Résumé: Après sa nuit avec Mark, Lucius a une longue discussion avec Harry sur son rôle pendant la guerre et sur sa relation avec Severus. Puis, après un nouvel accrochage avec son compagnon, il se réfugie dans la maison de vacances de Draco et Daphnée pour passer la nuit et lire tranquillement les anciennes lettres de Narcissa. Il ne rentre que le lendemain soir pour se préparer à assister au dernier match de la saison des Harpies en compagnie des deux hommes.

Aujourd'hui, un petit rayon de soleil dans la grisaille :)

Bonne lecture


– On ne t'a jamais appris à frapper aux portes ? gronda Severus après avoir sursauté à l'apparition inopinée de son amant.

Harry éclata de rire, les cheveux encore humides de la douche qu'il avait prise après l'échauffement de l'équipe, et s'approcha pour l'embrasser rapidement.

– Je fuis les journalistes comme la peste. Je préfère éviter qu'on me voit sortir des vestiaires des Harpies !

En quelques pas, il fut près de Lucius, soudain beaucoup plus mesuré et délicat, jaugeant du regard ce qu'il en était de la situation, et lorsqu'il posa la main sur son bras, la caresse de sa magie était une question délicate pour savoir comment il allait.

Lucius sourit avec un bref hochement de tête, plus que jamais conscient de la présence de Severus qui les observait sans relâche.

– Tu arrives à point nommé, fit l'aristocrate en se tournant vers la baie vitrée qui surplombait le terrain de quidditch alors que les Harpies et leurs adversaires entraient en scène sous les acclamations de la foule.

– Désolé du retard, fit Harry en riant. Katie ne voulait plus me lâcher. Heureusement que c'est son dernier match ! Je crois que je lui sers de doudou pour se remonter le moral, surtout depuis que c'est tendu avec son mari.

– Tant que ça se limite à voler avec elle sur un balai, bougonna Severus tandis que Lucius levait les yeux au ciel.

Comme si Harry était susceptible de coucher avec une femme !

En riant de la jalousie de son amant, Harry se laissa tomber au beau milieu du canapé qui faisait face au terrain.

– Alors, vous avez fait monter les petits fours et l'alcool ? J'ai une faim de loup !

Tandis que Lucius faisait le nécessaire, Severus vint s'asseoir à son tour, vaguement frustré de sa position en bout de canapé et de ne pouvoir faire obstacle entre son amant et son compagnon. Harry riait sous cape en devinant la raison de son regard désappointé, et quand Lucius vint prendre place à une distance raisonnable de lui, il gigota incidemment pour s'en rapprocher.

Il finit par se pencher à son oreille, tandis que son amant se crispait brusquement, pour murmurer sous couvert de la magie :

– Je crois que Severus aimerait bien changer de place... Et je crois qu'il va finir par me broyer le bras si je reste ainsi penché sur vous.

– Ce n'est pas la peine de le provoquer non plus, fit Lucius avec un sourire contrit.

Quand les présentations des équipes furent faites, le match commença enfin sous les applaudissements de la foule et Harry oublia quelques instants les deux hommes à ses côtés pour se concentrer sur le jeu et les premières impressions que lui faisait l'équipe adverse. Katie volait de manière détendue et fluide, plus à l'aise qu'il ne l'aurait songé et il en fut quelque peu rassuré.

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Le score grimpait lentement, équilibré entre les deux équipes, tandis que le soleil baissait peu à peu sur l'horizon, panachant le ciel de couleurs incendiaires. À sa gauche, Lucius buvait son cognac sans décrocher un mot, presque absent malgré les coups d'œil que lui jetait parfois Harry. À la tension de Severus la veille et à ses demis-aveux, il savait que les deux hommes s'étaient accrochés juste avant que Lucius ne quitte le Manoir pour trouver un peu de calme ailleurs. Pour fuir ces confrontations incessantes et pouvoir lire les lettres de Narcissa tranquillement. Harry savait aussi qu'il avait sans doute été trop loin dans ses questions et que Lucius ne lui avait parlé de son rôle pendant la guerre que pour se débarrasser une bonne fois pour toutes du sujet... Restait qu'il avait soulevé des souvenirs plus que douloureux et qu'il se sentait en grande partie responsable de la tension de l'aristocrate et de l'anicroche qui avait eu lieu avec Severus.

Pour apaiser son amant dont la jalousie était encore palpable même s'il se retenait de tout commentaire, Harry avait passé son bras derrière ses épaules et lui massait doucement la nuque. Severus était toujours avide de ses mains sur sa peau, que ce soit des caresses ou des massages, et cet endroit en particulier, à la jonction des deux épaules et de la nuque, drainait nombre de tensions et de contractures. Simplement en glissant son pouce et ses doigts d'un muscle à l'autre, il pouvait sentir Severus se dénouer et s'assouplir sous la pression comme un chat qu'on caresse, fermant les yeux pour mieux savourer le soulagement que cela lui procurait.

– Draco va demander un arrêt de jeu pour procéder à un remplacement, jugea Harry. La gardienne ne défend que deux buts sur trois... Il lui a laissé sa chance mais la titulaire est meilleure. Et il ferait mieux de le faire avant que les filles ne soient trop menées au score !

Il n'avait pas fini sa phrase que le sifflet de l'arbitre retentissait, accordant une pause bienvenue aux joueurs pour se désaltérer tandis que les entraîneurs effectuaient leurs changements. Le match était âpre, rugueux et les Harpies n'avaient jamais été si malmenées par leurs adversaires. L'équipe adverse n'était constituée que d'hommes, ce qui dans la nouvelle réglementation, leur avait valu une amende conséquente, mais ils persistaient et avaient refusé d'intégrer des femmes. Cela avait sans doute été payant de leur point de vue puisqu'ils étaient deuxième du championnat. Et contrairement aux Harpies qui gardaient un jeu propre et net, ils ne s'épargnaient aucun mauvais coup, au point que Alicia avait déjà posé pied à terre deux fois pour soigner un nez cassé par une batte adverse et une cheville tordue dans une mêlée.

Le temps mort permit à Harry de se faire monter une autre bière et quelque chose d'un peu plus conséquent que des petits fours pour satisfaire son estomac. L'échauffement avec les Harpies lui avait donné proprement faim. Il s'était levé pour se dégourdir les jambes et, debout devant la baie vitrée pour observer les tribunes, il croquait dans un délicieux sandwich épicé à souhait. Les gradins étaient noirs de monde malgré la taille conséquente du stade, affichant les couleurs de l'une ou l'autre équipe dans des proportions similaires. Sur le terrain, non loin des balais posés sur leur râtelier, il devinait vaguement l'identité des joueuses à leur silhouette, entourant la forme sombre aux cheveux blonds de Draco. Il devait dispenser de nouveaux conseils, affiner ses tactiques de jeu et donner ses consignes à chacune. Et remonter le moral de Katie qui fulminait sans doute de son inaction puisque aucun des deux attrapeurs n'avait encore vu le vif d'or. Harry l'avait bien aperçu, deux ou trois fois, se cachant au ras du sol ou glissant furtivement le long des poteaux de but, mais il bénéficiait d'une vue d'ensemble sur le terrain que n'avaient pas les joueurs au beau milieu de l'action.

Dans la loge, le silence était d'or, voire de plomb, et si Severus s'était détendu sous son massage, lorsqu'il revint des toilettes où il avait disparu quelques instants, il s'installa allègrement au milieu du canapé, allongeant ses longues jambes devant lui comme s'il s'agissait d'une frontière à ne pas franchir. Harry ne s'en était pas rendu compte, mais quand il se retourna pour reprendre sa place, il éclata de rire, provoquant un sourire discret mais amusé de Lucius.

– Tu n'en rates pas une, hein ?! fit-il en contournant les jambes de Severus pour s'asseoir à ses côtés.

– Je ne vois pas de quoi tu parles, ricana son amant en passant son bras autour de ses épaules pour l'attirer un peu plus près de lui.

Harry se laissa faire, conscient que leur position n'était pas très respectueuse de la présence de Lucius, mais il avait perçu un changement de ton chez Severus, moins vindicatif, moins mordant, et il avait bon espoir que le fait de s'être interposé entre Lucius et lui ne le rassure complètement.

De fait, alors que le match reprenait de plus belle, Harry vit du coin de l'œil Lucius croiser les jambes, toucher par inadvertance celles de Severus et reculer aussitôt son pied en soupirant d'avance du coup d'œil assassin qu'il attendait de son compagnon. Au contraire, non seulement Severus n'esquissa pas le moindre geste contrarié, mais conscient de la réaction méfiante de Lucius, il posa un instant sur sa cuisse une main apaisante. Ce n'était presque rien mais c'était le premier contact que Harry voyait entre eux depuis des semaines. Depuis le retour de Severus de New-York et l'aveu par Lucius de son attirance pour lui... Ce n'était presque rien mais il était certain que c'était le début de quelque chose. Il détourna le regard vers les joueurs virevoltants dans les airs, une bulle d'espoir gonflant brusquement dans son torse, et il se lova un peu plus contre Severus pour lui témoigner sa gratitude envers ce petit geste de rapprochement.

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La nuit était noire et les joueurs volaient depuis un bon moment sous les lumières des projecteurs lorsqu'une immense clameur résonna soudain dans le stade. En virevoltant dans les airs comme une torche humaine, Katie venait de se saisir du vif d'or au nez et à la barbe de l'attrapeur adverse. Aussitôt, entre la liesse et la cacophonie des supporters et les cris du commentateur encore amplifiés par un Sonorus, les joueuses de Draco, hurlant elles aussi leur joie, se rassemblèrent en formant le V de la victoire pour parcourir le terrain aussi vite que pouvaient voler leurs balais.

D'un bond, Harry s'était levé dès qu'il avait aperçu le vif dans la ligne de mire de Katie et il n'avait pu s'empêcher de pousser un cri de victoire et de soulagement dès qu'elle eut refermé la main sur la petite sphère dorée. Elle avait réussi. Malgré ses angoisses, malgré l'enjeu, Katie finissait sa carrière sur la plus belle des victoires ! Elles avaient réussi !

À présent, il trépignait de joie et d'impatience, le nez collé à la baie vitrée, regardant les joueuses redescendre rapidement vers le sol pour aller féliciter leur entraîneur. Draco avançait sur le terrain à leur rencontre avec le pas digne et mesuré d'un Malfoy, mais Harry savait combien il devait jubiler intérieurement et la fierté immense qu'il devait ressentir vis à vis de son équipe.

– Tu devrais descendre et les rejoindre, fit derrière lui la voix de Severus.

Harry se retourna, se rappelant soudain qu'il n'était pas seul, pour faire face aux sourires amusés de Lucius et de son amant.

– Je ne peux pas me pointer sur le terrain comme ça ! Je ne fais pas partie de l'équipe ! protesta-t-il.

– Vu les heures d'entraînement que tu y as passées ces derniers temps, on ne peut pas dire que tu ne t'es pas investi ! Tu n'as qu'à transplaner dans les vestiaires...

Il hésita, tenté par la suggestion de Severus, et regarda tour à tour les deux hommes. En réalité, il mourrait d'envie d'aller féliciter Draco, Katie et les autres filles et de partager leur joie.

– Vous me promettez de rester sages et de ne pas vous entretuer ?

– File ! fit Severus. Nous sommes de grands garçons !

Sans comprendre pourquoi, Harry vit Lucius frissonner sous les paroles de son compagnon et en hochant la tête, il disparut.

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Ce ne fut que deux heures plus tard qu'il aperçut de nouveau Lucius et Severus à la réception d'après-match, l'un magnifique en paradant auprès du Ministre et des représentants des Grandes Familles, l'autre sombre et taciturne, promenant son verre de jus de fruit auprès de son compagnon. Si Severus semblait faire l'effort de se tenir en société pour l'instant, et même d'accompagner Lucius, au vu de son regard, Harry ne doutait pas qu'il finisse malgré tout au bar avec un ou plusieurs verres d'alcool.

Lui-même avait déjà bu plus que de raison, entraîné par le bonheur d'Alicia, Angelina et surtout Katie qui ne voulait plus le lâcher. Draco n'était pas en reste, mais ses responsabilités ne s'arrêtaient pas au coup de sifflet final et il se devait d'assurer la représentation devant la presse et les premières négociations de nouvelles joueuses pour la saison prochaine. Il ne s'agissait que d'une heure ou deux d'obligations pesantes et ensuite ils partiraient tous ensemble faire la fête ailleurs, comme ils se l'étaient promis, boire, danser et rire jusqu'au bout de la nuit et plus encore.

