Bonjour à tous·tes !
Je vous remercie très chaleureusement pour le merveilleux accueil que vous avez fait au prologue ! Je suis très heureuse d'avoir retrouvé des pseudos connus en reviews ainsi que des nouveaux !
Voilà enfin ce premier vrai chapitre. L'histoire commence ! Elle se déroule 19 ans après le prologue, comme le titre l'indique. J'espère de tout cœur qu'il vous plaira !
Bonne lecture !
Chapitre 1 — Dix-neuf ans plus tard
Août 2019
Harry se frotte le visage et soupire devant l'ampleur de la tâche. Il y a tant à faire avant la fin de la semaine. Heureusement que les enfants sont avec Ginny, comme tous les étés, cela lui laisse plus de temps pour préparer ses affaires. Et surtout cela lui permet de réfléchir à la façon d'annoncer la bonne nouvelle à ses ami·e·s. Ça risque d'être une surprise pour elleux, vu son insistance à refuser ce poste depuis des années.
Après un dernier coup d'œil dans son salon, il décide de ne prendre que le strict nécessaire, après tout il sera de retour pour les vacances et aura besoin que son petit univers soit toujours là. Il se doute également que James et Albus seront heureux que rien n'ait trop changé. Dans sa vieille malle, ressortie du grenier et dépoussiérée pour l'occasion, il entrepose simplement quelques romans et trois photos de sa famille. Après réflexion il ajoute aussi un plaid un peu râpé, mais si doux qu'il n'arrive pas à s'en séparer. Et puis surtout, il lui rappelle tant de bons souvenirs, blotti devant le feu avec son ex femme.
Dans sa chambre, le choix est vite fait : l'essentiel de sa garde-robe sorcière termine au fond de la malle et une bonne partie de ses vêtements moldus aussi. Il garde dans sa penderie de quoi s'habiller pour le reste de la semaine, mais pas beaucoup plus. Il ouvre le tiroir de la table de nuit et hésite à y prendre la boîte qui s'y trouve. Il doute franchement d'avoir besoin de ce qu'elle contient. Cependant, il la pose au milieu des piles de vêtements, cela serait trop bête que ça lui manque. Et puis, il aura peut-être quand même l'occasion de sortir le week-end, qui sait ?
Il pousse ensuite la porte de son bureau et reste quelques instants immobile. Les meubles et les livres sont couverts de poussière, cela fait bien trop longtemps qu'il n'est pas venu ici. Depuis qu'il a abandonné sa carrière, il n'y est plus entré que très rarement et sa priorité n'était sûrement pas de faire le ménage. Il marche lentement dans la petite pièce qui sent le renfermé. Des souvenirs assaillent Harry. À chaque fois c'est la même chose. Toutes les heures passées, assis derrière ce bureau, le hantent, à remplir des comptes-rendus, puis des ordres de missions, négligeant un peu sa vie de famille par obligation et le regrettant amèrement.
Harry s'assoit dans le fauteuil, un nuage de poussière s'envole et le fait tousser. S'il veut être honnête avec lui-même, il n'y a pas que de mauvais souvenirs ici, il y a aussi eu des moments de complicité avec Ginny ou ses enfants venus lui demander une faveur. C'est également une pièce emplie de secrets. Harry déverrouille l'un des tiroirs d'un sortilège complexe. Sa longue carrière chez les Aurors lui a appris beaucoup d'enchantements très utiles, et notamment comment conserver à l'abri de regards indiscrets des choses qui n'appartiennent qu'à lui. Enfin non, pas qu'à lui.
Le sorcier brun ouvre lentement le tiroir qui grince un peu et en sort une pile de parchemins. Des dizaines et des dizaines de courriers. Nostalgique, il en saisit un au hasard et le parcourt. Les larmes ne tardent pas à perler, l'émotion le gagnant.
« Harry,
Tu me manques beaucoup. Je sais que ça va s'atténuer, c'est parce que tu viens juste de repartir. J'ai l'habitude de ne te voir que quelques semaines par an, mais ton départ est toujours très douloureux. Et je sais que c'est pareil pour toi.
Je m 'endors sur ton oreiller, mais il perd déjà ton odeur, comme chaque fois. Je me trouve insupportablement niais à faire ce genre de chose. J'ai parfois l'impression d'être un ado de 15 ans avec toi alors que je frôle les 40. Mais je considère que c'est positif.
J 'espère que tu pourras te libérer pour le 12 décembre, je n'ai pas envie de passer mon anniversaire sans toi. Je sais que c'est proche de Noël et que tu es toujours débordé à cette période, mais cette année c'est un peu particulier. Maman a essayé de me convaincre de venir le fêter avec la famille, mais j'ai refusé, lui promettant de faire le voyage pour les fêtes de fin d'année. Dis-moi vite ce qu'il en est, je peux même me déplacer pour deux jours seulement, si tu penses que personne ne viendra nous déranger.
