« Désolée mais je n'en peux plus... Je ne peux plus et je ne veux plus faire ça. »
Ces mots avaient été énoncés la veille en vitesse. Furtivement, discrètement, presque silencieusement, Emma les avait lâchés comme une bombe avant de s'enfuir du bureau. Bombe dont elle n'avait pris la peine d'allumer la mèche, le sens de ses paroles restant ainsi parfaitement inaudible à l'oreille de Regina.
La brune avait entendu ses dires, oh que oui elle les avait entendus, elle n'avait fait que ça, les entendre. Si bien que cette phrase avait tenté de faire son chemin dans son esprit, lui brouillant le crâne toute la nuit sans qu'elle ne puisse rien en tirer. Tel un véritable cauchemar, ses pensées nocturnes toutes dirigées vers la réaction de la blonde ne l'avaient menée à rien, strictement rien.
Alors en ce jeudi 12 novembre, Regina Mills se retrouvait donc à attendre patiemment l'arrivée de celle qui lui devait vraisemblablement des explications.
Il était onze heures lorsque Emma Swan fit finalement son entrée dans le bureau de celle dont elle redoutait la confrontation.
« Miss Swan, salua la directrice en l'étudiant attentivement de ses yeux bruns.
- Madame Mills, rendit la détenue sans dévier le regard de son charriot.
- Comment allez-vous aujourd'hui ?, enchaîna-t-elle aussitôt, ne voulant pas laisser la blonde se terrer dans le silence.
- Ça peut aller, répondit sobrement la jeune femme en se munissant d'un produit lustrant et d'un chiffon.
- Mieux qu'hier j'espère ? », rebondit Regina pour qui être privée de l'attention des yeux verts était absolument irritant.
Aucun mot ne sortit de la gueule d'ange, agaçant la directrice dont la patience n'était certainement pas la qualité principale.
« Vous ne répondez pas ?, lança-t-elle en essayant de garder son calme, ne voulant pas faire se fermer d'avantage celle qui lui devait des comptes.
- Répondre à quoi ?, souffla innocemment Emma en se forçant à dédier toute sa concentration au meuble qu'elle astiquait.
- Et bien à ma question, précisa la brune en commençant à tapoter le marbre blanc de ses ongles parfaitement manucurés.
- Quelle question ?, soupira la blonde, ennuyée.
C'était la goutte d'eau, et elle venait de faire déborder le vase.
- Bon maintenant vous allez arrêter votre cinéma et vous allez me dire ce qu'il se passe, exigea Regina en se levant, prenant appui de ses mains sur le bureau pour intimider Emma de ses prunelles chocolat.
Le ton sévère de la directrice eut raison de l'entêtement de la détenue à l'ignorer. La jeune femme se tourna en sa direction, laissant ses iris vert d'eau s'aligner aux orbes ténébreux.
- Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler, persévéra-t-elle tout de même.
- Oh assez!, siffla la femme, Pourquoi est-ce que vous êtes partie tout à coup? "Je ne peux plus faire ça", qu'est-ce que ça veut dire ?! Qu'est-ce que vous ne voulez plus faire ? Coucher avec moi c'est ça ? Vous ne voulez plus coucher avec moi ? », s'énerva-t-elle, les interrogations fusant dans un ton agressif.
La blonde dévisagea la brune un instant, ne sachant que dire, quoi avouer et, au contraire, quoi garder pour soi.
« Si vous ne voulez plus coucher avec moi, mademoiselle Swan, il suffit de le dire, articula la directrice sans lâcher la détenue des yeux, la défiant presque de confirmer ses mots.
- C'est ce que j'ai fait, rétorqua Emma, Je pensais avoir été assez claire hier.
Regina se décomposa totalement mais n'en montra rien.
- Ce n'était pas le cas, déclara-t-elle, le visage de marbre, Mais maintenant ça l'est.
- Alors tout va bien, appuya la blonde.