Pour l'heure, il devait aller prévenir Severus qui lui parut encore plus sombre qu'à la dernière réception, mais qui ne rechigna pas devant son intention de partir de son côté. Malgré l'aval de son amant, Harry ressentit une pointe de culpabilité. Il savait que Severus allait boire et il ne serait pas là pour l'en empêcher ou réparer les dégâts. Mais comme le lui avait dit Draco qui discutait à présent de manière un peu véhémente avec son père, « Severus buvait déjà à toutes les réceptions bien avant que tu reviennes, et il ne t'a pas attendu pour assumer ses lendemains difficiles ».

– Un souci ? fit Harry en rejoignant Draco tandis que Lucius s'éloignait avec un regard agacé.

Draco le dévisagea longuement, encore vibrant de l'altercation avec son père, avant de lâcher d'une voix sourde :

– Je lui demandais des explications. Je pense que tu dois savoir à quel sujet !

Harry frémit devant son regard plein de colère et les reproches sous-jacents qu'il percevait.

– Merde ! Ça me regarde pas mais votre bordel me fait chier !

Draco avait fini par se calmer et s'excuser, plus inquiet qu'autre chose, jusqu'à ce que la joie et l'ivresse de la victoire ne viennent effacer ses craintes.

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La nuit avait été longue, bruyante, colorée, ivre de musique et d'alcool.

Harry se retrouva le dernier avec l'éternelle Alicia, à danser sur une musique improbable, dans un endroit non moins extravagant, sur une terrasse de Camden, alors qu'une église au loin appelait les fidèles à la messe du dimanche matin.

Tous les autres avaient déserté un par un, exténués, trop saouls pour tenir encore debout ou tombant de sommeil. Alicia, elle, semblait inépuisable, toujours en quête d'un nouvel endroit où se perdre dans la musique et la foule dansante. Partout où elle les avait entraînés à travers Londres, elle entrait comme chez elle, saluant les videurs et les barmans comme de vieilles connaissances, et alors que le soleil chauffait délicieusement leurs épaules et leurs cheveux ruisselants de sueur, Alicia lui tomba dans les bras, criant à son oreille pour couvrir la musique.

– Je meurs de faim ! On descend manger quelque chose ?

Harry acquiesça et prenant son bras pour lui frayer un chemin à travers les derniers noctambules, ils quittèrent la fête pour se perdre dans les souterrains du marché de Camden. Au détour d'une galerie moins passante, Harry l'arrêta dans un recoin pour leur redonner discrètement une apparence plus fraîche et plus décente. Alicia frissonna tandis que la magie la parcourait, éclatant de rire d'un plaisir non dissimulé.

– Merlin ! Dommage que tu sois pédé comme un phoque ! Ce que tu es capable de faire avec ta magie ferait bander un mort ! Rogue a bien de la chance !

Harry sursauta, piqué par la surprise alors qu'Alicia ricanait avec un sourire complice.

– Te bile pas. Tout le monde est au courant ! Enfin... nous, les Gryffondor quoi. En tout cas, merci ! Ça fait un bien fou de se sentir un peu plus propre.

– De rien. Dommage surtout que je n'ai pas eu ce pouvoir-là à l'époque de Poudlard ! fit-il en riant. Je l'aurais mené par le bout du nez ! Et dans mon lit en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, même si Severus n'aime pas trop que je me serve de la magie à des fins... utiles.

– Il ne sait pas ce qu'il perd !

Sur la petite place grouillante d'échoppes où cuisaient, rissolaient, doraient, mijotaient des aliments tous plus odorants les uns que les autres, ils achetèrent de quoi se rassasier et mangèrent assis sur le bord d'une fontaine au milieu des touristes interloqués et curieux.

– Et toi ? fit Harry. Tu as quelqu'un ?

– C'est comme ça que tu dis, toi ? gloussa Alicia. « Avoir quelqu'un » ? Non, surtout pas. Je ne veux pas m'encombrer de quelqu'un qui me dise à quelle heure je dois rentrer, comment je dois ou je ne dois pas me comporter avec les autres, ou ce que je dois faire à manger le soir.

– Tu n'as rencontré que des mecs despotiques ou quoi ?! fit-il en riant.

Alicia haussa les épaules en mordant dans son sandwich.

– Je ne veux rendre de compte à personne, dit-elle au bout d'un moment. Quand j'ai envie d'un mec, j'en ramasse un qui me plaît dans une soirée et je le ramène chez moi pour une nuit ou deux. Un jour, j'aurai peut-être envie de me caser mais pas pour l'instant.

– Je croyais que c'était un truc de mecs, les plans kleenex ! ricana Harry devant son aplomb surprenant. Puis, songeur, il ajouta : Jamais personne ne t'a donné envie de revenir jour après jour auprès de lui ?

– Non, avoua Alicia. Et je crois que je n'aimerais pas cette sensation d'être enchaînée et dépendante de quelqu'un. Si ça te convient, c'est très bien mais moi, je ne veux rien qui entrave ma liberté. Et puis, ma façon de vivre ne plaît pas à grand monde, de toute façon.

Il n'avait pas l'impression d'être enchaîné, mais il se souvenait d'une époque où il aurait pu tenir le même discours. Où il avait tenu le même discours. Il reconnaissait cette impression de liberté absolue que défendait Alicia, cet orgueil de n'avoir besoin de personne, mais il savourait aussi le plaisir d'être attendu en rentrant, la douceur des nuits passées ensemble, la complicité qui naissait peu à peu, le bonheur d'aimer et d'être aimé en retour. Aujourd'hui, Severus faisait partie de sa vie, et pour rien au monde, il n'aurait voulu s'affranchir de cette dépendance délicieuse même s'il refuserait de l'avouer à qui que ce soit.

Et puis il y avait Lucius, comme une espèce de cerise sur le gâteau, inaccessible et pourtant fascinant, et qui remuait en lui des sensations et des sentiments qu'il préférait s'abstenir de creuser. Il ne savait pas où les mènerait leur petit jeu, mais le plaisir de la séduction emportait ses réticences à chaque fois qu'il se retrouvait en tête à tête avec l'aristocrate.

Un maladroit qui lui marcha sur les pieds le tira de ses pensées et Harry aperçut brusquement le sourire amusé d'Alicia qui l'observait en silence.

– Je vais rentrer maintenant, Harry. Il est plus de midi et il faut quand même que je dorme quelques heures avant de prendre mon service du soir. Merci... pour cette soirée mémorable. Et heureusement que tu as plus d'endurance que les autres !

– Ton service du soir ?! fit Harry surpris en se tournant vers elle. Je ne savais pas que tu... travaillais ?

– Le quidditch paye bien, mais pas assez au vu de ce que je dépense en fringues et en alcool les nuits où je ne travaille pas, ricana-t-elle. Passe me voir un jour... Premier étage, service des blessures par créatures vivantes.

Saisi par la surprise, Harry était toujours en train de réaliser ce qu'Alicia venait de dire que la jeune femme s'était levée et après un clin d'œil amusé, elle avait disparu dans la foule pour aller transplaner dans un endroit discret.

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À présent qu'il était sorti de cette ambiance festive et qu'il n'y avait plus la musique pour l'entraîner dans une débauche d'énergie, Harry sentit brutalement la fatigue lui tomber dessus comme un casque de plomb. L'alcool qu'il avait bu en quantités industrielles semblait à nouveau flamber dans son corps, et la migraine qui s'abattait peu à peu sur son crâne lui donnait presque envie de se taper la tête contre un mur.

En transplanant un peu au hasard dans le Hall d'entrée du Manoir, il ne put s'empêcher de geindre sourdement de la magie qui résonnait en lui beaucoup trop fort. Il devait aller dormir et éliminer cette gueule de bois maléfique et le meilleur endroit pour ça était son « bureau ». Dans cet ersatz de sa forêt, il pourrait laisser sa magie vagabonder sans contrôle et la présence des arbres, des plantes et de leur sève pleine de vie lui permettrait de se ressourcer plus rapidement que partout ailleurs. Mais pour cela, il lui fallait d'abord pouvoir rejoindre cette pièce sans subir les reproches de son amant sur son état.

Au vu des éclats de voix qu'il entendit brusquement, les reproches ne lui étaient pour l'instant pas destinés. Harry s'avança silencieusement dans le couloir du rez-de-chaussée, jusqu'à pouvoir comprendre les paroles furieuses de Severus.

– Tu as envie de lui, tu le désires ! Et n'essaie même pas de le nier ! Tu crois que je ne vois pas ton petit jeu ?! Les regards que tu lui lances, ta façon d'être avec lui, tes sourires enjôleurs. Tu crèves d'envie de le mettre dans ton lit ! Tu n'as pas pu t'en empêcher, hein ?! Il fallait que tu l'aies ! Tu ne pouvais pas, pour une fois, respecter ce que j'avais, moi ?! Tu ne pouvais pas rester à distance ?! Il fallait qu'il t'appartienne !

– Je ne nie rien du tout, Severus, fit la voix posée de Lucius derrière la porte entrouverte de son bureau. Il me semble même que je suis venu t'en parler bien avant que tu n'en aies conscience... Oui, c'est vrai. J'ai envie de lui et je le désire. Pas par jalousie envers toi, pas pour te blesser ou te faire du mal. J'éprouve du désir pour lui simplement parce qu'il est désirable. Parce que je comprends et je partage tout ce qui t'attire chez lui. Parce qu'il est beau, plein de vie et de chaleur, parce qu'il est piquant, et tendre, et drôle. Parce qu'il est désespérément humain et bouleversant. Parce qu'il est terriblement fort et fragile à la fois...

Invisible dans le couloir et tremblant d'émotion et d'épuisement, Harry secoua la tête devant cette déclaration qu'il n'était pas censé entendre. Les mots de Lucius avaient fait naître dans sa gorge une gêne désagréable et ses yeux brûlaient soudainement de fatigue. Il ne voulait pas ça. Il ne voulait pas se mettre ainsi comme un obscur objet de désir entre les deux hommes, comme une tentation qui allait les mettre en opposition et les séparer.

Il avait cru. Il avait cru que les choses iraient mieux, qu'ils parviendraient à se réconcilier, que la situation pourrait devenir plus simple, plus fluide, laissant à chacun la place de réaliser ses désirs... Il avait cru que le rapprochement était amorcé, que Severus allait changer d'attitude et s'adoucir, mais il ne tombait que sur cette énième dispute et cette déclaration bouleversante. Et il n'était en état de gérer ni l'une, ni l'autre.

– Ce n'est pas parce que tu as bu hier soir, que tu es de mauvaise humeur et que tu as la migraine que tu dois me reprocher quelque chose qui ne s'est jamais produit, reprit Lucius calmement. Ce qui s'est passé entre nous n'a jamais été plus loin que des paroles. Et ça n'ira jamais plus loin puisque tu sembles croire que Harry t'appartient. Je saurai me tenir à distance, mais cesse ces reproches continuels. Et arrête de t'inquiéter. Il va bien finir par rentrer.

Seul un grognement contrarié répondit aux paroles apaisantes de Lucius. Au moins, les deux hommes étaient capables de se parler quand il s'agissait de se disputer et Harry ricana douloureusement en son for intérieur. Le bruit d'une chaise grinçant sur le parquet le secoua et il entendit Severus s'asseoir lourdement.

– Tu veux que j'aille te chercher une potion contre la migraine ?

– J'en ai déjà pris deux depuis ce matin.

Et bien qu'il reste avec sa migraine s'il n'était pas capable de mieux ! Severus payait pour son entêtement et sa jalousie, et Harry n'allait pas pleurer sur son sort. Il s'avança rapidement dans le couloir et ouvrit la porte sur le rideau de magie qui protégeait sa forêt. Il avait suffisamment à faire avec sa propre migraine, sa fatigue et ses émotions à fleur de peau avant de s'occuper de son amant irascible et possessif !

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– Eh bien ! Cette soirée a légèrement traîné en longueur, on dirait ! fit Lucius avec un sourire malicieux lorsque Harry pénétra dans le Petit Salon. Et je te trouve bien plus en forme que je ne l'aurais supposé !

Harry vint s'asseoir tranquillement en face de l'aristocrate, attentif à ne pas laisser transparaître la moindre fatigue ou le moindre geste tremblant qui auraient pu lui échapper. Sa fierté tenait à faire bonne impression et à donner raison à Lucius.

