« Shhh… Tout doux, mon bébé… » Regina caresse, le plus doucement qu'elle peut, la masse de cheveux blonds, si clairs qu'ils en paraissent parfois blancs, quand la lune, à travers la vitre immaculée, les éclaire directement.

Emma gémit sans desserrer les lèvres. Elle ouvre brièvement des yeux couleur jade, les lève sur le visage de madone. Le maire sourit si tendrement qu'un nouveau flot de larmes inonde les joues pâles, parsemées non pas de taches de rousseur mais de blondeur. La femme brune glisse deux doigts le long d'une pommette saillante, recueille l'eau salée, porte ses phalanges à sa bouche.

Aussitôt, Emma referme les paupières. Ses longs cils couleur sable (Dieu merci débarrassés du mascara qu'elle juge opportun de s'appliquer, pense la reine) viennent caresser la peau du sein qu'elle enserre presque douloureusement dans sa main gauche, sans que sa paume pourtant large, parvienne à empoigner toute cette abondance.

Ses lèvres, d'un rose incroyablement pâle, s'entrouvrent, libérant le mamelon tendu et noyé de salive, le livrant un moment aux assauts de l'air frais, ce qui fait sursauter Regina, à peine, puis s'amarrent comme une ventouse à la pointe sombre. Un mouvement convulsif resserre les longs doigts, fins mais rendus calleux par des lustres de négligence, et ils s'enfoncent dans l'arrondi parfait du sein. Le mouvement de succion se précipite brusquement sur la chair délicate de la magicienne, dont les traits purs se contractent un instant, dont le sourire se crispe légèrement.

Regina n'émet aucun son, n'esquisse aucun mouvement. Elle se contente de penser, avec une tendresse infinie : « Petit barracuda, petit cygne, ton bec est aiguisé, ne me mords pas ! » La bouche et la main de l'être aimé se détendent soudain et le doux sourire de la sorcière se réinstalle. Elle se sent heureuse, comme d'un succès.

Hier, lors de leur quatrième tentative, Emma a été prise d'une perte de contrôle identique et Regina (une ombre passe dans son regard à cette pensée) a fourré les doigts dans la tignasse dorée, a saisi une poignée soyeuse et a tiré un peu, en guise d'avertissement, tout près du cuir chevelu, pour ne pas risquer d'arracher les fils ambrés. Aussitôt, le shérif a lâché le téton avec un bruit mouillé, obscène, et tout son long corps s'est contracté.

Ses bras magnifiques se sont enroulés autour de son torse, cachant et protégeant, Madame le Maire s'en est douloureusement rendu compte, ses seins délicats. Elle s'est mise à balbutier des « pardons » affolés, d'une étrange voix rauque de bébé enroué. Il a fallu une demi-heure de caresses et de baisers pour qu'elle se détende. Et la souveraine sait parfaitement que c'est pour elle que la sauveuse a accepté de reprendre la séance avortée.

Pourtant, d'ordinaire, Emma aime sentir la poigne vigoureuse quand elle se referme sur sa toison et en agrippe une touffe. Elle aime surtout quand la reine la saisit sans ménagement, au plus près du crâne, et oriente de force son visage vers le haut, juste avant qu'elle jouisse, pour pouvoir la regarder.

Alors que s'est-il passé pour que la princesse réagisse de la sorte ? Les deux amantes sont conscientes de leurs tendances respectives de dominée et de dominante. La première fois que Regina a léché d'instinct les joues mouillées de la jeune femme, lors d'une étreinte un peu rude, elle s'est immobilisée, surprise de son propre comportement. Mais la petite blonde l'a couverte de baisers rassurants. « C'est rien, Regina. Moi aussi j'aime ça. » La douce saveur salée a flotté sur sa langue pendant des jours. Une recherche rapide sur internet l'a renseignée : la dacryphilie.