J 'ai hâte de recevoir ta réponse.
Je t 'aime »
Harry repose le courrier daté d'octobre 2012 et s'essuie les yeux. Il s'est maintenant écoulé autant d'années depuis leur séparation que la durée de leur relation, mais relire ces lettres le rend toujours aussi triste. Ce n'est plus la même douleur qu'au début et la mélancolie mêlée de nostalgie surpasse la souffrance maintenant. Quel gâchis tout de même ! Harry se déteste un peu d'avoir mis fin à cette belle histoire, ses sentiments ne se sont jamais vraiment éteints. Comme avec Ginny. Quand Harry a aimé, il aime pour la vie.
Une photo accompagne ce courrier et Harry la regarde quelques instants, en souriant de ce souvenir cher à sa mémoire. Il est heureux sur ce cliché que son amoureux avait pris par surprise alors qu'il riait en retirant les flocons de ses cheveux noirs. Ils venaient de se lancer des boules de neige à la figure, comme deux enfants, en se courant après et Harry avait les joues rosies par l'effort.
Harry range finalement toutes les lettres et les quelques photos. Puis il change d'avis et en garde une. La seule d'eux ensemble, prise discrètement par l'unique personne qui était au courant de leur relation. Et qui l'avait offerte à Harry un peu après.
Le cliché toujours en main, Harry verrouille le tiroir et ses secrets sont de nouveau enfermés, ne subsistant que dans sa mémoire. Il se relève et souffle sur l'un des rayonnages de la bibliothèque. La poussière s'envole et Harry se souvient un peu trop tard qu'il aurait pu tout nettoyer d'un coup de baguette. Il se morigène et effectue le geste associé à l'incantation. La pièce est de nouveau propre et il peut récupérer les nombreux ouvrages dont il pense avoir besoin. Il glisse la photo en plein milieu de « Vie et habitat des animaux fantastiques », afin que personne ne tombe dessus par inadvertance. Harry sait qu'il prend un risque en emmenant ce souvenir, mais il répugne à ne pas avoir avec lui une trace de cette période de sa vie, qui a beaucoup compté.
Une fois sa malle bien remplie de divers objets et livres, Harry la ferme et la déplace dans le couloir. Il y mettra ses affaires de toilette au dernier moment.
Harry regarde l'heure, il est beaucoup plus tard qu'il ne le pensait. Il se fait à dîner et se couche tôt. Il a beaucoup à faire le lendemain pour préparer la venue de ses ami·e·s. Pourtant le sommeil le fuit et une question tourne en boucle, toujours la même : a-t-il pris la bonne décision ?
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La sonnette retentit et fait sursauter Harry. Il regarde l'horloge. Il est très exactement dix-neuf heures. Il ne connaît que peu de personnes capables d'être aussi à l'heure : Hermione ou Neville. Il hurle « J'arrive » en espérant qu'on l'entende, termine de préparer le poulet et le met dans le four. Il court ensuite jusqu'à l'entrée et ouvre la porte.
Neville et Tulipe attendent patiemment et entrent alors que Harry s'excuse de les avoir fait attendre. Il leur propose de se rendre dans le salon, mais iels le suivent en cuisine, puisqu'il a encore des choses à préparer.
La discussion s'oriente très vite sur les enfants et Neville prend des nouvelles de James et Albus.
— Ils sont chez Ginny, ils ont hâte de retourner à Poudlard. J'espère que James va s'assagir un peu et arrêter de faire l'andouille.
— C'est un ado, Harry, normal qu'il soit turbulent. Tu sembles oublier que tu étais aussi un spécialiste pour faire des bêtises !
Harry sourit, non il ne l'a pas oublié. Mais son point de vue a changé quand il est devenu un parent, évidemment.
— Et toi, Tulipe, que fait ta fille maintenant ?
— Jenny est aux États-Unis, elle travaille au MACUSA comme assistante dans le service d'ambassade du Royaume-Uni.
— C'est une bonne place, tu dois être contente pour elle, félicite Neville.
Harry sourit et hoche la tête pour appuyer son ami. Tulipe Karasu n'a pas eu une vie de rêve et a élevé sa fille seule après que le père ait lâchement quitté le foyer aux trois mois du bébé. Harry, Neville et Ron ont fait sa connaissance pendant leur formation d'Auror, elle était formatrice pour les nouveaux·elles Aurors. Ensuite elle a été leur collègue pendant des années, iels sont restés assez proches. Mais Harry la considère comme une amie très chère, elle est d'ailleurs la seule à connaître certains détails de sa vie.