– Je viens de dormir deux heures, avoua-t-il en riant. Et vous vous attendiez à me voir comment au juste ? Ivre mort à vomir partout dans les couloirs du Manoir ?

– Quelque chose comme ça...

Lucius referma et posa sur la table basse l'épais rapport qu'il était en train de lire. La plupart de ceux qu'il ramenait au Manoir étaient des copies discrètes, sans titre et parfois pourvues d'un sortilège de dissimulation qui ne répondait qu'à l'aristocrate, mais celui-ci était un rapport officiel dont l'en-tête et les armoiries le surprirent. « Projections et prospectives sur la population vampire du bloc de l'Est », en français dans le texte.

– Je vais pouvoir rassurer Draco, s'amusa Lucius qui ajouta devant son air surpris : Il a pour habitude de battre le rappel de ses ouailles après les soirées de victoires... Une manière de vérifier que toutes ses joueuses sont bien rentrées chez elles sans encombre et en un seul morceau.

Harry leva les yeux au ciel devant tant de maternage tandis que Lucius éclatait de rire.

– Il a juste appelé deux fois pour l'instant ! D'habitude, c'est Alicia qu'il cherche partout comme ça...

– On a fini la soirée ensemble, fit Harry en haussant les épaules. Effectivement un peu tard, mais entiers. Et comment s'est terminée la soirée officielle ?

– Nous ne sommes pas restés jusqu'à la fin. Juste assez pour être civils et courtois, et glisser quelques messages dans l'oreille de certains, ironisa Lucius. Et assez pour que Severus ait bu plus que de raison.

– Où est-il d'ailleurs ? fit Harry en avisant l'unique tasse de thé posée sur le plateau de service.

– Dans sa chambre. Avec la migraine.

– Oh. Ça ne va pas mieux... ?

Lucius fronça brusquement les sourcils avec un regard soupçonneux. Harry n'était pas censé savoir que Severus avait la migraine depuis plusieurs heures...

– Je vais..., fit-il en posant les mains sur les accoudoirs de son fauteuil et en se levant à demi.

Lucius avait bien compris son intention et il retint un soupir résigné.

– Va.

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Lucius n'avait rien laissé transparaître, comme toujours, mais Harry entendait encore résonner dans son esprit les mots qu'il avait entendus deux heures plus tôt, lors de la dispute entre l'aristocrate et son compagnon. Des mots qu'il ne savait comment interpréter. Il savait le désir physique que Lucius éprouvait pour lui, cette attirance sensuelle, sexuelle, que venaient aiguillonner leurs paroles et leurs plaisanteries. Mais ces mots-là avaient contenu autre chose : de la tendresse, de la douceur, une certaine affection protectrice qui le bouleversait et qui en était presque douloureuse.

Et le cauchemar qu'il venait de faire, où sa présence entre les deux hommes ne faisait que les séparer et lui avec, vibrait encore dans son corps et dans son esprit avec horreur. Ce n'était qu'un strict reflet de la réalité mais la sensation d'écartèlement qu'il ressentait tenait du supplice.

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La chambre de son amant était plongée dans la pénombre, les rideaux soigneusement tirés voilant l'essentiel de la lumière du jour. Par-dessus la courtepointe qui recouvrait son lit, Severus était allongé sur le dos, habillé, reposant comme un gisant sur son tombeau. Pâle et les yeux fermés.

Harry referma doucement la porte et s'avança pour grimper sur le lit, rejoignant le corps immobile de son amant qui fronça les sourcils à son approche sans pour autant ouvrir les yeux. Comme cette nuit-là dans leur maison en Provence, il vint s'asseoir en tailleur à la tête du lit, le dos contre les oreillers.

– Viens, murmura-t-il.

Severus remua légèrement pour venir se caler sur ses jambes croisées recouvertes par un petit coussin, et Harry posa ses mains sur le front et la nuque de son amant.

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La magie coula en lui comme une eau fraîche et limpide, comme une odeur de menthe, comme un courant d'air vif et sain dans la moiteur plombante qui étouffait son esprit. Comme un rayon de soleil dans les ténèbres de la migraine, un soulagement après la pression insupportable dans son crâne.

Il ne fallut que quelques ridicules minutes à Harry pour le soulager de sa douleur qui durait depuis des heures. Pour le laisser en paix, calme et presque reposé maintenant que la migraine ne drainait plus toute son énergie. Severus poussa un soupir de contentement. Comment avait-il fait toutes ces années ? Comment avait-il fait pour supporter ces déferlements de douleur qui le clouaient parfois au lit des heures, des jours durant ? Aujourd'hui, Harry était capable de le soulager en quelques instants et Lucius n'aurait plus jamais à subir sa mauvaise humeur et son irritabilité qui suivaient ses crises de migraine.

Entre les mains de son amant, Severus se laissa totalement aller, s'ouvrant à la magie qui circulait autour de son esprit avec le bruissement apaisant d'un ruisseau, sans jamais chercher à pénétrer trop loin dans son âme ou ses souvenirs. À chaque fois, Harry restait respectueux, attentif à ne jamais franchir la limite entre la surface où il pouvait intervenir et les profondeurs de sa mémoire.

– Merci, soupira-t-il avec gratitude.

Harry ne répondit pas mais la magie se fit légèrement plus colorée et ondulante, avec des reflets dorés qui irradiaient une douce lueur dans son esprit. Mais au-delà des apparences, la magie traînait avec elle une certaine tristesse, une mélancolie qui surprirent Severus.

– Qu'est-ce qu'il y a ? murmura-t-il.

– Je suis désolé. J'aurais dû venir plus tôt.

– Tu es là, murmura Severus. C'est déjà bien plus que je n'espérais.

Mais la mélancolie persistait, latente, et en se concentrant sur elle, Severus perçut encore davantage ses racines profondes, la façon dont elle sous-tendait la douceur de Harry, sa tristesse lancinante et cette sensation de vide que rien ne venait combler.

– Il y a autre chose...

Aussitôt, Severus sentit la magie se rétracter, lui laissant un sentiment de manque et d'abandon, le même froid vidé de tout souvenir de bonheur qu'en présence d'un Détraqueur. Tout avait disparu. Harry avait rabattu sa magie en lui d'un seul coup, sans se rendre compte à quel point cela pouvait être déstabilisant et presque douloureux de se sentir ainsi aspiré, asséché, désempli, avec la seule sensation d'une absence glaciale.

– Ne... fais pas ça si... brutalement, haleta-t-il.

– Je suis désolé, murmura Harry. Je n'ai pas toujours conscience de ce que ça fait. Je sais que tu n'aimes pas sentir ma magie en toi.

Severus grimaça de dépit tandis que le froid s'estompait peu à peu.

– Je n'ai jamais dit ça. C'est juste... déstabilisant. Aussi bien lorsque tu insinues ta magie que lorsque tu la retires si brutalement où ça en devient presque douloureux. Mais j'aime cette sensation en moi, c'est indescriptible mais agréable, très agréable. Même si c'est effrayant de laisser la place et de s'abandonner à un tel pouvoir.

Harry ne répondit pas mais il ne libéra pas sa magie pour autant.

– Qu'est-ce ne va pas, alors ? tenta à nouveau Severus.

– Rien. Je suis juste fatigué, murmura le jeune homme en remuant légèrement pour lui faire comprendre qu'il voulait changer de position. Fais-moi une place.

Severus souleva sa tête pour le laisser bouger et vit avec étonnement Harry venir s'allonger tout contre lui, se lovant entre ses bras pour venir chercher la tendresse qui lui faisait défaut. Il resta là, sans bouger, un long moment, et en tendant son esprit vers lui, à la limite de la légilimencie, Severus pouvait sentir ce désarroi et cette tristesse toujours présents chez son amant.

Niché entre ses bras comme s'il avait besoin de se sentir le plus entouré, le plus enveloppé possible, Harry transpirait un besoin d'amour et d'affection presque effrayant, aussi impossible à combler qu'un tonneau des Danaïdes.

– Baise-moi, Severus...

– Pardon ? s'étrangla-t-il.

– Baise-moi... s'il-te-plaît.

Severus étouffa un gloussement devant cette impression d'un enfant qu'on venait de réprimander pour son manque de politesse.

– Fais-moi l'amour, baise-moi, aime-moi, murmura à nouveau Harry.

C'était presque une supplique, inquiétante et attirante en même temps. Harry était tendu vers lui, empli d'une tristesse qui demandait à être remplacée par de l'amour, avide de sa présence, de sa tendresse qui viendrait combler le manque qu'il ressentait.

– C'est hors de question. Tu es fatigué et encore à moitié ivre, répondit calmement Severus bien qu'il sache que ce n'était pas le cas. Tu n'est absolument pas en état, et je ne suis pas sûr de l'être non plus.

– Même si je t'aide un tout petit peu ?

Severus n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il voulait dire qu'il sentit la magie l'effleurer, aussi délicate que si Harry l'avait touché du bout des doigts, glissant le long de sa nuque et de son cou, redessinant sa clavicule pour descendre le long de son torse. Comme la douceur d'une main, de deux mains même lorsque la magie se fit plus importante, elle éveillait son corps à la caresse. Elle léchait non pas sa peau, mais glissait dessous, là où naissait l'essence de ses sensations et de son plaisir, le long de ses muscles, de ses nerfs, de ses chairs. C'était suave; déroutant mais sensuel. Suscitant en lui une chaleur inédite qui parcourait ses membres et son ventre. Attisant un désir différent, celui de l'aimer mieux, de le combler, de remplir ce vide affectif bouleversant. Excitant son corps pour soulager son cœur.

– Je ne veux pas te faire mal, murmura Severus.

Mais la magie l'incitait doucement, inexorablement à se rapprocher du jeune homme. Elle le guidait vers la volupté de l'union, lancinante et lascive, jusqu'à ce qu'il s'insinue lentement dans ce corps abandonné qui le réclamait.

Harry ne bougeait pas, alangui sur le ventre, aussi immobile que dans son sommeil, indifférent aux mouvements doux de Severus. Mais la magie, elle, ne se lassait pas de porter son envie toujours plus loin, vers un désir de communion, de fusion, qui le poussait à aimer sans relâche son amant malgré sa passivité. Il ne faisait pas l'amour à Harry, il faisait l'amour à sa magie. Un ballet sensuel, envoûtant, jusqu'à ce qu'il se répande dans une explosion silencieuse et assourdissante, jusqu'à ce qu'il vienne combler le vide de ce corps qui aspirait au repos de son âme.

La magie resta un moment en lui, ondulant en une douce chaleur, puis elle régressa lentement au rythme du reflux de la jouissance.

Quand Severus ouvrit enfin les yeux, encore enfoui dans les profondeurs de son amant, il trouva Harry à genoux, le torse posé sur ses cuisses dans une position presque fœtale. Sur son visage aux yeux clos, une larme roula lentement pour venir se perdre dans les plis du drap, unique perle de lumière qui brillait dans la pénombre.

Merlin ! Qu'avait-il encore fait ?! Il se retira rapidement pour venir prendre le jeune homme dans ses bras. Harry n'avait pas joui, il n'avait même pas bandé. Il avait juste fait en sorte de se sentir aimé.

Dans son esprit tourmenté, Severus ne savait plus que penser. Il ne pouvait pas dire qu'il n'avait pas apprécié. La sensation de cette magie en lui avait été envoûtante, complètement différente de ce qu'il en avait déjà expérimenté, à des années-lumières de la fois presque violente où Harry l'avait fait jouir ainsi dans la salle de duel. Cette fois-ci, la magie l'avait accompagné dans son désir, subjuguant ses craintes et séduisant son âme pour le pousser vers le plaisir. Mais il n'était pas satisfait pour autant, incapable de comprendre le comportement de Harry, ni les raisons qui l'avaient poussé à agir de la sorte. Et la seule personne avec qui il aurait pu en parler, qui aurait pu l'éclairer parce qu'elle connaissait Harry aussi bien que lui, voire mieux que lui, était Lucius. Mais il ne se voyait pas quémander son aide.

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Au bout de quelques minutes, Harry se leva sans même lui jeter un regard.

– Je vais prendre une douche.

Puis il disparut sans un mot.

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Quand Severus descendit après avoir passé un long moment sous sa propre douche pour tenter de s'éclaircir les idées, il trouva le jeune homme installé dans le Petit Salon, frais et souriant, en train de discuter avec Lucius comme si de rien n'était. Il se figea sur le pas de la porte, abasourdi, avec l'impression étrange de ne pas avoir affaire à la même personne, tandis que Lucius levait un regard inquiet vers lui.

