La rencontre

Il n'y a rien de plus vertigineux que la perte totale de contrôle. Cet instant, cette seconde, où tout bascule et où les doutes du passé l'emportent sur ce qu'il restait. Voldemort vit la dernière étincelle de vie s'éteindre dans les yeux de Nagini et poussa un hurlement de rage.

Il s'approcha du corps de son serpent, sans tenir compte de la foule silencieuse et du garçon, et aperçu, dressé dans toute sa majesté, le roi des serpents qui l'observait fixement. Un regain d'espoir saisi Voldemort. Il était l'Hériter de Serpentard et en tant que tel, tous les serpents lui étaient liés. En particulier les Basilics. Il ne comprenait pas pourquoi la créature avait attaqué Nagini mais cela n'avait plus d'importance. Avec un Basilic à ses côtés, il serait invincible.

'Frappe le garçon,' ordonna-t-il dans un sifflement aussi assuré que possible.

Le Basilic ne bougea pas.

'Le Fourchelangue ne te sera d'aucune utilité, Tom,' siffla calmement Harry. 'Il n'obéit qu'à moi.'

Voldemort ignora la piteuse tentative du garçon et réitéra son ordre plus furieusement. Mais une fois encore, le Basilic ne réagit pas et détourna son regard en direction de Harry. Lorsque Voldemort remarqua la tendresse dans les yeux du Basilic alors qu'il regardait son ennemi juré, ce qu'il restait de son monde s'écroula.

'Comment… comment est-ce possible?' Demanda-t-il, incrédule.

Dans son désespoir, il trouva la clairvoyance de s'exprimer en Fourchelangue. Si ses Mangemorts apprenaient le désarroi dans lequel il se trouvait, il perdrait toute sa légitimité auprès d'eux. Il était conscient que son emprise sur eux n'était aussi forte que sa puissance apparente.

'C'est une sacrée histoire à dire vrai,' répondit Harry en se rapprochant de Supra. 'Elle contient aussi l'explication de la raison pour laquelle j'ai rendu Bellatrix Lestrange amnésique au lieu de simplement la pétrifier et la livrer aux Aurors.' Il attendit que le Seigneur des Ténèbres le regarde avant d'ajouter de la manière la plus dégagée possible. 'Souhaiterais-tu l'entendre?'

'Espèce de petit insolent,' cracha Voldemort avec un regard haineux.

Son insulte n'eut pour réponse que le dédain du garçon. Voldemort était bouleversé et tout ce qu'il avait tenu pour certitude était maintenant dangereusement compromis. Il avait besoin de comprendre où et quand il s'était trompé.

Il était l'Héritier. Le seul, l'unique. Alors pourquoi ce Basilic favorisait le garçon à sa place? Comment Harry avait-il réussi à obtenir son secret avec Bellatrix? Et pourquoi diable le garçon n'était-il pas terrifié devant lui ?

Le Seigneur des Ténèbres s'étrangla presque en réalisant à quel point le doute le rongeait. Le monde tanguait autour de lui et il était débordé par la situation. Une sensation qu'il n'avait encore jamais connue. Il plissa ses yeux et continua en français.

'Peut-être que tu mérite de vivre encore quelques minutes. Toi et moi allons avoir une petite discussion et lorsque nous en aurons fini, je te tuerai. Donc choisi sagement tes mots car c'est tout ce qui se tient entre toi et ta mort inévitable.'

Harry acquiesça et tourna ses talons en direction de la forêt avant que le mage noir ne puisse ajouter quoique ce soit. Il avait très bien compris la dynamique entre Voldemort et ses Mangemorts. Soit le Seigneur des Ténèbres le suivait, soit il offrirait à ses serviteurs le spectacle d'un garçon si désinvolte devant le sorcier le plus terrifiant de tous les temps qu'il n'avait aucun problème à lui tourner le dos. Avant d'emboîter le pas à Harry, Voldemort se tourna vers ses troupes.

'J'ai décidé d'accorder au garçon une dernière conversation. Voyez cela comme sa dernière volonté,' ajouta-t-il avec un sourire cruel. Un rire nerveux parcouru les rangs des Mangemorts mais ils avaient, pour la plupart, compris le changement dans le rapport de force. Cependant, ils savaient très bien qu'ils n'étaient pas de taille face au Seigneur des Ténèbres et ils restèrent donc tous silencieux. 'Ne laissez passer personne où vous le paierez de votre vie,' menaça-t-il avec un sourire encore plus large.

