Hey !

(Oui, c'était rapide.) Un autre OS, sur le thème os ! Et cette fois, c'est moins drôle. Je m'essaie à cerner Joshua, et j'ai eu cette idée à cause d'une discussion avec Laemia. C'est une sorte de préquelle ? Voilà.

(Et du coup, Merci Lae pour ta review !)

(TW en fin de page !)

Bonne lecture !


sumé : Joshua menait une existence somme toute normale, jusqu'à ce qu'un terrible constat s'impose à lui.

Rating : T
Genre : Angst
Univers : Préquelle

Personnages : Joshua
Pairing : x


Le bruit des os qui craquent

.

Au commencement, il y avait Joshua. Et Joshua menait une existence somme toute normale, jusqu'à ce qu'un terrible constat s'impose à lui. Un constat qui allait, indéniablement, bouleverser sa vie.

xoxoxox

L'idée l'a traversé comme ça, alors qu'il se baladait dans les rues de Shibuya. Un quartier animé qu'il traverse à l'occasion. Un pas après l'autre, le garçon avance et profite de l'odeur grasse qui s'échappe des snacks. Il épie des morceaux de conversations inintéressantes, serre dans son poing le sac qui s'en va remplir de courses. Il passe la porte du supermarché, attrape son pain et ses articles, ressort, sent le vent chaud de juin qui saute sur sa peau. Et ça le frappe.

La vie n'a pas de sens.

Evidemment, maintenant qu'il y pense. Oh, Joshua l'a toujours su. Ça traînait là dans sa tête comme une vérité qu'on enterre dans un coin de mémoire, une sorte de souvenir fantôme. Comme une leçon qu'on apprend sans la comprendre. Et c'est là tout le problème. Parce qu'à partir de cet instant, le jeune homme comprend.

Il s'en retourne chez lui sans faire attention au klaxon des voitures qui s'emparent de la route.

xoxoxox

Chez lui, il y passe de plus en plus de temps. Joshua n'a jamais été un grand amoureux des soirées arrosées à la sortie de la fac. Il prend ses cours et il partage éventuellement un verre - de vin, toujours - avec ses camarades. Puis il rentre, et c'est sans doute le seul moment de la journée qui en vaut la peine. Celui où il s'assoit sur sa chaise, devant la fenêtre, à observer le ciel qui vire au noir. Les gens qui s'en retournent chez eux. Parce que Joshua aime observer les gens. Il éprouve pour eux un intérêt distrayant.

Mais ce soir-là, il salue vaguement ses camarades de cours sans les rejoindre au bar. Il s'installe sur son siège, jette un regard derrière la vitre. Et il pense, son bol de pâtes à la main, que toutes ces vies ne sont que le reflet d'un seul et même trajet. Peu importe pourquoi ces types sortent de chez eux, ce qui les poussent à avancer dans la rue. Leur passion, leurs amoures, leurs grandes déceptions. Ils se lèvent un matin, et un jour, ils vont mourir. Et on les oubliera. Et il en ira ainsi indéfiniment, jusqu'à ce que le monde s'efface de lui-même.

Toujours les mêmes fourmis qui s'activent. La même fin qui les attend. Comme un film vu et revu.

Alors, ce soir, Joshua tire son rideau.

xoxoxox

Les cours. Tout le monde en passe par là, et il ne fait pas exception. Comme nombre d'étudiants, il a choisi la fac par défaut, pour repousser encore le moment où il devra aller travailler. Il s'installe sur une chaise peu confortable, prend des notes sur l'histoire du Japon, et il se laisse aller à ses rêveries. Deux heures passent, il rentre chez lui. Et puis le lendemain, et le même manège.

Mais Joshua se lève, un matin, et il reste assis sur son lit.

D'accord, l'histoire du Japon, c'est intéressant. Enfin, ça l'intéresse lui. Mais est-ce qu'il n'a pas mieux à faire que d'assister à ce cours ? Qu'est-ce que ça changera, s'il échange ces deux heures contre un peu plus de sommeil ou un bon livre de science fiction ?

Rien. Rien, parce peu importe les choix de vie qu'il fera, la vie, elle va poursuivre son cours. Le temps va passer, les événements du monde continueront de s'enchainer et qu'il vienne où non, les étudiants vont traîner deux longues heures durant avant d'abandonner la salle.

Il peut bien sécher, alors.

Joshua ricane. C'est sans doute ce qu'on appelle la flemme.

Ça ne peut pas lui faire de mal.

xoxoxox

– Et du coup, tu connais Les trois accords ?

– Du tout.

