veston blanc agrémenté d'une écharpe noire à liserés d'or et portant les armoiries de l'Inquisition, tandis que Cullen, par-dessus une tenue identique, portait un manteau retombant sur son épaule gauche et retenu par un cordon de fils d'or.

Les grilles s'ouvrirent, l'Inquisitrice mena son cheval lentement dans l'allée où de nombreux nobles les observaient depuis des balcons, alors que les marchands et les gens de basses castes les admiraient depuis les abords du chemin. Les trois conseillers la suivirent, Joséphine saluant la foule d'un geste distingué de la main, Léliana observant le moindre visage des nobles qui les surplombaient et Cullen maugréant devant ce long cérémonial.

- Encore une parade, grogna-t-il à voix basse, encore une négociation sanglante.

- Pensez à sourrrire, lui glissa discrètement Joséphine, il est crrrucial que nous prrrésentions bien.

- Pourquoi Victoria a-t-elle convoqué le Conseil exalté ? maugréa-t-il encore, deux ans qu'elle nous préserve d'Orlaïs.

- Non sans dommages politiques, rétorqua Joséphine qui arborait toujours un sourire radieux. Elle a fait tout ce qu'elle pouvait, mais le Conseil exalté est devenu une nécessité. Orlaïs souhaite nous contrrrôler. Et au vu des nombrrreuses demandes en marrriage, ils ont des prrrojets pour vous.

Cullen jeta un regard sur les nobles que Joséphine observait, dégoûté.

- Notrrre vrrrai prrroblème, continua l'Ambassadrice, c'est Férelden. Ils rrrêvent de nous voir entièrrrement dissouts.

A ce moment, Dame Montilyet fit un élégant signe de main à trois nobles aux allures féreldiennes qui les toisaient de haut. Cullen leur jeta un regard noir, puis posa ses yeux sur Lédara qui avançait calmement devant eux. Tant de dangers l'attendaient et elle en était consciente. Pourtant, elle gardait la tête haute et son visage était impassible, digne de sa renommée.

Arrivés au bout de l'allée, les quatre dirigeants de l'Inquisition descendirent de cheval et furent accueillis par une flopée de domestiques royaux qui devaient les escorter jusqu'aux quartiers qui leur étaient réservés. Chacun prit place dans sa propre chambre, plus ou moins espacées les unes des autres mais sur le même étage. Alors que Lédara examinait du regard la pièce somptueusement décorée et pourtant douloureusement familière, on frappa à sa porte. Elle entendit celle-ci s'ouvrir sans même avoir attendu son consentement, et allait rabrouer l'individu qui se permettait un tel acte lorsqu'elle reconnut l'intrus :

- Iron Bull ! s'exclama-t-elle avec joie.

- Hé ! Chef !

Le Qunari avait fait l'effort de revêtir un manteau malheureusement un peu serré pour sa taille de géant et qui lui donnait un air guindé. Toutefois, ses manches trop petites laissaient entrevoir des tatouages noirs représentant des motifs géométriques frais sur sa peau marbrée de cicatrices. Bull prit dans ses larges bras la jeune femme et la souleva de terre dans une étreinte chaleureuse.

- Vous m'avez tant manqué ! dit Lédara une fois libérée de son étreinte. Que faites-vous ici, au juste ?

- Je suis en mission, répondit Bull, Joséphine m'a engagé. Je suis votre garde du corps personnel !

- J'en ai, de la chance ! sourit Lédara. Vous irez donc partout où j'irai ?

- Ouais m'dame.

- Bien, soupira Lédara néanmoins soulagée d'avoir le Qunari à ses côtés. Il est encore tôt et le Conseil ne commencera que demain. J'aimerais de ce fait rendre visite à Cassandra.

- Veuillez me suivre, alors, fit Iron Bull avec une petite révérence humoristique.

Lédara sourit et prit le bras que Bull lui tendait et ils sortirent tous les deux dans le couloir. Ils marchèrent un moment, descendant des escaliers et traversant des salles et des antichambres plus luxueuses les unes que les autres, jusqu'à arriver dans une grande pièce qui allait abriter le Conseil exalté.

Celle-ci était très lumineuse de par les nombreuses ouvertures un magnifique dallage de marbre soulignait l'aspect ovale de la salle, ainsi qu'une large allée qui menait à une sorte de tribune en bois noble. Devant cette tribune, une large table accompagnée de deux sièges d'une élégante simplicité attendaient leurs occupants. Au-dessus de la tribune, suspendus au plafond, les blasons de Férelden, Orlaïs, Les Marches Libres, Tévinter, le Cercle des Mages et la Chantrie s'imposaient dans les airs.

La pièce était vide et les pas des deux compagnons résonnaient à mesure qu'ils avançaient. Lédara lâcha le bras de Bull et marcha lentement dans le grand hall, observant les lieux avec une anxiété soudaine. Elle massa spontanément sa main gauche qui la tiraillait douloureusement.

- Inquisitrice, dit une voix étrangement familière derrière eux. J'ose espérer que les années vous ont été clémentes.

