Mer
OOC : Bonjour à tous. Je publie cette collection d'oneshots qui sont des scènes coupées de Suis-moi, Rejoins-moi et Reste avec moi. Si vous lisez cette collection, je pars du principe que vous avez lu les histoires (car il y reste d'y avoir des spoilers si ce n'est pas le cas). J'ignore encore quel sera le rythme de parution mais en tout cas, j'espère que vous apprécierez.
Celui-ci est intitulé « Mer ». Il ne prend pas vraiment place dans un moment particulier de l'histoire étant donné qu'il s'agit de l'évolution d'un point de vue (depuis la partie 1 jusqu'à la dernière histoire). Bonne lecture et n'hésitez pas si vous souhaitez des scènes que vous auriez aimé lire.
A sept ans, Shiro entendit parler de la mer pour la première fois.
Il apprit ce mot par le biais d'un animé. Tout comme il y avait appris la signification de l'école, ce qu'était un Chocobo, il y eut également connaissance de cet endroit si particulier qu'était la mer quand il visionna le passage du protagoniste principal s'y rendre de bon cœur avec ses amis.
Intrigué, Shiro observa le personnage animé atterrir dans ce milieu dessiné de couleurs vives, telles que le bleu et le jaune. Le garçon s'y déshabilla et se jeta dans l'espace bleu avant d'en ressortir, crachant de ce bleu par la bouche avant d'éclater de rire.
Shiro comprit qu'il s'agissait de l'eau. Mais cela paraissait si différent par rapport à tout ce qu'il connaissait. Il ne connaissait rien d'autre que l'eau de la baignoire dans laquelle il se lavait, située dans l'abri dans lequel il vivait. Il ignorait qu'on pouvait se baigner dans d'autres conditions, à l'air pur, notamment dans cette mer comme l'appelaient ainsi les personnages de l'animé.
Suite à ce passage, Shiro se leva et rejoignit son oncle. Comme d'habitude, à chaque fois qu'il apprenait une nouvelle chose, il devenait curieux et demandait des détails, des précisions à celui qui le protégeait depuis maintenant deux ans. Il trouva Nero à l'extérieur, observant le ciel verdâtre de la dimension qui les enfermait à l'abri du monde des humains.
« Qu'est-ce qu'est la mer ? » lui demanda Shiro d'une voix innocente.
Nero se retourna. Un air surpris se discerna derrière son masque. Comme à chaque fois, son oncle se demandait sûrement par quel moyen Shiro connaissait ce terme.
Alors qu'il attendait une réponse, Nero chercha ses mots pour expliquer du mieux qu'il le pouvait.
- C'est... une sorte de grande baignoire.
- Une baignoire ?
S'il s'attendait à une telle réponse ! Shiro croisa les bras, troublé.
- Une baignoire, continua Nero. Une très grande baignoire avec beaucoup d'eau.
- Comme celle que j'utilise ?
- Comme celle que tu utilises. Mais... dans cette baignoire, il y a de l'eau salée, des vagues et des poissons, compléta-t-il avant de redevenir silencieux.
Intéressant.
- Et je peux me baigner dedans ? le questionna Shiro, sincèrement intéressé.
Nero ferma les yeux, croisant les bras sur sa poitrine.
- Rien ne t'y interdit.
- Tu t'es déjà baigné dans la mer ?
Malgré lui, Shiro essaya d'imaginer Nero à la place du personnage de dessin animé, se baignant dans la mer avec un plaisir non dissimulé. Cela avait l'air super ! Surtout s'il y avait des poissons dedans.
- ... Non, dit Nero. Du moins, pas dans une vraie.
- Oh.
Donc, il connaissait la mer via les environnements virtuels qu'il évoquait ? Shiro se mordit la lèvre, considérant son oncle avec attention. Est-ce qu'il y avait des poissons dans ces simulations ? Shiro n'osa pas lui poser la question.
- Est-ce que c'est beau ?
Il souhaitait le savoir. Nero haussa les épaules.
- C'était... plus ou moins agréable. Mais je n'ai dû m'y rendre qu'une fois.
- Est-ce qu'il y a la mer ici ? demanda Shiro avant de s'asseoir par terre, en position de tailleur.
C'était une question idiote. Il le savait. Il n'y avait rien ici qui ressemblait à cette mer telle que décrite par Nero et le dessin animé.
Son oncle ne répondit pas à sa question. Peut-être ne l'avait-il pas entendue ou avait-il délibérément choisi de l'ignorer. A la place, il se contenta de lui demander :
- Que dirais-tu d'un entraînement ?