Harry continue à préparer les petits toasts pour l'apéritif pendant qu'iels discutent du Ministère et du service des Aurors, où Tulipe travaille encore. Rien n'y a vraiment changé et Harry ne regrette pas une seconde d'être parti quatre ans plus tôt. C'est toujours aussi embourbé par la paperasse et la lenteur administrative, et surtout par certains chefs de service particulièrement détestables.
Les autres ami·e·s de Harry finissent par arriver progressivement et, à vingt heures, tout le monde est dans le salon à picorer des cacahuètes, engloutir les toasts et boire un verre. Les enfants ne sont pas là, Harry a demandé à ce que les adultes soient les seuls présents. Habituellement il aime recevoir les familles au complet, mais pas ce soir. Il n'a pas envie d'être interrompu par des questions incessantes.
Quand il est l'heure de manger, la cuisine devient bondée et la table ne peut accueillir tout le monde que parce qu'elle a été magiquement agrandie. Les dossiers des chaises frôlent le mur et les convives sont un peu les uns sur les autres. Mais personne ne s'en offusque et tous·tes passent un bon moment. Harry discute avec animation avec Ron et Seamus de la future saison de Quidditch.
Finalement, quand Harry apporte le dessert, de simples tartes à la mélasse, la seule chose qu'il est certain de ne jamais rater, les conversations ne reprennent pas d'elles-mêmes. L'ancien Gryffondor se dit que c'est le moment qu'il attend. Et personne n'est dupe, Harry n'a pas réuni l'ensemble de ses ami·e·s juste pour un repas. Tout le monde sait qu'il va annoncer quelque chose.
Harry s'éclaircit la gorge et demande qui veut couper les tartes. Personne ne répond.
— Harry, nous savons tous que tu as quelque chose à nous dire, fait remarquer Hermione.
Il la regarde et la remercie silencieusement d'avoir eu le courage de lancer le sujet alors qu'elle n'était pas dans la confidence. Il observe tout le monde : Dean, Seamus, Ron, Hermione, Neville, Luna et son mari Rolf, Tulipe, George et Angelina. Certain·e·s paraissent anxieux·es.
— C'est vrai, j'ai quelque chose à vous annoncer. C'est une bonne nouvelle, ne vous inquiétez pas.
Il voit certains regards changer et être un peu soulagés. Évidemment, il s'appelle Harry Potter, ses ami·e·s continuent à s'imaginer les pires choses à son sujet, alors même que sa vie est aussi calme qu'un lac depuis qu'il a quitté les Aurors.
— Tu veux nous présenter ton nouveau mec, mais t'oses pas, c'est ça ? plaisante George.
L'assemblée éclate de rire et Harry rougit. Si seulement il avait eu le courage de faire ce genre de choses il y a huit ans, il aurait peut-être quelqu'un à ses côtés ce soir. Mais il est célibataire, papillonnant à droite et à gauche sans vraiment se poser, sans réussir à tirer un trait sur son dernier amour.
— Merci, George, pour ce trait d'humour. Non, ce n'est pas ça.
Harry reprend sa respiration puis se lance. Il espère que la nouvelle ne fera pas trop l'effet d'une bombabouse.
— À partir de la semaine prochaine, je serais le nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal à Poudlard. Et directeur de Gryffondor.
Un bref silence suit ses paroles puis la tablée entière se met à applaudir, hurler et siffler. Ron se lève et le prend dans ses bras pour le féliciter. Seamus et Dean lui tapent dans la main. Harry est content, il se sent soutenu. Comme à chaque fois qu'il prend une décision importante, il a peur de s'être trompé et aime se sentir validé. Ce défaut ne l'a jamais quitté.
— Minerva a fini par t'avoir à l'usure apparemment, fait remarquer Neville avec un clin d'œil.
— Les enfants ont eu plus de poids que McGonagall en fait, explique Harry. Teddy, en particulier, m'a tellement tanné pour que j'accepte, que j'ai fini par céder. Je crois qu'il m'en veut encore d'avoir refusé il y a quatre ans, alors qu'il commençait sa septième année, et toutes les suivantes.
— Ginny est au courant ?
— Oui, Hermione. Elle a été la première à le savoir avec les enfants. Elle est contente pour moi, elle pense que ça va m'aider à retrouver un rythme de vie plus sain.
— Plus sain que de courir les boîtes de nuit quand les gamins sont absents, tu veux dire ? Moi je trouve au contraire que ce sont des activités tout à fait correctes !
Harry sourit à la pique, mais George se fait sermonner par sa femme et par Hermione. L'ancien Gryffondor coupe finalement les tartes et laisse ses invité·e·s se servir. Les conversations ont repris.