Lédara se retourna, serrant le poing et glissant sa main dans les plis de sa robe.

- Mère Giselle, s'exclama la jeune femme, comment allez-vous ?

- J'ai passé l'été dernier à l'Emprise du Lion, répondit-elle, à distribuer des victuailles venues de la Plaine exaltée. La Dalatie commence enfin à refaire surface.

- Votre aide est précieuse, Mère Giselle.

- J'espère que le plus dur est derrière nous, la remercia la Révérende mère. Je dois vous dire que votre aide à Fort Suledin fut des plus précieuses. Vous penserez transmettre mes compliments au baron Desjardins.

Lédara hocha de la tête en souriant. Joséphine avait nommé à la direction du fort un homme issu de la noblesse orlésienne afin de ne pas froisser les habitants de la région et qui administrait les lieux sous la direction de l'Inquisition, établissant de solides relations entre Orlaïs et les Dorsales de Givre.

- La Divine Victoria m'a demandé de vous saluer de sa part, continua Mère Giselle. Elle est actuellement retenue par l'ambassadeur féreldien.

- En privé, vous pouvez certainement l'appeler Cassandra, répondit la Marchéenne d'un air débonnaire.

- Vous, oui, Inquisitrice. Moi, je préfère utiliser son nom de Divine. Notre dernière Divine s'amusait à imaginer pourquoi je persistais à l'appeler Justinia. Elle disait que c'était ma façon de lui montrer que je n'avais pas complètement oublié qui était le chef.

- Et que pensez-vous de son travail ? demanda soudain le Qunari.

- Ce n'est pas à moi d'en juger, lui répondit Mère Giselle.

- Sauf votre respect, cela ne vous a jamais arrêtée, Mère giselle, la taquina l'Inquisitrice.

La Révérende mère baissa la tête et sourit, démasquée.

- Victoria dit qu'elle est plus à l'aise sur le champ de bataille que sur le Trône du soleil, dit-elle alors, mais c'est tout de même elle qui a restauré la Chantrie. Et avec elle, la foi du peuple. Nous avons de la chance de l'avoir.

- En effet, murmura Lédara.

- Repassez un peu plus tard, cela fera plaisir à la Divine de vous revoir. Elle sait le bien que vous pouvez faire, et que vous avez fait. L'Empereur Gaspard va certainement vouloir vous saluer au nom d'Orlaïs. Il me semble qu'il s'entretient actuellement avec l'ambassadeur de Tévinter.

- L'Empire tévintide a envoyé un ambassadeur ? s'étonna Lédara.

- Oui, Votre Grâce, s'exclama Mère Giselle. Dorian Pavus a saisi l'occasion de revenir nous voir. Il me tarde de le revoir. Je lui dois des excuses. J'ai laissé ma méfiance envers Tévinter altérer mon jugement. Il a pris un grand risque en venant nous aider, il méritait plus d'égard.

- Vous allez présenter vos excuses à Dorian ? dit la jeune femme d'un air abasourdi.

- J'ai peu d'estime pour ceux qui ne savent pas admettre leurs torts, Votre Grâce. Moi y comprise. Je vais devoir le faire en public. Quelle que soit sa réaction, il voudra certainement des spectateurs.

- Je ne veux pas rater cela ! rit Lédara.

Cette dernière remercia la Révérende mère et rebroussa chemin.

- Votre Grâce ! intervint encore Mère Giselle, une dernière question, si vous me le permettez.

L'Inquisitrice s'arrêta et se retourna, attendant les paroles de la Révérende mère.

- Ce Conseil exalté… Férelden souhaite la dissolution de l'Inquisition. Orlaïs y voit une plume de plus à ajouter à son costume d'apparat. Et vous, qu'aimeriez-vous faire de l'Inquisition ?

Lédara garda un instant le silence. Joséphine et Léliana l'avaient prévenue qu'on lui poserait cette question et l'avait sommée de ne jamais répondre qu'évasivement. Toutefois, Mère Giselle était pour elle une personne de confiance. Elle ne sut quoi faire.

- Corypheus est mort, dit-elle enfin. Nous avons atteint notre objectif. Si on a plus besoin de nous, il est peut-être temps pour l'Inquisition de rendre les armes… à condition que cela se passe dans la paix.

- Merci, répondit Mère Giselle avec sincérité. Que le Créateur vous garde, Inquisitrice. Je ne vous retiendrai pas plus longtemps.

La Messagère se tourna vers Iron Bull et lui demanda de la conduire au-dehors afin de prendre un peu l'air. Le Qunari la conduisit donc dans les jardins où ils déambulèrent lentement.

Ceux-ci constituaient un labyrinthe d'allées, d'arbres et d'arbustes ponctué de fontaines et de petites cours intérieures où l'on pouvait retrouver des amants discrets, des femmes volages ou des hommes étourdis. De nombreux oiseaux pépiaient çà et là, créant une atmosphère calme et apaisante. Des fleurs, plus rares les unes que les autres, coloraient la verdure des allées et de nombreux murs étaient couverts d'un treillis supportant du lierre chatoyant. L'automne ne semblait pas avoir atteint le Palais et l'hiver précoce vécu à Fort Céleste semblait à cet instant bien loin de l'Inquisitrice.

