Hey

Nuit du Fof, Os, thème Défaite. Et toujours, j'arrive pas à écrire sur autre chose que Twewy, donc voilà une nouvelle fournée de JoshNeku.

Bonne lecture !


Résumé : Un an qu'ils ne se sont pas vus. Et Neku n'est pas sûr que ce soit une bonne idée. Mais c'est trop tard pour regretter.
Rating : K +
Genre : Romance
Univers : UA Moderne

Personnages : Joshua, Neku, Sanae
Pairing : JoshNeku


Retrouvailles

.

– Café ?

Sa voix et son sourire.

– Mm.

– Allez. Tu ne vas pas rester sans commander, quand même ? C'est moi qui invite.

Il est toujours aussi horripilant.

– D'acc.

– Parfait.

Il se tourne et lève la main. Ses épaules maigres accompagnent le geste, et Neku se souvient. De leur chaleur. De la sensation des os minces si près de la peau, quand il les caressait.

– Garçon ! Deux cafés, s'il vous plaît.

Et là c'est sa voix qui caresse, passe contre lui et entre dans sa tête. Sa voix de plume si vive, imparfaite, trop perchée, prisonnière d'une adolescence qu'il semble n'avoir jamais terminée. Une voix qui perçait les aigus, fut un temps, quand il-

Non.

– Merci.

– Oh, tout le plaisir est pour moi.

Ça il veut bien le croire. Neku déteste le café. Maintenant qu'il y pense, il aurait pu choisir une autre boisson. Un chocolat chaud. Joshua se serait moqué, mais ça, il a l'habitude. Avait. Bah, c'est comme le vélo, sans doute. Quand on a appris à supporter un type pareil, ça reste dans la peau.

– Alors, qu'est-ce que tu racontes de beau ?

– Pas grand chose.

– Oh, Neku. Je sais que tu n'as jamais été très bavard, mais tout de même. Il a bien dû t'arriver quelque chose, en un an.

Un an. Putain.

Il a trouvé un travail. Qu'il a perdu. Puis il en a retrouvé un autre, dans un supermarché. Réception. Il porte des cartons à s'en péter le dos, déballe des articles et se demande, à chaque fois, s'il ne pourrait pas en chiper un ou deux en douce. Ce serait si simple de voler. Mais non. Il faut croire que la société a bien fait son boulot. Il est conditionné comme un bon petit soldat, incapable d'aller contre le système.

Ça aussi ça le ferait rire, l'autre.

– Je bosse.

– Et ?

– C'est tout.

– Seigneur. Ta vie doit être terriblement ennuyeuse.

Il va faire comme s'il n'avait pas entendu. Comme si ça ne le touchait pas, là. Qu'il ne crevait pas d'envie d'attraper sa sale tignasse au creux de son poing. Ça lui plairait trop, de toute façon.

– C'est un job intéressant, au moins ? Rassure-moi, tu ne passes pas ta journée derrière la caisse d'un supermarché ?

– Non.

Presque. Lui, il est derrière la porte réservée aux employés. Ce n'est pas plus mal. Moins de monde. Juste la musique qu'il lance. Et les cartons.

– Et qu'est-ce que tu fais ?

Quelqu'un dépose deux cafés entre eux. L'odeur flottante l'enivre. C'est dommage, quand même. Une boisson qui sent si bon, avec un goût aussi horrible. Il pourrait se contenter de l'effluve qui monte. Glisser sa main autour de la tasse pour profiter de cette chaleur vive, et attendre. Au pire, Joshua le boira à sa place.

– Oh, attends, laisse-moi deviner. Tu dessines ? Tu aimais bien ça avant, non ?

– Ouais, mais non.

Il aurait voulu. Mais faire des commandes pour les autres, très peu pour lui. Il n'aime étaler que ce qui grandit dans sa tête. Alors il gribouille dans son coin. Et un jour, peut-être… Qui sait.

– Dommage.

Pourquoi, dommage ? Qu'est-ce qu'il doit comprendre ? Que Joshua aimait bien son travail ?

Merde. Ça ne devrait pas l'intriguer comme ça. Mais il a redressé la tête, et c'est trop tard. Le garçon sourit de ses dents blanches et, derrière, le barman essuie des verres.

– Mm, tu as essayé autre chose, alors ? La musique ?

– Non.