- Exactement. », s'accorda la brune avant de se rassoir, feignant se replonger dans son travail l'esprit tranquille.
Mais pourquoi donc Emma avait-elle proféré de tels mensonges ?
Tout simplement parce que briser elle même cette liaison était sans aucun doute moins dégradant, douloureux et éreintant que de voir Regina la réduire au titre "d'objet sexuel", comme elle avait si bien su le faire avec Graham quelques mois plus tôt.
Elle avait beau le moquer ou le dévaloir dès qu'elle en avait l'occasion, la blonde ne pouvait faire autrement que de comparer sa situation à celle du gardien. Elle n'avait de cesse de penser que le schéma allait se reproduire, que la même histoire allait se jouer, mais que cette fois-ci, elle en serait la victime. Voilà qu'elle commençait alors à plaindre Graham qu'elle avait jusque là jugé coupable de pure bêtise pour s'être attaché à la Méchante Reine. Aussi bêtement coupable qu'elle finalement...
Contrariée.
Oui, Regina était contrariée, et c'était peu dire.
On l'avait rejetée et elle en était vexée, peut-être même blessée. De mémoire, elle ne pouvait se souvenir d'une fois, d'une seule et unique fois où l'on avait rompu avec elle. Jamais au grand jamais on ne l'avait quittée puisqu'elle avait toujours initié la rupture de toutes les relations charnelles qu'elle avait entretenu. Elle avait collectionné les liaisons torrides mais avait toujours veillé à garder la situation en main. Elle était celle qui était aux commandes, c'était elle qui décidait de mettre un terme ou non aux ébats routiniers.
Mais voilà qu'aujourd'hui la tendance s'inversait, on lui dérobait le titre de maître du jeu, on prenait la décision pour elle, on la rejetait sans qu'elle n'en ait envie. Emma Swan lui avait coupé l'herbe sous le pied, l'ébranlant plus que de raison.
« Bonjour, salua la blonde en entrant dans son bureau.
- Mademoiselle Swan. », répondit la brune d'une voix des plus hermétiques.
La détenue lança un furtif coup d'œil à la directrice, et s'attendant à croiser le regard de braise, elle fut bien déçue de constater que les yeux ténébreux l'ignoraient complètement. Emma était déçue, certes, mais point surprise parce qu'après tout elle l'avait bien cherché. Alors maintenant qu'elle retrouvait une Regina froide comme la glace, elle ne pouvait s'en vouloir qu'à elle-même.
« Madame Mills ?, quémanda-t-elle un peu d'attention.
- Finissez la poussière et occupez-vous du sol, ordonna-t-elle en devinant la question, ne voulant laisser à la jeune femme aucun occasion d'engager le dialogue.
- Très bien... », soupira la blonde en abandonnant la brune du regard pour s'adonner à ses tâches ménagères.
Le silence prit place dans le bureau, silence qui n'avait rien de confortable, rien de studieux, mais qui ne faisait au contraire qu'illustrer davantage l'atmosphère pesante créée par les deux femmes.
Des coups se firent entendre, tuant le silence mais n'annihilant pas une seconde la tension qui régnait en maître.
« Entrez. », souffla Regina en relevant la tête.
Tout sourire dans son beau costume bleu assorti à sa cravate à rayures, Sidney Glass fit son entrée l'air guilleret.
« Bien le bonjour mesdames, s'annonça-t-il en n'ayant d'yeux que pour la brune.
- Sidney, l'accueillit la directrice dans un simple sourire courtois alors que la détenue voyait déjà son arrivée d'un mauvais œil, Tout va bien ?, ajouta-t-elle en voyant que l'homme prenait place sur le sofa.
S'il avait été au courant de toutes les mésaventures qu'avait connues le velours noir, peut-être y aurait-il réfléchi à deux fois avant de s'y installer aussi confortablement.
- Tout va très bien, assura-t-il, J'ai vraiment hâte d'être à ce soir!
