Kalm

La liberté ne faisait que se renforcer dans son esprit quand il voyait les oiseaux voler juste à côté de la fenêtre. Frustré de ne pas pouvoir se lever, il l'était encore plus car il n'avait littéralement rien à faire. Juste à contempler le plafond pendant des heures et des heures…

Puis parfois au passage, échanger quelques petits mots « bonjour, merci, je vais bien, au revoir ». Il leva ses mains en lamentation avant de murmurer :

-Le pire retour sur Gaia qu'on puisse faire…

Si tout un monde s'attendait à un retour héroïque sur un Chocobo immaculé, resplendissant de sa grande lumière avec les rayons du soleil caressant son plumage… eh bien c'était bien raté et bien décevant… mais c'était un choix à faire pour cette histoire. Médiocre devait-on avouer…

Quand était-il revenu à lui ? Il grimaça d'horreur en se rendant compte que cela faisait trois heures… oui, trois heures depuis qu'il s'est présenté sous un faux nom. Il avait l'impression d'en avoir passé huit.

-Formidable… grogna-t-il.

Peu de monde passait… du moins dans son secteur. Ils pensaient tous que Sephiroth avait besoin de repos et de calme alors que non. Il ne pouvait pas les blâmer, mais… c'était à chier. De plus il commençait sérieusement à avoir une envie de se vider. Il lâcha un soupir exaspéré, honteux de ce besoin. Non pas que ce besoin ne soit pas naturel… mais plutôt la façon dont son clone interprétait la chose…

Il frissonna et trembla avant de se recroqueviller, resserrant les jambes. La salle était plongée dans le silence, malgré le son répétitif des machines en marche. Si l'air était à température ambiante, son corps se gela avant de devenir brûlant. Son corps se tendit et son bas ventre le démangea, ce qui accrut sa gêne. Il ne pourrait pas y aller seul, il serait accompagné par quelqu'un… ce qui le dégoûtait et le retenait d'appeler de l'aide. Ce serait souiller son corps une nouvelle fois que de l'exposer aux yeux du monde.

Un combat psychologique naquit dans son esprit : sa condition physique ne lui permettrait pas de se déplacer et il serait idiot de tenter ! Ses jambes refusaient de lui obéir et recevoir un sermon du médecin ne ferait que l'agacer. De l'autre appeler quelqu'un pour le déplacer était un appel au contact physique d'une peau contre une autre, un espace intime réduit de zéros et le pire, être observé en pleine action. Il frappa le matelas et jura dans un gémissement, alors que son bas-ventre commençait à remuer de lui-même, la démangeaison de plus en plus intense. Ses jambes se resserrèrent d'avantage et Sephiroth serra du poing. Le plus simple était de bipper une personne…

Très mal à l'aise, les joues en feu, il appuya sur un interrupteur placé à côté du lit, espérant qu'une femme réponde. Il ne se gênerait pas de rembarrer un homme. Il en avait suffisamment côtoyé.

La petite vibration le signala que son appel avait été pris en compte et attendit encore, se retenant le mieux possible.

Il n'attendit pas longtemps pour entendre quelqu'un entrer.

-Vous vouliez quelque chose ?

Il se braqua et se tourna vers la personne qui était un homme. Son regard était agressif :

-Je préfère une collègue féminine.

Une voix enraillée comme si l'on avait une belle extinction de voix. Pris de court, le médecin s'approcha, les mains levées :

-Vous n'avez rien à craindre de moi…

-Ne m'approchez pas… !