— Il parait que McGonagall a beaucoup fait le ménage dans les profs ces dernières années, ils sont comment les nouveaux, Neville ? demande Luna.
— Il reste encore quelques anciens, mais les plus âgés sont presque tous partis, c'est vrai. Il y a encore Filius, mais je soupçonne sa retraite dans les prochaines années, et Minerva nous quitte en juin. L'équipe plus jeune a donné une nouvelle vie à l'école, ça a modernisé les cours, surtout avant que j'y sois. Depuis mon arrivée, il n'y a eu que les profs de DCFM et de Potions qui ont changé.
— McGonagall laisse son poste à la fin de l'année ? s'étonne Hermione.
— Oui, elle dit elle-même qu'elle a passé l'âge. Je vais être en charge de la majorité de la direction cette année.
— Et ça se passe comment avec Malefoy ?
— Franchement, Ron, ça va très bien maintenant. Je dois dire que les premières années ont été houleuses, mais ce n'est plus le même qu'avant. Nous avons tous vieilli et mûri. Lui aussi. Sinon Minerva ne l'aurait jamais pris.
— Ça ne m'étonne pas. Comme vous le savez, Albus est inséparable de son fils Scorpius et j'ai bien été obligé de le croiser régulièrement ces deux dernières années. J'ai rapidement compris qu'il avait changé et qu'on pourrait se tolérer, à défaut de s'apprécier.
— Tant mieux que tu le vois ainsi, Harry. Parce que chaque nouveau prof est tutoré pendant un an par le dernier arrivé à Poudlard. Et c'est Malefoy.
Les regards des personnes participant à cette discussion se tournent tous vers Neville, qui se fait tout petit après cette dernière phrase, puis vers Harry. Ce dernier se sent mal à l'aise.
— Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, ne me regardez pas comme ça !
— Ils veulent être certains que vous n'allez pas vous entre-tuer, ou quelque chose dans ce goût là, précise Luna joyeusement.
Cela a le mérite de faire retomber la tension et Harry sourit. Ce genre de choses ne devrait pas arriver, des années sont passées, les gens ont eu le temps de s'assagir, lui le premier. Et surtout, son fils ne lui pardonnerait jamais s'il arrivait, par sa faute, quelque chose au père de son meilleur ami. Évidemment, Harry n'avait pas sauté de joie en apprenant que son cadet s'était lié d'amitié avec le petit blond dès sa répartition à Serpentard, mais il s'était fait une raison. De plus, le gamin était vraiment adorable, on ne pouvait pas lui reprocher quoi que ce soit.
Le repas se termine dans une bonne ambiance et tout le monde repart légèrement pompette, profitant du fait que leurs enfants respectifs, pour celleux qui en ont, sont gardés pour la nuit chez de la famille ou des proches. Harry referme sa porte sur Luna, qui s'est un peu attardée pour le prendre dans ses bras, et soupire. Il lui semble que le courage des Gryffondor l'a quitté depuis bien longtemps, même l'idée d'annoncer une si bonne nouvelle lui avait tordu les tripes pendant des jours entiers. Il craint toujours de se tromper, de prendre une mauvaise décision, quand il arrive à en prendre une. Ginny a sûrement raison, cette nouvelle vie va lui faire du bien, il sera obligé de retrouver un peu de son si légendaire courage — même si c'était plutôt de l'inconscience en réalité — sinon il ne fera pas long feu devant les élèves.
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Dimanche 1er septembre 2019
Le Poudlard Express est arrivé à Pré-au-Lard il y a quelques minutes et Drago voit le panache de fumée depuis la tour d'Astronomie. De si loin, les élèves qui en descendent ne sont pas plus gros·se·s que des points. Il sait, pour l'avoir vécu, que les petit·e·s nouveaux·elles vont prendre les barques et les autres les carrioles qui semblent avancer toutes seules. Jusqu'à sa Septième Année, il pensait que la magie les faisait rouler. Puis il a découvert les Sombrals, il avait vu la mort en face pendant l'été avec l'assassinat de la professeure d'Étude des Moldus juste sous son nez. Sans compter le décès de Dumbledore dont il est partiellement responsable.
La lumière du jour décline déjà, dans deux heures il fera noir. Drago se détourne de la rambarde et descend lentement les très nombreuses marches de la tour. Il a mis des années à revenir ici, mais maintenant il aime bien s'isoler dans cet endroit, désert la majorité du temps. Cela lui permet de méditer et de réfléchir. Et aussi de se soustraire temporairement à ses devoirs de professeur et directeur de Maison. Aujourd'hui, il a simplement envie de se ressourcer un peu avant que cette nouvelle année commence. Elle risque d'être différente et cela effraie Drago. Il s'est fait une place à Poudlard et ses collègues l'apprécient, les élèves le respectent, son passé est maintenant loin derrière lui. Il espère que le nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal ne va pas tout fiche en l'air comme il en a l'habitude.