- Ce soir ?, demanda-t-elle sans comprendre de quoi il était question.
Il se redressa pour la regarder de ses yeux écarquillés.
- Ne me dis pas que tu as oublié ?, supplia-t-il presque.
Elle avait oublié. Elle avait oublié alors qu'il l'avait tannée des semaines durant pour décrocher ce rendez-vous en tête à tête. Il l'avait invitée à dîner une bonne dizaine de fois avant qu'elle n'accepte finalement, se disant qu'un repas dans son restaurant préféré accompagnée de l'un de ses anciens camarades ne pouvait pas être si déplaisant que ça. Elle avait donc dit oui et s'était moquée silencieusement de l'air réjoui qu'il avait alors arboré. Elle avait dit oui en début de semaine et puis elle avait complètement oublié, sans doute trop obnubilée par les évènements des deux derniers jours...
- Oh mince!, s'exclama-t-elle la mine coupable, Ça m'était complètement sorti de la tête.
Il était déçu, son visage n'en témoignait que trop.
- Tu veux que j'appelle pour annuler ?, proposa-t-il.
- Non, non ça ira, rassura la femme, Je vais essayer de sortir plus tôt pour avoir le temps de passer chez moi me changer et je te rejoindrai là bas.
- Tu n'as pas besoin de te changer, avança Sidney en la reluquant de haut en bas, Tu es très bien comme ça.
- Tu penses vraiment que je vais aller au Rocinante dans cette tenue, moqua-t-elle, Ce serait criminel de dîner dans le restaurant le plus chic de la ville sans sortir l'une de mes plus belles robes.
- Si c'est pour avoir la chance de te voir dans l'une de tes plus belles robes, alors je ne te retiens pas, rentre chez toi et change-toi, s'enthousiasma-il, ses yeux pétillants déjà pour la vision de rêve qui lui serait offerte dans quelques heures.
- Tu as réservé pour quelle heure ?, se renseigna la brune.
- Vingt-heures, mais si tu veux je peux appeler pour décaler, s'enquit-il.
Elle se retint de lever les yeux au ciel devant son insupportable manie à vouloir constamment se plier en quatre pour elle.
- Non, non, c'est bon Sidney, l'arrêta-t-elle, On se rejoint là bas pour vingt-heures, c'est parfait.
Il se releva, son grand sourire étincelant toujours scotché au visage.
- Je ne te dérange pas plus alors, conclut-il dans un petit clin d'œil, J'ai hâte de te voir arriver dans ta plus belle robe...», charma-t-il avant de quitter le bureau.
Il était difficile de déterminer qui d'Emma ou Regina leva le plus exagérément les yeux au ciel alors que la porte vernie de noir se refermait. La blonde gagnait sûrement la bataille, plus qu'ennuyée par le petit numéro de Sidney, elle en était surtout complètement irritée.
Témoin silencieux de la scène de charme jouée par l'homme et soutenue par la brune, Emma en était venue à l'élaboration de plusieurs conclusions et remarques.
Premièrement, il était évident que Regina devait posséder une mémoire sacrément sélective pour oublier tous les rendez-vous que ses prétendants prévoyaient pour elle. Après la nuit à l'hôtel de Graham, voilà qu'elle ne se rappelait pas non plus de l'invitation à dîner de Sidney.
Ensuite, la jeune femme en était également venue à conclure que les hommes essayant de partager la vie de Regina avaient la fâcheuse tendance à débarquer à l'improviste dans son bureau pour dérouler leur discours sans se soucier une seconde de sa présence. Était-elle invisible, parfaitement transparente, ou son statut de détenue était-il trop négligeable pour que l'on se soucie de son existence?
Troisième réalisation, plus douloureuse que les précédentes, la brune avait vraisemblablement accepté ce tête à tête avec le responsable de la sécurité bien avant que leurs rendez-vous charnels quotidiens ne cessent. Cela appuyait donc la désagréable hypothèse selon laquelle elle ne serait qu'un vulgaire objet sexuel servant de divertissement à la directrice.