-Mais enfin je ne vous veux aucun mal… se défendit-il

Le regard du patient se fit alors vif et l'homme recula peu à peu avant de finir par abdiquer. Il espérait ne pas être tombé sur un obsédé et il partit aussitôt de la zone dangereuse. La tension baissa aussitôt. Il n'avait pas remarqué les sueurs froides qui coulaient de son front et se l'épongea, avant de revenir à l'officine chercher quelqu'un. Tout au long de sa marche, une peur au ventre le saisit tout comme l'angoisse. L'agressivité soudaine de l'argenté avait pu laisser voir une bête qui venait de se réveiller prête à bondir sur sa proie. Jamais dans son service il pensait tomber sur un homme se comportant comme un animal sauvage. Sur sa route, il jeta un œil aux autres patients, beaucoup plus tranquille, moins sujets à attaquer verbalement le personnel. Le pauvre devait avoir un grain… après il n'était pas psychologue… mais il n'en pensait pas moins… l'homme n'était pas civilisé selon lui. Il se plaindrait à son supérieur qui pourrait faire quelque chose. C'était inadmissible, il avait presque franchi la limite du politiquement correct.

Une fois dans la salle des docteurs, il en héla une qui se leva, laissant son portable sur table, avant d'ajuster sa blouse.

-Qu'est-ce qui se passe ?

-La chambre 140… un vrai taré il exige que ce soit une femme qui s'occupe de lui. Prévoit quand même la bombe de poivre au cas où. Jamais vu un gars s'énerver comme ça juste parce que je suis un mec. Je t'accompagne quand même avant de parler au supérieur de ça.

-Je ne crois pas que Monsieur Maison ait besoin de ça… mais ok je viens et je verrais bien. C'est gentil de me prévenir.

Elle s'attacha les cheveux et se nettoya les mains avec un gel. Dans les couloirs, leurs yeux étaient rivés sur ce qui se passait autour d'eux. De plus en plus de personnels étaient demandés, voire même saturaient. Surtout ces derniers temps avec les « Geostigmates… » ils virent une troupe de médecin faire une intervention cardiaque sur un des cas. Des pustules noires semblables à la peste bubonique tachaient la peau et la désagrégeaient. Une autre chambre montrait une famille réunie autour d'un décédé. Tous portaient des bandages quelque part et priaient la miséricorde de la Déesse. Un spectacle abominable qu'étaient obligés de supporter les médecins chaque jour.

Les couloirs débordaient en lits d'hôpital. Des gens toussaient, agonisaient… les moyens que la Shinra avait versés aux centres de la région étaient insuffisants. Les lieux de soins devenaient des camps de la mort. Les gens la côtoyaient comme une vieille voisine que l'on avait oublié un temps mais dont on se rappelait quand elle frappait à notre porte… les personnes maudissaient la Shinra et leurs réacteurs Mako, mais aussi la Rivière de la Vie qui les punissait. Malgré les faibles émeutes, aussitôt réprimandées par la Compagnie, elles étaient là et il n'y avait pas un jour où on parlait d'un magasin tenu par un malade être pillée et le gérant sauvagement tué… la panique mondiale avait permis à l'anarchie de s'installer lentement mais sûrement dans les villages et les capitales. Edge restait la ville la plus sûre, où le siège de la Shinra faisait tenir les gens à carreau. Au moindre débordement… la police faisait son travail. Edge était devenu le centre de migration massive, où les habitants pas encore touchées par la maladie espéraient un endroit sûr en quittant le pays pour Costa Del Sol ou encore plus loin dans les tréfonds de Westeria au Village Fusée. On commençait même à partir de Kalm, trop près de Midgar et de ses alentours. Même les campagnes publicitaires de la WRO, une nouvelle organisation prête à reconstruire le monde ne semblait pas enjouer les jeunes.

Les collègues se regardèrent : comment en étaient-ils arrivés là…

ooo

Passant l'embrasure de la porte, la jeune femme entra avec un sourire :

-Alors quel est le problème ?