Dans ses appartements, Drago se change et troque sa chemise à manches courtes pour une robe de sorcier gris foncé, assez classique. Tout le monde s'est habitué à le voir habillé décontracté en dehors de ses heures de cours, mais ce ne serait pas approprié pour le banquet de rentrée.
Il passe la main dans ses longs cheveux et hésite un instant. Cela l'agace de devoir se poser la question de la coiffure pour ne pas risquer une remarque de la part de son futur voisin de tablée. Parce qu'évidemment, Potter sera forcément assis à côté de lui. À cause du tutorat. Il avait lui-même apprécié d'être accompagné quand il était devenu titulaire comme professeur de Potions et il trouve normal de faire la même chose pour les nouveaux·elles. Il l'a déjà fait, le poste de DCFM ayant visiblement du mal à rester pourvu plus de quelques années d'affilée. Pourtant, la malédiction de Voldemort a disparu avec lui.
Finalement, Drago tresse ses cheveux et utilise un ruban noir pour les attacher. La longue natte tombe jusqu'au milieu de son dos et caresse l'étoffe de sa robe. Une mèche de devant s'est échappée et Drago la glisse derrière son oreille. Il s'en fiche que ce ne soit pas parfait. Il a arrêté de vivre de cette façon il y a des années et il s'en porte bien mieux.
Des pas dans le couloir attirent l'attention de Drago et il rejoint rapidement ses collègues jusqu'à la Grande Salle. Presque toute l'équipe professorale est déjà là et il entend le brouhaha des élèves derrière les portes. Il s'installe à sa place et salue chaleureusement Neville à sa droite. Puis il croise le regard de son voisin de gauche.
— Potter.
— Malefoy, répond Potter avec amabilité.
Drago souffle intérieurement, pas d'animosité à première vue. Heureusement qu'il a déjà eu l'occasion de le côtoyer de temps à autre ces deux dernières années, sinon il se serait attendu au pire. Mais l'ancien Gryffondor parait également avoir changé depuis leur scolarité et son regard sur Drago semble plus curieux qu'autre chose. Drago le voit du coin de l'œil le détailler un petit moment avant qu'il se détourne finalement vers la Grande Salle quand les immenses portes s'ouvrent. Les élèves s'engouffrent bruyamment et s'installent.
Le reste de la soirée est sans surprise. Les nouveaux·elles sont réparti·e·s dans les Maisons après une affreuse chanson inventée par le Choixpeau. La directrice explique les règles principales de l'école et présente le nouveau professeur : Harry Potter pour la Défense Contre les Forces du Mal, puis indique qu'Edward Lupin entame sa dernière année en tant qu'assistant-professeur de Botanique. Puis tout le monde s'empiffre pendant un long moment. Drago mange raisonnablement et jette de fréquents coups d'œil à Potter. Cependant, il discute surtout avec Neville à propos d'une nouvelle plante que ce dernier a trouvée pendant l'été. Celui qui était pataud et timide est devenu un homme sérieux et très cultivé dans son domaine de prédilection, c'est un excellent professeur et il sera un bon directeur, il est juste. Comme le sont souvent les Gryffondor, Drago est bien forcé de le reconnaître.
Vers la fin du repas, Drago croise le regard de son fils, qu'il a surveillé distraitement, comme il le fait toujours sans s'en apercevoir. Il ne l'a pas vu depuis leur arrivée au château, un peu avant le Poudlard Express. L'enfant est déjà en troisième année et il n'a pas cessé de discuter avec son meilleur ami, le cadet Potter. Ce dernier ressemble autant à son père que Scorpius ressemble à Drago. Comme si le destin avait voulu réunir leurs deux familles après avoir raté son coup une première fois.
— Comment va Scorpius ? lui demande Harry.
— Il va bien, il avait hâte de retrouver Albus et ses autres amis. C'est long l'été entier sans les voir, visiblement, sourit Drago à son voisin.
Harry rit doucement. Il ne répond pas, mais il comprend très bien : ses propres enfants lui ont fait sentir la même chose.
Le repas se termine, les plats et les assiettes disparaissent et Minerva se lève pour prendre la parole une deuxième fois.
— J'espère que vous avez tous bien mangé. Les Préfet·e·s vont vous mener à vos dortoirs d'ici quelques minutes. J'attire votre attention sur le fait que je vis ma dernière année en tant que directrice de cet établissement. Le professeur Londubat, directeur adjoint, prendra ma place dès l'an prochain. Ainsi, je souhaite que vous vous adressiez en priorité à lui en cas de nécessité afin que le changement soit progressif. Pour alléger son travail, sa charge de directeur de Gryffondor est attribuée au professeur Potter et son assistant s'occupera seul de certains cours.