C'est si facile de faire semblant. Il suffit de pencher la tête et de regarder la personne qui lui parle. Pas forcément dans les yeux, il peut dériver vers ses épaules, sur le pendentif qui se coule dans son cou. Une jolie pierre, pour sûr. Il pourrait glisser ses doigts autour et tirer d'un coup sec. Forcer ce type à se pencher vers lui. Mais Joshua ne dit rien. Simplement, il écoute.

Fait semblant d'écouter. Hoche la tête.

Et oui, c'est facile. Acquiescer, pousser de petits Mm attentifs et offrir des mots convenus, tout un ensemble qu'il maîtrise à la perfection.

– Oh, et les Cow-boys fringants, c'est super cool. Attends, je vais te faire écouter.

Ce type croit sincèrement qu'il suit la conversation ? Apparemment, oui. Il n'y voit que du feu. Joshua est bluffé. Il le laisse lui tendre un écouteur, lui sourit en coin. Passe ses doigts dans ses cheveux, et fait mine de ne pas remarquer comme le type l'observe. Il croise les jambes pour mieux caler sa paluche sur son genoux, penche à peine la tête.

L'autre le bouffe du regard.

Il rit. Le type l'imite. Sans réaliser qu'il se moque de lui.

Vraiment, tout ça est d'un ridicule…

Non. Pire que ridicule.

C'est prévisible.

Et comme il le réalise, Joshua n'a plus envie que de remballer ses affaires pour regagner son appartement.

xoxoxox

Il n'a pas la télé. Tout au mieux, un ordinateur pour regarder ce qui le chante, quand il a besoin de s'occuper les yeux. Mais là, ça fait bien dix minutes que le jeune homme fait défiler les propositions que Netflix lui offre, et il ne trouve définitivement rien qui puisse attirer son attention. Alors il referme son ordi, et il l'abandonne sur son lit.

Un livre. C'est bien un livre, pour s'occuper. Il en a plein sa commode. Des classiques hérités de sa grand-mère - morte - des bouquins qu'il a chopé sur la table d'une librairie, attiré par la couverture. Des titres de science fiction qui ont éveillé sa curiosité. Ça fait bien deux ans que le Cycle de Fondation attend sur son armoire. Il n'aurait qu'à s'installer sur sa couette, pour mieux profiter de la lumière du jour. Oh, il y a aussi ces titres qu'on leur a conseillés en cours. Il n'a qu'à sortir faire un tour à la bibliothèque, et…

Et quoi ?

Il pourrait lire, oui.

Mais il y a une question, plus importante, qui se pose. Une question qui l'obsède.

Pourquoi lire ?

Pour le plaisir, certes. Mais rien ne dit que le bouquin qu'il choisira lui plaira, au contraire. Il risque de s'ennuyer comme un rat mort, à tourner les pages pour mieux replier la dernière. Ça lui arrive de plus en plus souvent.

Pour la culture. Mais à quoi bon la culture, au fond ? Pourquoi rassembler ce tas de connaissances ? Qu'est-ce que ça lui apportera, au fond ? Une satisfaction passagère. Un semblant de fierté. L'illusion de valoir mieux que ceux contre qui il opposera le savoir patiemment acquis. Mais au fond ? Qu'est-ce qu'il va tirer de tout ça ? De ces heures passées à dévorer des pages qu'il laissera aussitôt sur le rebord d'une étagère ?

Joshua caresse la couverture d'un livre qu'il n'a encore jamais ouvert. Des couleurs vives sous ses doigts. Un monde qui l'attend.

Il sourit.

Rien.

Il n'en tirera rien, rien de plus qu'une vague connaissance, comme un fichier perdu sur une clef USB que le temps anéantira.

Il peut apprendre tout ce qu'il veut, toujours, il retournera à cette vacuité inhérente à l'existence même.

Il pourrait écrire, alors, mais ? Ecrire pour quoi ? Balancer des lignes qu'on oubliera un jour ? Dessiner des chefs d'œuvres qui s'effaceront sous le poids des siècles ?

Seul dans sa chambre, Joshua ricane sec. Il se replie sur son lit. Déglutit Pose sa tête contre ses genoux.

Et brusquement, il attrape son ordinateur pour lancer le film le plus stupide qui passe à sa portée.

xoxoxox

Il le voit bien, dans son regard. Qu'elle s'inquiète.

– Tu dors assez, t'es sûr ?

– Comme une marmotte.