Emma est un être brisé, profondément endommagé, irrémédiablement accidenté. Regina le sait, comme on sait qu'on est en vie. Elle l'a accepté. Elle sait aussi que son amour, celui d'Henri, celui de ces deux abrutis plus jeunes qu'elle, qu'il faut bien nommer ses beaux-parents, celui du petit Neal, les quelques amitiés que sa compagne a péniblement construites, sont ses premiers et ses seuls points d'appui. La sorcière prendra son âme sœur telle qu'elle est, veste en cuir rouge et traumas effroyables, insécurités profondes et cicatrices purulentes.

Regina ajuste sa position. Elle planifie chacun de ses mouvements. Il ne faut pas déranger Emma, il ne faut à aucun prix l'arracher à sa transe. Elle déplace d'une main plusieurs longues mèches, découvrant le plus beau visage de l'histoire du monde. Son bras gauche soutient la jolie tête, son bras droit est libre, libre de guider sa main élégante sur les seins tout proches, sur la hanche, sur la cuisse.

Mais Regina hésite à donner à cette étreinte un tour radicalement sexuel. Cette pensée paraît absurde, bien sûr. Toutes deux sont nues, enlacées dans leur lit. Cependant la puissante monarque ne maîtrise pas encore ces plaisirs particuliers. Elle ignore jusqu'à quel point Emma régresse, où se situe ce stade oral si mystérieux et envoûtant. Devient-elle nourrisson ? Est-elle toujours capable de donner son consentement ?

Le bras de la sauveuse enlace Regina, paume et doigts étalés contre son dos. Les longues jambes du shérif se replient vers la droite, ses genoux viennent toucher le flanc de Sa Majesté et le corps blanc et rose semble s'enrouler comme une liane autour du corps bistré. La princesse sourit tout en tétant et le maire pense que jamais, jamais ses traits n'ont paru aussi sereins. « C'est le moment, ma vieille ! » se dit-elle pour se donner du courage.

Du dos de la main, elle caresse très, très doucement la joue humide, s'adresse à cette enfant de bientôt trente-six ans d'une voix veloutée. « Tu veux boire mon ange ? » La réaction est immédiate. Emma pousse un gémissement qui aurait réveillé Henri s'il n'était pas à Boston, en train très probablement de profiter de sa vie d'étudiant.

Il y a six mois, il a quitté le foyer et ses mères fières mais éplorées, volant vers des études de littérature comparée, laissant au couple encore neuf l'opportunité d'explorer les arcanes complexes de sa sexualité. L'ange blond du maire hoche convulsivement la tête, dans une supplique si enfiévrée que le bourgeon de chair lui échappe un moment. Comme un authentique nouveau-né, Emma ouvre une bouche affamée et éperdue, cherche le graal sans pouvoir le trouver.

Regina pose la main sur la tête dorée, les doigts écartés au maximum, comme pour recouvrir la totalité du crâne, et guide les lèvres ouvertes, qui se referment aussitôt sur son sein. L'être aimé, cette fois, retrouve aussitôt son calme et se remet immédiatement à téter. Un nouveau gémissement résonne, encore plus déchirant, et le shérif frotte frénétiquement ses cuisses musclées l'une contre l'autre. La belle sorcière reste, un instant, hypnotisée par le spectacle. Pas de doute, c'est toujours une femme, dans toute sa gloire…

Des frémissements d'impatience parcourent les membres d'Emma et lorsqu'elle pleurniche le mot « maman » autour de son téton, Regina l'entend distinctement. La reine se décide. Elle ébauche de la main droite, en direction de sa propre poitrine, un geste immatériel et élégant. Instantanément, c'est une sensation à laquelle rien n'aurait pu la préparer qui envahit ses deux seins. Comme si des veines nouvelles, congestionnées, poussaient dans les orbes gonflés.

Elle ne peut réprimer un tressaillement de tout le torse, une sorte de sanglot aspiré, évoquant une douleur plus vive que prévu. Pourtant elle ne souffre pas, bien au contraire. Mais Emma, cette fois, n'en a cure. Comme l'enfançon qu'elle est en ce moment, elle se met à téter furieusement le lait riche et parfumé qui s'est précipité dans sa bouche à l'instant où sa bien-aimée lui a fait son étrange cadeau.

