Hey !
Et voilà un dernier os ! Toujours la nuit du FoF, le thème était Coercition, j'ai tout de suite pensé à eux et à cette histoire. C'est un peu - complètement - moins joyeux que le texte précédent, mais c'est sans doute encore une fois de la faute de Laemia. Au moins pour un élément du texte.
(TW en bas de page !)
Bref ! Bonne lecture !
Résumé : Je me casse, il dit tout bas, avant d'entrer dans le salon.
Rating : T
Genre : Romance/angst
Univers : UA Moderne
Personnages : Joshua, Neku
Pairing : JoshNeku
Tu ramèneras du pain
.
Midi, les volets sont fermés. Mais peut-être qu'il se trompe, qu'il est plus tard que ça, vingt heures, minuit, et qu'il fait nuit dehors autant qu'ici. Peut-être que le temps n'existe plus, d'ailleurs. Que le monde s'est arrêté de tourner, depuis qu'il a passé la porte de l'appartement. Peut-être que le monde s'est effacé.
Qu'il n'a jamais excité.
Qu'il n'y a jamais rien eu d'autre que Joshua.
Neku inspire. Cache son visage sous ses mains. Ok. C'est des conneries, tout ça. Des conneries finies. Terminées.
– J'me casse, il dit tout bas.
Ouais. Il se casse.
Son sac sur le dos, son casque autour du cou. Dans sa poche, son portefeuille. Et dans sa tête la brume. Il entre dans le salon, là où ça sent les cartons de pizza, et l'encens. Les parfums artificiels qui se mêlent et agressent son nez.
Dans l'ombre, il cherche la forme anarchique d'un corps avachi sur le canapé, sous un plaid miteux. Un vieux tissu tiré du placard, qui gratte. Qu'il vire du bout de pied chaque fois qu'il s'installe là. Il cherche, oui, la masse cotonneuse qui gonfle autour d'un visage d'ange déchu. Des yeux violines qui décortiquent son âme. Mais sans lumière, il ne trouve qu'un contour incertain. Comme un danger qui guette.
Et soudain, une flamme.
Un briquet et, sous le halo d'une bougie qu'on allume, un sourire indescriptible.
– Déjà debout, Neku ?
Son nom, dans sa bouche. Merde. C'est...
Non. Il ne se laissera pas faire, pas cette fois. Plus jamais. C'est fini.
– Ouais.
– Et tu t'es senti obligé de me réveiller ?
Sa voix de serpent qui grimpe et entre dans son oreille, qui siffle.
– C'est impoli de venir perturber le sommeil des gens, tu sais ?
– Je t'emmerde.
– Vulgaire de si bon matin ?
Ce n'est pas le matin. Mais à quoi bon le lui dire ? Avec Joshua, le temps est un concept flou. Un élément superflu. Il n'y a pas d'heures, ni de jours, seulement cet appartement plein de cartons entassés, de bougies parfumées, d'assiettes qui traînent et de meubles lisses sans trace de poussière. Il n'y a que ses grands yeux qui se posent et le tiennent, là, aussi solidement d'une paire de menottes.
Mais non. Il ne le laissera pas faire.
– Je m'en vais.
Ses doigts serrés autour de sa bretelle, il rassemble tout ce qu'il a de courage.
Courage ? Non. C'est noble, le courage. C'est beau. Neku n'a qu'une amère rancune dans les entrailles, une colère qui macère et pourrit dans son corps. L'envie de faire mal.
Mais Joshua sourit, comment sourient les gens face à la fin prévisible d'un film. Sa tête fine roule sur l'accoudoir du canapé, son bras s'étend dans un étirement mou, effleurant les feuilles tombantes du yucca qui lui tient lieu de colocataire. S'attardent sur la surface verte. Ses épaules roulent.
Le tissu lâche de sa chemise dépasse de sous le plaid. Des boutons défaits. Une peau jaunie par la flamme de la bougie.
Et son cou.
– Oh, Neku.
Son rire.
– Encore ?
Son dos qui se redresse, fait tomber la maigre couverture. Ses cheveux éparpillés, boucles folles qu'il a tirées si fort.
– Tu penseras à prendre le pain en passant, cette fois ?
– J'reviens pas.
– Et tu récupèreras le courrier en rentrant, hein ? Ça m'arrangerait beaucoup.
– Non.
Il passe la porte et il s'en va, et il ne revient jamais. Il ira dormir chez Shiki, ou chez Beat, ou dans la rue à la belle étoile, sa musique dans les oreilles. Loin. Loin de Joshua, de sa voix qui siffle, de ses mains délicates qui caressent tout ce qu'elles touchent et marquent à jamais son nom sur les peaux. Loin de son regard accaparant, de ses longues heures immobiles, des silences et de cette brume épaisse qui lui ronge le cerveau quand il reste contre lui.
Il regarde le pan de sa chemise qui tombe sur ses cuisses pâles, et il sait qu'il ne porte rien en dessous.
– C'est juste un petit service que je te demande.
Il sait, parce que c'est lui qui a tout enlevé.
– Tu peux bien faire ça pour moi ?
Enlevé, ou arraché.
– Hein ?
Pour mieux agripper ses hanches quand il l'a repoussé sur le canapé.
– Je rentrerai pas, il insiste.
Et Joshua se lève, ses pieds nus glissant sur le parquet. Il contourne la table basse et tout le bordel entassé dessus, marche sur le sol impeccable, sa chemise agitée par son pas.
– Bien sûr que tu vas rentrer.