Lédara n'avait de cesse de se frotter la main gauche, douloureuse. Bull ne put réprimer sa curiosité et jeta un œil aux bandages qui recouvraient l'Ancre qu'il connaissait bien : ceux-ci semblaient ponctués de petites taches rouge sang au niveau de la paume et du poignet.

- Tout va bien, Chef ? s'enquit Bull avec discrétion.

- Ne vous en faites pas, lui répondit-elle en souriant.

Les nobles et les passants que croisaient les deux compagnons s'arrêtaient sur leur sillage, murmurant et pointant discrètement du doigt l'Inquisitrice que certains voyaient pour la première fois.

- Vous avez été très efficace à Pérendale avec la Charge, lança Lédara pour changer de sujet. Vous avez réussi à éviter une nouvelle guerre civile en Orlaïs.

- Ouais, une bande de rigolos qui se prenaient pour les dirigeants légitimes, répondit Iron Bull avec désinvolture.

- Toutefois, je crois que votre intervention dans les Marches du Sud a été accueillie avec… moins d'enthousiasme, sourit Lédara. L'effondrement forcé de la montagne par le nain de votre équipe était-elle vraiment nécessaire ?

- Ça pullulait de démons et de templiers rouges là-dedans, grogna-t-il avec dégoût.

Lédara rit de bon cœur, suivie de son compagnon. Ils vagabondèrent dans les allées des jardins, parmi les arbres et les arbustes parfaitement agencés, jusqu'à ce que la jeune femme s'arrête soudain :

- Ce ne serait pas Varric, là-bas ?

- Près de la fontaine ? Euh… c'est possible.

Lédara attira le Qunari jusque vers le nain qui discutait avec un homme d'âge moyen. Celui-ci marchait à ses côtés, du moins essayait de se maintenir à sa hauteur car le nain semblait vouloir le fuir à tout prix.

- Encore une lettre du prince d'Osterburg, lui disait ce dernier d'une voix pincée.

- Quelle surprise, maugréa Varric Téthras, mettez-la avec celles de la guilde marchande.

- Et le capitaine de la garde civile avait un message très… coloré à vous transmettre par mon biais, continua l'homme avec monotonie.

Le nain leva les yeux au ciel et ce fut à ce moment qu'il aperçut Lédara et Iron Bull :

- Inquisitrice ! Par le saint cul d'Andrasté, ce que je suis content de vous voir !

- Je dérange une conversation importante, peut-être ? demanda Lédara avec politesse.

- Oui, répondit l'homme de sa voix monocorde.

- Et c'est parfait ! renchérit Varric avec jovialité. Notre ami Bran avait justement besoin d'une pause. Voici Bran Cavin. Ancien Vicomte, jusqu'à récemment…

Le nain désigna l'homme d'un geste vague de la main, ce qui froissa le dénommé Bran.

- Vicomte « régent », rectifia Bran.

- … de Kirkwall, conclut Varric.

- Et il apporte votre courrier, le taquina la Marchéenne.

- C'est mon sénéchal depuis que j'ai été nommé Vicomte, précisa le nain.

- Vous, Vicomte ? s'exclama Lédara abasourdie.

- Il semblerait que vous ayez des choses à vous dire, tous les deux, intervint Bran. Je ferais mieux de vous laisser…

Le sénéchal s'éloigna de quelques pas par convenance, mais resta néanmoins à portée de voix.

- Vous êtes Vicomte de Kirkwall ? s'étonna Lédara, ne revenant pas de la nouvelle.

- Apparemment… il suffit de financer les efforts de reconstruction d'une cité-Etat pour que ses nobles vous confient le pire poste qui soit.

- Vous devez adorer votre nouveau statut ! plaisanta la jeune femme.

- Les nobles ont dû se dire qu'après Dumar et Perrin, même un nain ne pouvait pas faire pire. Ils m'ont nommé parce que j'ai redonné vie au port et au commerce. Ils avaient des emmerdes, et moi des solutions. Bref, j'espérais vous voir avant le début du sommet. J'ai votre paquet…

Le nain sortit d'une sacoche un paquet enveloppé d'une toile de jute brute et le tendit à l'Inquisitrice.

- C'est le dernier ? demanda la jeune femme en confiant le colis à Iron Bull.

- Fraîchement écrit ! répondit le nain. Mais franchement, cela m'étonne de vous que vous lisiez ce torchon, Le Glaive et la Tulipe… c'est l'un de mes pires bouquins !

- Ce n'est pas pour moi, répondit Lédara. C'est un cadeau pour Cassandra.

- Cassandra lit mes livres ! s'exclama Varric. Nom des saintes miches d'Andrasté… Vous êtes sérieuse ?

- Très sérieuse ! rit Lédara. Mais ne lui dites rien.