C'est le truc de Joshua, ça, la musique. Ses doigts qui glissent sur le piano et soudain frappent les touches. Ces gestes qui, toujours, lui semblaient violents. Autant de coups précis pour tirer des notes. Puis de longs silences, pesants, une absence qui l'écrasait. Le souvenir de la mélodie. Neku se souvient.

Comme il se souvient des rires, et des cris.

– Strip-teaseur, alors ?

– Pardon ?

Ah. D'accord. Il a bien fait de ne pas toucher à son café. Le liquide chaud aurait sans doute fini sur le visage de Joshua. Adieu, la jolie chemise blanche.

Il est sérieux là ? Avec son foutu petit sourire en coin, et…

Oh non, ce sourire. Neku comprend. C'était un jeu, et il a perdu. Sa patience et la partie.

– Quoi ? Tu es plutôt bien fait de ta personne. C'est un moyen comme un autre de gagner sa vie. Et puis, entre nous, ça paie bien.

Il ne veut même pas savoir d'où il tient cette information.

– C'est pas mon truc.

– Malheureusement.

Il le sent là, son regard qui serpente contre lui. Passe sur sa peau. Ses vêtements le démangent et, comme le pied de Joshua vient taper contre le sien, il oublie de se reculer. Il inspire.

– Livreur ?

– J'ai pas le permis.

– Tu pourrais faire ça en vélo.

Oui. Mais non. pas envie de taffer aussi tard. Dehors, sur la route. Et puis livreur, pour lui, c'est un job d'ado, ou d'étudiant. Il aime à croire que son taf de merde lui accorde au moins le statut d'adulte accomplit, même si ça sonne comme une vaste blague.

– Bon, je suppose que tu n'es pas devenu ingénieur ou architecte du jour au lendemain. Oh, je sais ! Tu travailles dans la restauration ?

– Toujours pas.

– La mafia, alors.

– Josh…

– Quoi ? Laisse-moi rêver.

Rêver ? Il fait des rêves bizarres, lui. Neku n'aimerait pas être dedans.

– Ce s'rait plutôt ton truc, ça, il lâche.

Et voilà, la phrase la plus longue qu'il ait formulée depuis le début de la conversation. Un regret trouble lui noue la gorge. Il sent qu'on lui arrache un morceau de terrain, et c'est particulièrement déplaisant. Neku sait, pourtant, qu'il ne faut rien céder à cet angelot cornu. Quand on lui tend la main, il vient mordre l'épaule. Remonte le long du cou, contourne la mâchoire, avale les lèvres et…

Pourquoi est-ce que c'est aussi net dans sa tête, ce souvenir ?

Ça fait un an.

– Tu dis ça pour le crime, la drogue ou la protitution ?

Ses yeux. Luisants sous sa tasse. Une étoile qui brille sous la fumée trouble du café, et la conscience aiguë d'un regard qui s'enfonce en lui. Neku détourne le sien.

– Remarque, je trouverais mon compte dans les trois. A choisir entre vendre des organes ou des carottes aux marchés…

Des organes ? Ça fait partie des habilitations de la mafia ? Bah, il pourra toujours chercher sur internet en rentrant. De toute façon, ça irait tout aussi bien à Josh. Les mains couvertes de sang, le sourire satisfait, la richesse outrancière. Quoi que, il n'aimerait pas se salir les mains. Puis déjà qu'il n'aime pas l'odeur de la pâté pour chat, alors celle des corps en décomposition…

– Tu as retrouvé quelqu'un ?

Le diablotin écarte le sujet, comme le bout de son pied remonte contre sa cheville, et Neku réalise qu'il ne porte plus de chaussure.

Il le revoit, pied nu dans l'herbe d'un parc, à s'allonger au plus près de la terre.

– Mm.

– C'était une question fermée, Neku. Il n'y a que deux réponses, et tes petits bruits n'en font pas partie.

Ses petits bruits. Il peut bien parler, lui. De ce côté là… Et non, il ne veut pas y penser. Mais ça lui revient. Ça court le long de son dos.

– Vite fait.

– La personne sait que tu as à ce point peu de considération pour elle ?

Il le fusille du regard. Nouvelle défaite. Le pied remonte contre sa jambe, et il songe qu'il devrait le chasser.

– Ne me regarde pas comme ça. On ne sort pas vite fait avec quelqu'un, Neku. Surtout pas toi.

– Ah ? Et qu'est-ce t'en sais ?

– Tu es quelqu'un d'entier.