A chaque fois que Nero lui proposait un entraînement, cela signifiait que le sujet était clos.
Shiro accepta.
Mais il n'oublia pas la mer pour autant.
Etait-ce aussi beau que le lui décrivait Nero ?
Pouvait-il imaginer un jour se rendre à la mer ? Plonger dans l'eau, voir les poissons ?
« J'aimerais m'y rendre », déclara Shiro un jour, alors que Nero était présent. Aujourd'hui, il ne partait pas explorer Gaia à la recherche de Weiss. Il restait avec lui et Shiro en profita pour lui poser la question.
Nero fronça les sourcils.
- Où ça ?
- A la mer.
Comme à chaque fois que Shiro émettait le souhait de visiter le monde extérieur, son oncle se tendait imperceptiblement, ses yeux magenta se plissant derrière son masque.
- Pourquoi veux-tu voir la mer ? demanda-t-il d'un ton sourd.
- Je veux m'y baigner dedans ! Voir les poissons ! Voir à quoi cela ressemble !
L'enfant se mit debout, comme prêt à entamer une présentation. Cette fois-ci, Shiro avait préparé un argumentaire. Un argumentaire en béton, qu'il jugeait infaillible et qui convaincrait son oncle. Nero accorderait sa requête et ensemble, ils iraient visiter la mer.
- Et je sais que tu vas me répéter que le monde des humains est dangereux, que je dois rester ici mais réfléchis, Papa Nero ! Il n'y a pas la mer ici. Je ne peux pas voir à quoi ressemble les poissons qu'on peut découvrir.
- Si c'est juste pour voir les poissons... commença Nero, mais Shiro le coupa, comprenant ce qu'il allait dire.
- Et toi-même, tu me disais que je devrais apprendre à nager. Tu me le dis à chaque fois que je suis en train de barboter dans la baignoire. Au cas où il arrive quelque chose un jour, comment apprendrais-je à nager ? Toi, tu répétais qu'à mon âge, tu savais déjà le faire.
Nero soupira.
- Parce qu'on m'y poussait dedans. Ou je nageais, ou je me noyais. Il n'y avait pas d'entre-deux à Deepground. C'était notre survie.
- Raison de plus ! cria Shiro, les yeux pétillants. La mer semble être le lieu idéal pour apprendre à le faire !
- Tu n'as qu'à apprendre à nager dans ta baignoire, fit Nero alors qu'il se levait, prêt à mettre fin à la conversation.
- Mais Papa Nero ! Je n'ai pas fini !
- Moi, j'ai fini.
Et voilà. Encore une fois, Nero refusait ! Son oncle refusait de le laisser découvrir la mer. Cela n'avait pas l'air dangereux, en plus !
- De ce que j'ai vu, il n'y a pas beaucoup d'humains qui se baignent dans la mer ! Pourquoi ne me laisses-tu pas voir la mer au moins UNE FOIS ?
- Tu sais pourquoi.
- Mais si tu n'es pas rassuré à l'idée que je me baigne dedans, je n'ai qu'à rester sur le rivage ! Je veux juste voir ! Ecouter au moins le bruit de la mer ! Rien de plus !
- C'est non, Shiro. N'insiste pas.
La voix de Nero devint sourde. Shiro s'arrêta net, comprenant que la patience de son oncle avait déjà atteint son seuil. Désespéré, le jeune garçon se prit le visage dans une main, essayant de calmer sa frustration.
Il n'obtiendrait pas ce qu'il voudrait.
Nero ne l'y emmènerait pas.
- Shiro...
- Je ne te demande pas grand-chose, Papa Nero... S'il te plaît, murmura Shiro tandis qu'il relevait le regard vers son oncle, suppliant.
Nero le toisa avec une impuissance mêlée à une certaine tristesse. Il finit par baisser la tête avant de se détourner de lui.
- ... Quand Weiss reviendra, je t'y emmènerais peut-être.
- C'est vrai ?
Son oncle ne le confirma pas.
Shiro n'était pas certain s'il devait croire aux mots de son oncle. S'il s'agissait véritablement d'une promesse ou de mots pour l'apaiser...
Probablement la deuxième solution. L'image de la mer si accueillante et majestueuse à l'esprit, Shiro regagna sa chambre pour s'y isoler.
« Tiens, Shiro. C'est pour toi. »
Comme à chaque fois que Shiro et lui se quittaient sur une dispute, ou même quand l'enfant le lui demandait, Nero revenait de son voyage avec un cadeau sous le bras.
