Cette nuit de septembre était non seulement d'une douceur exquise, mais elle était aussi marquée par une pluie d'étoiles filantes.

Hermione n'aurait raté ça pour rien au monde.

Allongée sur la pelouse de son jardinet, la jeune femme ne pouvait détacher ses yeux du spectacle qui se jouait juste au dessus d'elle. Des dizaines et dizaines d'étincelles venaient inonder le ciel noir de leur éclat blanc.

Elle était complètement subjuguée par la beauté de cette pluie d'étoiles, tellement subjuguée qu'elle brisa la promesse qu'elle s'était faite des mois plus tôt.

La Gryffondor s'était promis de ne plus jamais faire de vœu, elle en avait déjà trop fait et avait assez souffert de tout ça. Elle s'était trop longtemps torturée en s'obstinant à faire encore et toujours le même vœu sans jamais le voir exaucé.

Pourtant ce soir elle venait de recommencer, et elle se détesta pour cela.

Tout à coup, la vision du ciel étoilé lui fut insupportable.

Esclave de ses émotions, elle fut contrainte de fermer les yeux. De ses paupières closes s'écoulèrent quelques larmes qui dévalèrent ses joues lorsqu'elle décida subitement de se lever. Sans plus attendre, elle partit se réfugier à l'intérieur en espérant ainsi empêcher son chagrin de la submerger. C'était pourtant trop tard, son cœur meurtri battait douloureusement dans sa poitrine, et elle n'échappa point à la vague de sanglots qui vint l'assaillir. Ces pleurs incontrôlables, ce tiraillement au fond des entrailles, cette soudaine nausée, ce fouillis dans l'esprit et cette atroce sensation de vide.

Tout cela était étroitement familier à Hermione. Si la fréquence de ces crises avait considérablement diminuée avec le temps, la Gryffondor n'était jamais à l'abris d'en être la victime.

Le chagrin ne prévient pas avant de frapper.

Hermione rajouterait également que l'on ne peut échapper à son chagrin, et cela malgré la jolie petite vie que l'on s'applique à forger avec le temps.

Lorsque ses sentiments destructeurs se furent amoindris, la jeune femme s'en alla gagner son lit. A peine se fut-elle glissée sous les draps qu'elle sentit deux bras musclés venir l'enlacer. Elle se fondit dans cette étreinte réconfortante et pria pour que cette dernière l'aide à trouver le sommeil. Cependant elle ne fut pas surprise de devoir se battre des heures durant avec Morphée pour finalement tomber dans ses bras.

Elle n'avait pas beaucoup dormi quand elle sentit des lèvres se poser au sommet de son front.

« C'est l'heure de se lever Mimi. », chuchota-t-il gentiment à son oreille.

Dans un geignement de plainte, Hermione s'étira de tout son long.

Sa nuit avait été trop brève et elle ne se sentait pas capable de dire adieu au sommeil fraîchement trouvé.

« Allez réveille-toi ou tu vas être en retard, il est déjà sept heures et quart. », insista-t-il en ouvrant les volets.

Le soleil levant inonda violemment la pièce, faisant papillonner les yeux d'Hermione.

« Mais tu es déjà prêt ?, demanda-t-elle de sa voix encore endormie.

- Oui, Bringman a fait envoyer un hibou ce matin, il m'attend pour une affaire importante.», répondit le jeune homme en enfilant sa veste.

Il s'approcha d'Hermione et déposa un doux baiser sur ses lèvres.

« A tout à l'heure mon amour, dit-il entre deux embrassades.

- A tout à l'heure, répondit-elle dans un doux sourire, Je t'aime...

- Moins que moi. », renchérit-il avec un petit clin d'oeil tout en se dirigeant vers la porte.

Une fois son compagnon parti, la Gryffondor traîna de longues minutes au lit avant de finalement trouver la force de se lever.

Elle laissa tomber sa chemise de nuit au sol et se dirigea vers la salle de bain d'un pas las.

Elle se glissa sous la douche et soupira d'aise en sentant l'eau bouillante couler sur son corps encore engourdi par le sommeil.

Après avoir inondé la pièce de buée, elle consentit finalement à couper l'eau et à s'enrouler dans une serviette.

Elle ouvrit la fenêtre et attendit que le miroir humide lui offre une vision correcte avant de commencer à se maquiller.

Elle ne faisait jamais rien d'extravagant, elle se contentait seulement de camoufler au mieux les signes de fatigue qui s'étaient accumulés sur son visage au cours des dernières années.

Elle arrangea ensuite sommairement sa chevelure rebelle et partit s'habiller dans la chambre.

Elle enfila un pantalon marron et un joli chemisier crème en lin avant de chausser une paire d'escarpins.

Alors qu'elle inspectait minutieusement son apparence dans le reflet du miroir psyché, un détail attira son attention, un détail qui attirait son attention dès qu'elle avait le malheur de se regarder.

Machinalement elle cacha le médaillon en or derrière le col de son chemisier, ne supportant plus la vue du serpent et du lion se faisant face.

Elle avait déjà pensé à l'enlever, mais elle n'en avait jamais eu la force.