Enfin, comme pour enfoncer davantage le couteau dans la plaie, Emma ne pouvait s'empêcher d'envier cet homme qui avait la chance d'emmener Regina Mills au restaurant, cet homme qui aurait en plus l'infini bonheur de voir la divine créature arriver dans sa plus belle robe. Elle aurait donné n'importe quoi pour prendre sa place, pour être celle qui escorterait la reine ce soir. Seulement de l'autre côté des barreaux, elle demeurait impuissante, privée de tout pouvoir sur ce qu'il se passait à l'extérieur. C'était du moins ce dont elle était persuadée...
La soie violine foncée, quasiment noire, se plaisait à glisser sur sa peau à chacun de ses pas. Juchée sur ses talons hauts, ses longues enjambées lascives emportaient avec elles le précieux tissu, faisant se mouvoir la robe contre ses courbes. Du décolleté plongeant qui dévoilait l'entièreté de son dos, aux bretelles drapées qui avaient la fâcheuse tendance à retomber sur ses épaules, jusqu'à la légère fente qui laissait entrevoir un peu du galbe de sa cuisse, tout, absolument tout dans cette robe semblait avoir été imaginé pour Regina Mills. Et les nombreux regards qui s'accrochèrent à sa silhouette alors qu'elle traversait le restaurant n'étaient pas là pour signifier le contraire.
« Tu...tu es sublime, balbutia Sidney alors qu'elle venait d'arriver à leur table.
Bien sûr qu'elle l'était, elle avait tout fait pour l'être. Délaissant son habituel brushing élégant pour des ondulations moins strictes mais plus séduisantes. Remplaçant son rouge à lèvre carmin par un gloss plus foncé tirant sur le prune. Travaillant davantage le maquillage de ses yeux dans un fumé charbonneux. Chaussant ses plus hauts escarpins pour tendre sa cambrure et amplifier sa prestance. Se couvrant enfin de l'une de ses robes les plus envoutantes. Regina s'était appliquée à rendre son physique le plus désirable possible.
Mais pourquoi donc s'était-elle donné tant de mal ?
En tout cas certainement pas pour séduire un Sidney qu'elle avait déjà dans la poche sans même le vouloir. Non, si elle avait fait cela, se sublimer outrageusement, c'était simplement pour le plaisir d'imaginer Léopold fulminer le reste de la soirée.
Lorsqu'elle était rentrée du travail quelques heures plus tôt, son mari lui avait fait part d'une réception qui venait de s'organiser à la dernière minute et à laquelle il souhaitait qu'elle l'accompagne. Quand elle avait refusé en lui apprenant qu'elle allait dîner en compagnie de Sidney Glass, la colère de l'homme avait retentie dans toute la demeure, aussi grande soit-elle. Menaces en tout genre avaient alors fusées. S'il se fichait de qui pouvait bien passer entre les jambes de sa femme, il était tout simplement impossible pour Léopold d'envisager son image entachée par une rumeur d'infidélité.
« Tu peux aller jouer à la putain où bon te semble, avait-il déclaré, Mais certainement pas dans ma ville. »
L'insulte n'était pas passée pour Regina qui s'était alors fait une joie de revêtir son apparence la plus séduisante, espérant ainsi exaspérer encore un peu plus cet homme qu'elle méprisait au plus haut point.
« Il est hors de question que tu sortes comme ça! », avait-il aboyé en la voyant descendre les escaliers, plus aguichante que jamais.
Peste, elle s'était approchée de lui, un petit sourire victorieux au coin des lèvres, et avait déposé un baiser sur sa joue avant de quitter le manoir. Laissant derrière-elle la marque violine de sa bouche sur le visage rouge de colère de son mari, elle s'était esclaffée, enchantée par l'expression dépitée qu'elle avait réussi à lui soutirer.