À ces mots, la table de Gryffondor se met à hurler et applaudir à tout rompre, le fils aîné Potter en tête. Drago regarde discrètement son voisin, il rougit d'embarras. Tant mieux.
La directrice demande à l'assemblée de se calmer et reprend la parole.
— Les emplois du temps seront distribués au petit-déjeuner demain. Je vous souhaite une bonne nuit.
Elle tape dans ses mains et les portes de la Grande Salle s'ouvrent. Les étudiant·e·s se lèvent en discutant et les groupes s'en vont les uns après les autres. Drago reste encore un peu à table, il attend toujours que les élèves soient partis pour retrouver ses appartements. Il garde surtout un œil sur son fils. En patientant, il en profite pour se tourner vers Harry.
— Tu as déjà reçu ton planning, je suppose ?
— Il y a deux semaines. J'ai eu le temps de préparer quelques petites choses.
— Parfait. Le tutorat commence demain. J'ai la première année le lundi matin, et si je ne me trompe pas, ta matinée est libre.
— En effet, confirme Harry, surpris.
Drago lève les yeux au ciel.
— Je suis ton tuteur, Potter, tu penses bien que j'ai une copie de ton emploi du temps ! Bref, tu viendras assister à mon premier cours et nous pourrons débriefer à la pause et au déjeuner. Ensuite, ça sera à toi de jouer, mais les gamins ne seront plus des inconnus puisque tu les auras découverts avec moi. Ça te convient ?
— C'est toi qui décides, Malefoy, tu as visiblement plus d'expérience que moi dans ce domaine.
Drago hausse un sourcil, il s'attendait à beaucoup plus de résistance que ça. Un frisson le parcourt, la phrase de Harry semble laisser penser autre chose que ce qu'elle veut dire et le double sens est presque trop gros. Drago secoue la tête, il se fait des idées.
Il se lève et souhaite une bonne nuit à ses collègues. Il a hâte d'aller se coucher, sa journée a été plutôt intense en émotions. Il a toujours un peu de mal à changer d'environnement et les premiers jours de chaque nouvelle année sont systématiquement épuisants pour lui.
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Lundi 2 septembre 2019
Drago n'a pas vu Harry au petit-déjeuner ce matin. Il espère qu'il n'a pas eu de panne d'oreiller, pour un premier jour ça serait quand même peu professionnel. Mais ce n'est pas son problème, lui est à l'heure évidemment. Il est huit heures quinze et il vient d'arriver sans sa classe. Tout est propre et rangé, comme s'il était parti la veille. Il a bien conscience que ce sont les elfes de maisons qui permettent que le château soit aussi rutilant et il a une pensée pour le Ministère et particulièrement pour Hermione Granger. Tout le monde sait que dès son arrivée au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, elle a œuvré pour les droits des créatures magiques considérées comme inférieures par la majorité des sorcier·e·s. Surtout celleux comme Drago. Quand il était jeune. Maintenant, les elfes sont de vrais employés, payés et protégés. Il est fort probable que dans de vieilles familles les changements n'aient pas encore complètement été acceptés, mais Drago n'a plus de contact avec ces gens-là. Ils font partie de son ancienne vie.
Drago installe ses affaires à son bureau, vérifie le matériel et les ingrédients dans les placards. Tout est en place pour démarrer.
Il y a des bruits dans les couloirs des cachots, des pas précipités, des cris et des rires. La classe de Potions est sur le chemin entre le rez-de-chaussée et la Salle Commune de Serpentard et les élèves se dépêchent d'aller en cours. Une partie des voix reste à proximité et Drago devine que certain·e·s sont déjà là à attendre qu'il ouvre entièrement la porte. Et Harry qui n'est toujours pas arrivé !
Il est maintenant huit heures vingt-cinq, Drago s'apprête à faire entrer le premier groupe de première année, quand Harry pousse brutalement la porte de la salle de classe. Drago lève un sourcil, surpris, et l'observe. Le Gryffondor a les joues rouges et est en sueur, prouvant qu'il a couru pour être à l'heure. Drago hésite entre la satisfaction de le voir en difficulté dès le premier jour et le désespoir de ce manque de professionnalisme.
— Ce n'est pas trop tôt ! Tu ne t'es pas réveillé ?
— Désolé, Malefoy, j'avais oublié à quel point Poudlard est immense et long à traverser quand les escaliers magiques n'en font qu'à leur tête.
— Ne traîne pas en plein milieu du passage, j'allais faire entrer les enfants. Tu n'as qu'à t'installer à côté du tableau, là-bas.