Elle entrecoupe les mouvements véhéments de ses lèvres de sons poignants et la puissante magicienne peut écouter à loisir les bruits de déglutition qui s'échappent de la gorge mouvante. De toute sa vie de reine, de sorcière, de maire, de femme, elle n'a jamais rien contemplé ni entendu de plus érotique. Le désir surgit comme un fleuve embrasé dans son bas-ventre. Elle sent le liquide épais s'échapper de son sein, affluer dans le gosier de son aimée. À droite, elle voit qu'une perle blanche déborde du mamelon et coule paresseusement.

Il a fallu tant de patience pour en arriver là. Les deux femmes ont parlé des heures, des nuits entières, au salon, dans leur lit, à table même. Le shérif éprouvait souvent le besoin de ne pas regarder sa maîtresse, ou plutôt de ne pas être regardée, dans ces moments où, pour la première fois de sa vie, elle se livrait. Ce n'est que le dos bien calé contre la poitrine de Regina, enlacée dans ses bras cuivrés, qu'elle a véritablement commencé à raconter, d'une voix si basse que le maire devait fermer les yeux pour l'entendre.

La reine a toujours su que des blessures insondables se cachaient derrière la carapace de sa beauté blonde mais elle n'était pas prête. Malgré les innombrables horreurs dont elle s'est rendue coupable tout au long de sa longue, longue vie, jamais elle n'aurait fait souffrir de la sorte cette pauvre et ravissante créature et bien entendu, elle s'accuse. Emma a beau lui assurer qu'elle ne la juge en aucun cas coupable, lui rappeler que ce n'est pas elle qui l'a mise dans l'armoire, toute la succession de supplices qu'a endurée la sauveuse semble impossible, irréelle. C'est un conte de fées inversé.

Alors la souveraine s'est punie en écoutant tout, sans chercher à interrompre ou à ralentir le torrent, une fois le barrage brisé. Abandons répétés, tortures émotionnelles, privation de nourriture et même d'eau, défauts de soins, d'hygiène, d'amour. Cette première partie du récit d'Emma a été murmurée par à-coups, entrecoupée de longs silences lors desquels tout son corps exhalait la honte et la peur.

Mais Regina savait, même alors, que ce n'était que le début, car le système social, malgré son âpre indifférence, la protégeait. Un autre récit s'est enchaîné, un récit que le maire n'était pas certaine d'entendre un jour, et qui avait toujours dressé comme un mur entre elle et l'être aimé. Comment se peut-il que cette ravissante petite fille, blanche et blonde dans un monde où c'est malheureusement une chance, n'ait connu que des familles d'accueil abusives ? C'est évidemment magique, une malédiction. Et qui d'autre que Regina, bien qu'elle ne l'ait jamais voulu, peut en être la cause ?

Cris, insultes infamantes, enfermements prolongés, humiliations en tous genres, gifles, coups de pieds et de ceintures, tortures. L'un de ses pères d'accueil lui a fourré un entonnoir dans la bouche, y a vidé une bouteille de whisky encore à moitié pleine. Elle avait huit ans. Un autre avait pris l'habitude, pour la punir, de renverser le pauvre contenu de son assiette à même le sol et de l'obliger à le manger. La sorcière a cessé de taquiner Emma sur ses habitudes alimentaires.

Elle se nourrit de manière sporadique et puérile, capable qu'elle est de rester des journées entières sans manger si elle est absorbée par quelque chose. À l'inverse, quand la nourriture est disponible, elle avale avec une extrême voracité, comme pour se remplir le ventre en prévision de la prochaine famine. Elle se tourne d'instinct vers des aliments gras et indigestes. Protéines, féculents, laitages. Regina a pris l'habitude de lui préparer des mets succulents et équilibrés, cachant des légumes dans la sauce des lasagnes, accompagnant de fruits frais et variés, coupés pour faciliter la mastication, les gaufres faites maison du petit-déjeuner.