Parce qu'en réalité, il avait beau lui faire du mal, mais c'était la seule chose qui lui restait d'elle.

Elle. Cette femme qui après cinq longues années continuait de hanter sa vie...

Il était huit heures passées lorsqu'elle descendit finalement dans la cuisine pour avaler un café en vitesse. Se sachant déjà en retard, la Gryffondor ne prit pas le temps de feuilleter la Gazette posée sur la table et fila directement en direction du Ministère.

Dès qu'elle passa les portes du Département de la justice magique, Hermione fut accueillie par l'une de ses collègues, Daria Bollswick.

« Tu es en retard ma chérie, souligna cette dernière.

- Ah bon? Je n'avais pas remarqué, ironisa Hermione.

Daria roula des yeux.

- Tu viens de manquer Louis , continua la jolie blonde, Il m'a demandé de te dire qu'il ne pourra pas manger avec toi ce midi, Bringman le retient toute la journée. On peut déjeuner ensemble si tu veux ?

- Avec plaisir, soupira la Gryffondor avec un sourire en coin.

- Tu as presque l'air soulagée, plaisanta Daria.

- Tu ne peux pas imaginer à quel point ça va me faire du bien de manger sans l'entendre parler en boucle de son futur poste de ministre, appuya Hermione.

- Alors la rumeur dit vrai, Gustave a vraiment décidé de prendre sa retraite ?, demanda-t-elle.

- Oui, apparemment ce n'est plus qu'une histoire de quelques mois, répondit la jeune femme, Et il a promis à Louis d'appuyer sa candidature en le soutenant dans sa campagne, expliqua-t-elle.

- Et tu n'es pas contente pour lui ?, demanda la blonde perplexe.

- Si, si bien sûr que si, s'empressa-t-elle de répondre, C'est juste que j'ai l'impression que ça lui monte à la tête...

- En même temps il y a de quoi, défendit Daria, Être élu Ministre de la Magie à même pas trente ans ce n'est pas rien.

- C'est vrai, consentit Hermione.

- On peut dire que vous vous êtes bien trouvés tous les deux, rigola la blonde, Entre toi qui dirige le Département de la Justice à tout juste vingt-cinq ans, et lui qui s'apprête à devenir le plus jeune Ministre jamais élu... On peut dire que tout vous réussi !

- C'est pas faux, fit mine de se vanter la Gryffondor, faisant ainsi s'esclaffer sa collègue.

- Au lieu de faire la maline, va plutôt te mettre au travail, je te rappelle que tu es en retard Miss Tout-me-réussit. », la chambra Daria.

Après avoir pris soin de lever les yeux au ciel, Hermione partit rejoindre son bureau.

Elle se plongea ensuite dans son travail et s'y attela toute la matinée.

Son poste au Ministère avait le mérite de lui faire oublier ses pensées noires les jours comme celui-ci.

Son travail était sans doute la seule partie sans ombre du tableau qui représentait sa vie.

Car même si elle ne se l'avouait pas encore, le reste de son existence était loin de la combler...

Midi pointant le bout de son nez, l'estomac d'Hermione commença à se faire entendre. Nourri exclusivement de café depuis la veille, l'organisme de la jeune femme réclamait un bon déjeuner de conséquence.

« On va manger ? », lui proposa Daria d'une voix enthousiaste en entrouvrant la porte.

Le grondement que fit le ventre d'Hermione répondit à sa place et les deux femmes se dirigèrent vers la cafétéria.

En traversant le gigantesque hall du Ministère, un vendeur de journaux attira l'attention de la Gryffondor.

« La Gazette du jour, cinq noises pour la Gazette du jour. », criait ce dernier sans s'arrêter.

Le prix de la Gazette variant d'une à cinq noises en fonction de l'exclusivité et de l'exotisme des nouvelles du jour, Hermione fut piquée par la curiosité du scoop qu'elle avait manqué.

Elle s'approcha donc du vendeur et glissa les cinq pièces de bronzes requises dans sa besace. En échange, le jeune homme lui tendit un exemplaire de ladite Gazette, et dès qu'elle l'eut en main, les yeux d'Hermione se figèrent sur le titre qui ornait la première page.

"21 septembre 2004: Bellatrix Black de retour après cinq années de disparition."

Complètement clouée sur place par ces quelques mots, Hermione eut l'impression de quitter son propre corps et le monde qui l'entourait pour revivre dans un douloureux flash les cinq années qui venaient de s'écouler.

Le déni. C'est ce qui avait suivi la lecture de la lettre.

Durant cinq ou six mois, un peu plus sans doute, la Gryffondor avait gardé le vain espoir de retrouver la Serpentard. Elle avait arpenté le pays, pisté sa trace partout et n'importe où, trouvé des indices là où il n'y en avait pas.

Elle avait espéré naïvement pouvoir retrouver la sorcière noire, seulement elle n'y était pas parvenue.

La réalisation. Elle avait été brutale. Brutale et destructrice.

Les derniers espoirs d'Hermione s'étaient éteints avec ceux de Thatcher. Le manque de résultat avait eu raison de la hargne de la Ministre, et cette dernière avait donc finalement décidé d'arrêter sa traque.