Drago tend la main vers l'endroit dont il parle pour illustrer son propos, au cas où Harry serait trop endormi pour comprendre du premier coup. Puisqu'il n'a pas infirmé, Drago part du principe qu'il a effectivement oublié son réveil. Sans argumenter, Harry pose son sac sur la chaise que Drago a installée pour lui, mais il reste debout à observer les lieux.
Un coup d'œil à sa montre à gousset apprend à Drago qu'il est très largement l'heure d'accueillir les élèves. Il sort dans le couloir et les invite d'un geste à se rendre en classe. Il s'ensuit un moment chaotique où personne ne sait vraiment où se mettre. Les paillasses comportent quatre chaises chacune et certain·e·s hésitent.
— Choisissez la place que vous désirez, à condition que vous soyez attentif, précise Drago en remontant l'allée centrale pour s'appuyer contre son bureau.
Les petit·e·s nouveaux·elles de Poudlard finissent par s'asseoir, un peu intimidé·e·s par leur premier cours de l'année. Et par leur professeur. Et aussi l'autre, debout dans le fond près du tableau. Des murmures et chuchotements persistent un long moment. Drago se doute que la présence de Harry, en plus de la sienne, fait son petit effet.
— Silence, s'il vous plaît !
Les résidus de discussions cessent aussitôt. Le ton ferme de Drago est toujours aussi efficace, mais il est respectueux.
— Je vous remercie. Je vais commencer par faire l'appel.
Drago agite sa baguette et la liste des élèves vient se poser dans sa main. En découlent quelques regards surpris et émerveillés. Drago sourit légèrement, ce genre de petites choses a toujours un effet « waouh » sur les gamin·e·s de Première Année. Il lit rapidement la vingtaine de noms où les quatre Maisons sont volontairement présentes, sans faire de commentaire, puis repose le parchemin.
— Je vous souhaite la bienvenue dans la salle de classe de Potions. Je m'appelle Drago Malefoy et je serai votre professeur toute l'année. Je ne doute pas que vous avez déjà entendu parler de moi par des élèves plus âgés ou vos parents. Avant d'en discuter, je tiens à vous présenter également le professeur Potter qui assistera à ce cours en tant qu'observateur.
Des bras commencent à se lever.
— Toutes les questions concernant le professeur Potter devront lui être posées lors de son cours, cette après-midi.
Les mains s'abaissent. Drago soupire, il aurait dû s'en douter, Harry attire encore les fans. C'est terriblement agaçant. Il lui jette discrètement un coup d'œil et il ne semble pas particulièrement à son aise. C'est la deuxième fois que Drago constate qu'il n'aime pas être au centre de l'attention. Se serait-il trompé sur lui toutes ces années ? Il chasse loin de lui ces considérations, il a plus important à faire maintenant. C'est son premier contact avec ces élèves-là, il n'a qu'une seule chance. Comme tous les ans. Et même si son discours est bien rodé, même s'il croit farouchement à ce qu'il va dire, c'est toujours une petite frayeur. Parce que personne n'oubliera jamais ce qu'il a fait. Il est carrément cité dans des livres d'Histoire de la deuxième guerre contre Voldemort.
— Avant de démarrer le cours de Potions, nous allons immédiatement couper court aux idées reçues, aux questionnements et aux préjugés me concernant. Excepté quelques-uns d'entre vous, je sais que vous avez tous entendu, ou lu mon nom, celui de ma famille, associé aux idéaux des Mangemorts. Je vais être clair et honnête avec vous : quand j'avais seize ans, j'ai été marqué par Voldemort. Et je considérais que c'était un honneur.
Dès le début de son petit laïus, Drago a relevé la manche de sa robe de sorcier et a déboutonné son poignet. Il remonte progressivement le tissu de la chemise pour découvrir sa Marque des Ténèbres. Elle est pâle, mais sur sa peau blanche elle est très visible encore aujourd'hui. Et le restera toute sa vie. Il observe les élèves, il voit la peur dans certains yeux.
— A cet âge-là, je croyais encore dur comme fer aux enseignements que j'avais reçus depuis ma naissance : entre autres la supériorité des Sang-Purs sur les moldus, les cracmols, les nés moldus et les créatures magiques. Croyez-moi, j'ai rapidement déchanté, j'ai vite compris que j'étais jeune, naïf et que je ne connaissais rien au monde réel. Le sorcier dont on avait chanté les louanges depuis ma plus tendre enfance se révélait être un maniaque, dangereux, assoiffé de pouvoir et sans une once d'humanité. J'ai été incité à suivre ces préceptes et j'ai fait les mauvais choix. Ils étaient cornéliens, ces choix : vivre sous le joug de ce tyran, lui obéir aveuglément, ou être torturé et mourir, ma famille et moi-même. J'ai choisi de vivre et j'ai obéi, la peur au ventre. J'ai fait des choses terribles que je regretterai tout le reste de mon existence et j'ai été en prison pour ça.
