La vie est nulle.

Mais la mort l'est encore plus.

Ça, Hanako le savait.

Elle l'avait toujours su dès sa naissance.

Et même avant.

Sans savoir pourquoi, une petite voix dans son esprit lui répétait sans cesse.

À l'époque, elle ne savait pas pourquoi, mais elle était entièrement consciente de son être, de soi-même.

Et elle était également consciente du fait que ce n'était pas normal.

Une enfant, un bébé, âgé d'à peine quelques mois, encore dans le ventre de sa mère, consciente d'elle même, et capable de parler parfaitement une langue totalement inconnu de ses parents ?

Ce n'était définitivement pas normal, du tout, du tout.

Puis, la réponse était parvenue dans son esprit, si clairement, si précisément, que s'en était effrayant.

C'était une sensation si ... indescriptible, mais à la fois tellement évidente.

Ce n'était tout simplement pas elle.

C'était elle, sans l'être.

Oh, oui, une sensation vraiment étrange.

Elle avait l'impression de ne pas se reconnaître, de n'être qu'un spectateur de sa propre vie.

C'est comme... se réveiller après un long rêve, avoir encore toutes les sensations ancrés en nous, mais malgré tout, ce rêve disparaît, et ne laisse que très peu de traces.

Et au final... au fil des rêves... au fil du temps...

Ses souvenirs revenaient progressivement.

Au début, ce n'était pas très clair, sa conscience de bébé prenait parfois le dessus, compliquant grandement les choses...

C'était quelque chose de... confus, chaotique, une abîme sans fond, mais... ils revenaient.

Ses souvenirs revenaient bel et bien.

Elle ne savait pas encore grand chose, elle nageait dans un océan de confusion, mais elle avait tout de même pu récolter quelques informations.

Elle venait d'un autre monde, et elle était morte.

Le fait qu'elle soit morte était flou, comme le reste de ses souvenirs, mais présent.

Elle savait qu'elle avait vécu, avant de vivre ici, dans ce monde.

Elle avait apprit, parlé, pleuré, rit.

Elle avait vécu.

Et ensuite... elle ne se souvint plus de rien.

Juste de pleurs (?), d'un trou noir, et c'est tout.

Oh non, ce n'était pas le paradis.

Ce n'était pas l'enfer non plus.

C'était le monde.

Pas le sien.

Un autre monde.

Elle n'était pas un spectre ou un fantôme dans les films dont l'âme est condamné à errer jusqu'à la fin des temps.

Mais, pourquoi un autre monde ? N'était-t-elle pas restée dans son monde ? D'où venait cette affirmation ?

Et bien, elle ne savait pas réellement d'où venait cette certitude, mais elle en était sûre et certaine.

Ça lui était venu un jour, comme ça, son cerveau le lui souffla ; tu es née dans un autre monde que celui-ci.

Le monde d'où elle venait était particulier.

C'était un monde où il y avait la bombe nucléaire, un monde qui contenait des milliards d'années d'histoire, mais surtout, un monde où elle était une fan dingue des animés.

Sa théorie la plus probable jusque là est celle-ci ; la réincarnation.

Ce n'est cette fois-ci pas une certitude comme l'autre monde, mais assez évident.

"La réincarnation désigne un processus de survivance après la mort par lequel un certain principe immatériel et individuel accomplirait des passages de vies successives dans différents corps. À la mort du corps physique, l'« âme » quitte ce dernier pour habiter, après une nouvelle naissance, un autre corps."

En d'autres termes, notre âme quitte notre corps pour aller dans un nouveau.

Vous vous demandez peut-être d'où lui vient ça ?

Elle n'en n'avait absolument aucune idée.

Il lui arrivait parfois simplement d'avoir ce genre d'éclair de connaissances, comme pour la terre.

C'était juste des choses qu'elle avait vu, entendu dans son ancienne vie.

Elle l'avait baptisé, "Vœux de Mnésie" ou encore "Volonté de Mnésie"

C'était assez étrange pour elle de devoir se dire que qu'elle s'était réincarnée.

Ça avait quelque chose... d'irréel. Et même face aux possibles preuves, cette irréaliste la saisira toujours, elle en était sûre.

Elle n'avait jamais cru en un quelconque dieu, et n'avait en fait jamais eu une quelconque religion dans son ancien monde.

Bien sûr, malgré tout, elle avait toujours respecté les croyans, ayant des amis chrétiens, musulmans, bouddhistes...

Ça faisait partie des choses dont elle se souvenait ; elle n'avait absolument aucune foi en qui que ce soit.

Pour elle, après la mort, il n'y avait rien.

Oui, juste rien. Elle avait toujours mis ses connaissances et ses croyances entre les mains de la science, alors ça lui était apparut d'une façon assez... étrange.

Tellement étrange, qu'elle ne pouvait toujours pas croire au fait que quand nous mourrons, nous nous réincarnons systématiquement dans le corps d'un bébé. Ce n'était tout simplement pas possible. Elle gardait ses attaches à la science, et restait persuadée qu'elle était juste une exception, une erreur qui a malencontreusement échappée à la mort, peu importe, il y avait sûrement une explication scientifique à tout ça.

C'est tout simplement trop... bizarre.

Bizarre, mais pas effrayant.