« Merci. », répondit-elle sobrement à Sidney tout en s'essayant.
Elle s'était à peine installée qu'un serveur avait accouru pour leur servir à boire. Elle commanda un verre de cidre, il l'imita.
La soirée suivit son cours, Sidney entretenant difficilement la conversation avec une Regina qui semblait ailleurs. Il faut dire que la femme assise de dos quelques tables plus loin n'était pas pour aider. Elle ne la connaissait pas, n'avait même jamais vu son visage, mais la simple vision de ses longues ondulations blondes avait suffi à la captiver tout au long du dîner.
Le pauvre responsable de la sécurité avait beau multiplier les avances plus ou moins subtiles, elle ne lui offrit la moindre réaction, ne remarquant même pas ses vaines tentatives de séduction. Ses pensées toutes dirigées vers la jeune femme aux cheveux d'or, Regina peinait à se détacher du pouvoir d'attraction qu'entretenait Emma sur elle, et cela, même depuis l'autre côté des barreaux.
Sa nuit avait été courte, elle n'avait quasiment pas fermé l'œil, trop occupée à répondre à un Léopold rentré de sa réception en furie. Colérique, le bonhomme avait crié en continue durant des heures, sous-prétexte qu'on l'avait chambré sur l'absence de sa femme à son bras, alors que la rumeur planait déjà qu'elle dînait en tête à tête avec une homme à l'autre bout de la ville. Comment la nouvelle s'était-elle répandue si vite ? Une histoire de messages échangés, Regina n'avait pas bien suivi. Il faut dire qu'à force d'entendre son misérable mari vociférer quantité d'insultes à son égard, la brune avait fini par ne plus l'écouter que d'une oreille.
Sa nuit avait été courte, et ce fut donc avec une fatigue palpable et une mauvaise humeur facilement déclenchable qu'elle pénétra dans l'enceinte de la prison. Elle n'avait qu'une hâte, rejoindre le calme de son bureau pour siroter en paix un café des plus corsés. Seulement le sort s'acharna sur elle et au détour d'un couloir, elle tomba nez-à-nez avec un Graham Humbert empestant la gnole.
« Je te cherchais!, s'exclama-t-il dans une effrayante euphorie qui témoignait de son taux d'alcoolémie.
- Et bien apparemment vous m'avez trouvé, déclara-t-elle avec sarcasme.
- J'ai pensé à toi toute la nuit, soupira-t-il.
Elle se recula dans une mine de dégoût.
Recevoir des effluves d'eau de vie en plein visage de bon matin n'était pas une chose franchement agréable.
- Vous avez surtout bu toute la nuit gardien Humbert, corrigea-t-elle d'un ton sévère.
- J'ai bu pour t'oublier, justifia-t-il, Mais ça n'a pas marché...
- Graham il faut que tu arrêtes avec ça, souffla-t-elle aussi peinée qu'agacée.
- Je crois que je suis vraiment amoureux de toi Regina, articula-t-il à demi-mot.
- Tu le crois peut-être, admit la brune, Mais au fond on sait tous les deux que ce n'est pas le cas.
- Pourquoi tu es si sûre de ça ?, se vexa-t-il.
- Parce que je le vois, expliqua-t-elle d'une voix mesurée, se montrant étonnamment compréhensive avec le jeune homme, sans doute parce qu'après une nuit à se disputer avec son mari, elle en avait plus qu'assez de se battre, D'autres ont déjà été amoureux de moi, vraiment amoureux, toi ce n'est pas ton cas. Tu as envie d'aimer et d'être aimé en retour, tu en as tellement envie que tu te convaincs que c'est ce qui t'arrives avec moi.
Il la regarda dans le blanc des yeux, puis baissa la tête, vaincu.
- Tu as peut-être raison, accepta-t-il à moitié, perdu dans ses propres pensées et sentiments.