– Ça va mieux ? Ta migraine ?

– Oui, oui. Très bien, bredouilla Severus qui en avait oublié cette migraine qu'il traînait depuis la veille au soir. Complètement disparue.

– Tant mieux.

– Vous avez prévenu Draco, au fait ? fit Harry avec légèreté. Que j'étais bien rentré ?

– Oui, je m'en suis occupé, sourit Lucius en tournant la tête vers lui. Il était rassuré de le savoir. Juste surpris que tu aies fini la soirée si tard avec Alicia...

Severus ne put s'empêcher de grogner à cette information dont il se serait bien passé. Il vint s'asseoir pesamment dans son fauteuil avec un regard sombre qui fit rire Harry.

– Alicia est infatigable. Elle n'est rentrée que parce qu'elle devait dormir un peu avant d'aller travailler...

Tandis que Lucius répondait et que la conversation se poursuivait sans lui, Severus étudiait son amant. En apparence, Harry était aussi détendu et gai que d'habitude, mais il se rendait bien compte que le jeune homme évitait son regard, qu'il gardait une certaine réserve et fuyait les sujets de conversation trop personnels et que Lucius entrait parfaitement dans son jeu.

Il repensait également à Mayahuel qu'il avait appelée par inadvertance en frottant machinalement son bras et qui avait ricané de ses mauvaises excuses.

– Allons, Severus, ne te moque pas de moi. Ce bracelet n'a pas un simple effet mécanique. Si tu n'y insuffles pas un peu de magie et une réelle intention, cela ne fonctionne pas !

Il s'était renfrogné sous les sarcasmes, mais tant que la créature était là, Severus en avait profité pour l'interroger.

– Qu'est-ce qui te pose tant de problème ? avait-elle demandé en s'installant tranquillement dans un fauteuil.

– Il m'a utilisé. Il s'est servi de moi alors qu'il avait besoin de tout sauf de sexe. Pourquoi il a fait ça alors qu'il n'y a pris aucun plaisir ?

– Allons, Severus, avait répondu Mayahuel, il ne t'a pas forcé. Il a juste utilisé sa magie pour t'exciter autrement qu'avec son corps. Et il ne t'a pas fallu grand chose pour passer outre tes hésitations. Fais-lui confiance même si tu n'arrives pas à le comprendre. Il sait ce qui est bon pour lui. Et s'il a fait ça, c'est qu'il avait besoin de toi de cette façon. Tu y as pris du plaisir, et ça lui a fait du bien. D'une manière complètement différente, mais ça l'a apaisé malgré tout.

– Comment est-ce qu'il a pu y trouver quoi que ce soit de positif ?! s'était-il exclamé, agacé par la nonchalance de la créature qui balançait tranquillement ses jambes dans le vide en lui faisant la leçon. Maya, il pleurait à la fin !

– Une larme, Severus... Toi mieux que nul autre, tu devrais le comprendre. Il a trouvé le même genre d'apaisement que tu ressens après la douleur que t'inflige parfois ton compagnon...

Le temps de comprendre et d'assimiler ce début de réponse, Severus était resté interdit. Quelles que soient les explications que lui donnait Mayahuel, et même s'il pouvait les comprendre dans l'absolu, il restait effaré et empli de culpabilité en songeant à ce qui s'était passé.

– Severus ? avait jeté la créature en sautant à bas de son fauteuil. Je ne suis pas votre conseillère conjugale. Je t'ai donné assez de clefs et de réponses pour le comprendre, maintenant débrouille-toi. Ou fais appel à ton compagnon.

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Severus ne pouvait pas dire que ce « conseil » lui ait fait plaisir, bien au contraire. Mais au vu de la capacité de Lucius de converser avec Harry en toutes circonstances, de le ménager quand il le fallait, de lui changer les idées, de le faire rire, de maintenir un contact permanent alors que lui-même n'arrivait simplement pas à capter son regard après ce qui venait de se passer... l'intermédiaire de Lucius ne serait pas de trop.

– Qu'est-ce que tu en penses ? lui demanda soudain son compagnon.

– Pardon ? fit Severus interloqué.

Lucius sourit doucement, conscient qu'il n'avait rien suivi de leur conversation.

– Harry avait envie de sortir un peu... J'ai toujours une loge privée à l'opéra Garnier et il s'y donne un concert symphonique ce soir. On pourrait dîner au restaurant après...

Severus jeta un regard surpris au jeune homme. Sortir ? Alors même que Harry était rentré en début d'après-midi de sa soirée de la veille ?! Alors qu'il était en train de pleurer une heure auparavant après s'être fait baisé comme un chien ?! Severus secoua la tête d'incompréhension.

– J'ai envie de profiter un peu de vous deux, sourit Harry. Maintenant que les entraînements et la saison de quidditch sont terminés, je vais sans doute passer plus de temps à Sainte-Mangouste... et la semaine qui vient s'annonce chargée.

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ooooooo

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Harry, tout comme Lucius, avait apprécié le concert alors que Severus avait passé son temps à observer le jeune homme, à guetter ses réactions et à pister le moindre signe de faiblesse ou de tristesse.

Lucius les emmena ensuite dans un restaurant prestigieux, où il obtint une table sans même avoir réservé. Sa suffisance habituelle en public, revenue comme une seconde nature, faisait rire Harry qui ne se privait pas de se moquer gentiment de lui. Leur conversation était légère, enjouée, alors que Severus ne pouvait s'empêcher de rester en retrait, toujours à l'affût d'une preuve de son mal-être.

Harry avait dû se retenir de faire un esclandre au restaurant, car rapidement après leur sortie, alors qu'ils flânaient sur l'avenue des Champs-Élysées pour profiter de la douceur de la soirée, il finit par s'emporter.

– Maintenant ça suffit, Severus ! fit-il en s'arrêtant net au beau milieu du trottoir. Tu vas arrêter de me surveiller comme le lait sur le feu ! Je ne suis pas en sucre et je vais bien !

– Bien ? Après ce qui s'est passé tout à l'heure ?!

Lucius haussa un sourcil surpris et attira Harry et Severus hors du chemin où les passants se bousculaient pour les éviter. Il avait bien senti que quelque chose s'était passé entre les deux hommes depuis le retour de Harry, qui expliquait leur relation froide et distante ce soir, mais il n'avait aucune idée de ce dont il s'agissait. Et il doutait de le savoir un jour.

À présent qu'ils n'étaient plus au milieu du passage, les gens les ignoraient, continuant leur chemin en admirant les vitrines des magasins et des restaurants, et les illuminations de la nuit parisienne.

– J'étais encore à moitié ivre. Tu l'as dit toi-même !

– Foutaises ! Nom d'un chien, qu'est-ce qui t'a pris ?!

– Je t'ai fait jouir. Il ne m'a pas semblé que tu t'en sois plaint !

Lucius soupira. Si même le sexe n'allait plus entre ces deux-là... ! Se décalant d'un pas pour esquiver un passant pressé, il en profita pour s'intercaler physiquement entre les deux hommes, offrant son bras à Harry pour poursuivre leur chemin, et posa une main apaisante sur l'épaule de son compagnon.

– Tout ça ne me regarde pas, fit-il avant que Severus ne puisse répliquer. Mais peut-être que vous pourriez poursuivre cette dispute ailleurs qu'en place publique ? Puisqu'il semble que cette soirée tourne au vinaigre, je suggère que nous rentrions au Manoir.

Sur sa nuque, Severus sentait la pression douce et caressante de la main de Lucius qui lui signifiait qu'il prenait les choses en main et qu'il devait également se calmer.

– Je suis désolé, fit Harry. Je n'aurais pas dû proposer cette sortie. C'était une mauvaise idée.

– Ça suffit, sourit Lucius. Tu avais envie de sortir, quelle qu'en soit la raison, et ça me faisait plaisir aussi. Tu n'as pas à te justifier si tu as envie de te changer les idées...

Severus se renfrogna un peu plus en voyant Harry sourire faiblement à Lucius. Il ne savait pas comment faisait son compagnon pour toucher juste à chaque fois, mais il était indéniable qu'il parvenait à comprendre Harry mieux que lui-même. Et de cela aussi, il ressentait une pointe de jalousie.

– Il y a trop de souvenirs remués en ce moment, reprit Lucius sans quitter le jeune homme du regard. Trop de tentations, trop d'incertitudes, trop de choses pénibles... Quand tu en auras fait le tour et que tu tourneras cette page, ça redeviendra plus limpide et plus fluide. Pour l'instant, tu as besoin de te défouler et d'extérioriser à travers, disons... la danse, l'alcool et le sexe ?... Et j'oubliais... le quidditch !

Lucius affichait un sourire malicieux auquel Harry répondit par un rire léger.

– Et vous ? À travers quoi ?

– J'ai une prédilection pour les situations un peu plus grandiloquentes, ironisa Lucius. La solitude, aller me perdre à cheval en pleine nature ou dans une maison isolée dans la tempête...

L'un et l'autre semblaient se comprendre à demi-mots, partageant une complicité que Severus n'avait jamais vue si évidente et explicite. Au delà du désir que Lucius éprouvait pour Harry, leur connivence était frappante et il se sentit plus dépossédé de son amant que jamais.

– Pourtant, il faisait beau en Provence, il y a deux nuits, sourit Harry. Et à Paris aussi...

Lucius ricana devant cet aveu déguisé en gage de paix.

– J'étais... ailleurs.

Harry l'arrêta par le bras et lui fit face, un sourire naturel et serein revenu sur son visage.

– Lucius... Merci.

Avec une spontanéité désarmante, Harry le prit dans ses bras, dans une étreinte qui n'avait rien de sensuel ou de charnel, puis il le relâcha pour se tourner vers Severus qu'il enlaça à son tour.

– Et toi, arrête de me surveiller et de vouloir toujours tout comprendre. Si je te dis que je vais bien, c'est que c'est vrai. Et si je te dis que j'ai envie de toi, c'est vrai également. Mais cesse de vouloir trouver des réponses à chacune de mes réactions ou de mes paroles. Et cesse de te servir de Mayahuel comme d'une conseillère conjugale ! fit-il en éclatant de rire avant de l'embrasser pour se faire pardonner.

Severus soupira en étreignant son amant, partagé entre le soulagement et la contrariété de s'être ainsi fait trahir par cette créature sournoise. Levant les yeux, il croisa le regard de Lucius qui les observait avec le même soulagement que le sien et une tendresse bienveillante qui bouleversa Severus.

Si Lucius ne pouvait s'empêcher d'éprouver du désir pour Harry, la première chose qu'il avait à cœur était leur bonheur, et cela, Severus ne devait pas l'oublier. Lucius avait tout fait pour lui, pour eux. Il avait renoncé à tant de choses, à sa fierté, à l'entière fidélité de Severus, à ses certitudes, il avait dû leur faire confiance sans aucune garantie, ouvrir sa vie, son Manoir à celui qui venait lui prendre son compagnon, accepter les nuits de solitude, les cris de plaisir de ceux qui s'aimaient sans lui, les gestes de tendresse et les preuves d'amour jusque sous son propre nez... Lucius ne méritait sans doute pas ce qu'il lui faisait subir.

En rentrant, tard dans la nuit, Severus fit à nouveau l'amour avec Harry, de manière bien plus naturelle et débridée que dans l'après-midi, bien qu'il se surprit à regretter cette sensation si particulière de la magie qui le caressait de l'intérieur.

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ooOOoo

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Le soleil et la chaleur qui régnaient sur le chemin de Traverse avaient raccourci les robes des jeunes femmes et rempli les terrasses des restaurants et des cafés. L'été incitait plus que jamais les gens à sourire, la rue bruissait de rires et de cris d'enfants et une file d'attente démesurée s'allongeait devant le magasin de Florian Fortarôme.

Severus ferma la Librairie d'un sortilège et remonta la rue de quelques dizaines de mètres pour aller s'installer à une table isolée sur la terrasse du Civet de Dragon. Comme toujours, il gardait la façade du restaurant dans son dos, de façon à pouvoir garder un œil sur les passants et l'activité de la rue. Ce n'était même pas conscient; un simple réflexe qui l'incitait à protéger ses arrières et à faire face à l'endroit d'où pouvait provenir le danger. Une habitude ancienne qui n'avait jamais disparu.