Les histoires d'abus sexuels ont débuté il y a un mois à peine. Emma est encore très loin d'avoir tout dit mais les souvenirs se révèlent, un peu chaque jour, ce que la sorcière considère comme son propre chemin de croix vers la rédemption. Regina n'a encore eu droit à aucun détail. Elle sait seulement que l'un des hommes qui s'est « occupé » d'elle, pas même un père d'accueil mais un ami de celui-ci, quand elle avait dix ans, lui réclamait des fellations en échange de pain. La fillette avait mis au point un système. Elle ne mangeait qu'un jour sur deux. La faim, toujours. Le maire ne lui dit plus qu'elle s'alimente comme un enfant, car elle en connaît désormais la raison.

C'est dans ce sillage que la fixation au stade oral de la jeune femme est devenue un sujet de conversation. Son chagrin consterné à la pensée qu'elle n'a jamais tété sa mère, que celle-ci ne lui a pas même donné un biberon. Regina est une fine psychologue, comme toutes les reines machiavéliques. Et dans ce monde elle a lu beaucoup de livres. Il n'a pas fallu une réflexion bien approfondie pour faire le lien avec le culte qu'Emma voue à ses seins. L'aveu des fantasmes d'allaitement en a découlé tout naturellement. Il y a cinq jours, le shérif a donné son feu vert. Ce soir, le maire en est sûre, c'est un succès.

Le bruit de succion s'est atténué. Emma continue à boire mais plus paresseusement, comme si elle était en partie rassasiée. Avec un soupir mélancolique, elle lâche le téton abusé et la magicienne s'aperçoit qu'elle a un peu mal, ce qui la fait sourire. Elle se penche sur le visage d'ange, voit, et cela lui enfonce un brasier entre les jambes, que quelques gouttes de lait, son lait, suintent au coin de la jolie bouche.

Elle écarte les cheveux emmêlés, se dit qu'il faudra penser à bien les brosser avant le sommeil. « Tu veux l'autre sein, mon bébé ? » Les yeux verts s'écarquillent comme des soucoupes. « A-t-elle oublié qu'il y en a deux ? » se demande Regina. Emma hoche vigoureusement la tête. Alors le maire déclenche la manœuvre.

C'est maladroit et inélégant car ce long corps athlétique est loin d'être celui d'un nourrisson. Mais enfin, la sauveuse se retrouve tournée dans l'autre sens. Au lieu de s'agripper convulsivement au sein droit, comme elle l'a fait du sein gauche, elle sort une petite langue rose et pointue et lèche languissamment le mamelon raidi. Après plusieurs minutes, elle enfourne la baie de chair et se met à téter. Régina s'aperçoit alors que ce bébé fantasmatique a retrouvé le réflexe des nouveau-nés, qui consiste à balayer le téton de la langue, de bas en haut, avant de sucer. C'est ainsi que le lait jaillit et se précipite.

Après la tétée, Son altesse allongera tendrement son amie sur le dos, veillant soigneusement à la recouvrir afin qu'elle n'ait pas froid, s'installera à califourchon sur l'une des cuisses musculeuses. Elle la masturbera lentement, sans quitter des yeux l'angélique visage, avec une douceur infinie.

Il faudra lui parler sans cesse sur le chemin qui la mène à l'orgasme, la faire pleurer de bonheur et tout boire. « Je t'aime, ma petite Emma », « Tu es tellement belle, comme ça, mon ange », « Tu es ravissante, mon trésor », « Tu aimes ce que je te fais, ma chérie ? ». La reine s'occupera d'elle-même, se frottant languissamment sur le muscle tressautant de la cuisse, jusqu'à ce qu'enfin, elles jouissent ensemble. Juste avant de se laisser engloutir par le sommeil, Regina se reprochera d'avoir oublié de brosser les cheveux d'or.