- Ça va être difficile, répondit le nain avec un clin d'œil. Au fait, j'ai une sorte de cadeau pour vous.

Varric sortit un parchemin enroulé légèrement froissé de sa besace.

- La reconnaissance officielle de votre titre et de votre patrimoine à Kirkwall, déclara le nain. Félicitations ! Vous voilà comtesse.

- Vous ne pouvez pas faire cela sans… les interrompit Bran d'un air alarmé.

- Trop tard ! C'est déjà fait ! dit Varric enjoué.

Il se tourna à nouveau vers Lédara, reprenant leur discussion comme si de rien n'était :

- Vous devriez passer à la Hauteville un de ces quatre pour voir votre domaine. Il est pas mal ! Pour Kirkwall, en tout cas.

- Toute mise à disposition d'un domaine vaquant est censée… reprit Bran offusqué.

- Vous ne deviez pas nous laisser discuter ? l'interrompit Varric.

Bran poussa un profond soupir de désespoir avant de s'éloigner à nouveau de quelques pas. De son côté, Iron Bull gardait un œil suspicieux sur cet homme aussi prompt à perturber la conversation de l'Inquisitrice.

- C'est trop, Varric, lui dit Lédara. Je ne sais pas quoi dire.

- Ce n'est vraiment pas grand-chose, répondit Varric avec sincérité. Ça me fait plaisir. Oh, ça me fait penser…

Varric sortit un dernier objet de son sac :

- Voici la clef de la cité.

- Mais vous ne pouvez pas donner cela sans l'approbation du conseil citadin et une cérémonie digne de ce nom ! C'est… intervint à nouveau Bran hors de lui, sans pouvoir terminer sa phrase.

Alors que Bran s'apprêtait à saisir la main de l'Inquisitrice qui détenait la clef, le Qunari lui barra la route d'un air dissuasif. Bran s'arrêta net dans son élan, son regard figé sur le géant qui le toisait et grognait sur lui tel un chien de garde prêt à bondir.

- Tout ça est purement symbolique, de toute façon, le rassura Varric.

- C'est la clef d'un des grands filets de chaîne du port, précisa Bran d'une petite voix.

- Ah ? s'étonna le nain, bah… C'est encore mieux que ce que je pensais !

- Cette clef ouvre et ferme ces immenses chaînes ? lança Iron Bull avec enthousiasme en se détournant du sénéchal. Je peux l'essayer ?

- Non ! s'écria Bran au comble du désespoir.

Les trois compagnons rirent aux éclats.

- Je ne sais pas comment cette histoire de Conseil va se terminer pour l'Inquisition, dit enfin Varric avec plus de sérieux. Mais quoi qu'il s'y décide, vous aurez votre place à Kirkwall si vous la voulez. Et… le contrôle du port. Ce n'est pas rien. Trêve de bavardages, allez donc rencontrer les diplomates, et faire ce que vous avez à faire.

Lédara lui sourit, touchée par son geste aux allures drôles et maladroites.

- Une petite partie de Grâce perfide avant mon départ, hein ? lança-t-il encore.

- Avec grand plaisir, lui répondit la jeune femme. En souvenir du bon vieux temps !

- Evitez de parier des bâtiments publics, cette fois, intervint Bran d'un air hautain et exténué.

Le nain prit congé des deux compagnons. Lédara s'assit sur le rebord de la fontaine, la fatigue la gagnant lentement. Elle fit semblant d'écouter le chant des oiseaux, respirant avec douceur afin d'apaiser l'Ancre qui pulsait dans son bras. Iron Bull lui proposa de remonter dans ses appartements, mais elle refusa. Elle souhaitait voir la Divine avant que le Conseil exalté ne commence le lendemain.

Lédara se releva et allait prendre le bras que le Qunari lui présentait lorsqu'une voix familière l'arrêta encore :

- Lédara ! Ma très chère amie !

- Dorian ! s'exclama celle-ci avec joie.

- Quand Varric m'a dit que vous étiez dans les jardins, j'ai tout de suite écourté mon entrevue avec l'Empereur. Cela fait combien de temps ? Non, ne me dites rien, cela me donnerait un coup de vieux.

Les deux anciens compagnons se prirent dans les bras puis le mage examina la jeune femme sous toutes les coutures.

- Non d'un chien ! s'exclama-t-il, vos couturières s'en donnent à cœur joie ! Vous êtes ravissante. Un diamant parmi des centaines de rochers !

L'Inquisitrice avait revêtu la même tenue que lors de la cérémonie d'intronisation à l'Ordre des Chercheurs de la Vérité, Joséphine trouvant cette robe parfaite pour représenter l'Inquisition et sa sobre puissance.

- Merci Dorian, répondit Lédara en souriant. Vous êtes arrivé avant moi ici, j'espère que tout va bien.

- Rien d'inattendu, la rassura le mage. On nous a épargné le poids de la surprise. Orlaïs veut la mainmise sur l'Inquisition, Férelden aimerait la supprimer, la Chantrie met son grain de sel, et Tévinter n'envoie qu'un ambassadeur. Qui n'est autre que moi, d'ailleurs. En récompense de mon « intérêt pour le Sud ».