Et Neku devrait bouger, crier, l'insulter, peut-être. Se retourner sans le regarder pour laisser une blessure indélébile sur son égo avant de s'en aller. L'abandonner sans un regard, mais son regard, justement, il ne le contrôle plus. Il le voit qui avance et le poids de son corps lui revient en mémoire. Ce même poids qui s'est tranquillement installé sur ses genoux la première fois qu'il a passé la nuit ici. Il se souvient. Deux mains qui le poussent, l'invitent sur le canapé, et la sensation de ses gambettes sur les siennes. Ses doigts sur ses joues et sa bouche, contre la sienne. Son goût de chewing gum à la menthe.
– Non.
Son propre corps, immobile.
– Qu'est-ce que tu pourrais faire d'autre ?
Soumis au sien par des ordres silencieux.
– Tu sais ce qui t'attends, dehors.
Le bruit. Les gens. La masse informe qui l'engloutit quand il passe dans la rue, les voix qui l'effraient, le jeu factice des rapports sociaux qu'il imite pour mieux s'y soustraire.
Non. Shiki, et Beat. Il y a Shiki et Beat. De l'espoir, dehors.
– Qu'est-ce que tu vas faire, sans moi ?
– Des trucs.
– Des trucs ?
Joshua rit encore, mais cette fois le tremblement est si proche de son visage. Le garçon pose ses mains froides sur ses joues, de tout petits reptiles qui envahissent sa peau. Une armée de lézards. Une caresse tendre.
– Écoute-toi parler, Neku. Tu ne sais même pas ce que tu vas faire dehors.
– Ça te regarde pas.
– Oh, si. C'est moi qui vais devoir préparer la chambre quand tu reviendras. C'est moi qui t'écouterai geindre.
– Tu rêves.
– Non. Tu rêves.
Neku regarde son cou. Les tâches mauves qui salissent sa chair malléable. Une pour chaque doigt qu'il a serré autour.
– Tu crois vraiment que ça aura changé, dehors ? Mais non, chaton. Ce sont toujours les mêmes gens. Le même blabla ennuyeux qu'on va te servir, les mêmes journées qui vont se répéter.
Tout son corps se tend, comme il se souvient de la voix éraillée de Joshua, des gémissements tordus qui sortaient malgré sa main crispée. Il sent encore son parfum, le goût de sa peau fragile contre sa langue, la force de ses jambes enroulées autour de lui comme une chaîne. Leur souffle, le plaisir brute, le ventre humide de l'ange déchu contre le sien. La jouissance et le silence, et ses mains qui viennent caresser ses cheveux alors qu'il s'affale sur lui. Le temps qui passe, indéfiniment.
– Tu mens.
– Qu'est-ce qui te fait croire ça ?
Mais non. La vie, ce n'est pas ça. Pas ce temps suspendu qu'il passe allongé contre Joshua, a échanger des mots qu'il n'a jamais trouvé ailleurs. D'horribles paroles qui le confortent dans sa solitude partagée. Ce n'est pas le sexe, par les baiser languissant, par les caresses évasives et le sommeil pris au hasard sans se soucier de l'heure.
Pas ce bourbier où il s'enfonce confortablement.
Neku veut vivre et la vie est là, dehors.
– Tu as oublié, c'est tout.
Ses lèvres cherchent son oreille.
– Tu vas sortir, et quand tu retrouveras le même monde insipide, tu reviendras. Parce qu'il n'y a qu'avec moi que tu ne te sens pas seul, hein ?
– Arrête.
– Même Shiki ne peut pas comprendre ça. Et Beat, n'en parlons pas.
Sa voix humide.
– Tu vas revenir, parce que personne ne peut comprendre ce qui se passe là-dedans, là-bas.
Il tapote délicatement sa tempe, la caresse, enroule ses cheveux autour de ses doigts.
Et Neku le pousse violemment. Joshua titube, trébuche, termine les fesses sur le parquet. Une grimace. De la surprise dans ses yeux mais vite, trop vite, un rire qui agite ses pupilles. Et cette expression que Neku déteste. Cette satisfaction.
– Tu m'as fait mal.
Mais sa voix veut dire tout le contraire.
– Vas te faire foutre.
– Oh, je crois que tu as déjà bien entamé le travail. Pas que ça me déplaise, cela dit. Mais je ne pense pas pouvoir remettre ça tout de suite.
– Ta gueule.
– On va attendre que ma gorge s'en remette, si tu veux bien ? Sauf si tu veux faire ça autrement.
Non, non, il ne va rien remettre, il va prendre son sac fraichement tombé et partir, visser son casque sur ses oreilles et cette fois, il ne reviendra pas.
Jamais.
– Adieux, il jette, comme une pierre en travers de sa face.
Et il attrape ses affaires avant de se tourner vers la porte.
– A bientôt, Neku.
Il prend tout et il pousse la porte et dans le couloir, la lumière artificielle lui brûle les yeux. L'agresse. Le monde est trop blanc. Son cœur s'emballe.
Fini.
– Pense à prendre le pain.
Oui, fini ces conneries.
Alors il trace sans regarder, droit devant lui. Il avance et ignore le rire qui le suit, raisonne alors même s'il n'entend plus la voix de Joshua. Il sort et le bruit de la rue s'infiltre dans sa tête, et pour la première fois depuis longtemps, il fait jour.
Un grand soleil qui cache du plat de sa main, avant de tracer jusqu'au métro le plus proche.
[TW : relation pas très saine, dépression, sexe, strangulation]
Voilà voilà. En vrai j'aime bien cet UA, donc je pense faire d'autres textes dessus un de ces jours !
Ça vous a plu ?