Il n'attendit pas leur réponse et disparu dans la forêt. Supra le regarda passer devant lui avant de poser son regard sur la foule incertaine. Personne n'osa approcher le serpent légendaire. La créature n'avait pas besoin de parler leur langue pour qu'ils comprennent que quiconque essaierait de suivre Harry et Voldemort périrait dans d'atroces souffrances.

Voldemort rejoignit Harry qui s'était arrêté dans une petite clairière éclairée par la douce lumière de la lune.

'Est-ce que tu reconnais cet endroit?' Demanda Harry avec un sourire étrange.

Voldemort jeta un coup d'œil aux alentours et son regard tomba sur une zone qui était d'une couleur argentée luminescente. Il eut la vision d'une ombre buvant le sang d'une des créatures les plus pures du monde des Sorciers à cet endroit-là. Cette ombre avait été la sienne. Un pâle reflet du puissant sorcier qu'il était devenu.

'J'ai failli t'avoir cette nuit-là,' dit Voldemort d'un ton impassible. Il regarda Harry à nouveau. 'Mais ce n'est pas la raison pour laquelle tu m'as amené ici, n'est-ce pas?'

'Je suis curieux,' répondit Harry. 'Il y a quelques minutes tu n'aurais pas écouté la moindre de mes paroles. Qu'est-ce qui a changé pour que tu me suives ici ?'

Voldemort considéra le jeune homme quelques secondes. Il n'avait rien à voir avec le garçon effrayé qu'il avait piégé dans le cimetière un an auparavant. Il avait vu dès le début que Harry Potter n'était pas un garçon comme les autres. Il aurait été stupide de ne pas reconnaître qu'il possédait une ingéniosité hors du commun ainsi qu'une certaine bravoure… témérité était un meilleur adjectif. Mais en ce moment précis, Voldemort voyait en Harry autre chose que tout cela. Il y voyait un reflet de lui-même. Un reflet d'une époque différente.

'Disons,' répondit Voldemort en tentant de garder son sang-froid, 'que tu n'es pas aussi faible que ce que tu parais.'

'Si ça ce n'est pas un compliment, je ne sais pas ce que c'est,' provoqua Harry. 'Mais j'ai une autre explication à te proposer. Tu m'as suivi parce que tu veux comprendre. Je sais que tu ne t'attendais pas à ce qu'il s'est passé ce soir.'

'Tu as beaucoup de culot pour un enfant sur le point de mourir,' sourit Voldemort en caressant sa baguette.

'Je n'ai pas peur de la mort,' dit Harry d'un ton dégagé. 'Je ne crains pas ce qui viendra après car je sais que je ne serai pas seul dans l'au-delà,' ajouta-t-il en plantant son regard dans celui du mage noir.

Voldemort savait que la dernière remarque lui était directement destinée.

'Tu ne sais pas de quoi tu parles,' répliqua-t-il avec un rictus. 'Tu n'est qu'un gamin de quinze ans. Que pourrais-tu bien savoir de la vie et de la mort?'

'Beaucoup plus que ce que tu penses,' dit Harry avec un sourire triste. 'Et j'en sais d'autant plus sur toi, Tom Jedusor. Je sais des choses que tu ignores. Je suis au courant de beaucoup d'autres choses dont tu ne soupçonne même pas l'existence. Veux-tu en entendre certaines avant que tu ne commettes une terrible erreur?'

Voldemort ne répondit pas mais son rictus s'évanouit. Il n'aimait pas du tout la tournure que prenaient les évènements.

'Poudlard est un endroit vraiment merveilleux, ne penses-tu pas?' Reprit Harry en faisant un pas dans la direction de Voldemort. 'Un foyer pour certain, un château rempli de savoir, d'espoir et de secrets. Il y a surtout un endroit que j'apprécie beaucoup depuis un an, et je le dois à ton ancêtre, Salazar Serpentard.'

Au même moment où il acheva sa phrase, il souleva le plus naturellement du monde la manche déchirée qui recouvrait son avant-bras gauche et le leva pour y révéler le bracelet d'argent. Les yeux de Voldemort s'écarquillèrent.

'Où as-tu trouvé ça ?!' Cracha-t-il. 'Comment-est-ce possible ?!' La stupéfaction était si grande qu'il ne parvenait plus à cacher dans sa voix le doute et la peur grandissants en lui.