- Bien sûr que j'ai raison, dit-elle de son petit air suffisant, Maintenant viens avec moi, on va modifier ton planning des prochains jours, il est hors de question que tu travailles aujourd'hui dans l'état où tu es.
- Mais je vais très bien, riposta le gardien.
Elle leva les yeux au ciel.
- Tu es imprégné d'alcool, condamna-t-elle, Ça se voit et se sent à des kilomètres. Alors à moins que tu veuilles perdre ton travail, je te conseille de me suivre. »
Il accepta et la suivit, non sans prendre soin de lever les yeux au ciel à son tour.
Pour elle aussi la nuit avait été de courte durée. Son esprit tourbillonnant inlassablement autour de Regina Mills, c'était exténuée et à fleur de peau qu'elle avança le long du couloir de l'administration en poussant son charriot.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle croisa Graham Humbert sortant tout droit du bureau de la directrice. Ni une, ni deux, la rage au ventre, Emma pénétra directement dans l'entre de la reine en claquant violemment la porte derrière elle.
« Pourquoi est-ce que vous faites ça ?, attaqua-t-elle d'emblée.
- Je vous demande pardon ?, répondit Regina, debout derrière son bureau, étourdie par cette agression sans préambule.
- D'abord monsieur Glass, maintenant Humbert, je suis presque étonnée de ne pas vous retrouver avec la langue de Belfrey au fond de la gorge, ironisa-t-elle douloureusement.
- Mais vous êtes complètement folle ma pauvre, méprisa la brune qui n'appréciait guère qu'on lui parle de la sorte.
- C'est à cause de vous si je suis comme ça, se défendit la blonde.
- Et qu'est-ce que je vous ai fait au juste ?, demanda la directrice en fronçant les sourcils.
- Vous jouez à la traînée avec toute la prison juste sous mon nez, reprocha cruellement Emma.
Elle avait déjà eu son compte en insultes du genre toute la nuit, alors entendre la jeune femme en rajouter une couche la rendit plus froide, plus cassante que jamais.
- Vous allez tout de suite redescendre d'un étage et vous adresser à moi sur un autre ton, prévint-elle de sa voix glaciale, Je n'ai pas à me justifier auprès de vous, mais si c'est pour vous faire fermer votre clapet, alors je vais le faire. J'ai dîné avec monsieur Glass hier soir, c'est un fait. Si vous voulez tout savoir, j'ai mangé mon plat préféré, dans mon restaurant préféré, tout cela en buvant du cidre et en étant accompagnée d'un collègue et ancien camarade de classe. Si cela fait de moi une traînée, alors j'en accepte le titre. »
Emma commençait déjà à regretter ce que son trop plein d'émotions l'avait poussé à dire.
« Ensuite, pour ce qui est de Graham, il est venu travailler complètement saoule et je lui ai ordonné de prendre un jour de congé. C'est la seule et unique raison de sa présence dans mon bureau ce matin. Enfin, je ne sais même pas comment expliquer vos déductions tordues quant à Belfrey. Cela fait des jours que je ne lui ai pas adressé la parole. »
Regina marqua une pause dans sa tirade, laissant ainsi Emma se haïr d'avoir eu une réaction si disproportionnée.
« Et puis de toute manière, reprit-elle toujours amère, Si j'avais envie d'écarter les jambes pour Sidney, Graham ou Victoria, ou même pour les trois à la fois, qu'est-ce que cela pourrait bien vous faire ?
- Ça me blesserait, avoua la blonde.
- Ça vous blesserait, rien que ça, moqua-t-elle, trouvant cela absurde.
- Oui ça me ferait du mal de vous savoir avec quelqu'un d'autre, appuya la jeune femme.
- Mais mademoiselle Swan, railla-t-elle froidement, Je vous rappelle que c'est vous qui avez voulu tout arrêter.
- Et vous ne vous demandez pas pourquoi ?