Quand il ne rentrait pas déjeuner au Manoir, le Civet de Dragon était sa cantine habituelle. Il n'y avait pas sa table personnelle, mais ce n'en était pas loin et il connaissait le patron et tous les serveurs par leurs prénoms. En dehors de la spécialité du chef qui avait fait sa renommée et donné son nom au restaurant, la carte comprenait un banoffee pie dont il raffolait – bien qu'il ne l'avouerait pour rien au monde – et qui constituait parfois le seul plat de son repas.

Au serveur empressé qui vint prendre sa commande, il demanda simplement un cocktail sans alcool pour patienter en attendant Matthieu. Le jeune homme était en retard, comme souvent, peu soucieux de respecter l'heure convenue. La ponctualité était chez lui une qualité à géométrie variable. Et lorsque c'était Matthieu qui fixait un rendez-vous, cela restait généralement assez imprécis. « Vers midi, midi trente... Pour déjeuner, quoi. » et le premier arrivé attendait l'autre.

Severus ne sut pas à quoi il l'avait reconnu au milieu des promeneurs et des touristes, mais la certitude fut immédiate. Une certaine élégance naturelle, l'aisance avec laquelle il portait des vêtements chics tout en restant simple, la limpidité de son sourire... En soi, Matthieu n'avait rien de particulier qui attire l'œil; ni les yeux verts si lumineux de Harry, ni les longs cheveux blonds de Lucius, ni un visage particulièrement beau, mais il était doté d'un charme assez étonnant, un attrait inexplicable, une sorte de déclic qui faisait qu'en l'apercevant, on ne pouvait que le remarquer.

Ce jour-là, il était particulièrement souriant et son teint hâlé respirait les vacances et le repos.

– Tu as bonne mine ! fit Severus en se levant pour l'étreindre rapidement.

– Je viens de passer quelques jours en Bretagne et je suis beaucoup sorti en mer avec mes cousins...

Severus hocha la tête tandis que Matthieu s'asseyait en jetant un regard dubitatif sur le verre qu'il était en train de boire.

Il savait que le jeune homme avait gardé des contacts réguliers et chaleureux avec une grande partie de sa famille paternelle. La Bretagne était son pied-à-terre habituel quand il retournait dans son pays d'origine, et l'endroit rêvé pour pratiquer sa passion pour la voile.

– Et toi ? Ça va ? Tu as plutôt l'air fatigué...

Severus haussa les épaules, préférant s'adresser au serveur pour passer commande de leur déjeuner. Matthieu fronça les sourcils mais le laissa faire : insister sur les questions auxquelles il ne voulait pas répondre pouvait rapidement agacer Severus et le conduire à se fermer comme une huître. Au fil du temps, il avait appris à passer outre ses silences qui, finalement, étaient en eux-mêmes une réponse.

– Harry va bien ? demanda Matthieu gaiement. Ça fait un moment que je ne l'ai pas vu...

– Aussi bien qu'il peut, j'imagine, fit Severus en haussant à nouveau les épaules. C'est à lui que tu devrais poser la question.

Cette fois, le jeune homme leva un regard plus sombre vers son mentor, presque inquiet de ces réponses évasives.

– Qu'est-ce qu'il y a ? C'est entre vous que ça ne va pas ? Ou avec Lucius ?

– Ce n'est certainement pas à toi que je vais parler de ce genre de choses !

Simplement au ton que venait d'employer Severus, et à son regard courroucé, Matthieu pouvait dire qu'il avait touché juste. Même si Severus ne voulait pas lui en parler, il y avait bien quelque chose...

– Oh, tu n'as pas besoin de dire quoi que ce soit, lâcha-t-il. J'imagine assez bien comment votre situation à tous les trois doit être compliquée ! Ce que j'ai le plus de mal à comprendre, c'est comment fait Lucius pour supporter ça, chez lui et sous son nez. C'est tellement...

Matthieu laissa sa phrase en suspens en esquissant un geste vague de la main pour souligner l'ampleur de la situation. Et comme Severus ne répondait pas, il ajouta rapidement :

– Je veux dire, pour toi, c'est facile... Tu as le bon côté des choses, c'est-à-dire tout ce que tu veux. À la fois Harry et à la fois Lucius. Harry, lui, a sans doute bien plus qu'il ne l'espérait au départ. Mais Lucius...

Matthieu attendit quelques instants la réaction de Severus. Souvent, dépeindre un seul versant de la situation obligeait l'interlocuteur à répondre pour corriger et rétablir la vérité, quand bien même il ne voulait pas parler du sujet au départ... et c'était exactement ce qu'il attendait de Severus.

– Ne le fais pas passer pour une victime !

– Je ne le fais pas passer pour une victime. J'imagine que rien de tout cela ne serait possible s'il n'y consentait pas. Mais il est malgré tout le seul qui ait dû renoncer à quelque chose et qui soit perdant dans l'histoire.

Tandis que le serveur amenait leurs assiettes et les déposait devant eux, Severus jeta un regard circonspect au jeune homme qui réclamait un verre de vin pour accompagner son repas. Severus refusa d'un signe de tête la proposition qui lui était faite tout en songeant à ces paroles avisées. Matthieu n'avait pas tort : Lucius était celui qui avait le plus perdu.

En changeant de point de vue, il mesurait d'un seul coup le glissement qui s'était effectué peu à peu. D'un amant avec qui il dormait une ou deux fois par semaine avec « l'autorisation » de Lucius, Harry était devenu son partenaire principal, au point de mettre Lucius complètement de côté depuis des semaines !

– Et tu n'imagines même pas tout ce que Lucius tolère, lâcha-t-il, le nez sur son assiette. Sans parler de l'attirance qu'il éprouve pour Harry...

– Oh !

Sous la surprise, à la fois de la révélation et même de la simple confidence, Matthieu s'arrêta net alors qu'il portait sa fourchette à sa bouche, avant de se reprendre rapidement.

– Oh, ceci dit, je le comprends ! Et ça ne me surprend pas vraiment. Harry est le genre de personne qui ferait tomber n'importe qui sous son charme. Il est à la fois drôle et léger, et en même temps, plus humain que bien des gens que j'ai rencontrés. Et pour couronner le tout, il est plutôt très beau gosse, malgré la quantité de cicatrices qu'il se trimballe !

– Et comment sais-tu qu'il a autant de cicatrices, je te prie ? fit froidement Severus.

– Eh bien, je l'ai vu nu une fois ou deux, quand il a dormi chez moi...

Sous le regard amusé de Matthieu, Severus s'étrangla de rage et d'indignation.

– Pardon ?!

– On était ivres morts, Severus ! se défendit le jeune homme devant l'explosion imminente de son mentor. Je n'ai pas voulu qu'il transplane dans cet état. Il a dormi dans mon lit mais il ne s'est rien passé... Merde ! J'ignorais que tu étais jaloux à ce point ! acheva-t-il en éclatant de rire.

Les autres clients jetèrent un œil surpris sur leur table où il riait toujours tandis que Severus se calmait péniblement. Heureusement que celui-ci n'était pas du genre à sortir sa baguette promptement, sinon il aurait certainement pris un sortilège ou deux pour une révélation pareille !

– Si je n'avais pas été amoureux de mon côté, le taquina Matthieu, j'aurais sans doute regretté que Harry ne soit pas disponible...

Severus ne goûta pas davantage cette nouvelle réflexion, mais au final il ne faisait que souligner que ni lui, ni Harry ne s'étaient jamais sentis libres d'aller voir ailleurs parce que leur cœur était déjà pris. Quand il l'eut compris, Severus se calma et son regard redevint autre chose qu'incendiaire.

– Ceci dit, songea Matthieu à voix haute, si Lucius est attiré par Harry, cela règle votre problème à tous les trois, non ? À moins que tu ne veuilles pas le partager... Et Harry, qu'est-ce qu'il pense de Lucius ?

Severus lui jeta un regard torve. Comment ça, qu'est-ce que Harry pensait de Lucius ? Merlin ! Il ne s'était même jamais posé la question ! Est-ce qu'il était possible que Harry soit également attiré par Lucius ?! À la lumière de cette interrogation, la complicité étonnante entre les deux hommes sauta brusquement au nez de Severus. Il avait toujours cru son compagnon seul responsable de cette proximité et des regards ou des gestes équivoques qu'il avait parfois surpris. Comme lorsqu'il les avait trouvés de retour de la maison d'Andromeda, transplanant dans les bras l'un de l'autre. Il n'avait blâmé que Lucius, mais Harry était-il si innocent de ce rapprochement progressif ?

Harry parlait avec Lucius plus librement et plus facilement qu'il ne le faisait avec lui. De tout, de rien, mais aussi de choses extrêmement personnelles. Ils partageaient presque cette façon muette de se comprendre que Severus partageait avec Lucius, une intuition des sentiments et des pensées de l'autre. Est-ce qu'il était possible que cette connivence aille jusqu'à un désir physique, une attirance qui ne soit pas purement intellectuelle ?

Harry avait longtemps considéré Lucius avec beaucoup de respect, voire une certaine distance polie. Et puis, peu à peu, poussé sans doute par la franchise et l'ouverture d'esprit de Lucius, il s'était fait plus taquin, maniant l'humour et la dérision avec une finesse qui ravissait Lucius et qui lui permettait d'accepter du jeune homme ce qu'il n'aurait accepté de personne d'autre. Tous les deux s'étaient considérablement rapprochés, au point que si on ôtait les moments que Severus passait à dormir avec Harry, Lucius était sans doute celui qui passait le plus de temps avec le jeune homme. Et durant tout ce temps ensemble, était-il possible que Harry ait franchi le pas du geste de trop ? Ou pire... du sentiment ?

Severus déglutit péniblement en repoussant son assiette quasiment pleine et attrapa son verre en regrettant amèrement qu'il n'y ait pas un peu d'alcool dans son cocktail. Matthieu, lui, mangeait tranquillement, inconscient de la tempête qu'il venait de soulever dans son esprit. Il était peut-être au courant de quelque chose, mais Severus ne s'abaisserait pas à le lui demander, ni à simplement suggérer que ses questions aient eu un quelconque impact sur ses pensées.

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– Ceci dit, fit Matthieu quand il eut fini de manger. Ce n'est pas pour ça que je voulais te voir. On approche bientôt de son anniversaire... Tu as prévu quelque chose ?

Severus sursauta, arraché par la voix du jeune homme à ses pensées inquiètes, et à mesure qu'il réalisait ce que Matthieu venait de dire, il se sentit blêmir, cherchant frénétiquement quelle était la date d'aujourd'hui et combien de jours le séparaient encore de l'anniversaire de son amant.

– Merde ! Me dis pas que t'avais oublié ?! Est-ce qu'il t'arrive de penser à autre chose qu'au sexe ?!

– Je ne te permets pas ! claqua-t-il sèchement.

– Je me permets tout seul, merci bien ! répliqua Matthieu avec un air outragé. Parfois tu es d'un nombrilisme ! Bref. Avec Luna et Neville, on voulait organiser un repas, une petite fête ou quelque chose de ce genre... Luna se charge de voir avec Draco, et moi, je devais voir avec toi. Après tout, tu es le principal concerné après Harry. J'imaginais que tu y avais déjà songé...

D'un seul coup, Severus eut envie de se taper la tête contre un mur. Dans son regard, dans sa moue sentencieuse, dans sa façon de le toiser à la limite du mépris, Matthieu le jugeait. Il jugeait son silence, ses oublis coupables, ses manques et son égoïsme, et le pire était qu'il ne pouvait même pas lui donner tort.

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oooooo

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Severus ne savait plus où il en était et il ressentait un besoin impérieux de se poser quelque part pour réfléchir. Il prétexta de devoir rouvrir la Librairie pour l'après-midi pour quitter Matthieu, y retourna pour récupérer Orion qu'il avait emmené aujourd'hui avec lui et transplana à Llewellyn.

La maison lui apporta aussitôt un sentiment d'apaisement bienvenu. Le soleil resplendissait sur la campagne galloise et pour une fois, il s'installa sur la terrasse du jardin, confortablement assis dans un vaste fauteuil qui tenait presque du canapé, un verre de whisky à la main. Orion s'était éloigné pour chasser les sauterelles et se rouler dans l'herbe mais il ne lui fallut que quelques instants pour se lasser et revenir se coucher sur ses genoux, ravi de pouvoir lézarder paresseusement au soleil. La vie de ce chat était idyllique au possible et Severus envia sa sérénité alors que sa propre vie lui paraissait fébrile et tumultueuse, pleine de questionnements insolubles et d'hésitations. Et la fatigue rajoutait sans doute à ses incertitudes...