'Donc tu sais ce que c'est,' dit Harry en feignant d'avoir l'air surpris.

'Tu n'es qu'un usurpateur,' siffla Voldemort. 'Seul un vrai Héritier a le pouvoir de porter ce bijou! Comment as-tu réussi à le corrompre pour le souiller de ton sang impur?'

'Mon sang est aussi impur que le tien,' répondit Harry en ignorant le ton agressif. Il avança d'un autre pas en direction de Voldemort. 'Je peux le porter car Salazar m'en a fait cadeau.'

'Ce… c'est impossible,' répéta Voldemort.

Harry admira le fin bracelet, le caressa et tourna ses yeux verts vers le regard violet.

'Et pourtant il est à mon bras. Alors je vais te le demander une fois pour toute, Tom. Veux-tu savoir tout ce que tu as manqué au cours de ta vie ? Veux-tu savoir pourquoi tu as continuellement été tenu en échec depuis que tu as choisi la voie de l'immortalité ?'

'Échec?' S'esclaffa Voldemort. 'Tu devrais faire plus attention à ce que tu dis, Potter.'

'Laisse-moi voir,' dit Harry en faisant semblant de réfléchir. 'Une ascension vers le pouvoir ruinée par un nouveau-né, une renaissance couronnée par la fuite de ton ennemi, un simple garçon de quatorze ans si tu me permets de le rappeler.' Le regard de Voldemort s'assombrissait au fur et à mesure que Harry lui listait ses défaites. 'La destruction de tout ce pour quoi tu as travaillé pendant toute ta vie, et la perte de ton ancien amour.'

'Elle n'était rien de tout ça!' S'exclama Voldemort.

'Et pourtant tu as considéré t'enfuir avec elle. Souviens-toi, Tom, il fut un temps où tu aurais abandonné toute cette haine, toute cette rage juste pour être avec elle. Mais tu en as décidé autrement. Et où est-ce-que cela t'a amené, Tom?' Harry ne lâchait pas Voldemort du regard et il avança encore. 'L'œuvre de ta vie, envolée. L'amour de ta vie, perdu. Quand tu auras détruit Poudlard, le seul endroit qui fut ton foyer, lorsque tu auras tué Dumbledore, le seul qui t'ait donné une chance, que te restera-t-il, Tom?'

La dernière question résonna dans la clairière. Lorsque le silence revint, Voldemort était sans voix. Le garçon n'était plus qu'à deux ou trois pas de lui.

'Tu t'en es pris à ma famille et moi,' dit Harry d'une voix calme, 'à cause d'une Prophétie à laquelle tu as choisi d'obéir aveuglément. Ce n'est pas très Serpentard de ta part.'

'Obéir?' Répéta Voldemort avant que Harry ne puisse ajouter quoique ce soit. 'Les Prophétie ne sont pas des règles, elles les transcendent…'

'Tu vas me parler du destin, c'est ça?' Dit Harry le coupant avec un regard condescendant. 'Les Prophéties sont les règles du destin, certes, mais elles n'en restent pas moins des règles.' Il se tut et sourit. 'D'ailleurs veux-tu entendre notre Prophétie?'


Sirius fut le premier à se précipiter à la suite de Dumbledore qui s'était élancé en direction de la foule de Mangemorts après avoir vu le Fiendfyre. Il avait, lui aussi, deviné la cause de la cessation des hostilités, et sa priorité était maintenant la sécurité de son filleul. Le reste de l'Ordre du Phénix les suivirent pendant que McGonagall ordonnait aux professeurs et élèves de rester en position. Elle ne put, cependant, empêcher Ron et Hermione qui partirent à la poursuite du groupe en ignorant ses appels.

Dumbledore avait rarement été surpris au cours de sa vie, et ce qu'il vit en arrivant constituait, il devait bien l'admettre, une première. Sur le côté gauche de là où s'était déroulé le duel se tenait un serpent géant que Dumbledore n'avait encore jamais vu en réalité. Le même genre de créature qui avait rampé dans l'enceinte de son école trois ans auparavant, pétrifiant tous ceux qui avait eu le malheur de croiser sa route. Cependant, le Basilic ne semblait pas menaçant. Il semblait plus sur la défensive qu'autre chose. Les Mangemorts étaient regroupés sur la droite et épiaient le serpent d'un œil méfiant.