Les recherches de la Gryffondor n'avaient pas duré bien longtemps après ça, la jeune femme réalisant douloureusement que Bellatrix ne voulait pas être retrouvée.

Elle était partie, sans doute pour de bon, et cette idée eut le mérite de briser Hermione.

La noirceur. Le chagrin d'amour avait fait ombre sur tout le reste, jusqu'à venir à bout des dernières traces de lumière chez Hermione.

Elle n'avait plus eu le goût ou l'envie de rien. Se terrant dans sa chambre assombrie par les volets qu'elle s'évertuait à garder fermés, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.

Les psychiatres et psychologues qu'elle avait consulté sous ordre de ses parents l'avaient qualifiée de dépressive, mais Hermione n'était pas d'accord avec eux.

Comment diable pouvait-elle être malade alors qu'elle se sentait déjà morte ?

La convalescence. Elle avait été longue, mais progressivement Hermione avait réussi à sortir la tête de l'eau.

Entourée de ses parents et de ses amies, la jeune femme avait lentement vaincu la dépression qui l'avait torturée durant de longs mois.

A l'aube de ses vingt et un ans, Hermione s'était sentie prête à reprendre sa vie en main.

Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, elle s'était rapidement vue proposer une place au sein du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques. Gustave Bringman venait de succéder à Poena Thatcher, et sa politique étant en totale adéquation avec les idées de la Gryffondor, cette dernière avait sauté sur l'occasion.

Le renouveau. Son poste au Ministère avait été un véritable tremplin pour la jeune femme.

Elle s'était d'abord concentrée sur l'objectif de la Société d'Aide à la Libération des Elfes de Maison et elle avait pu compter sur l'aide de Dobby dans cette mission.

En moins d'un an, la fille du trio d'or avait réussi à complètement révolutionner les droits et lois appliqués aux créatures magiques.

Avec l'aide du Ministre lui-même, la jeune femme avait ensuite éradiqué les lois en faveur des sangs purs, s'offrant ainsi une promotion en intégrant le Département de la justice magique.

C'est là qu'elle fit la connaissance de Louis. Le beau et ambitieux jeune homme était immédiatement tombé sous le charme de la fille du trio d'or, et très vite des sentiments s'étaient créés des deux côtés.

S'épanouissant dans sa carrière, Hermione avait progressivement appris à s'épanouir dans le reste de sa vie.

L'accomplissement. A l'aube de ses vingt-quatre ans, alors que sa nouvelle idylle avec Louis battait son plein et qu'elle avait déjà travaillé à améliorer toutes les causes qui lui tenaient à cœur, Hermione n'était toujours pas satisfaite.

Il lui manquait quelque chose et elle pensait avoir mis le doigt dessus.

Un ultime accomplissement, une ultime cause qui lui tenait particulièrement à cœur: révolutionner Azkaban.

En alliance avec Louis, la jeune femme s'était donnée du mal, mais à force de ténacité, elle avait réussi à initier de beaux changements. Les détraqueurs avaient quitté Azkaban, les criminels de guerre condamnés sous la présidence de Thatcher avaient eu droit à un nouveau jugement, et un programme de réinsertion avait été mis en place.

Hermione était fière d'elle.

Ces cinq dernières années avaient été éprouvantes, et pourtant elle n'avait jamais rien lâché.

Aujourd'hui elle pouvait même se vanter d'avoir amoindri son chagrin jusqu'à ce qu'il ne se résume plus qu'à un ridicule coup de blues lors d'une nuit étoilée.

Et voilà que quelques caractères en gros titre d'un journal venaient remettre toute sa vie en question...

« Hermione ? Est-ce que ça va ? », s'inquiéta Daria en voyant son amie le visage pâle et l'air absent.

La Gryffondor cligna deux ou trois fois des yeux pour revenir à elle et reporta son attention sur la Gazette.

"21 septembre 2004: Bellatrix Black de retour après cinq années de disparition.", lut-elle à nouveau pour éliminer la possibilité d'une hallucination.

Elle ne put lire la suite de l'article, sa tête tournait trop pour ça. Elle préféra tendre le journal à Daria avant de s'enfuir sans lui donner la moindre explication.

« Mais qu'est-ce qui te prend ? », tenta une nouvelle fois la blonde alors que la Gryffondor était déjà trop loin.

Hermione ne se sentait même pas avancer, ses jambes marchaient pour elle en direction de son bureau qui lui servirait de refuge.

Cette nouvelle était trop violente à assimiler pour la jeune femme, et son cœur le lui faisait ressentir.

La nausée lui montait, son crâne la tiraillait, son coeur battait à lui déchirer la poitrine.

Il battait si fort qu'elle pouvait sentir le sang pulser dans ses tempes, comme si après s'être arrêté trop longtemps il venait de redémarrer à mille à l'heure.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la porte de son bureau, elle s'arrêta dans son élan, tout se stoppa subitement.

Hermione se figea sur place en entendant la voix résonner dans son dos.

« Saleté ? »