- Vous ne voulez plus coucher avec moi, énonça la brune, Vous l'avez dit alors je ne voix pas pourquoi j'irais chercher plus loin.
- Je vous pensais assez maline pour être capable de voir plus loin que le bout de votre nez, provoqua Emma.
- Et bien apparemment vous m'avez surestimée, déclara Regina dans une nonchalance factice, Alors si vous voulez que je comprenne, il va falloir m'expliquer. », ajouta-elle dans un petit sourire hautain.
Ses iris émeraude alignés aux prunelles chocolat, elle prit une grande inspiration, hésitant une dernière fois avant de tout balancer, avant de libérer son cœur et son esprit du fardeau qui s'était fait de plus en plus pesant au cours des derniers jours.
« Si je vous ai repoussé, si j'ai voulu tout arrêter brusquement, c'est parce que je veux plus, bien plus qu'une énième dernière fois avec vous, commença-t-elle.
L'expression dure de Regina se ramollit aussitôt.
- Et qu'est-ce que vous voulez alors ?, interrogea la femme qui redoutait la réponse qu'elle commençait à voir venir.
- Je veux..., se lança Emma, pleine de courage, Je ne veux plus que vous disiez que c'est la dernière fois, je veux que vous assumiez qu'il y en aura plein d'autres, parce que vous avez envie qu'il y en ait d'autres. Je veux aussi l'exclusivité, je ne veux pas que vous couchiez ou flirtiez avec quelqu'un d'autre que moi. Je ne veux pas avoir à vous partager. Je veux qu'il y ait plus que du sexe entre nous, avec vous c'est d'une vraie relation dont j'ai envie. Je veux continuer nos joutes verbales, je veux continuer nos petits jeux de séduction, je veux continuer à vous faire l'amour, je veux apprendre à vous connaître, je veux tout découvrir de vous, je veux vous tutoyer, je veux que vous m'appeliez par mon prénom.
En vérité je veux tout, absolument tout de vous Regina. »
Noyée dans l'océan vert d'eau, des frissons traversèrent son corps alors qu'elle ne pouvait faire autrement que de se laisser submerger par les dires d'Emma.
« Vous êtes trop exceptionnelle, bien trop spéciale pour que je puisse me contenter du peu que vous me donnez. », ajouta la blonde alors que la brune venait de lui tourner le dos.
Emma avait dit tout ce qu'elle avait à dire, absolument tout. Elle attendait à présent que la sentence tombe.
Secouée par ce qu'elle venait d'entendre, Regina resta un moment silencieuse, tournant le dos à celle qui la déstabilisait.
« Dites-moi que vous n'allez pas me rejeter maintenant que je vous ai tout avoué. », l'implora la blonde.
Bien sûr qu'elle allait la rejeter, peu importe ce qu'elle ressentait, sa réaction était déjà programmée, la marche à suivre, finement ficelée. N'entretenir nulle relation dépassant l'ordre du purement sexuel, telle était sa ligne de conduite. Elle se l'était promis il y a des années, plus jamais elle ne prendrait le risque de s'attacher à nouveau à quelqu'un, plus jamais elle ne se mettrait dans une situation la rendant aussi vulnérable. Elle se l'était promis lorsqu'elle était au plus bas, aux tréfonds de sa détresse, jamais, plus jamais elle ne se laisserait l'occasion de tomber amoureuse à nouveau. Cette promesse, Regina comptait bien la tenir coûte que coûte.
Alors, tel un robot au visage figé dans la cire, la brune se retourna pour faire face à la blonde. Emma baissa immédiatement les yeux devant ce visage, ce visage dénué de la moindre émotion.
La scène qui allait suivre, les deux femmes la connaissaient parfaitement.
[Hey!!
Petit message pour vous remercier pour vos derniers commentaires, merci de me lire et de me soutenir :)
À jeudi prochain pour la suite, d'ici là
portez-vous bien ;)]