'C'est un Basilic,' murmura Fol-Œil perplexe.

'Il n'a pas l'air de vouloir attaquer,' dit Sirius qui était tout aussi incrédule devant la scène qu'il voyait.

En voyant les membres de l'Ordre arriver, certains Mangemorts levèrent leurs baguettes d'un air menaçant. Quelques sorts fusèrent en direction de Dumbledore qui les dispersa sans même utiliser sa baguette. Le Basilic ne bougea pas. Un vent de panique souffla sur la foule des attaquants. Sans Voldemort, ils n'avaient aucune chance face à Dumbledore. Mais s'ils fuyaient, le mage noir les traqueraient tous un à un.

Supra observait les deux groupes de sorciers et sorcières d'un œil alerte. Leur querelle ne l'intéressait pas. Sa tâche était d'empêcher quiconque de passer. Un des sorciers, cependant, attira son attention. Il était grand, avec un regard profond et perçant, et possédait une longue barbe blanche qui lui rappelait celle de Salazar. Son aura resplendissait d'une force tranquille qui pouvait être dévastatrice si libérée. Il inclina sa tête et reconnu l'homme dont Harry lui avait tant parlé. Le vieux sorcier se tourna vers lui et, pour la première fois, il rencontra le regard bleu clair du directeur de Poudlard.

Dumbledore considéra le Basilic. Il était jeune et ne semblait pas avoir cinq ans révolus. Il n'avait attaqué personne mais semblait protéger l'endroit où il se trouvait, et Dumbledore était prêt à parier qu'il s'agissait de la direction qu'avaient emprunter Harry et Voldemort. L'information qui lui manquait était celle concernant le camp envers lequel le Basilic était loyal.

Dès que Dumbledore tourna son attention vers le serpent, le chaos éclata. Certains Mangemorts tentèrent de fuir tandis que d'autres commencèrent à attaquer l'Ordre. Les sorts fusèrent des deux côtés.

Supra trouva cela extrêmement irritant, et avant que le combat ne dégénère il s'interposa entre les deux groupes et cracha violemment en direction des Mangemorts qui avaient commencé l'agression. Son sifflement puissant résonna sur les bois environnants et les Mangemorts qui n'étaient pas partis se glacèrent de peur devant le regard menaçant du serpent. La créature fut touchée par de nombreux sortilèges mais aucun d'entre eux ne sembla l'affecter.

Alors que le silence tombait à nouveau, des craquements sonores furent entendus et, à quelques mètres des portes de Poudlard, le Ministre de la Magie, Cornelius Fudge, accompagné de pas moins de vingt Aurors apparut. Quand Fudge vit Dumbledore, il étira ses lèvres en un sourire vicieux. Mais il fut rapidement remplacé par une expression de surprise sincère quand il réalisa ce qu'il se passait réellement. Ses yeux s'écarquillèrent quand ils tombèrent sur le Basilic qui l'ignora complètement.

'Dumbledore!' S'exclama Fudge. 'Qu'est ce que tout cela signifie?'

'Ah Fudge,' répondit froidement Dumbledore. 'Vous êtes à l'heure comme toujours. Si vos Aurors pouvaient se donner la peine de se saisir de ces Mangemorts,' dit-il d'un ton acide en indiquant la foule noire encapuchonnée, 'cela serait fort aimable.'

Le Ministre semblait avoir du mal à respirer et Dumbledore se détourna de lui pour faire face au Basilic. Il s'en approcha doucement en levant ses mains en signe de paix et déclara :

'Je suis un ami de Harry Potter. Le garçon court un grave danger et je demande humblement à pouvoir passer afin de pouvoir l'aider.' Personne n'avait jamais entendu le directeur de Poudlard s'adresser à qui que ce soit avec tant de déférence.

Supra considéra le sorcier et hésita. Il voulait obéir à Harry mais sa priorité était la sécurité de son maître. Il ne savait pas quel choix serait le meilleur. Il baissa sa tête l'approcha de Dumbledore en sifflant doucement et plongea son regard dans les yeux du directeur. Ce dernier ne bougea pas d'un pouce. Alors c'était ça le sorcier en qui Harry avait placé ses espoirs et sa confiance. Le petit avait bon goût. Il jeta un coup d'œil sur la gauche et remarqua une silhouette aristocratique aux cheveux bruns. Et voilà qui devait être le parrain. Il se redressa et releva sa tête. Il avait pris une décision.