Car étrangement, même après plusieurs mois, après avoir été pleinement consciente de ses souvenirs, après avoir compris le fait qu'elle se soit réincarnée, elle n'avait pas peur.

Elle n'était pas effrayée ou choquée, juste... sereine.

Elle supposait que cette réalisation avait pas mal de temps de se construire, et il s'est écoulé un bon moment avant qu'elle ne comprenne ce qu'il lui arrivait.

Et, dans un certain sens... c'était tout à fait logique.

Bien que sa conscience actuelle et son ancienne conscience se battait souvent, l'une cherchant sans cesse à renverser l'autre, à prendre le dessus, même si c'était surtout sa conscience actuelle qui attaquait, ça ne lui été pas tombé dessus.

Ça ne l'avait pas surprise ou choquée, tout simplement car elle avait eu le temps.

Elle avait eu le temps de s'adapter, de prendre conscience, de saisir la situation, elle avait eu le temps.

Ses souvenirs ne lui étaient pas venu en un jour, il avait fallu du temps. Huit mois.

Ses consciences s'était mélangés, petit à petit.

Bien sûr, elle avait eu un petit moment de stress.

"Qu'est ce que je vais faire ? Il m'arrive quoi ? Pourquoi je suis là ? Il se passe quoi ? Allô ? Foutu bureau d'administration de réincarnation, répond-moi ! Je te rappelle que tu parles à... ouais, on s'en fou, répond moi !"

Au passage, elle remarqua d'ailleurs qu'elle ne se souvenait ni de son ancien nom, ni son ancien prénom, ni des détails de sa vie.

Oui, elle avait des sortes de flash-back, les "Vœux de Mnésie." Non, elle ne se souvenait pas pour autant réellement de son ancienne vie.

C'était comme un rêve éveillé.

C'était... étrange.

Mais il n'y avait pas que ça d'étrange.

En fait, elle n'était pas née.

Elle était dans le ventre de sa mère.

Une expérience pour le moins...

Ennuyeuse.

Elle ne ressentait presque rien, sauf un sentiment de chaleur et de sécurité.

Juste ça.

Aussi, elle avait en permanence une impression de bizarre.

Être dans le ventre de sa... génitrice (Elle ne pouvait pas encore se résoudre à l'appeller sa mère ; elle ne l'avait même pas rencontrée !) Avait ce... truc.

Elle ne comprenait franchement rien à sa vie.

Hanako ne pouvait pas reconnaître le fait qu'elle n'était pas née. Ça avait trop d'irréel, presque plus que sa réincarnation. Elle ne pouvait pas être consciente, avoir une conscience, si ? Non, franchement, sur ce coup là, le bureau d'administration de réincarnation pouvait aller se (re)faire foutre. Il n'aurait pas pu attendre qu'elle ait minimum trois ans ?

Mais bref.

C'était ennuyeux.

Elle avait aussi sans cesse l'impression d'être en cage où on ne peut rien ressentir, aucune douleur, rien, bouger un de ses membres lui coûtait un effort démesuré, et elle passait la plupart de son temps à ruminer ses pensées noires.

Au moins elle avait largement le temps de se tester, à la volonté de mnésie.

Elle testait parfois la volonté de mnésie, pour voir comment elle fonctionnait, jusqu'où on pourrait la pousser, à quel point elle est puissante, et c'était...

Merveilleux et effrayant à la fois.

C'est merveilleux car elle redécouvrait des concepts qui paraissaient simples quand on s'y habitue, mais tellement magnifique et curieux quand on ne sais pas réellement ce que c'est.

Et effrayant, car parfois sa propre connaissance était si grande... que s'en était juste trop. D'autres fois, c'étaient des images traumatisantes qui lui venait en tête.

Encore d'autres fois, ses consciences commençaient à se chercher des embrouilles. Bon, au moins, ça lui faisait passer le temps les imaginer comme des patates avec un visage et des bandeaux écrits "Ancienne conscience" Et "Conscience actuelle", en train de se battre sur un terrain de boxe.

Bon, c'était surtout baby conscience qui cherchait des embrouilles.

Elle cherchait à détruire sa vaillante camarade, par tous les moyens, la réduire en cendres, et il arrivait qu'elle prenne parfois le dessus, c'est ce qu'il lui arrivait de temps en temps lors de rappels de scènes de films d'horreur, auquel elle ne voulait pas faire face.

Dans ces moments là, elle plongeait juste dans des états d'inconscience profond, comme ressentait sûrement un bébé normal le fait d'être dans le ventre de sa mère.

Il y avait aussi une autre raison à sa frayeur... elle.

Oui, elle.

Ne croyez pas qu'elle était dépressive, ou quoi que ce soit, mais elle était parfois si bizarre que ça en devenait effrayant.

Je veux dire, elle se voyait dans certains souvenirs en train de sauter comme une idiote dans son appartement, tout en criant "LE SOL C'EST DE LA LAVE", et également chanter "SASAGEYO, SASAGEYO, SHINZO WO SASAGEYO", toute seule dans son appartement, devant mon miroir à deux heures du matin, sans oublier ses remarques plus que subjective sur le cul des gars, ou ses références aux résumés foireux ou aux (honte à elle) yaois, yuri, mais aussi hentaï.

Le pire dans tout ça ?

Elle en était fière.

Oh, oui putain elle en était fière, mais ça, elle ne l'assumerait jamais, absolument jamais.