L'homme aux cheveux d'argents, se redressa un peu et fixa la jeune femme, avec une demande silencieuse dans le regard. D'un signe de main, il lui intima d'approcher. Ce qu'elle fit avant de s'assoir à son chevet. Il murmura sa requête avec beaucoup de peine, ce qui fut difficile pour le médecin d'entendre. En tout cas, sa collègue comprit et aida à relever le patient. Il tenait à peine sur ses jambes… son corps tremblait et parfois flanchait. Il engagea un pas, avant d'être assit dans un fauteuil roulant. Le médecin observa la scène et remarqua que le patient n'avait pas l'air d'apprécier son état, et dissimulait des parties de son corps. Etait-ce par pudeur ? Gêne ? Autre chose ? Ses yeux étaient rivés au sol, comme on le ferait pour fuir le contact.

-Marc, tu peux ouvrir les fenêtres s'il te plaît ? Je m'occupe de lui, ça va aller, déclara la jeune femme

-Ok, Sandrine.

Lors du voyage dans les couloirs, Sephiroth observa ce qu'il y avait autour de lui : le spectacle macabre crispa ses poings.

-Qu'ont-ils ?

-Les Geostigmates…

-Pire que la peste ou la lèpre… l'ombre de la guerre a commencé…

-Quoi ?

-… rien…

Les gens toussaient, d'autres pleuraient, certains priaient, quelques-uns se recueillaient… peu vivaient, beaucoup mourraient. Jenova et « 14 » avaient mis leurs plans en place. La Rivière de la Vie ne pourrait pas résister très longtemps. Jenova lui avait laissé voir la surprise et maintenant il la voyait et n'était pas dupe sur ses plans. Quel ingéniosité…. Sauf que lui, il était au courant. Plus vite il se rétablirait, plus vite il reprendrait ses entraînements et aussitôt il partirait à la chasse à l'homme. Pour arrêter une bonne fois pour toute ce combat millénaire. « Dans leurs sangs je me tiendrai pour jeter mes ombres dans les flammes de la guerre »

Même si pour le moment se voir assit dans un fauteuil roulant n'était pas convaincant… le personnel l'observait avec curiosité et s'échangèrent quelques mots à son sujet « c'est lui qu'on a enfermé dans une cuve de mako ». Quand il entendit cela, il se tourna vers eux, ahurit :

-Vous avez quoi ? grogna-t-il

Ce qui fit sursauter les commères. Sandrine leur faisait le reproche du regard. Les deux coupables avouèrent :

-Oui, Monsieur… il était nécessaire…

-Votre état nous en a donné l'obligation…

-Et je peux savoir qui est au courant ? Hormis le personnel ?

-Seulement le personnel. Notre credo nous permet d'invoquer la confidentialité médicale.

Ca mentait comme ça respirait comme d'habitude… à tous les coups la Shinra était au courant. Un mal viscéral le saisit au ventre, comme une horrible diarrhée. Il prit sa tête dans sa main et jura plusieurs fois. Pensant que c'était un symptôme de l'urgence sanitaire, Sandrine quitta ses collègues et rejoignit les toilettes. La lecture se terminait ici au seuil de la porte pour les toilettes pour hommes. Il était imprudent ou indiscret de savoir ce qui allait se passer dans une des cabines. Tout ce que nous devrions savoir, fut que Sephiroth ressortit, honteux d'avoir dû le faire sous les yeux d'une personne, même si c'était une femme. Peut-être avait-il refusé l'aide d'un homme à cause des horribles souvenirs que « 14 » avait laissé dans son esprit.

En tout cas, Sandrine était prise de compassion et avait compris des choses. Une chance pour ce pauvre homme que deux parrains l'aidaient. D'ici quelques semaines, il vivrait chez eux.

ooo

Un écho, une enclume, un bruit incessant mais mélodieux à la fois. L'arme serait bientôt achevée. La dernière partie du mécanisme. La braise agressait son visage, mais c'était un sourire de joie qui l'illuminait. C'était une arme complexe mais destructrice. Une parfaite machine à tuer, l'arme par excellence, pour un homme qui saurait la manier. Sous les feux et la fumée de la forge, l'épée se dévoilait et naissait. La pièce principale fut déposée sur une table de travail, polie et finie. Les autres venaient à leurs tours. Une grande et large épée, le manche fait d'un ruban rouge, la garde en acier, pliable pour l'assemblage des sœurs autour de la grande mère. Celle-là même par un système ingénieux, pouvaient s'agrandir grâce à un mécanisme en trois parties et séparer les deux tranchants. Quand elle s'ouvrait, la garde se déployait pour devenir aussi large qu'une brique.