Papa Nero lui avait dit une fois que Weiss lui avait rapporté des plumes de Chocobo quand il était revenu du monde extérieur.
En dépit du principe, Shiro fut piqué par la curiosité. L'enfant s'approcha pour détailler ce qu'il lui avait rapporté du monde extérieur.
Nero lui tendit un objet qu'il avait déjà vu dans le même animé dans lequel il avait découvert la mer. Un tout petit objet tenant dans le creux de la main, qui paraissait briller sous la lumière de la lampe.
« Qu'est-ce que c'est ? »
Nero sourit derrière son masque.
- Un coquillage.
- Oh.
Shiro tendit les mains pour le recevoir, ne détachant pas ses yeux. C'était minuscule... et c'était joli en plus. Shiro huma l'objet, et une odeur inhabituelle frappa doucement ses narines.
Une odeur salée...
- Cela provient de la mer, lui expliqua le Tsviet avec tendresse. Il paraît que si tu le portes à l'oreille, tu peux entendre ses chants.
- Vraiment ?
Nero acquiesça tandis qu'il porta le bras vers sa tête pour caresser les cheveux blancs de l'enfant.
- Comme ça, tu n'auras pas besoin de te rendre à la mer. La mer viendra à toi. Tu n'as qu'à l'écouter quand tu prendras ton bain.
Quand bien même l'enfant apprécia le cadeau, quand bien même il apprécia l'effort de son oncle de lui ramener un objet provenant d'un lieu qu'il aurait tant aimé découvrir, Shiro ne put s'empêcher de ressentir une certaine déception alors qu'il tenait le coquillage dans le creux de sa main.
Même s'il s'agissait d'écouter ses chants, cela ne saurait remplacer la mer en elle-même, n'est-ce pas ?
Non. Bien sûr. Mais Shiro donna une chance au coquillage.
Le soir venu, Shiro plongea dans la baignoire remplie de Mako. Alors qu'il était seul, l'enfant sortit le coquillage pour le contempler.
Puis, il le porta à son oreille et ferma les yeux.
Les chants...
Le bruit de l'eau calme...
Rien à voir avec sa baignoire. C'était... il n'avait pas de mot pour décrire ce qu'il ressentit. Mais oui. On aurait dit une berceuse.
La berceuse de la nature, du monde qui l'appelait.
Shiro se laissa porter par ces sons. Faisant marcher son esprit à l'aide de cette berceuse, il essaya de s'imaginer à la mer. Il essaya de s'imaginer la sensation de s'y baigner dedans, entouré de cette atmosphère salée avec un tel parfum de pureté.
Une fois qu'il eut quitté la dimension dans laquelle il avait vécu durant trois ans avec son oncle, ou plutôt, sa « prison » comme s'aimaient à l'appeler les humains qu'il côtoyait, Shiro put enfin accéder au monde extérieur.
Il put enfin accéder au vrai ciel, aux étoiles...
Nero lui avait promis qu'il les verrait un jour. Qu'il les verrait ensemble tous les trois avec Weiss.
En contemplant le ciel depuis le balcon de l'appartement que l'ORM leur avait assigné, le souvenir de la mer effleura l'esprit du jeune enfant.
« Tu ne viens pas te coucher ? Il est tard. »
Shiro se retourna et fit face à son oncle, vêtu de sa nouvelle combinaison, le visage à découvert. A chaque fois qu'il le voyait ainsi, l'enfant ne pouvait pas s'empêcher de sourire. Maintenant, au-delà du fait que leurs libertés étaient restreintes, ils ressemblaient presqu'à une famille normale telle que perçue dans le monde des humains.
Il fut sur le point de lui répondre mais l'enfant porta son regard au bracelet électronique situé à la cheville de son oncle. Il décida de garder ses pensées pour lui et se contenta de rejoindre sa chambre.
- Dis-moi ce que tu as en tête, fit Nero, le bras croisés sur sa poitrine.
- Rien.
Il marqua un temps avant de soupirer.
- Je me disais que... j'avais envie de voir la mer.
Les yeux de Nero se plissèrent.
- Enfin, précisa l'enfant, je me disais que j'avais envie qu'on découvre la mer ensemble. J'ai perdu le coquillage que tu m'as rapporté une fois. Celui avec lequel j'écoutais les chants de la mer.
Il avait été perdu lorsque la dimension avait été détruite par le vieil homme...
Shiro le regrettait amèrement.