Dorian lui fit un clin d'œil entendu. Toutefois, Lédara remarqua que son ami se trouvait dans un profond désarroi.

- Que se passe-t-il, Dorian ? lui demanda-t-elle avec inquiétude.

- Je rentre à Tévinter… pour de bon, cette fois, répondit le jeune homme.

- Vous ne reviendrez plus dans le Sud ? Nous nous reverrons encore, non ?

- Mon père est mort, expliqua-t-il de sa voix grave et sérieuse. Je pense qu'on l'a assassiné. Je l'ai appris ce matin, par une lettre à la bonne humeur déplacée qui me félicitait d'avoir hérité de sa place au Magisterium. On ne s'est pas beaucoup vus quand j'étais chez moi. Il n'a jamais parlé de me garder sur son testament.

Lédara lui prit les mains et les serra fort dans les siennes, par compassion.

- Cette histoire d'ambassadeur, continua-t-il tristement, c'était son œuvre, apparemment. Il a dû vouloir m'éloigner quand les ennuis ont commencé. Il faut absolument que je rentre.

- Bull, pourriez-vous nous laisser seuls un instant ? demanda Lédara au Qunari.

- Je reste dans les parages, grogna Iron Bull cédant avec peine. Et vous, n'allez pas vous mettre où je ne pourrais plus vous voir.

- C'est promis, Bull, le remercia-t-elle.

Le Qunari s'éloigna des deux compagnons sans toutefois quitter des yeux la jeune femme et se mit à surveiller les alentours.

- Je sais que c'était compliqué, dit Lédara, mais je suis navrée pour votre père.

- Merci, je n'arrive toujours pas à réaliser.

- Alors, vous allez vraiment devenir magister ? interrogea Lédara, sachant votre ressentiment pour cette assemblée…

- Oh oui, répondit Dorian d'un ton faussement badin. Je meurs d'impatience de souiller le Magisterium par ma seule présence ! Il va me falloir une nouvelle tenue.

- Et ensuite ?

- Je trouve les meurtriers de mon père, et je le venge. Ensuite, je trouve ceux qui nuisent à la réputation de Tévinter et je les tue aussi. Il y a de bonnes chances qu'il s'agisse des mêmes personnes. Je ferai d'une pierre deux coups.

Lédara poussa un soupir.

- Vous aurez besoin d'aide là-bas, dit-elle avec inquiétude.

- Pas cette fois, mon amie. Je ne serai pas seul. Maevaris a rassemblé d'autres magisters de notre bord. On fonde une véritable faction au sein du Magisterium. Je vais leur apprendre les bonnes manières, les emmener faire les boutiques. On va s'amuser !

La jeune femme garda le silence un instant.

- Quand partirez-vous ? demanda-t-elle enfin.

- Le plus tôt possible, répondit Dorian. J'ai bien peur de ne pas pouvoir assister au Conseil.

- C'est mieux ainsi, sourit Lédara. Cela risque de ne pas être très beau à voir.

- Au fait, pourquoi Iron Bull vous suit partout comme un petit chien ? l'interrogea le mage.

- C'est parce qu'on a tenté de m'assassiner…

- Comment cela ! s'écria Dorian. Pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ? Vous savez qui veut votre mort ?

- Léliana enquête sur la question, rassurez-vous.

Les deux amis se prirent à nouveau dans les bras amicalement. Lédara se fatiguait de plus en plus, et voulait encore voir Cassandra.

- Dorian, puis-je vous demander un service ? lui demanda-t-elle soudain.

- Tout ce que vous voudrez, très chère.

- Pouvez-vous passer me voir dans mes appartements ce soir ? J'aimerais votre avis sur… un phénomène magique.

- Je vous y rejoindrai, noble dame, répondit Dorian d'un air entendu.

Le mage tévintide effectua un baisemain avant de prendre congé de l'Inquisitrice. Iron Bull rejoignit la jeune femme et tous deux se dirigèrent vers le grand hall qui abriterait le Conseil exalté. Là, ils empruntèrent un couloir qui conduisait aux quartiers de la Divine Victoria. Bull se proposa de rester devant la porte le temps de leur entrevue.

- Ah ! s'exclama Cassandra lorsqu'elle vit l'Inquisitrice entrer et refermer la porte derrière elle.

L'ancienne Chercheuse était vêtue des habits traditionnels de la Divine, à savoir une longue soutane blanche surmontée des couleurs de la Chantrie, un soleil d'or sur fond pourpre. Ses cheveux étaient entièrement cachés sous une haute coiffe qui accentuait les traits anguleux de son visage.

Cassandra s'avança près de son amie en boitant imperceptiblement.

- Tout va bien, je ne vous dérange pas ? demanda Lédara, sentant son amie quelque peu mal à l'aise.

- Oui ! répondit précipitamment Cassandra. En fait, je voulais justement vous parler. Et vous voilà.