Une lame fusionna avec la grande ; un seul tranchant, la garde encastrée dans la lame, le manche rouge comme la première. Ce manche s'ouvrait et se fermait. Un système qui permettait l'union avec la principale. Le tranchant présentait une dentelure, cohérente aux soudures de la grande épée.

Puis, vinrent deux lames jumelles, dentelées sur un seul tranchant. Leurs manches étaient noirs. Les dernières, marchant aussi en paire, étaient boulonnées sur le long de leurs lames. Leurs manches pliables à la base en quart de cercle, pour les ranger.

Des mois qu'il travaillait dessus, par les dessins, les mécanismes… elle était née. C'était sans doute sa plus grande réussite, sa plus grande prouesse. Elle était née, mais elle n'avait pas encore de nom. Pour le moment, vu sa complexité, elle était la Fusion Sword.

Demain serait un grand jour, cette arme d'exception rencontrerait son maître d'œuvre, un certain Cloud Strife. Kunsel le connaissait mais se garderait bien de lui dire qui il était avec Wilfried. A la Shinra jamais ils ne s'étaient adressé la parole. Ils étaient destinés à être des inconnus l'un et l'autre. Il faudrait perdurer cette relation, pour le bien de cette histoire.

Le jeune homme essuya la sueur de son front et rangea son travail dans la grande malle.

Il but à grande gorgée de l'eau et retira de son front le foulard qui retenait ses cheveux de tomber.

Il était de temps de prendre une douche. Avec son amant. Ses affaires posées sur l'enclume après avoir été décrassées, il quitta la forge qui se trouvait dans l'arrière court de la maison. L'air frais l'agressa, lui qui avait passé l'après-midi dans les fourneaux à supporter de fortes températures… la fraîcheur de la nuit lui était insupportable et le frigorifiait. Il n'y avait que quelques mètres qui le séparait pourtant… enfin… l'eau chaude coulerait bientôt sur son corps.

Quand il ouvrit la porte, le regard aimant de Wilfried l'accueillit et ils s'échangèrent un tendre baiser. Ses bras l'enlacèrent et leurs corps ainsi, échangeaient une chaleur venue d'un feu dont ils en avaient le seul secret. Ses mains n'hésitaient pas à essuyer le surplus de crasse et de suie qui recouvrait le visage de Kunsel. La cendre s'était déposée partout, sur sa peau comme sur ses vêtements. Qu'importe, Wilfried prendrait plaisir à ôter de lui toutes ces vilaines choses qui souillaient son si bel amant. Le baiser devint une morsure amoureuse. Kunsel rit ; c'était un appel qu'il ne pouvait ignorer longtemps. L'ex commandant le désirait, et lui, l'ancien subordonné, répondrait à cette envie.

ooo

Les gouttelettes perlaient sur son corps, tout comme le sien. Des soupirs et des murmures sortaient de la cabine remplie de buée. Rien ne pouvait être vu, mais tout était à entendre. Le mouvement des corps qui se trémoussaient dans une danse fantomatique mais suggestive rendait l'ambiance érotique. Les supplices de celui qui était pris par l'amant aimant étaient des alarmes d'amour qui camouflaient le son incessant du jet d'eau. Un corps se cambrait contre la paroi, l'autre allait et revenait sur lui. Des baisers et des souffles s'échangeaient encore, plus rapides, plus intenses. L'ambiance brûlante devenait infernale par l'ébauche, mais il serait déplacé de parler de luxure. Combler ces deux âmes était devenues une obsession qu'il fallait accomplir.