Il avait mal dormi cette nuit, sans doute pas plus de deux heures au total, hachées, entrecoupées par les mouvements et les fréquents réveils de Harry. Comme cela lui arrivait parfois quand quelque chose le tourmentait, le jeune homme connaissait ces jours-ci une période de nuits agitées où il ne cessait de bouger, de se débattre, de marmonner des paroles incompréhensibles dans une langue étrangère, jusqu'à parfois crier et pleurer dans ses cauchemars les plus vifs. Longtemps, Severus avait cru à des résurgences de rêves liés à la guerre jusqu'à ce que Harry lui parle d'Axaya, et depuis, il reconnaissait de temps à autre le prénom de l'enfant dans ce dialecte étrange, répété parfois comme une litanie suppliante.

À son réveil, Harry ne se souvenait de rien, et se levait même plutôt guilleret, voire lubrique, comme si ces cauchemars de la nuit lui permettaient d'exorciser ses souvenirs et de mieux les enfouir le reste du temps. Severus avait renoncé à lui en parler, peu désireux de soulever à nouveau cette question de l'enfant disparu. Il se contentait de tenter de l'apaiser, de le prendre dans ses bras, de l'entourer du mieux qu'il pouvait, de l'enlacer puisque cela semblait le calmer, mais il se sentait souvent impuissant et démuni. Il n'avait simplement pas assez de bras, de mains, pas assez de son corps pour l'étreindre et l'envelopper. Et cette nuit avait été particulièrement horrible, au point qu'il avait fini par étendre Harry sur le ventre, les bras repliés sous son torse, et s'allonger sur lui pour mieux le contenir de toute sa présence. Sous son poids, Harry avait fini par se laisser aller dans un sommeil plus paisible... Et comme à son habitude, au réveil, il ne s'était souvenu de rien et l'indécence avec laquelle il avait exprimé son désir à Severus le faisait encore sourire de manière lubrique.

Harry restait un mystère à ses yeux. Parfois, Severus avait l'impression d'avoir affaire à deux personnes différentes. D'une part, il y avait le sorcier, le maître en potions et en botanique, réputé pour ses connaissances et son expérience, et dont la puissance de la magie, pour lui qui l'avait expérimentée en duel, était terrifiante. Mayahuel ne mentait pas lorsqu'elle disait que cette magie qu'il avait héritée des Premiers-Nés dépassait de loin ce dont n'importe quel sorcier était capable. Même Harry ne mesurait sans doute pas complètement son ampleur.

Et de l'autre côté, il y avait l'homme qui contenait cette magie. Un homme de chair et d'os, fragile, imparfait. Un homme vif et taquin mais fait de blessures, de cicatrices et de deuils. Celui-là même qu'il serrait désespérément dans ses bras la nuit, et à qui il avait l'impression de ne jamais donner assez d'amour, assez de tendresse, à qui il avait l'impression de ne jamais suffire.

Est-ce que c'était cela que Harry allait chercher auprès de Lucius ? Une présence supplémentaire, de l'attention, de l'affection... parce que Severus n'était pas capable de le combler à lui tout seul ?

Même si Harry ne l'avait jamais clairement exprimé, Severus ne doutait pas de ses sentiments à son égard, et encore moins de son désir. Il avait confiance en lui, et contrairement à cette peur immédiate qu'il avait ressentie pendant sa conversation avec Matthieu, le jeune homme n'aurait jamais couché avec Lucius en le trahissant de la sorte. Mais ça ne signifiait pas qu'il n'en avait pas envie, et plus encore, qu'il n'avait pas besoin de plus que Severus ne pouvait lui donner.

Sur ses genoux, Orion leva brusquement la tête, attentif à l'oiseau venu se poser sur les marches qui descendaient vers le jardin. L'imprudent sautillait sur le carrelage de la terrasse, inconscient du prédateur qui ne le quittait pas du regard. Mais Orion était ce qu'il était, un chat de canapé, plus paresseux que vorace, et il reposa mollement sa tête sur ses pattes en bâillant. La nonchalance de son chat fit sourire Severus et il passa délicieusement sa main dans la fourrure brune.

Qu'est ce qu'il ressentirait au juste si Harry et Lucius partageaient plus que de simples conversations ? S'ils s'embrassaient ? S'ils se touchaient ? Si Lucius faisait l'amour à ce corps que lui seul connaissait jusqu'à présent ?

À l'image sulfureuse qui naissait dans son esprit, Severus sentit une vague de fourmillements parcourir son ventre et son entrejambe, puis une bouffée d'adrénaline qui circula longtemps dans son corps.

En fermant les yeux pour se reprendre, ou juste pour savourer cette montée de désir, il songea à son compagnon. Il connaissait Lucius. Il savait quel partenaire il était, aussi bien au quotidien que sexuellement, il savait la façon dont Lucius était capable d'être attentif à l'autre, sa bienveillance, son respect et sa générosité. Pour avoir autrefois rencontré et discuté avec certains de ses amants, il savait que Lucius était comme ça avec tous, soucieux de leur bien-être, attaché à donner autant de plaisir qu'il en recevait. Et même lorsqu'il infligeait à Severus ce plaisir qu'il tirait de la douleur, il restait toujours attentif à ses réactions, il ne se laissait jamais emporter par son pouvoir, et par sa présence continuelle et rassurante, il lui permettait de revenir en douceur de ces états seconds dans lesquels Severus basculait parfois.

Sean lui avait dit sensiblement la même chose, un jour... Severus avait croisé un des mignons de Lucius par hasard, en le rejoignant lors d'un sommet pour dîner avec lui. Alors que Lucius était accaparé par une réunion de dernière minute, il avait pris un verre au bar avec le jeune homme dont il avait bien senti à quel point il était épris de son compagnon.

« Tu as de la chance » avait-il dit. « J'ai rarement vu un homme comme lui... Même avec nous, qui ne sommes que des gigolos. Débrouillards, rusés et habiles dans les arcanes du pouvoir mais des gigolos. La plupart des autres hommes ne nous utilisent que comme des vide-couilles. Ils prennent, ils jettent, ils se moquent d'être violents, de faire mal ou de nous humilier. Ils payent pour un cul, ils veulent jouir. Autant de fois qu'ils en ont envie. Et si tu t'avises de te plaindre ou de finir en larmes d'épuisement ou de douleur, la seule chose que tu ramasses, c'est une claque. Ou plusieurs, jusqu'à ce que tu te taises et que tu les suces correctement... Certains sont plus respectueux, mais ils sont rares. Et Lucius... » Les yeux du jeune homme s'étaient mis à briller et sa voix émue avait tremblé légèrement en ajoutant « Lucius ne nous baise pas, il nous fait l'amour. Il nous embrasse. Il nous caresse. Il nous fait jouir. C'est le seul de tous ces hommes qui m'ait jamais sucé, et Merlin sait qu'il le fait mieux que personne ! Et avec toi, j'imagine qu'il est encore plus doux et plus tendre... »

Si... si Harry devait un jour partager le lit d'un autre homme, il ne pouvait rêver meilleur partenaire pour lui que Lucius.

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Severus soupira en réalisant ce qu'il venait de penser. Ouvrant les yeux sur le ciel lumineux parcouru de quelques nuages de coton, il comprit qu'il venait de renoncer. Renoncer à n'être qu'un pour Harry, à être le seul, puisqu'il ne pouvait lui donner ni assez de temps, ni assez d'amour. Sa jalousie maladive avait fait place à une amertume un peu lasse, une douleur sourde de ne pas réussir à le combler comme il le méritait. Mais il aurait beau faire, il ne suffirait jamais à épuiser chez Harry ce manque insatiable qui remontait sans doute aux débuts de sa vie.

Après être resté si longtemps les yeux fermés, les couleurs lui semblaient criardes, trop lumineuses. Le vert de l'herbe du jardin, la blancheur aveuglante de la terrasse... Il se rendit compte brusquement que son dos ruisselait et une goutte de sueur roula le long de sa tempe, sans parler d'Orion sur ses genoux qui se moquait royalement de la chaleur mais qui lui tenait plus chaud encore.

Il allait rentrer. Il allait rentrer et prendre une douche et aller voir Lucius. Parce qu'il lui manquait, terriblement, comme s'il lui manquait de l'air pour respirer. Sa peau lui manquait, son regard, ses lèvres, ses baisers, ses mains sur son corps, son amour, son souffle dans son cou, sa présence auprès de lui, sa douceur et sa violence mesurée, son sexe en lui ou dans sa bouche, sa tendresse après l'amour...

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À son arrivée au Manoir, Severus fut surpris de ne trouver que le silence. Harry n'était pas encore revenu de Sainte-Mangouste, et, plus étonnamment, Lucius était absent, en rendez-vous au Ministère selon les elfes de maison. À présent qu'il était prêt à se réconcilier avec son compagnon, et même impatient de le faire, Severus se retrouvait le bec dans l'eau, à tourner en rond dans son bureau en attendant le retour des hommes de sa vie. Cette ironie du sort le fit sourire mais c'était une piètre punition pour son attitude ces derniers temps.

Finalement, Lucius rentra très tard, alors qu'ils étaient déjà en train de dîner, une épaisse liasse de dossiers sous le bras qu'il fila poser dans son bureau avant de les rejoindre.

– Désolé de mon retard, s'excusa-t-il en s'asseyant à sa place en bout de table. Une réunion qui n'en finissait pas...

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Quand Severus referma derrière lui la porte de la chambre de Harry et s'y adossa, le jeune homme avait déjà enlevé sa chemise qu'il avait négligemment jetée sur un fauteuil. Rapidement, son pantalon suivit le même chemin et Harry se retrouva nu comme un ver, impudique à souhait et absolument pas conscient de la torture qu'il faisait subir à Severus. Il se mordit les lèvres, vaguement coupable d'avoir à refuser le plaisir que ce corps nu lui faisait miroiter.

Lucius était rentré bien trop tard pour qu'il puisse lui parler seul à seul, et si Severus devait aussi aborder certains sujets avec Harry, ce ne serait qu'une fois réconcilié avec son compagnon. Et pour cela, il lui fallait aller le trouver.

Harry finit par se rendre compte de son immobilité et s'approcha avec une démarche ondulante et un regard étincelant de désir. Se collant contre lui, il entreprit de défaire lentement la ceinture qui fermait son kimono, tout en aventurant entre ses lèvres une langue audacieuse qui ne demandait qu'à danser avec la sienne.

Severus lui rendit instinctivement son baiser, sentant le sexe dur de Harry se presser contre sa cuisse, puis il saisit ses poignets pour l'empêcher de faire glisser le kimono le long de ses épaules. Merlin ! Quel sacrifice que de renoncer à cela !

– Arrête, s'il-te-plaît. Est-ce que... est-ce que ça t'ennuie si je vais dormir avec Lucius ce soir ?

Harry s'interrompit, surpris, et se recula légèrement pour le reconsidérer. Devant le regard interloqué de son amant, Severus leva la main pour se pincer l'arête du nez en soupirant. La maladresse de ses paroles était évidente mais il ne voyait pas d'autres moyens de dire cela, et il estimait pourtant devoir une explication à Harry.

– Dormir avec Lucius ?! Severus, je...

Avant qu'il n'ait compris quoi que ce soit, Harry l'embrassait avec fougue puis le relâcha tout aussitôt.

– Severus, sincèrement, j'en serais ravi. Vraiment ravi. Pas que je veuille me débarrasser de toi, bien au contraire, mais ça fait tellement longtemps que Lucius attend ça ! Et moi aussi...

Severus plongea son regard dans ces yeux verts qui ne mentaient pas et il sentit une intense bouffée de joie, de gratitude et de soulagement s'échapper de la magie de Harry. Immédiatement suivie par un brusque effroi.

– Tu ne vas pas faire quelque chose d'irrémédiable au moins ?!

– Bien sûr que non. Mais j'ai besoin de lui parler. Et de le retrouver...

Le soulagement revint dans l'aura qui enveloppait Harry et le jeune homme vint glisser ses bras autour de sa taille, l'embrassa sur le torse et leva un visage serein vers lui.

– Alors va le retrouver. J'en suis heureux pour vous deux.

– Et qu'est-ce que tu vas faire de ça ? sourit Severus en baissant les yeux vers le sexe à demi dressé de Harry.

– Je vais me la coller derrière l'oreille en attendant demain, ricana-t-il. Ou bien me servir de ma main droite en imaginant ce que Lucius va te faire après tant de temps !

– Tu es incorrigible !