Nero ne répondit pas immédiatement.
Il se contenta de pousser un petit soupir abattu, avant de s'appuyer contre le mur du salon, dévisageant Shiro avec impuissance.
- Même si je le voulais, je ne le pourrais pas.
- Papa Nero, je...
Shiro se ravisa.
- Pourquoi tu ne le veux pas ?
- Parce que ce n'est pas notre monde.
- Pourtant, on vit ici maintenant. Dans ce monde. Pourquoi ne pas le découvrir ensemble ?
- Shiro...
L'enfant n'avait pas tort. Après tout, la dimension à l'intérieur des ténèbres avait été détruite de manière définitive. Ils ne pourraient y retourner un jour. Ici, c'était leur nouvelle maison.
Alors, pourquoi ne pas faire un pas en avant et découvrir ce qu'il y avait à découvrir ?
- Tu me disais que la mer était belle, lui rappela doucement Shiro.
Nero détourna le regard, gêné.
- Celle que j'ai visité dans la réalité virtuelle, oui.
- Alors, pourquoi ne pas découvrir la vraie ?
- Je ne peux pas sortir d'ici, Shiro. J'irais au-delà de mon périmètre.
- Même si on demande à Reeve Tuesti une exception ? Juste pour une fois ?
Mais malheureusement, son oncle le refusait ostensiblement. Shiro entra dans son champ de vision, l'invitant à le regarder.
- ... Tu n'es pas intéressé de la voir ? Ensemble ? Avec moi ?
Son oncle ferma les yeux en guise de réponse, sans ajouter quoi que ce soit.
- Papa Nero...
Les yeux de Shiro s'agrandirent.
Il reconnaissait cette expression.
Il venait de comprendre quel était le problème.
- Est-ce que tu as peur ? Tu as peur de découvrir la mer ?
- Pff, grinça Nero, reprenant son attitude austère. Bien sûr que non.
Pourtant, Shiro n'était pas dupe. Il le connaissait mieux que quiconque.
Tout de suite après, l'enfant lui prit la main, lui adressant un sourire compréhensif.
- Tu n'as pas à avoir peur.
- Je n'ai pas peur, insista Nero.
Si. Il avait peur.
Il avait peur de découvrir un nouvel endroit sans Weiss.
- On y ira ensemble, Papa Nero. Tu n'as pas à avoir peur tant qu'on est ensemble.
Après tout, Nero avait bien accepté ce marché avec les humains dans le but de traquer les Chiens de l'Enfer. Ils y vivaient tous les jours avec la menace au-dessus de leurs têtes.
En quoi était-ce plus dangereux de se rendre à la mer ?
Entrelaçant ses doigts avec ceux de Nero, Shiro le rassura :
- Ce sera juste... la découvrir ensemble. On ne se quitte pas d'une semelle. S'il te plaît, Papa Nero. Cela me rendrait vraiment heureux. Et je sais que cela te rendrait heureux aussi, Papa Nero, d'écouter la mer...
Il deviendrait fou, à force de rester dans cet appartement. Autant Shiro pouvait supporter l'enfermement, étant donné qu'il se rendait presqu'à l'école tous les jours. Il pouvait sortir, voir Denzel et Marlène quand ils le pouvaient.
Mais Nero... Il avait interdiction de se déplacer, sauf si des Chiens de l'Enfer étaient repérés. Son attitude n'avait pas échappé à l'enfant. Un rêve qui deviendrait réalité.
Qu'ils accompliraient ensemble.
Nero se mordit la lèvre, resserrant son étreinte. Le sentant hésitant, Shiro lui adressa une moue de chien battu.
- S'il te plaît... On a bien observé les étoiles ensemble. On pourrait découvrir la mer ensemble aussi.
C'était tout ce qu'il souhaitait...
Nero porta son regard vers le ciel étoilé depuis le salon.
Il finit par pousser un profond soupir avant d'attirer son enfant vers lui. La tête contre son torse, Shiro ne put contenir un sourire réjoui.
Ce geste signifiait tout.
Il avait accepté.
La mer...
Ce fut bien plus grand que ce qu'ils n'avaient imaginé, pensa Shiro une fois qu'ils sortirent du véhicule, escortés par les soldats de l'ORM.
Cela avait été extrêmement dur de convaincre Reeve Tuesti. Lui, tout comme Shelke d'ailleurs, croyait toujours que Nero attendait la moindre occasion de sortir pour attaquer le monde extérieur. Le faire sortir hors de son périmètre, même pour une petite heure, ne l'avait pas enchanté. Même si Nero restait avec Shiro, même si le marché était en jeu, ils ne cachaient pas leur doute quant aux intentions de l'ex-Tsviet.