Leurs cris se muèrent en des hurlements alors que tâche finale serait bientôt atteinte. L'un comme l'autre se donneraient mutuellement et renouvelleraient leurs contrats d'appartenance. Eux-mêmes s'enfermaient dans un cocon fait de vapeur, qui se mueraient bientôt en flamme. On entendit un nom, mais à travers la vitre, il était impossible de discerner qui était qui. Encore une fois, le dominant donna de grands coups et le dominé libéra sa voix dans une euphorie pleine de délice.

L'acte final était imminent. Leurs respirations saccadées se retiendraient dans leurs gorges alors que la semence jaillirait sans que nous la verrions. Il devait être minuit ou plus… qu'importait… le temps s'effaçait tout comme l'espace, quand deux amants faisaient l'amour.

ooo

-Voilà votre arme Monsieur Strife.

Cloud observa sa nouvelle épée et fut impressionné du travail. Le jeu en valait en chandelle. C'était une magnifique réalisation et il savait que ses exigences avaient été ô combien nombreuses. Il regarda l'étrange forgeron aux yeux semblable aux siens et inclina la tête.

-Vous vous êtes surpassé. Votre réputation dit vraie. Je ne décevrais pas la lame. Tenez voici votre dû. Et prenez soin de vous tous les deux. Les temps sont durs en ce moment

-Nous le savons. Mais tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir.

De l'espoir… cela faisait si longtemps qu'il n'y croyait plus… depuis qu'il avait… ça. Depuis qu'il entendait… sa voix dans sa tête… qu'il se sentait suivit… traqué, retrouvé… plus il fuyait, plus ses chances d'être de nouveau dans les griffes du prédateur étaient grandes. Comment vivre avec…

Il jeta un œil à sa nouvelle arme et y vit son reflet. Celui d'un homme perdu, sans passé et sans avenir. Il secoua la tête

-Il est temps pour moi de reprendre la route.

Sans plus un mot, Cloud quitta le forgeron et rangea son arme dans les caissons de sa moto, prévus à cet effet. Il allait quitter Kalm, quand il leva les yeux vers les tours de l'hôpital. Quelque chose lui disait que là-bas, était son destin. Sauf qu'il n'y croyait plus. Dans un démarrage sec, Cloud partit du village pour rejoindre sa demeure, celle qu'il avait choisi : l'Eglise de l'ancien Secteur 5.

« L'espoir fait vivre… mais moi je n'en ai plus… »

Une douleur vive au bras le saisit avec violence et il fit un dérapage en catastrophe évitant tout accident mortel. Son véhicule arrêté en pleine route, Cloud trembla et se crispa, sa respiration courte. La main contre sa manche, il serra des dents et couina de douleur avant d'entendre une voix glaciale qu'il reconnaîtrait entre mille. La sienne. Un rire froid, dépourvu de tout ce qui était humain. Il vacilla et tomba au sol. Dans les ténèbres, il croyait le voir et son regard émeraude. :

« Tu crois pouvoir le nier, Cloud. Mais tu n'as pas encore compris le véritable destin qui t'attend. Te voir souffrir est déjà une victoire en soi. »

ooo

Pierre par pierre

Fissurée, brisée, émiettée

Beauté consumée

Effacée, mais pas oublié

Je prendrai vos soupirs

Puisse votre dernier souffle

Remplir l'air de braise

Que je respire

Dans leurs sangs, je tiendrai

Laissez la lumière déchue de l'homme

Projeter mes ombres, dans les flammes de la guerre

Jusqu'à ce que le temps brûle

Jusqu'à ce que les braises deviennent cendres

Projetez mes ombres dans les flammes de la guerre

Mon chagrin est rongé

Dans les chaînes rouillées

Lié à la roue de la mort

Aube, crépuscule,

Aube crépuscule encore

Une chandelle brûlante

Un fouet de flamme

Je serre fort des dents comme un animal

Ma vengeance ma force !