Drago fait une pause pour laisser les élèves digérer ses paroles. Elles sont dures, mais il sait que ça aura l'impact qu'il cherche. Il n'ose pas se retourner pour regarder Harry. Il déroule sa manche et remet en place sa robe de sorcier.
— Je ne vous raconte pas cette histoire pour vous effrayer, mais pour que vous sachiez qui je suis. Je suis un ancien Mangemort, repenti depuis des années. Ces idéaux ne font plus partie de ma vie depuis très longtemps, mais ils l'ont été. Cette Marque, je vous l'ai montrée car elle est la meilleure preuve que l'on peut faire des erreurs, des erreurs qui causeront peut-être du mal, mais que l'on peut aussi se racheter et devenir intègre. Il n'est jamais trop tard pour trouver la voie du bien. J'aurais pu avoir de l'aide plus tôt, il y a même eu des mains tendues que je n'ai pas saisies. Il n'est jamais trop tard pour demander de l'aide ou pour accepter si l'on vous en propose, quel que soit le type de difficulté que vous rencontrez.
Les regards effrayés ont disparu et Drago sait que c'est gagné pour ce groupe. Il soupire de soulagement intérieurement. Cela fait des années que ça marche, mais il a toujours peur que cela tourne mal.
— Je suis directeur de Serpentard, mais vous devez tous et toutes savoir que ma porte sera toujours ouverte, à n'importe quelle heure, si vous avez besoin d'aide, quelles que soient votre Maison ou vos origines. Même si je suis persuadé que le directeur de Gryffondor, juste derrière moi, se fera une joie d'apporter son soutien à ses élèves en cas de besoin, finit-il en souriant, provoquant quelques rires dans la classe.
Depuis qu'il fait ce petit discours en début d'année, après avoir vécu des incidents désagréables au début de sa carrière d'assistant, Drago insiste toujours sur ce point. Tous les étudiant·e·s sont les bienvenu·e·s, sans exception. Personne ne doit se sentir repoussé. Si Dumbledore ne lui avait pas donné l'impression durant toute sa scolarité d'être membre d'une Maison moins digne que les autres, s'il s'était senti un peu mieux considéré par le vieux directeur, il aurait sans aucun doute accepté sa main tendue ce soir-là, au sommet de la tour d'astronomie. Mais il n'avait pas eu confiance, parce que Dumbledore ne lui avait jamais donné l'impression de pouvoir en être digne. Il ne veut pas que des élèves se sentent ainsi en sa présence. Surtout celleux n'étant pas de Serpentard, surtout les nés moldus.
Drago tape dans ses mains, attirant de nouveau l'attention sur lui, et il se redresse. Il passe derrière son bureau et agite sa baguette vers le tableau. La craie commence à y écrire seule.
— Bien. Pour l'heure qui nous reste, nous allons étudier la théorie du Remède contre les furoncles que vous préparerez la semaine prochaine. La liste des ingrédients entrant dans la confection de cette potion s'inscrit au tableau. Nous allons répertorier ensemble les propriétés de chacun d'eux et je vous expliquerai pourquoi ils rentrent dans la composition de ce remède bien précis. Sortez vos livres, vos plumes et parchemins, s'il vous plaît.
Drago voit les élèves s'agiter et parler entre eux, le temps que leur matériel soit sorti des sacs et cartables. N'y tenant plus, il tourne la tête vers Harry, maintenant assis sur la chaise. Son visage est plutôt fermé, mais pas hostile. Il espère franchement que son discours aura aussi touché le Gryffondor.
Quand Harry s'aperçoit que Drago le fixe, il se reprend, mais n'arrive pas à cacher sa tristesse. Drago se demande si Harry n'a pas un peu pitié de lui. Du moment qu'il n'inspire plus de haine à son ancienne némésis, Drago est satisfait. Il n'a pas besoin de bien s'entendre avec lui, mais s'ils arrivent à se respecter ça sera bien suffisant.
Les jeunes étudiant·e·s ont maintenant sorti leurs affaires et Drago commence son cours. Il le connaît sur le bout des doigts, mais il y met de la ferveur. Comme à chaque fois, parce qu'il adore ça. Il veut transmettre cette passion, il veut créer des vocations et aucun cours, aussi simple soit-il, ne l'ennuie. Il se sent bien, il se sent à sa place.
Si vous avez aimé ce chapitre, un petit mot en review me fera plaisir !
On se retrouve dans deux semaines, le 4 février, pour le chapitre 2 : « Première altercation » ;)
En attendant, portez vous bien !