– Et complètement entiché de toi ! Je t'aime. Va le rejoindre.

Severus était encore si subjugué par les mots qu'il venait d'entendre qu'il ne réalisa même pas que Harry déposait un baiser sur ses lèvres, refermait son kimono en nouant sa ceinture, avant de littéralement le faire sortir de sa chambre.

– Et passez une bonne nuit, hein ! murmura-t-il en souriant.

La sincérité de Harry était évidente, et rien que pour ça, Severus eut encore plus de mal à le quitter. Heureusement que le jeune homme l'avait presque poussé dehors, sinon il serait sans doute resté pour le remercier de cette réaction si spontanée et si... humaine. Et pour l'obliger à répéter encore et encore ces mots qu'il avait attendus si longtemps.

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Devant la chambre de son compagnon, Severus hésita un instant, conscient de l'enjeu qui se jouait maintenant, mais Lucius lui manquait trop pour qu'il tergiverse bien longtemps. Il ouvrit la porte sur la pièce plongée dans l'obscurité, partagé entre l'espoir, l'excitation de le retrouver et malgré tout, une angoisse sourde d'être rejeté.

Il connaissait la chambre par cœur et il n'eut pas besoin de lumière pour se diriger vers le lit, quitter son kimono et se glisser entre les draps. Le parfum de Lucius lui sauta brusquement au nez, comblant un manque comme s'il avait été privé de sa dose de drogue, et cette simple odeur l'enivra de bonheur. C'était comme rentrer chez soi, se sentir enfin à sa place, retrouver la familiarité du lieu où il faut être.

Lucius ne dormait pas, assurément, mais il n'avait pas esquissé un geste, ni réagi à sa présence. Il avait simplement tourné son visage vers Severus qui restait à une distance prudente, allongé sur le côté, incertain de ce qu'il allait dire ou faire.

– Luce, je...

Severus sentit un doigt se poser sur ses lèvres, l'enjoignant à ne pas se justifier, ni s'excuser. Lucius savait pourquoi il avait agi ainsi ces derniers temps, il le comprenait. Le pardonner était en revanche une autre histoire, mais il n'avait certainement pas besoin d'explications.

Severus saisit cette main qui l'empêchait de parler, et ce premier contact hésitant le fit frissonner. Il fit glisser la main de son compagnon le long de sa gorge, sur son torse, son ventre, jusqu'à s'immobiliser sur sa hanche. Lucius avait suivi son mouvement de bonne grâce, sans résister ou vouloir retirer sa main et c'était déjà un signe d'acceptation.

– Je suppose que tu as envie de sexe...

Dans l'obscurité qui lui cachait le visage et le regard de son compagnon, Lucius écarquilla les yeux de surprise. Il avait senti, en parcourant le corps de Severus, guidé par sa main, son entière nudité. C'était étonnant et il se demanda brusquement si Severus avait pris cette habitude avec Harry, qui lui, se plaisait à dormir et parfois vivre dans le plus simple appareil, ou si c'était une façon de lui montrer sa complète disponibilité.

– J'ai envie de bien des choses, Severus... mais ce n'est pas celle-là qui m'a manqué le plus.

Agrippant la taille de son compagnon, Lucius l'attira vers lui et le prit dans ses bras. Severus ne résista pas à son geste impérieux. Avec un soulagement et un besoin évident, il vint se lover contre lui, une jambe par dessus les siennes et son visage posé sur son épaule, presque niché dans son cou, le nez dans ses cheveux.

Severus ne le saurait jamais, mais il souriait, heureux, enfin rasséréné par la présence de son compagnon. Lucius ne savait pas ce qui avait causé ce rapprochement soudain. Même s'il avait senti Severus s'adoucir ces derniers jours, être plus prévenant et moins sarcastique, il ignorait quel était l'élément déclencheur de ce revirement qu'il désespérait de voir arriver. Peu importait, au fond. Seul le résultat comptait, et ce résultat était rien de moins que le corps chaud de son mari allongé contre lui et dans ses bras en toute confiance.

En fermant ses yeux sur l'obscurité, il savoura ce bonheur si anodin et si précieux. La respiration de Severus était calme, profonde, apaisée. Le relâchement progressif de ses membres montrait qu'il glissait rapidement dans le sommeil. Lucius resserra un peu plus son étreinte autour de son compagnon, appréciant son abandon et la douceur de sa peau.

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En réalité, il aurait bien voulu partager un peu de sexe avec Severus pour soulager sa frustration. Jamais il n'était resté si longtemps sans contact physique et sans rapport sexuel. Hormis sa nuit avec Mark, il avait dû se contenter de subir et d'attendre patiemment que ses érections s'estompent d'elles-mêmes, de se rendormir longtemps après avoir été réveillé par des rêves trop érotiques, et de gérer l'irritabilité que faisait naître son manque. Et ce n'était pas les deux ou trois fois où il avait pris Harry dans ses bras qui l'avaient soulagé, bien au contraire.

Il aurait pu, depuis longtemps, aller voir ailleurs et combler sa frustration par n'importe quel corps, mais il n'avait pas voulu s'abaisser à ça. Pas plus qu'il ne voulait ce soir user ainsi de Severus. Si la situation avait été normale entre eux, il ne se serait pas privé, comme cela lui arrivait parfois, de le réveiller pour lui faire l'amour. Ou de commencer à le caresser dans son sommeil, jusqu'à des endroits pour le moins intimes, jusqu'à le pénétrer tandis que Severus s'éveillait en souriant. Il aimait particulièrement quand Lucius lui faisait l'amour dans les brumes d'un demi-sommeil, quand les caresses de ses rêves rejoignaient celles de la réalité et quand il quittait la quiétude de la nuit pour basculer dans le plaisir et la jouissance.

Mais cette nuit, Lucius ne voulait pas précipiter les choses. Il préférait attendre, quitte à augmenter encore d'un cran son degré de frustration. Et pourtant la tentation était grande de prendre la main de Severus endormi pour la faire glisser sur son corps jusqu'à son sexe qui ne demandait qu'à durcir encore davantage. Mais il voulait que cette envie vienne de Severus lui-même, il voulait que son compagnon initie ce rapprochement ultime, signe que cette parenthèse douloureuse dans leur relation était terminée.

Lucius ne doutait pas qu'un jour Severus serait sans doute revenu vers lui. Ne serait-ce que parce qu'il n'aurait jamais osé demander à Harry le genre de séances qu'ils avaient régulièrement dans l'antichambre. Par pudeur, discrétion ou simplement parce qu'il sentait intuitivement que ces pratiques ne correspondaient pas à son amant. Harry était incapable d'infliger une quelconque douleur à Severus, quand bien même il savait le plaisir qu'il en tirait. Et cela faisait suffisamment longtemps que Severus n'avait pas connu ce plaisir-là pour que Lucius soit certain qu'il finisse par le traîner dans l'antichambre.

Il ne s'en plaindrait certainement pas... mais cela devait venir de Severus. Peut-être était-ce aussi une façon différente de se venger, maintenant qu'il savait son compagnon de retour auprès de lui ? Le pousser jusque dans ses retranchements pour que Severus lui demande de l'attention, du sexe, de la douleur, pour qu'il le supplie de lui accorder cette jouissance-là que Harry ne lui offrirait jamais. Lucius frissonna en anticipant ce plaisir. Merlin ! Quand Severus en serait là, il allait souffrir !

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En se glissant hors du lit, Severus songea à Harry, seul dans le sien. Le jeune homme avait dû trouver la nuit bien longue. Entre son sommeil agité, le désir inassouvi sur lequel Severus l'avait laissé la veille au soir et son inquiétude quant à ce qui se passait entre Lucius et lui, il le pensait encore en train de dormir.

Mais lorsqu'il pénétra dans la rotonde au petit matin, le jeune homme était déjà là, immergé dans la piscine comme dans un bain, à demi assoupi dans l'eau chaude.

– Alors ? fit Severus à son oreille. Main droite ou abstinence et frustration ?

Harry ouvrit les yeux en souriant tandis que Severus se glissait dans la piscine à ses côtés.

– Ni l'un, ni l'autre ! Je suis allé dormir dans ma forêt pour évacuer toute cette énergie sexuelle inemployée !

– Quel gâchis ! ricana Severus en savourant la chaleur de l'eau.

Depuis que Harry avait soudoyé les elfes pour qu'ils fassent monter la température de la piscine, il avait de plus en plus de mal à ne pas en profiter simplement pour se détendre, comme le faisait le jeune homme.

– Et toi ? fit Harry avec un sourire malicieux. Tu as passé une bonne nuit avec Lucius ? J'ai parié pour une position très classique, toi en dessous sur le dos et lui au-dessus...

– Tu aurais perdu dans tous les cas. Nous n'avons fait que dormir ensemble.

Harry fronça les sourcils, surpris de cette information et presque inquiet malgré le sourire rassurant de son amant.

– Comment ça se fait ? Est-ce que... tout va bien ?

– Tout ira bien, oui, ne t'inquiète pas. Il faut simplement un peu de temps pour que tout revienne à la normale...

Le visage toujours soucieux, Harry se déplaça légèrement pour venir glisser ses bras autour de sa taille et plonger son regard dans le sien.

– Tu es sûr ? Je ne veux pas que ça recommence encore...

– Je connais Lucius, assura Severus. Je sais que ça ira. Mais on a besoin de se retrouver autrement avant... Il n'y a pas que le sexe dans la vie !

– Et c'est toi qui dis ça ?! ricana Harry en se collant un peu plus contre lui. Mais alors, si tu es frais et dispo, on peut peut-être en profiter tous les deux...

– Je croyais que tu avais évacué toute ton énergie dans la forêt ? fit Severus avec un sourire retors.

– Il m'en reste bien assez pour te faire l'amour jusqu'à ce que tu partes pour la Librairie !

– Fais d'abord tes trois kilomètres de nage et on verra après s'il t'en reste assez !

Sans se soucier de Harry qui l'enlaçait toujours, Severus donna une impulsion des pieds contre la paroi de la piscine et plongea pour attaquer sa séance de natation. Le jeune homme le lâcha dès qu'il eut la tête sous l'eau et il le vit remonter quelques instants plus tard, ébrouant ses cheveux longs en lui promettant une vengeance à la hauteur de sa frustration.

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Après la piscine, Severus hésita à prendre sa douche et se préparer dans sa propre chambre comme il le faisait ces derniers temps, mais il ne voulait pas aller au travail sans avoir revu Lucius. Cette impression de partir à la sauvette ne lui plaisait pas du tout et il tenait à affronter son regard et ses paroles.

La lumière du jour filtrait largement à travers les rideaux quand il pénétra dans la chambre, mais Lucius dormait toujours. Severus avait perdu l'habitude de retrouver son compagnon encore endormi alors que chaque matin, il réveillait Harry d'une manière ou d'une autre pour l'accompagner à la piscine. Lucius, lui, avait besoin de dormir davantage et il n'était pas question de le réveiller avant sept heures du matin.

Il s'avança donc dans la salle de bains, quitta le peignoir qu'il avait enfilé en sortant de la piscine et se glissa sous la douche en s'imprégnant avec ravissement de ces odeurs qui finalement lui avaient manqué : le gel douche de Lucius, son shampoing, son parfum qui flottait dans l'air même en son absence... Toutes ces odeurs faisaient partie de lui et Severus avait l'impression de se tenir contre son torse rien qu'en inspirant à pleins poumons.

Une fois prêt, il s'approcha du lit et s'assit à côté du corps alangui de son compagnon dont les cheveux blonds sur l'oreiller formaient une corolle dorée autour de sa tête. Lucius avait les yeux ouverts, sans doute depuis un moment à le regarder s'habiller, et il souriait tranquillement.

– Embrasse-moi ! réclama-t-il.

Severus sourit devant cet ordre tyrannique et se pencha lentement vers le visage de son compagnon. Peut-être même faisait-il intentionnellement durer le plaisir... cette petite attente supplémentaire pour se faire désirer après des semaines sans le moindre contact.

Lucius dut trouver qu'il ne répondait pas assez vite à ses exigences et il saisit sa nuque, l'attirant brusquement vers lui jusqu'à sentir ses lèvres sur les siennes.

Merlin ! C'était si bon ! Severus frissonna sous la sensation voluptueuse qu'il retrouvait avec le même plaisir qu'au premier jour. La bouche de Lucius était impatiente, avide, et leurs langues reprirent instinctivement la danse qu'elles menaient ensemble depuis tant d'années. Des fourmillements délicieux parcoururent son ventre, vifs, piquants, qui se répandaient dans tout son corps comme une décharge électrique, le même genre de brûlure que lorsqu'il avait embrassé Harry les premières fois.