Lédara sourit devant la maladresse habituelle de l'ancienne guerrière avec les mots.

- Cela a l'air sérieux, dit-elle, ne pouvant réprimer un petit rire.

- Ce n'est pas à propos de moi, c'est à propos de vous, continua Cassandra de plus en plus maladroite. Vous devriez peut-être vous asseoir.

- Je peux rester debout, répondit Lédara.

- Peut-être que moi, je devrais m'asseoir, alors.

- Votre jambe vous fait souffrir ? s'enquit la Marchéenne avec inquiétude cette fois.

Lédara s'en voulait personnellement de la blessure à la cuisse de son amie qui ne s'en était jamais complètement remise.

- Non ! s'exclama Cassandra. Je vous ai déjà dit que vous ne deviez pas vous en faire pour cela.

Les deux amies s'assirent donc sur un large divan de soie bleue brodé de petits ornements floraux.

- Inquisitrice, je suis votre amie, sachez-le, reprit Cassandra. Je serai toujours votre amie.

- Eh bien, moi aussi, Cassandra…

- Alors j'espère être de bon conseil en ce jour si important pour vous, continua l'ancienne Chercheuse. Suivez votre cœur, mon amie ! Peu importe ce que les gens vous diront !

La Divine s'était soudainement enflammée et parlait avec passion.

- Je devrais peut-être m'en aller et revenir, dit lentement Lédara en fronçant les sourcils. Je crois que j'ai manqué le début.

Cassandra poussa un soupir d'exaspération.

- Le mariage ! Voilà de quoi je parle !

- Le mariage ? s'étonna Lédara, maintenant déboussolée.

- Cullen n'est pas désagréable à regarder, je dois l'avouer… c'est même le contraire, mais si vous avez vraiment l'intention de…

Lédara garda le silence et baissa la tête, ses yeux posés sur ses mains.

- Il ne vous a pas fait sa demande, continua Cassandra. Ce Varric… je vais le tuer ! Pourquoi est-ce que je crois toujours ce qu'il me dit ? Pourquoi ?

Cassandra avait serré les poings de rage.

- Il a fait sa demande, Cassandra, dit soudain Lédara.

- Alors, c'est officiel ! s'écria son amie, son visage passant de la colère à la joie en une fraction de seconde.

- Je ne lui ai pas encore répondu, ajouta la Marchéenne.

- Mais… pourquoi ? s'étonna Cassandra.

Lédara poussa un profond soupir.

- Je l'aime, dit-elle enfin, je n'ai jamais autant aimé de ma vie… mais je veux le protéger.

- Mais de quoi, enfin ? s'agaça l'ancienne Chercheuse.

- De moi, murmura Lédara.

La Marchéenne défit les fin lacets qui retenaient sa manche gauche et commença à débander sa main, puis son poignet et son bras, dévoilant l'Ancre et son étendue. Des petites gouttes de sang perlaient de ses cicatrices au creux de sa main et sur son poignet, rendant le tableau d'autant plus effrayant.

- Je ne vous en ai jamais parlé car vous aviez tellement de soucis avec la réformation de la Chantrie, expliqua Lédara d'une petite voix. Je ne voulais pas vous inquiéter plus que vous ne l'étiez déjà.

Cassandra observa avec stupéfaction la marque.

- J'ai demandé à Dorian de l'examiner tout à l'heure, continua Lédara, mais je sais parfaitement ce qu'il va me dire. Je le sais parce que je le sens… l'Ancre est en train de me tuer inexorablement…

Cassandra ne put prononcer une seule parole tant son émotion était grande.

- Il y a sûrement quelque chose à faire… balbutia-t-elle enfin.

Lédara hocha la tête à la négative.

- J'ai l'impression que si j'accepte la demande de Cullen, expliqua la Marchéenne, je le condamne à un veuvage prématuré. Je ne veux pas qu'il s'enferme à nouveau après… j'aimerais qu'il puisse aimer à nouveau, un jour.

Cassandra prit son amie dans ses bras et la serra dans une étreinte passionnée et émouvante. Cette chaleur réconfortante fit succomber l'Inquisitrice qui ne put retenir quelques larmes qui coulèrent le long de ses joues.

- N'en parlez à personne, je vous en prie, la supplia Lédara.

La Divine resta muette, gardant son amie serrée contre elle et caressant lentement ses cheveux, telle une enfant qu'elle consolerait.

Iron Bull attendit tel une statue de marbre devant la porte de la Divine, aux côtés de deux autres gardes affectés à la sécurité de Victoria. Ils ne s'échangèrent pas une parole, les trois hommes restant immobile et le visage fermé, jusqu'à ce que l'Inquisitrice ressorte après une bonne heure d'entretien.

Le Qunari raccompagna enfin la Messagère à ses propres appartements. Arrivés dans le couloir où se trouvait sa chambre, Lédara eut un sursaut :

- J'ai oublié de donner le livre de Varric à Cassandra !

Bull la regarda perplexe. Elle lui fit les yeux doux, une légère moue sur ses lèvres, et il ne put que s'exclamer avec énervement :

- Mon job, c'est de vous protéger, si je ne suis pas à vos côtés, je fais comment, moi ?