Putain, il recommence. Avec ses réponses à la con là, ses mots qui ne veulent rien dire et qui lui donnent envie de lui caler la tête sous un oreiller avant d'appuyer très fort. Entier. Super, il a deux bras et deux jambes, et après ? Oh, il sait que ce n'est pas ce que Joshua voulait dire, mais ce mot, c'est… Ça veut rien dire, justement. Un truc de petit intellectuel bourge qui s'est tapé l'intégral des romans de Victor Hugo, avec ses mots compliqués et déchirants.

Et pourtant, il s'en dégage une clairvoyance dérangeante.

Son siège est inconfortable.

– Et toi ?

Il n'a pas envie de parler de ça.

– Oh, enfin une question ! Vraiment Neku, j'ai cru que j'allais devoir alimenter la conversation jusqu'à ce qu'un de nous deux se décide à partir, et ç'aurait été particulièrement épuisant. Je sais que tu ne t'intéresses pas aux gens, mais quand même.

Il va lui jeter son café dessus.

– Pour te répondre, j'ai un compagnon charmant.

Ou alors, il va se noyer dedans. Et mourir.

– Un peu plus âgé que moi. Enfin, il fait plus vieux qu'il ne l'est. Mais il est encore très vigoureux. Et puis, il fait un café du tonnerre. Mais ça, je te laisse en juger.

Neku plisse les yeux. Et puis, il comprend.

Non. C'est pas possible. Joshua se fout de sa gueule.

Il lève les yeux par-dessus son épaule. Regarde le type qui les a servis remplir une tasse au comptoir.

Son ventre implose.

– T'es pas sérieux.

– Possible.

Ça appuie contre sa jambe, remonte. Il inspire. Le tissu de son jean est trop fin, et trop épais à son goût, et Joshua ne devrait pas faire ça, là, après après ce qu'il vient de lui dire. C'est bien la preuve qu'il ment, non ?

Non. Ça marcherait, avec n'importe qui d'autre. Mais c'est Joshua. Et rien ne ressemble plus à Joshua que ça.

– Mais ce n'est pas comme si tu pouvais vérifier, hein ? Enfin, tu pourrais te lever pour lui poser la question. Mais tu ne le feras pas.

Ça passe entre ses cuisses.

– Si je mentais, tu aurais l'air ridicule. Et si j'avais raison… Qu'est-ce que tu ferais ?

Et il ne le repousse pas.

– Tu serais bien avancé, tiens.

Il serre les dents.

– Non, à ta place, je laisserai cette information dans un coin de ma tête. Et ça, en général, tu sais bien le faire. Repousser les problèmes, les régler au dernier moment. Ou ne pas les régler du tout. Tu te souviens de la salle de bain ? L'ampoule qui a sauté. Il t'a fallu six mois pour la changer.

– T'aurais pu le faire.

– Oh, mais ça m'allait très bien de prendre ma douche dans le noir.

L'autre appuie, comme si de rien était. Son genoux tape contre la table. Les verres tremblent. Vide, celui de Joshua. Neku serre le sien. Un peu de café lui coule sur les doigts, mais c'est tiède, déjà. Désagréable humide, rien de plus.

Ça lui rappelle-

Merde. Pourquoi ? Un an, c'est long. Il aurait dû tourner la page. Mais l'autre est là, et il se sent tout petit au creux de sa paume, le torse ouvert pour son regard curieux.

– Soit-il dit en passant, si mon très cher compagnon s'occupe du café en journée, tu comprendras qu'il n'est pas à l'appartement.

Pourquoi ça cogne comme ça dans son torse ? Une course folle, des étincelles et d'un coup tout éclate, comme le feu dans le cheminée. La bûche qui tombe sur les braises et s'embrase.

– Tu saisis le sous entendu ?

Il pourrait refuser, mais il n'y pense pas. Il ne sait pas ce que ça dit de lui. Ne veut pas le savoir. Il y a des jours où il ne vaut mieux pas se regarder dans le miroir.

Il relâche sa tasse. Joshua sourit.

– Je vais payer l'addition. Tu m'attends ?

C'est aussi simple que ça.

Il aurait dû le savoir, de toute façon. Que ce rendez-vous n'était qu'une immense défaite.


Et voilà. C'était amusant à écrire, puis j'adore quand Joshua est chiant et parle beaucoup. Et que Neku est trop amoureux de lui pour le tej.

A très vite pour un autre OS !