Thème du jour : Cacher

Contexte : suite de Début, Cascade et Courage


Le soir, avant de s'endormir, Sansa s'était remise à prier.

Elle priait pour un miracle, elle priait pour qu'elles retrouvent leur vie à la cour, pour que les jolies robes et les bijoux d'or que Cersei portait autrefois lui soient rendus, pour qu'elle retrouve la couronne qu'elle avait été obligée abandonner – pour que s'efface cet horrible éclat de désespoir dans ses yeux vides.

Elle faisait tout son possible pour l'aider. Elle l'embrassait avec douceur, la serrait contre elle chaque nuit et séchait ses larmes quand elles se mettaient à couler. Elle lui faisait l'amour tendrement pour tenter d'effacer les terribles souvenirs inscrits dans sa peau sous forme de bleus et pour qu'elle n'oublie pas ce que ça faisait, d'être aimée.

Sansa faisait toutes ces choses et pourtant, elle avait la sensation que rien n'était suffisant et que Cersei finirait par se laisser mourir, vidée de tout espoir.

Elle n'en eut pas le temps.

Toutes deux avaient conscience qu'elles ne pourraient se cacher éternellement. Cependant, même cette certitude n'avait pas pu les préparer à la sensation de pure terreur qui s'abattit sur elles lorsqu'elles furent brusquement tirées de leur lit au beau milieu de la nuit. Cersei, qui se débattit comme une lionne désespérée, fut assommée d'une gifle. Sansa hurla aux soldats de la laisser tranquille mais rien n'y fit : elles furent ramenées de force au Donjon Rouge, puis jetées au pied du Trône de Fer.

Stannis Baratheon les dévisageait sans chaleur aucune.

« Cersei Lannister et Sansa Stark, » dit-il. « Vous vous êtes absentées un long moment. »

Morte d'inquiétude, Sansa n'écouta qu'à moitié son explication sur la façon dont elles avaient été retrouvées – tout juste comprit-elle qu'un des hommes du roi avait visité le bordel où Cersei travaillait et l'avait reconnue, sans doute grâce à ses yeux d'émeraude.

Stannis n'était pas du genre à tourner autour du pot pendant des heures, aussi reprit-il rapidement :

« Lady Stark. Pourquoi vous être cachée pendant des mois à Port-Réal avec l'une de vos geôlières au lieu de me rejoindre ? »

Sansa, qui voulait faire honneur au courage dont Cersei avait fait preuve ces derniers mois, s'arma de toute sa bravoure pour répondre.

« Sauf votre respect, Majesté... je ne vous connais pas, et je ne vous fais pas confiance. Voilà pourquoi j'ai préféré m'en remettre à Cersei Lannister pour survivre. »

Elle put voir que cette réponse déplut fortement à Stannis.

« Depuis la mort de votre frère et de votre mère, vous êtes l'héritière du Nord. Vous resterez donc ici, dans le Donjon Rouge, sous ma protection. »

Sansa eut alors l'impression qu'on lui coupait la respiration et, si elle n'était pas déjà à genoux, elle se serait assurément effondrée. Nullement touché par sa détresse, Stannis reprit :

« Cersei Lannister. Vous êtes accusée d'adultère, d'inceste et de haute trahison. En guise de punition pour vos innombrables péchés, moi, Stannis Baratheon, premier du nom, roi des Andals et des Premiers Hommes, vous condamne à mort. »

Sansa, écrasée par le chagrin, parvint pourtant à se dresser d'un bond et à se jeter devant Cersei, comme pour la protéger.

« Majesté... ne faites pas ça, je vous en prie. »

Telle une louve féroce, elle fit abstraction des tremblements qui parcouraient son corps et se releva, la tête haute.

« C'est grâce à Cersei que je suis en vie aujourd'hui. C'est grâce à elle que j'ai survécu dans les bas-fonds de Port-Réal pendant tout ce temps, et uniquement grâce à elle. Elle... elle a vendu son corps pour nous permettre de manger et a refusé que je fasse de même pour protéger ma vertu. »

Sa virginité n'était plus, bien évidemment, mais le roi n'avait pas besoin de le savoir.

« Admettons, » fit Stannis. « Ça ne me dit pas pourquoi je devrais l'épargner. »

Les poings crispés, Sansa le regarda bien en face.

« Si vous l'épargnez... vous aurez mon soutien et ma coopération. Je ferai ce que vous me dites de faire, j'irai où vous me direz d'aller... et j'épouserai qui vous me direz d'épouser. Mais seulement si vous ne lui faites pas de mal. Je ne veux pas qu'elle soit traitée comme une vulgaire prisonnière. »

Stannis semblait considérer sérieusement sa proposition. Bien évidemment, il pouvait utiliser la contrainte pour l'obliger à obéir, mais ne pas avoir besoin d'y recourir présentait bien plus d'avantages pour lui.

« Accordé. »

Il fit signe à ses soldats de les conduire vers leurs nouveaux appartements, qui seraient évidemment sous bonne garde.

Sansa parvint à offrir un petit sourire à Cersei avant de suivre les soldats bien docilement.

Si Stannis pensait qu'elle allait devenir une louve docile, c'était un imbécile.

Elle allait emmener Cersei loin d'ici, et rien ni personne ne pourrait l'en empêcher.