Lédara adoucit encore son regard.

- Bon d'accord… mais retournez directement à vos appartements ! Pas de vagues.

Lédara sourit et le remercia chaleureusement avant de continuer son chemin le long du large couloir illuminé par les derniers rayons du soleil qui traversaient les nombreuses fenêtres. Arrivée devant sa porte, elle avait à peine posé la main sur la poignée qu'on l'accosta par surprise.

- Inquisitrice, j'espérais vous voir, dit une voix grave et mielleuse que Lédara reconnut tout de suite.

- Empereur Gaspard, dit-elle en se retournant et effectuant un semblant de révérence. Nous nous serions de toute façon vus lors du Conseil exalté.

- En effet, mais je souhaitais pouvoir vous saluer… en privé. Avez-vous reçu ma dernière lettre ?

- Vous avez dû en recevoir la réponse, Empereur, répliqua-t-elle du tac au tac.

Gaspard eut un petit rire forcé.

- En effet, elle m'a d'ailleurs étonné. La proposition que je vous ai faite était des plus avantageuses pour vous… Vous devriez prendre le temps d'y réfléchir encore un peu. Mon offre tient toujours. Et si vous vous refusez encore… Je me devrais de faire appel à une vieille affaire qui nous concerne tous les deux.

Lédara ravala la réponse qui brûlait ses lèvres. Son visage s'était fermé et elle lui jeta un regard noir tout en gardant le silence.

- Bien, dit-il en souriant sous son masque d'apparat qui ne lui couvrait que les yeux comme tout noble orlésien qui se respectait. Nous nous verrons demain, ma très chère amie.

L'Empereur saisit la main de la jeune femme qu'il baisa délicatement en ne quittant pas ses yeux, puis disparut au bout du couloir alors que Bull revenait en pressant le pas.

- Tout va bien, Chef ? lui demanda le Qunari en remarquant la pâleur de la Marchéenne.

- Oui, répondit Lédara dans un souffle.

Ils entrèrent dans ses quartiers. C'était une vaste chambre qui faisait office à la fois de salon et de chambre à coucher, le lit à baldaquin était caché derrière un large auvent de brocart bleu. La lumière du jour baignait la pièce grâce à une haute fenêtre qui donnait sur une petite cour intérieure et devant laquelle Iron Bull se posta afin d'observer les alentours.

Lédara s'assit sur un long divan bleu identique à celui que possédait la Divine dans ses propres appartements et sortit un petit flacon d'une poche cachée de sa jupe. Elle but une petite gorgée du liquide avant de s'affaisser contre le dossier, lasse.

- C'est quoi, ça ? demanda Bull en désignant le flacon.

- De l'elfidée, répondit simplement Lédara en la rangeant à nouveau dans sa robe.

Bull n'insista pas et fit le tour de la pièce, examinant le moindre recoin afin de connaître parfaitement les lieux. Du coin de l'œil, il vit la jeune femme doucement somnoler sur le divan. Il ne l'avait jamais vue aussi fatiguée et abattue. Il en déduisit très vite que ce devait être lié à la marque qu'elle cachait derrière des bandelettes de tissu.

Au-dehors, le soleil s'était couché et laissait place à un ciel dégagé et parsemé d'étoiles. On entendit quelques grillons ronronner, puis trois coups retentirent à la porte, ce qui fit sursauter l'Inquisitrice. Le Qunari se chargea d'aller ouvrir, puis laissa entrer Dorian qui venait au rendez-vous. Lédara se redressa et invita le mage à s'asseoir à ses côtés.

- Dois-je vous laisser ? demanda Bull avec réticence.

- Non, restez, lui répondit-elle. Si vous devez être mon garde du corps, vous devez aussi en être informé.

Iron Bull les rejoignit et s'assit dans un fauteuil en face des deux compagnons, les bras croisés sur son torse, ce qui fit craquer quelques coutures de son veston. Sans un mot, Lédara se leva, retira le manteau de sa robe et le déposa sur le dossier d'une chaise, devant une luxueuse coiffeuse. Elle vint ensuite se rasseoir et défit les lacets de sa manche gauche, puis les bandages qui ceignaient son bras et sa main. Les deux hommes restèrent cois devant l'étendue de l'Ancre.

- Qu'est-ce que… murmura Dorian en saisissant le poignet de la jeune femme et examinant les cicatrices et les filaments lumineux qui parcouraient sa peau.

- Merde alors, grogna Bull qui ne s'attendait pas à une blessure aussi étendue.

- A quelle fréquence grandit-elle ? est-ce régulier, ou sentez-vous des expansions soudaines ? demanda Dorian.

- C'était très lent, au début, répondit Lédara. Mais cela s'accélère de mois en mois, et bientôt de jour en jour…

- Décrivez la douleur, continua le mage.

- Des tiraillements constants, avec des pics plus ou moins puissants.

- Et la douleur la plus forte ressentie ?