C'est une bonne amie. Du genre qui se soucie des autres, qui demande ce qu'on ose pas demander, sans jamais fouiller trop loin. Elle s'intéresse à lui, juste ce qu'il faut pour se donner bonne conscience. Elle posera une ou deux questions dans son dos, sans doute. Mais pas plus. Après tout, c'est important de respecter la vie privée des gens. Leur refus.

– T'as l'air crevé.

– La faute aux examens. Regarde autour de toi, qui n'a pas une tête de zombi fraîchement déterré ?

Il désigne un type au hasard.

– Regarde celui-là. A ton avis, ces cernes, c'est des vrais, ou il a raté son maquillage ?

Elle rit, pour de faux. Réaction socialement acceptable face à une blague qui n'a rien de drôle, parce qu'elle ne peut décemment pas rester là à le fixer sans rien dire. Et qu'elle n'osera pas, non, lui demander ce qu'il en est de ses cernes.

Il ne ment pas, pourtant. Il dort beaucoup. Parce qu'il s'ennuie beaucoup, ces derniers temps.

– Maquillage. C'est trop violet.

– Ou alors, c'est un cocard.

Et il rit aussi, parce qu'il faut bien. Parce que la vie est un ensemble de gestes qu'il doit répéter, comme une partition qu'on connaît par cœur. Il rit et elle n'insiste pas, comme il l'avait prévu. Elle a fait sa bonne action et ce soir, elle rentrera, elle révisera et un jour elle aura un taf bien payé qui ne lui plaira pas tant que ça, mais il faut bien payer le loyer.

C'est dingue, cette évidence qui le frappe alors qu'il la regarde s'éloigner. Elle avance et il sait où elle va.

Il n'a rien à attendre d'elle. Rien qui puisse le surprendre.

Et lui ? Qu'est-ce qu'il va faire, maintenant ?

xoxoxox

Il saute un jour de cours, puis deux. Puis une semaine. Il ne fait pas vraiment attention. Il se lève un matin et c'est samedi, et il n'a pas cours le samedi. Quel dommage. Alors il reste dans son lit sans s'inquiéter, il se dit tant pis parce qu'après tout, pourquoi les cours ? Qu'est-ce qu'il va faire de ces leçons, et des diplômes qu'il en tirera ?

Et puis un jour les résultats tombent, et le redoublement, et Joshua sourit. Redoubler, lui ? Il rit encore, sans comprendre pourquoi, parce que ça lui vient et c'est comme ça, tant pis. Redoubler ? Pour quoi faire ? Pourquoi aller encore à la fac, pour ce qu'il en tire ? Pourquoi écouter, emmagasiner ce savoir qui ne lui servira jamais vraiment ?

Quelle immense arnaque.

Ils sont tous là dehors à se démener, tout joyeux dans sa rue à se précipiter vers le cinéma. Mais pourquoi ? Pourquoi faire tout ça ? Ils ne comprennent pas ?

C'est tellement futile. Vain. Tant de temps qu'ils perdent, et lui, il perd le sien à dormir, mais qu'est-ce qu'il peut faire d'autre ? Ses yeux s'écartent seuls des films qu'il pose sur leur chemin, les livres n'ont plus le pouvoir de retenir son attention. Il pouvait voir des gens mais les gens, justement, ne sont eux aussi qu'un ensemble de gestes et de mots qui se répètent indéfiniment. Des phrases qu'ils anticipent et qu'il fait semblant d'écouter mais il ne veut plus, Joshua, faire semblant. Sortir et jouer le jeu, le grand jeu de la vie qui le lasse. Il n'a pas la force pour ça.

Ils ne comprennent pas, dehors. Que cette mascarade n'a pas de sens. Qu'un jour ils auront tous disparus et qu'il n'y aura plus rien, et qu'ils n'auront jamais existé. Et puis même, exister, pourquoi faire ?

Pourquoi ?

C'est toujours la même question.

Pourquoi se lever le matin, pourquoi les cours, pourquoi les gens, pourquoi encore et encore les mêmes efforts et le vent qui passe entre ses mains ? Pour quelle raison véritable et profonde, quel sens merveilleux qu'on a pas daigné lui délivrer ? Pourquoi encore et toujours ces buts éphémères que les gens se fixent, ces victoires qui s'effacent entre leurs doigts aussitôt qu'ils les saisissent ?

Pourquoi ?

Joshua y pense.

Et sa gorge s'agite. Et il tire le rideau, et il tombe sur son lit. Et l'absurde stupidité du monde lui saute aux yeux.

Pour rien.

Tout ça pour rien.

Parce que la vie n'a pas de sens. Que tout ce qu'ils entreprennent amène à la même vacuité.

Et Joshua ferme les yeux pour ne pas pleurer. Il inspire. Mais ça ne suffit pas.