Non. Cela n'avait pas été simple. Heureusement, Shiro avait pu obtenir l'appui de Vincent Valentine. A condition qu'ils soient sous surveillance, que Vincent demeure dans les parages, la requête de Shiro avait enfin pu être accordée.
Le résultat en valait la chandelle. Quand Shiro porta son regard sur la mer pour la première fois, il ne put cacher son admiration et sa stupeur.
Lui qui avait toujours imaginé la mer comme une vaste baignoire, selon les descriptions de Nero...
Toute cette étendue d'eau, la berceuse des vagues, cet air marin salé... Un grand sourire au visage, Shiro se mit à courir vers la plage, les bras dépliés comme des ailes tandis que le vent caressait son visage...
Il eut l'impression qu'il aurait pu s'envoler.
Il entendit Nero l'appeler au loin. Shiro s'arrêta. Il abaissa le regard. Ses pieds avaient presqu'atteint l'eau.
Sans hésiter, Shiro se pencha pour ôter ses chaussures. Alors que son oncle le rejoignait, Shiro ferma les yeux tandis que ses pieds nus touchaient le sable humide.
C'était si doux comme sensation... si particulière...
Shiro adressa un sourire à son oncle, un faible nuage de ténèbres entourant la taille de ce dernier. Nero n'était pas rassuré. Peut-être avait-il envie que Weiss soit ici pour le protéger, l'entourer de ses bras.
Pourtant, il y avait cette lueur dans les yeux magentas. Shiro porta un coup d'œil vers les soldats de l'ORM par-dessus son épaule.
- Tu devrais enlever tes chaussures aussi, le conseilla-t-il.
Nero se raidit.
Il n'oserait pas, pensa Shiro. Pas cette fois. Sans hésiter, l'enfant se laissa tomber dans l'eau.
- Shiro !
Son oncle tendit le bras vers lui. Shiro retint un sursaut de surprise quand il constata combien l'eau de la mer était froide... Avec un goût salé qui fut immonde en bouche.
- Erk !
- Je t'avais prévenu, soupira Nero. Ce n'est pas comme dans ta baignoire.
- C'est toi qui me disais que c'était une baignoire.
Nero leva les yeux au ciel. En guise de réponse, Shiro l'éclaboussa avec une vague, le faisant sursauter. Nero releva la tête vers l'enfant qui lui adressa un clin d'œil.
- Tu ne veux pas me rejoindre ? susurra-t-il, moqueur.
- ... Vraiment comme Weiss, soupira Nero, un tendre sourire aux lèvres.
Shiro se plaça sur le dos, ne cachant pas son contentement.
Au loin, il devina que Vincent souriait à la scène.
Une heure...
C'était à la fois si long et si court. Et s'il essayait de voir un poisson ?
Sans hésiter, Shiro plongea la tête sous l'eau, malgré les avertissements de son oncle. Pendant un instant, l'enfant ressortit la tête pour reprendre son souffle, n'étant pas habitué à cette sensation qui lui picota les yeux.
Mais c'était ce qu'il souhaitait ! Il voulait en voir un ! En attraper un !
Shiro replongea. Malgré sa vision trouble, l'enfant chercha hâtivement la présence d'un poisson.
L'eau était plutôt claire.
Soudain, quelque chose apparut sous ses yeux. Ce fut si rapide que Shiro crut avoir rêvé. Mais quand il ressortit la tête de l'eau avant de replonger, il réalisa qu'il avait vu juste.
Les écailles d'un poisson... Si proche et si loin de lui à la fois...
Shiro tendit le bras pour essayer de l'attraper, mais le poisson s'était déjà échappé. Ne cachant pas sa moue déçue, Shiro remonta à la surface.
Une fois qu'il fut sorti de l'eau, Nero se rua vers Shiro pour lui masser les épaules pour le réchauffer. L'enfant constata qu'il avait froid maintenant qu'il était sorti de l'eau. Il sentit les ténèbres frôler ses joues et se laissa tomber, la tête contre l'épaule de son oncle.
- J'ai vu un poisson.
- C'est bien, le complimenta Nero tandis qu'il vérifiait avec inquiétude qu'il allait bien, qu'il n'avait pas bu la tasse.
- C'était impressionnant...
Le silence tomba, le vent frôlant leur visage.