Lédara poussa un soupir.

- Une fois, la douleur était telle que… murmura-t-elle, j'ai souhaité mourir sur l'instant. C'est comme si la marque accumulait de l'énergie et que je ne pouvais plus la contenir… parfois, il faut que j'évacue cette énergie. C'est dévastateur, et cela ne fait qu'empirer les cicatrices et son expansion…

Un long silence s'ensuivit pendant lequel Dorian observait et manipulait le bras de l'Inquisitrice, marmonnant de temps à autre des formules inaudibles et effectuant des signes invisibles sur sa peau. Après plusieurs longues minutes, le mage sortit de sa transe incantatoire et releva la tête, l'air dépité.

- Aucune de mes incantations de résorption ou d'annulation ne fonctionnent, soupira le mage avec inquiétude.

- Je n'espérais pas que vous puissiez y faire quoi que ce soit, murmura Lédara en remettant ses bandages avant de relacer sa manche. J'aimerais simplement votre avis sur… le temps qu'il me reste.

Un silence pesant s'abattit dans la pièce. L'Inquisitrice avait l'air tout à fait sérieuse alors qu'elle revêtait à nouveau son manteau, mais le mage ne put répondre tout de suite. Quant à Iron Bull, il avait gardé les bras croisés et son visage s'était refermé, devenu impassible.

- Pour être franc, je dirais…

- On frappa brièvement à la porte qui s'ouvrit aussitôt sur les trois conseillers de l'Inquisitrice. Celle-ci fit signe à Dorian de se taire et se leva en souriant, ce qui contrasta avec sa gravité de l'instant précédent.

- Avez-vous pu voir tous les protagonistes du Conseil ? leur demanda l'Inquisitrice avec un calme déroutant.

- Oui, et ils sont déterminés à atteindre leurs objectifs, répondit Léliana qui salua d'un mouvement de tête le Qunari et le mage.

- Je vais vous laisser, dit Dorian, un reflet de désolation dans les yeux. Nous nous reverrons d'ici quelques mois, tout au plus.

Ses derniers mots s'évanouirent dans un murmure. Lédara comprit le message de son ami et le serra dans ses bras.

- Prenez soin de vous à Tévinter, lui dit-elle avec chaleur.

Le mage sortit de la chambre le pas fuyant. De sombres affaires l'attendaient dans sa patrie et la perspective de ne peut-être jamais pouvoir revoir son amie l'avait anéanti.

- Bien, demain s'ouvrirrra le Conseil exalté qui sera dirrrigé par la Divine Victorrria, expliqua Joséphine qui s'assit dans un fauteuil en feuilletant plusieurs parchemins griffonnés qu'elle tenait entre ses mains. Pendant les séances de ce Conseil, je vous demanderrrais de me laisser parrrler pourrr vous.

- Bien sûr, Joséphine, répondit Lédara d'un air las.

- Je crois que nous devrions laisser l'Inquisitrice se reposer, suggéra Cullen le regard inquiet.

Le Commandant avait perçu le visage fatigué et le regard vide de sa compagne. Lui-même s'inquiétait beaucoup pour ce qui allait se produire le lendemain et il ne voulait pas que Lédara angoisse plus qu'elle ne le pouvait déjà.

- Oui, merci, dit-elle avec un faible sourire. Mais avant cela, j'aimerais parler avec Joséphine en privé.

Léliana et Cullen acquiescèrent et sortirent de la pièce, de nombreux éléments devant encore être vérifiés avant le début du Conseil le lendemain. Iron Bull sortit derrière eux, signifiant à son amie qu'il resterait devant la porte. L'Inquisitrice et son Ambassadrice restèrent seules l'une en face de l'autre.

- Cullen a inspecté tous nos soldats, fit Joséphine avec assurance. J'ai échangé tant de lettrrres avec la cour orrrlésienne que nos oiseaux voyageurrrs en avaient prrresque fini par cacher le soleil ! Nous sommes aussi prrréparés pour ce Conseil que nous pouvons l'êtrrre.

- L'Empereur a réitéré sa demande tout à l'heure, il m'attendait devant ma chambre.

Joséphine s'interrompit, son visage s'étant assombri d'un seul coup.

- Bien, je reformulerrrai une rrréponse négative par écrrrit, soupira-t-elle en extirpant un parchemin vierge de ses feuillets.

- Il cache quelque chose, murmura Lédara.

- Quoi donc ?

- Je ne sais pas… une intuition, mentit la Marchéenne.

Joséphine observa la jeune femme avec intérêt, puis se mit à rédiger la lettre officielle de refus pour l'Empereur d'Orlaïs. Elle la lut ensuite à voix haute, rectifia quelques tournures puis l'écrivit au propre et la fit signer par l'Inquisitrice. L'Ambassadrice se leva une fois son travail fini puis se dirigea vers la sortie. Avant de passer la porte, elle se tourna une dernière fois vers l'Inquisitrice :

- Reposez-vous, Votre Grâce. Les jourrrs prrrochains risquent d'êtrrre difficiles.