Dans leurs sangs, je tiendrai,

Laissez la lumière déchue de l'homme

Projeter mes ombres, dans les flammes de la guerre

Jusqu'à ce que le temps brûle

Jusqu'à ce que les braises deviennent cendres

Projetez mes ombres, dans les flammes de la guerre !

Quelques vers ne faisaient pas de mal. Il fredonna le petit air qui accompagnait les paroles, quand il entendit une nouvelle course dans les couloirs. Les médecins avaient un nouveau cas urgent dirait-on. Certains l'enviait de ne pas être malade. Il n'y avait rien à envier, il savait que c'était l'œuvre de « 14 » et de Jenova tout cela. C'était pour cette raison qu'il devait se remettre d'aplomb. La nuit derrière, il avait encore entendu la Déesse lui murmurer « Ta première tâche en ce monde sera de forcer la mort. Je t'accompagnerais pour purifier les traces de la Calamité. Mais ce sera à toi d'affronter son bras droit. N'oublie pas ton devoir chez les vivants. »

Minerva comptait sur lui. Plus il resterait ici, plus son clone et Jenova gagnait du terrain. Il rouspéta une nouvelle fois devant la faiblesse de son corps, même s'il y voyait une nette amélioration.

Son oreille était attentive à ce qui se passait derrière la porte de sa chambre, fermée. Il entendit une voix :

-Son bras est contaminé par les Geostigmates.

-Comment s'appelle-t-il ?

-On le connaît sous le nom de Cloud Strife.

A ce nom, il se redressa. Cloud ? Ici ? « Merde, qu'est-ce qu'il fait ici ? »

Si c'était une blague du destin elle était de très mauvais goût. Il se recoucha, faisant comme s'il n'existait pas. Il n'osait imaginer ce que pourrait provoquer Cloud s'il venait à le démasquer. Ce n'était néanmoins pas le plus inquiétant ; Cloud était touché par la maladie. Jenova et « 14 » avaient été ingénieux de le choisir comme victime. Il se demandait aussi comment le blond avait pu sombrer et les laisser gagner. Au final, serait-il le seul à se battre contre le Cauchemar ?

La tête dans la main, il passa ses doigts sur les paupières… devrait-il se déplacer jusqu'à lui pour lui bouger le train ? Il grogna à cette idée ridicule ; c'était à Cloud de se bouger pas à Sephiroth de jouer les supporters, ce qu'il n'était pas d'ailleurs ! « Il a en prime le charisme d'une sacoche… »

Avec une sale tête, il prit un livre qu'on lui avait gentiment apporté et reprit sa lecture. C'était un roman de type de policier, qui se nommait Pars vite et reviens tard. Une histoire qui se passait dans Midgar, dans les quartiers pauvres. Un homme ayant fait de la prison gagnait sa vie en lisant des annonces que l'on lui postait. Il appelait ça le moment de la « Criée ». Il découvrit dans sa boîte, une lettre étrange sur un papier de grande qualité, écrite dans une langue ancienne. Entre-temps, un policier au nom de commissaire Adamsberg, devait enquêter sur des phénomènes étranges : des portes d'immeubles couvertes d'un « 4 » avec l'inscription C.L.T.

Il en était au moment où un ancien professeur d'histoire faisait des recherches sur la Grande Peste Noire qui avait décimé la moitié de la population. Une histoire intéressante, en lien avec l'actualité.

Tant que cela le plongeait dans le silence, ses chances d'être découvert par le blond devenaient nulles, malgré la situation de Cloud, qui commençaient à préoccuper Sephiroth. Ce souci le déconcentrait dans sa lecture et à chaque fois, il se tournait vers la porte, au cas où il entendrait quelque chose. A la fin, il bipa une personne avec un juron. Il aurait la conscience tranquille après. Du moins pensait-il…

Quand quelqu'un vint, il demanda à voir Cloud Strife. Précisant bien que ce devait être une visite incognito Là, petit hic… :

-Vous êtes de la famille ? Autant qu'il sache qui vient le voir. Seul les membres de la famille sont autorisés à visiter le malade. Et cela pourrait être un risque, les Geostigmates sont sans doute contagieux.