Il a la nausée.

xoxoxox

Des messages, et pas de réponse. Il les lit, ou pas. A quoi bon répondre ? Ça ne mènera à rien, parce que rien ne mène à rien. Les gens sont des mensonges. Et des amis, est-ce qu'il en vraiment eu ? Est-ce qu'il n'a pas fait semblant, tout ce temps ?

Et des passions ?

Peut-être qu'il imitait seulement, jusqu'à aujourd'hui, ce jeune Joshua qui se levait le matin pour aller à la fac. Qu'il n'avait pas envie, au fond.

Envie.

xoxoxox

Il n'a envie de rien.

xoxoxox

Les livres l'ennuient, et les humains, tout. Les jours passent et se ressemblent parce qu'il n'y a, au fond, rien qui les différencie. C'est toujours la même lassitude, alors qu'il ignore le portable qui vibre sur sa table. Ce vide immense. Ces secondes qui s'égrainent. Cette question.

Pourquoi ?

Il a faim. Ou alors, il a mal au ventre. Où est la différence ? Qui a décidé de faire de ces sensations deux notions distinctes ? La douleur n'est-elle pas une faim immense ?

Joshua rit de sa propre question. Ou peut-être qu'il fait semblant. Qu'il se force.

Qu'y a-t-il de vrai en lui, au fond ?

En chacun d'eux ?

Qu'y a-t-il de vrai, dans cet éternel cycle de répétition ?

xoxoxox

Il n'a pas pris de douche depuis un moment. Ses cheveux sont gras, collants. Il observe la baignoire. S'assoit tout contre. Il pourrait allumer l'eau, là, se laisser couler dedans. S'abandonner à la chaleur. Il pourrait.

Sa mère a appelé, ce matin. Il croit.

Il ne sait plus pourquoi.

xoxoxox

Sous ses jambes, le vide. Mais qu'est-ce que le vide, sinon ce monstre immense qui l'accompagne depuis des jours ? Ce camarade qui chasse loin de lui l'envie d'agir ? Joshua regarde sous ses pieds le monde et les gens qui marchent. Pour rien. Ces idiots. Tous ces êtres qui noient leur angoisse à coup de passions éphémères. Ces gens qui se fabriquent des hobbys. Se perdent dans le travail.

Ses mains caressent le béton sous ses doigts.

Quinze étages. C'est haut.

Il observe les fourmis et leurs mensonges. Inspire. Balance ses jambes. Il a mis sa plus belle chemise - enfin celle qu'il trouvait belle, avant, mais il ne sait plus si elle lui plait vraiment. Il la regarde, et il ne ressent rien.

Pourquoi est-ce qu'il a fait ça ? Allez savoir. Il fallait bien qu'il s'habille. Question de conventions sociales. On ne se balade pas nu dans la rue.

Perché sur son promontoire, Joshua jauge le monde. Il voit le soleil au loin, et il entend, d'ici, ce magma de bruits qui se mêlent. Ce monde qui grouille. Mais qu'est-ce que c'est le monde, au fond ?

Il replie ses genoux. Appuie ses talons contre le bord de l'immeuble.

C'est comme un rêve. Un monde flottant où rien n'a d'importance. Rien.

Parce que rien n'a de sens. Et Joshua le sait. Et il ne peut plus le désapprendre.

Il y a du vent, aujourd'hui. Du vent entre les immeubles de Shibuya, qui pousse et passe sur ses jambes. Caresse.

Il appuie ses mains bien à plat sur le béton. Déglutit.

C'est une expérience comme une autre. Les gens ne comprendront pas. Mais les gens ne comprennent jamais, de toute façon. Ces questions sans réponse qui ont pris toute la place.

Joshua regarde, sous lui, ce qui ressemble à la vie. Cet ensemble qui se répète à l'identique.

Il se redresse, à peine. Pour mieux s'élancer.

Allez.

Il se demande quel bruit font les os qui craquent quand ils rencontrent le bitume.


[TW : Dépression, suicide]

Et voiiilà. Non parce que même en ayant fini TWEWY, Joshua qui dit qu'il a rejoint le jeu "volontairement" parce que la vie l'ennuyait, je traduis ça part "J'étais en dépression et je me suis suicidé."

(Sinon écoutez Les trois accords et Les cow-boys fringants, c'est chouettes. Et les Trois accords ça vous remontera le moral après ce texte.)

Et le titre vient d'une pièce de théâtre du même nom, écrite par Suzanne Lebeau, sur les enfants soldats.

Merci d'être passé, et à une prochaine fois !