- Et si on marchait ?
Nero hocha la tête. Passant un bras autour de ses épaules, les deux marchèrent le long du rivage, les vagues frappant occasionnellement leurs pieds tandis qu'ils faisaient le tour de la plage.
Un faible sourire aux lèvres, Shiro s'imprégna du paysage. Oui. C'était une sensation si particulière... bien loin de sa baignoire de Mako...
- Oh, regarde.
Shiro désigna du doigt un objet qu'il reconnaissait.
Un coquillage. L'enfant s'abaissa pour le prendre et le porta à son oreille.
A nouveau, les chants de la mer.
- Ecoute, Papa Nero, dit-il en lui tendant le coquillage.
Son oncle le reçut et le porta à son oreille à son tour. Shiro sourit, observant sa réaction.
L'expression de Nero ne changea pas. Néanmoins, son langage corporel indiquait qu'il se détendait un peu plus. Il s'était montré si crispé dès leur arrivée à la plage.
Les chants de la mer le calmaient tout autant qu'ils avaient calmé l'enfant. Shiro lui attrapa la main, le confortant de sa présence.
- C'est beau, non ?
Nero ouvrit la bouche. Il faillit dire quelque chose avant de se raviser. Il finit par acquiescer, resserrant son étreinte autour de la taille du garçon.
- Ce n'est pas une simulation.
- ... Tu penses que Weiss apprécierait ? lui demanda Shiro.
Son oncle ne répondit jamais.
Ils reprirent la marche dans un silence réconfortant, Nero se contenta de poser sa tête sur celle de l'enfant, comme s'il le cherchait à le protéger du soleil avec ses ténèbres.
Il lui manquait, mais la présence de Shiro rendait les choses plus faciles.
- Papa Nero ?
- Hm ?
- ... Merci.
Nero reporta son attention sur l'horizon, un bref sentiment de quiétude évident sur ses traits.
- Merci à toi, je suppose, répondit Nero tandis qu'ils prirent un temps pour contempler ce paysage si paisible au milieu de la tempête.
Dans les cinq années qui s'ensuivirent, Shiro n'était retourné que deux fois à la mer. Sans escorte de l'ORM. Toujours avec Denzel et Marlène.
A chaque fois, il s'agissait de purs moments de détente. Les adolescents parlaient de tout et de rien. Ils faisaient tout et rien ensemble. Ils barbotaient comme s'aimait à appeler Weiss. Ils bronzaient. Ils jouaient au beach-volley en compagnie d'autres humains.
Ils s'amusaient, tout simplement. Mais parfois, Shiro se retrouvait seul. Pour nager afin de ne pas oublier les leçons qu'il avait appris avec son père. Pour marcher le long de la plage, comme il l'avait fait avec son oncle la première fois qu'ils avaient découvert la mer.
Juste... pour savourer cet instant si précieux et le pur parfum de la mer.
Un parfum dont il avait été privé pendant trop longtemps et qu'il aurait aimé découvrir bien avant.
« Regarde, Oniisan ! »
Niisan...
Âgé maintenant d'une vingtaine d'années, Shiro errait sur la plage, surveillant la petite fille du coin de l'œil. Melphie revint précipitamment vers lui, un coquillage en main.
« Regarde ce que j'ai trouvé ! »
Shiro se contenta de sourire avant de le prendre.
- C'est pour moi ?
Melphie acquiesça vivement. Shiro observa son cadeau, une lueur nostalgique dans ses yeux azure.
Le même coquillage.
Il se demanda vaguement si c'était un hasard. Melphie grimpa sur ses genoux, les deux observant dans la même direction.
Le silence tomba.
- Ecoute, Melphie.
Shiro porta le coquillage à l'oreille de la petite fille.
- Il paraît que si tu écoutes attentivement, tu peux entendre les chants de la mer.
Les yeux de la petite s'agrandirent d'émerveillement.
- Trop bien, Oniisan.
Le regard caché par les mèches blanches de ses cheveux, Shiro étreignit Melphie davantage, ne détachant pas son regard de l'horizon.
- Oniisan.
- Oui ?
- ... On y retournera, l'année prochaine ?
L'année prochaine...
- Je devrais pouvoir me libérer, lui dit-il d'un ton taquin.
- Tu ne t'ennuies pas de la mer ?
Shiro secoua la tête, la réponse lui étant évidente.
- Jamais je ne m'ennuierais de la mer, compléta-t-il alors qu'il glissait le coquillage dans la poche de Melphie en guise de souvenir.