-Cloud n'a plus de famille depuis que Nibelheim a subi un horrible événement. Il ne lui reste plus rien. Rassurez-vous les Geostigmates ne me feront pas de mal.

-Enfin c'est insensé ! Nous vous avons trouvé au bord d'un puit de Rivière de la Vie ! Vous risqueriez d'attraper les symptômes.

-Nous risquons plus grand s'il reste ainsi. Si j'en crois ce que vous dites, si j'ai été pêché dans un lieu imbibé de Rivière de la Vie, je devrais avoir les Geostigmates, or est-ce le cas ? Peut-être que j'ai développé des anticorps ? Amenez-moi à lui et vous pourrez faire toutes les prises de sang nécessaire pour vous assurer que je ne risque rien.

-Prise de sang ou pas, nous avons déjà opéré cette pratique mais il semblerait que la maladie ne se diffuse pas par le sang. Simple curiosité vous semblez bien connaître cet homme. D'où exactement ?

-Nous avons un passé commun. S'il vous plaît.

-Pourquoi incognito ?

Les questions fatiguaient Sephiroth mais il fit l'effort de répondre une dernière fois :

-Nous sommes en très mauvais terme. Mais je tiens à m'assurer qu'il va bien et je veux lui parler. J'aurais ainsi la conscience tranquille.

Avec un soupir, le médecin abdiqua et conduisit Sephiroth au chevet du livreur.

Allongé sur le lit, l'homme vêtu de noir avait le visage tiré par la douleur. Un bandage enroulait son bras, mais allait devoir être changé en raison des traces noires qui le souillaient. Sephiroth s'attarda sur son visage, plus mature. Il avait gagné en âge et en force.

-C'est fou ce que tu as poussé…

Dire que c'était ce machin haut comme trois pommes qui était parvenu à le faire chuter de la plateforme du réacteur… il soupira et commença à murmurer à son oreille :

-Tu prétends avoir perdu et c'est comme ça qu'ils gagnent. La bataille n'est pas terminée. Tu crois pouvoir continuer seul, mais pour combien de temps encore ? Rassemble tes forces et bats-toi contre tes adversaires. Pour qui te bats-tu, Cloud ? Pour quoi vas-tu reprendre les armes ? La guerre que tu mènes n'est pas contre toi-même ou tes démons. Donne-toi une raison de vivre. Et de te battre. Tourne-toi vers ton équipe et reprenez la lutte, Jenova ne s'arrêtera pas tant qu'elle n'aura pas éradiquer de la Planète toute la race humaine.

Les sourcils du blond froncèrent et Sephiroth fit signe au médecin qu'il avait fait ce qu'il avait à faire. Il fit bien, car juste après son départ, le livreur s'était réveillé. Il se tourna vers le côté, ayant sentit une présence qui lui était fort familière. Il ignorait si c'était son esprit qui lui jouait des tours, mais il était certain d'avoir entendu Sephiroth, même si cela lui paraissait insensé.

-J'ai dû rêver…

Pourtant il avait la certitude que c'était lui, par sa voix, sa présence… mais complètement différente par rapport à l'aura. Comme s'il venait de retrouver le héros qu'il avait idolâtré… avant sa décadence… un médecin entra pour vérifier son état. Il le laissa accomplir sa tâche, le regard perdu dans le vide.

-Est-ce que… quelqu'un est venu ici ?

-Non personne.

Il s'en doutait… Sephiroth… n'était plus qu'un souvenir… même s'il avait l'impression d'être suivit à la trace… comme une proie en fuite que le prédateur flairait et trouvait à chaque fois.

Un vrai cauchemar…

ooo

Ce fut en fin de soirée, quand il entendit deux infirmiers parler entre eux sur le départ de Strife, que Sephiroth demanda à prendre l'air. La vie à Kalm n'était pas si « calme » qu'il n'y paraissait…