Thème du jour : Parler
Contexte : Suite de Début, Cascade, Courage et Cacher
Sansa ne pouvait pas se permettre de parler à Cersei.
Où qu'elle aille, elle sentait le regard de Stannis, de Davos ou de ses gardes posé sur elle. Quant à la reine déchue, elle restait la plupart du temps enfermée dans ses appartements et, lorsqu'elle en sortait, elle était bien évidemment surveillée.
Officiellement, Cersei n'était pas une prisonnière. Dans les faits, elle ne serait plus jamais libre, et c'était d'autant plus déchirant que Sansa savait que rien de ce qu'elle pourrait dire ou faire n'y changerait quelque chose.
Cela faisait déjà deux mois qu'on les avait ramenées de force dans le Donjon Rouge et elles n'avaient pas pu échanger plus de quelques banalités. Elles ne s'enlaçaient plus, ne s'embrassaient plus, ne se blottissaient plus l'une contre l'autre pour se protéger des cauchemars et de la cruauté du monde.
Elles ne se parlaient plus, et Cersei dépérissait. Chaque fois que Sansa la croisait au détour d'un couloir, elle voyait de nouvelles étoiles s'éteindre dans ses émeraudes.
Ce triste spectacle lui était tellement insupportable que la louve étouffait des hurlements de désespoir dans son oreiller, le soir. Parfois, elle s'autorisait à pleurer la mort de Robb et de sa mère, mais cela ne durait jamais plus de quelques heures. Ils étaient tous les deux perdus pour toujours. Cersei ne l'était pas encore.
La lionne lui avait sauvé la vie et lui avait épargné un nombre incalculable d'humiliations. A présent, c'était à son tour de la sauver.
En apparence, Sansa était devenue une louve docile. Elle se montrait courtoise avec Stannis et sa cour, elle restait à sa place et faisait ce qu'on lui disait sans discuter. Tout cela n'avait pour but que d'endormir sa méfiance mais, bien sûr, il ne pouvait pas le savoir.
Au fil des semaines, elle sentait qu'on commençait à faire moins attention à elle. On pensait que sa loyauté était acquise et, inexorablement, Sansa se fondait dans le décor, jusqu'à devenir invisible.
Personne ne s'aperçut qu'elle quitta le Donjon pour se rendre sur le port à plusieurs reprises. Personne ne s'aperçut non plus qu'elle subtilisa plusieurs bourses remplies de pièces d'or.
La nuit où elle comptait mettre son plan à exécution, elle se dirigea vers les appartements de Cersei le cœur battant à tout rompre. Depuis que Stannis s'était aperçu que Cersei avait plus ou moins perdu la volonté de vivre, et donc de s'échapper, il ne voyait plus l'utilité de faire garder la porte, ce qui arrangeait bien les affaires de la louve.
Elle entra et se dirigea vers le lit de Cersei, où celle-ci était allongée. Elle n'avait même pas pris la peine de revêtir une chemise de nuit – s'était-elle seulement levée aujourd'hui ?
« Cersei, » murmura t-elle.
La lionne ne dormait pas et se redressa mollement.
« Sansa ? »
Celle-ci lui prit la main et la fit se lever, puis, comme si elle ne pouvait plus attendre, captura ses lèvres d'un baiser passionné, auquel Cersei répondit immédiatement.
« Tu m'as tellement manqué... » murmura Sansa en lui caressant la joue du pouce.
« Toi aussi... mais pourquoi es-tu venue ? »
« Parce que toi et moi, on s'en va ce soir. »
Cersei écarquilla les yeux.
« Mais... »
« J'ai tout prévu. Un navire nous attend au port pour nous emmener à Dorne. »
« Dorne ? »
Sansa sut qu'elle avait fait le bon choix quand, pour la première fois depuis des semaines, une lueur d'espoir illumina ses yeux.
« Oui, Dorne. Là où sont Tommen et Myrcella. »
Tant de choses pouvaient mal tourner que Sansa préférait ne pas y penser. Si on les interceptait, l'accord qu'elle avait passé avec Stannis serait caduc et Cersei serait exécutée sur le champ. Par ailleurs, elle n'avait aucune certitude que les Martell accepteraient de leur donner asile.
Des bribes d'espoir. C'était tout ce qu'elle avait, et elle s'y accrochait désespérément.
« Tu m'as sauvée, » fit Sansa. « C'est à mon tour de te sauver. »
Elle glissa sa main dans la sienne.
« Tu me fais confiance ? »
Cersei acquiesça.
« Je te fais confiance. »
Et, pour la deuxième fois, une louve et une lionne s'enfuirent dans les ténèbres de la nuit sans un regard en arrière.