Lucius ne le relâchait pas, réclamant son dû, et leur baiser se poursuivait avec une intensité inédite. Severus avait dû fermer les yeux depuis bien longtemps, pris dans des sensations enivrantes qui lui faisaient tourner la tête.

Et cette main sur sa nuque, impérieuse. Lucius savait très bien le pouvoir érotique que ce geste avait sur lui. Il ne faisait que l'embrasser, sans le toucher davantage, sans le caresser, mais Severus ressentait la même ardeur et la même effervescence dans son corps que lorsque Harry usait de sa magie sur lui : il s'embrasait.

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À quel moment avait-il glissé sa main dans l'échancrure du pyjama de Lucius ? À quel moment s'était-il légèrement relevé pour tirer sur le drap qui les séparait ? À quel moment ses doigts s'étaient-ils faufilés sous le tissu de soie pour effleurer le ventre de Lucius ? À quel moment s'était-il perdu dans le désir ?

Sous son poignet, Severus sentit brusquement le sexe tendu de Lucius, encore prisonnier sous l'étoffe de son pantalon de pyjama. Sans même y réfléchir, il posa sa main dessus, percevant sa fermeté, ses proportions, la légère crispation du ventre de Lucius à ce contact si charnel.

Incapable de résister à son désir, Severus délaissa les lèvres de son compagnon pour redécouvrir ce trésor qu'il libéra de sa prison de soie. Le sexe de Lucius, gorgé de sang et d'impatience, frémit en se redressant complètement. Severus avait oublié, il avait oublié sa longueur, sa beauté, la veine unique et rectiligne qui le parcourait, la douceur de cette peau tout autour, veloutée, qu'il ne put s'empêcher de caresser du bout de sa langue. La toison crépue de Harry ne le gênait pas mais cette douceur était un appel à la gourmandise.

Descendant le long de son aine, sa langue rencontra le sexe tendu de Lucius et le parcourut lentement jusqu'à englober dans sa bouche le gland soyeux, tandis que ses mains se perdaient sur le ventre et les bourses de son compagnon. Merlin ! Cela lui avait manqué tout autant que les baisers de Lucius, autant que son parfum ou son regard fébrile. Pour l'heure, Lucius avait dû fermer les yeux, savourant l'étroitesse de sa bouche et les caresses de sa langue, mais Severus ne voulut pas relever la tête pour s'en assurer.

Il savait comment Lucius aimait qu'il le suce, loin, profondément, jusqu'à s'enfoncer dans sa gorge, jusqu'à ce qu'il ait pris tout son sexe dans sa bouche, jusqu'à la garde et pouvoir poser ses lèvres sur sa peau. Severus s'y employa avec passion. Dans ses cheveux, il sentit les mains de Lucius, pressant sa tête pour qu'il l'avale toujours plus profond, et son bassin qui se relevait pour s'enfoncer dans cet espace confiné qui lui donnait toujours plus de sensations.

Puis Lucius se calma, retira ses mains et se laissa sucer comme Severus en avait envie, plus légèrement, jusqu'à ce qu'il ait davantage envie d'embrasser les lèvres de son compagnon que de sucer son sexe. La bouche de Lucius l'accueillit avec le même plaisir que quelques minutes plus tôt, mais Severus en voulait bien plus. Il brûlait de l'intérieur, parcouru de flambées de désir qui bouillonnaient sous sa peau et dans son ventre. Il voulait que Lucius le touche, il voulait ses mains sur lui, il voulait leurs peaux l'une contre l'autre, il voulait que Lucius le pénètre, le prenne, violemment et jusqu'au fin fond de son corps.

Severus se redressa légèrement, haletant, et sans doute les joues plus rouges qu'il ne les avait eues depuis longtemps.

– Si tu en veux davantage, sourit Lucius, il va falloir te déshabiller...

Il devait aller travailler, il était douché, habillé de pied en cap, mais Severus se savait perdu, et avant même de le réaliser, ses doigts déboutonnaient déjà sa chemise.

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Il ne fallut pas longtemps pour qu'ils se retrouvent nus tous les deux, Lucius prenant un malin plaisir à se laisser déshabiller sans esquisser le moindre geste. Mais lorsque les mains de son compagnon touchèrent sa peau pour la première fois, Severus s'embrasa encore davantage et il gémit outrageusement, se mordant la lèvre pour ne pas supplier.

Lucius se redressa enfin, le renversant sur le lit pour le surplomber avec un sourire triomphant. Et ravir à nouveau sa bouche de manière plus autoritaire que jamais.

Severus sentit la fraîcheur d'un sort de lubrification mais Lucius ne s'embarrassa d'aucun autre geste pour l'exciter ou le préparer. Il n'avait de toute façon pas besoin de quoi que ce soit; il avait rarement attendu avec autant d'impatience que Lucius ou Harry le pénètrent et il n'était pas question de douceur, de lenteur ou de délicatesse.

Le râle qu'il émit lorsque Lucius fut enfin en lui valait sans doute toutes les suppliques qu'il aurait pu gémir.

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Lucius, au-dessus de lui, ne mit pas très longtemps à atteindre l'orgasme, bien moins qu'à son habitude, et il n'y avait sans doute qu'à cela, et la véhémence de ses coups de reins que Severus pouvait deviner à quel point il avait été en manque de sexe.

Tandis que Lucius achevait de se déverser en lui, enfoncé aussi loin qu'il l'avait été dans sa bouche tout à l'heure, Severus admirait le visage de son compagnon, figé sur une expression de plaisir qui tenait presque d'un masque de douleur. Lucius avait été virulent dans sa façon de le prendre, et si Severus avait rarement eu mal pendant un rapport sexuel avec son compagnon, cette fois, il en avait été proche, mais il avait presque souhaité cette douleur-là, aux confins du plaisir, quand Lucius le prenait si loin que ses coups de reins résonnaient dans tout son ventre.

Malgré tout, et bien qu'il se soit masturbé pendant que Lucius s'enfonçait en lui, Severus n'avait pas joui, mais cela n'avait pas d'importance. Il était tout aussi épuisé que son compagnon, en sueur et plus essoufflé qu'après une heure de natation, avec l'impression délicieuse qu'un troupeau d'hippogriffes venait de lui passer dessus.

Quand Lucius eut repris ses esprits et sa respiration, il se retira en douceur de son corps malmené et se glissa à genoux entre ses jambes largement ouvertes. Les longs cheveux blonds vinrent effleurer le ventre de Severus avant que la langue de Lucius ne s'enroule autour de son sexe encore tendu. Cette bouche-là était le palais des délices, un endroit de plaisir et de jouissance absolue et Severus se cambra à la recherche d'un orgasme que Lucius ne lui délivrerait que lorsqu'il l'aurait décidé.

Il gémit piteusement, affamé de ce plaisir insaisissable, et plus encore quand Lucius insinua deux longs doigts à travers son anus lubrifié de sperme pour venir le caresser de l'intérieur. Cette sensation au-dedans de lui et celle de la bouche de Lucius autour de son sexe, lui semblaient une torture si délicieuse et si extatique que rien d'autre ne comptait autour de lui. Le monde n'existait plus au-delà de cette langue qui caressait son gland suintant de bonheur, au-delà de ces lèvres serrées autour de son membre plus gonflé que jamais, au-delà de ces doigts qui s'enfonçaient en lui, toujours plus nombreux, jusqu'à ce qu'il vienne dans un presque sanglot de délivrance, le corps secoué de spasmes pour mieux se déverser dans cette bouche divine, et son esprit un instant effacé par la puissance de l'orgasme.

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Severus mit un certain temps à retrouver une conscience claire, étendu le long du corps de Lucius, à demi allongé sur lui, savourant le plaisir qui s'atténuait et l'état de quiétude qui suivait la jouissance.

Merlin ! Même s'il s'était privé pendant des semaines de tout contact avec Lucius et que cela lui avait terriblement manqué, pour le même orgasme, il était prêt à recommencer ! Il savait qu'il ne le ferait pas pour autant, mais par les couilles de Salazar, qu'est-ce que ça avait été bon ! Il lui tardait de retourner dans l'antichambre pour voir si ce plaisir-là, après une si longue attente, serait aussi somptueux et renversant.

– Je crois que tu es bon pour reprendre une douche ! sourit Lucius.

– Quelle heure est-il ? fit Severus en redressant la tête avant de geindre en avisant la pendule sur la cheminée. J'ai un rendez-vous à la Librairie à huit heures !

– Alors, ou tu seras en retard, ou tu passeras la journée en sentant le sexe à plein nez !

– Je ne suis jamais en retard ! grogna Severus en s'arrachant à regret au corps de Lucius.

Il attrapa la baguette de son compagnon qui traînait sur sa table de nuit, se lança un sortilège de nettoyage et se rhabilla à la hâte sous son sourire moqueur. Il lui restait cinq minutes pour avaler un café et sortir du Manoir pour transplaner à la Librairie !

– En tout cas, dis-toi bien une chose, gronda Severus en passant la main dans ses cheveux pour se recoiffer. C'est la dernière, dernière fois que je te vois mettre un pyjama pour dormir ! Fut-il en soie !

– Alors c'est vraiment devenu une habitude ! ricana Lucius tandis que Severus disparaissait sans même refermer la porte.

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Il s'engouffra dans l'escalier en colimaçon et descendit les marches à la volée pour rejoindre la Salle à Manger où Harry terminait tranquillement son petit-déjeuner. Severus se versa un fond de café tout en attrapant deux viennoiseries françaises à grignoter à la Librairie.

– Tu as été bien long pour prendre une douche et enfiler un pantalon et une chemise !

Le regard de Harry brillait de malice et il affichait un sourire contenu mais délicieusement moqueur.

– Pas de commentaire, je te prie ! fit Severus en se penchant pour l'embrasser rapidement. Je file ! À ce soir.

– En tout cas, je suis ravi de voir qu'il ne vous a pas fallu tant de temps que ça pour vous retrouver !

En traversant le Hall d'entrée du Manoir, Severus entendait encore le rire du jeune homme et pour la première fois depuis longtemps, il se sentit pleinement heureux.

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– Tu n'es pas encore parti à Sainte-Mangouste ? s'étonna Lucius en pénétrant dans la Salle à Manger.

Assis à sa place habituelle, Harry sirotait une tasse de thé en parcourant les journaux dont il avait habituellement la primeur. Lucius avait pris le temps de prendre une douche et de s'habiller élégamment en prévision de ses rendez-vous avant de descendre, et après ses galipettes avec Severus il était certainement bien tard, mais Harry était toujours là, tranquillement installé et qui le regardait avec un air malicieux.

– Vous me chassez ?

– J'espérais réussir à esquiver ton petit sourire ironique...

– Et moi je voulais voir dans votre regard la certitude que tout allait bien. Et maintenant, je peux y aller.

Harry termina sa tasse de thé et se leva avec un sourire éclatant, soulagé de la confirmation que lui apportait le simple regard de Lucius. Severus n'avait pas menti. Pas que Harry en doutât, mais il voulait être sûr que Lucius voyait bien les choses de la même manière et que les deux hommes se soient bien réconciliés. Et il connaissait bien ce regard triomphant et fier qu'arborait malgré lui l'aristocrate, le même qu'après une nuit endiablée avec son compagnon ou un passage dans l'antichambre.

– J'espère qu'à présent, cela va diminuer vos appétits à mon égard ! ricana-t-il.

– À ta place, je n'en serais pas si sûr, fit Lucius en portant sa tasse de thé à ses lèvres.

Il semblait imperturbable, mais dans les yeux gris qui le fixaient au-dessus de la porcelaine, Harry pouvait voir une lueur de concupiscence pure, et ce regard-là voulait dire « Je t'allongerais bien là, tout de suite, sur la table, pour voir si j'arrive à te faire crier plus fort que Severus ». Il éclata de rire tandis qu'un léger sourire apparaissait sur les lèvres de Lucius.

– En tout cas, je suis heureux pour vous deux, fit Harry en posant sa main sur son épaule. Et je ne désespère pas qu'un jour, les choses puissent aller encore mieux...

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Merci à tous d'être encore là. J'espère que leurs retrouvailles vous ont donné le sourire :)

Dans le prochain chapitre, chacun prépare l'anniversaire de Harry et la relation entre Lucius et Severus se remet en place lentement

Au plaisir

La vieille aux chats