Résumé: Au retour du dernier match des Harpies et après une nuit passée à danser avec Alicia, Harry est témoin par inadvertance d'une dispute entre Severus et Lucius, où celui-ci avoue à nouveau son désir et sa fascination pour lui. Il en est bouleversé et cela génère quelques tensions avec son amant. Plus tard, au cours d'un déjeuner avec Matthieu, Severus se voit mis en face de ses contradictions et de ses insuffisances ; il en vient à réfléchir à leur situation et à comprendre que, peut-être, Harry a besoin de plus d'attention qu'il ne peut lui en donner. Parallèlement, il amorce une réconciliation avec Lucius, ce qui lui vaut la première vraie déclaration d'amour de Harry.

à Mushu: Merci beaucoup pour ton très gentil commentaire! Je suis contente que tu en sois venu à apprécier Lucius au fil de l'histoire! C'était un de mes objectifs premiers en écrivant: que chaque personnage soit assez réel, assez "épais", riche de son histoire et de son passé, et qu'on comprenne suffisamment ses motivations pour excuser parfois ses réactions, même si elles paraissent brutales et inappropriées... Et qu'on en vienne à les aimer tous :) J'espère en tout cas que tu continueras à les apprécier jusqu'à la fin...

Aujourd'hui, un chapitre un peu plus doux, pour profiter du calme... Bonne lecture

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Severus avait l'impression de flotter sur un petit nuage. Harry l'aimait et il l'avait enfin dit. Ce n'était rien que quelques mots, mais il avait attendu cette réponse depuis des semaines, depuis que lui-même avait fait cet aveu en rentrant de New-York, et cette confirmation, même tardive, lui avait fait un bien fou. Et plus encore la manière dont Harry l'avait dit : rapidement, comme une évidence, alors que Severus venait de lui dire qu'il allait rejoindre Lucius. Ces trois mots marquaient une acceptation totale : de lui, malgré son fichu caractère, ses hésitations et ses maladresses, mais aussi de son couple avec Lucius, malgré les tensions engendrées. Severus avait toujours su que Harry ne voudrait jamais les séparer, qu'il ne voulait pas se mettre entre eux, mais à côté; mais ses mots, « Je t'aime, va le rejoindre », signifiaient une telle générosité... Harry avait été si soucieux de leur silence et de leur distance, si inquiet. Et si sincèrement heureux en apprenant leur début de réconciliation que Severus ne pouvait l'en aimer que davantage.

Et puis Lucius... Lucius lui avait manqué comme s'il avait été amputé d'une partie de lui-même. Cette punition, pour des désirs que Lucius ne maîtrisait pas, l'avait puni lui-même autant que son compagnon, et Severus s'en rendait bien compte à présent qu'il l'avait retrouvé. Lucius faisait trop partie de sa vie, trop partie de lui pour qu'il puisse s'en passer comme il l'avait fait. La distance, le silence en devenaient douloureux et chaque sarcasme qu'il avait lancé à son compagnon, sachant pertinemment où le toucher pour le blesser, l'avait blessé également comme un retour de flammes. Le temps effacerait peu à peu cette période mais elle mettrait tout de même un moment avant de complètement cicatriser, avant qu'ils retrouvent une pleine confiance l'un en l'autre.

Lorsque Severus était revenu, Lucius avait été comme toujours plus que généreux : il n'avait exigé aucune excuse, aucune repentance; ni explications, ni soumission contrite. Il n'avait pas profité de la situation, il n'avait pas fait preuve de mesquinerie. Lucius l'avait accueilli à bras ouverts comme s'il ne s'était rien passé, comme s'ils s'étaient quittés le matin même en bons termes pour aller travailler. Il n'y avait qu'à ses appétits sexuels décuplés que Severus pouvait constater cette période de distance. Ça et quelques phrases échappées par-ci par-là qui esquissaient à demi-mots la souffrance endurée par son compagnon.

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– J'ai vu Matthieu il y a quelques jours, fit Severus un soir alors qu'ils discutaient au lit avant de s'endormir.

– Mmh... ?

Lucius, allongé sur le dos, tourna la tête vers lui tandis qu'il jouait entre ses doigts avec une mèche de cheveux blonds douce comme de la soie.

– C'est l'anniversaire de Harry dans quelques jours et il voulait, avec d'autres, lui organiser une soirée ou quelque chose dans le genre.

– Et ? Qu'est-ce qui t'ennuie dans tout ça ? ricana Lucius. Le principe de la petite surprise party ou le fait que tu avais complètement oublié cet anniversaire ?

Severus bougonna, soulagé malgré tout que l'obscurité dissimule si judicieusement son embarras et la couleur de ses joues. Lucius le connaissait décidément trop bien.

– Tu sais très bien que je ne suis pas attaché aux anniversaires, protesta-t-il.

– Je ne pense pas que Harry le soit non plus, fit la voix souriante de Lucius, mais il sera sans doute content d'avoir ses amis autour de lui... Pour ce qui est de la petite fête, j'ai déjà donné mon accord à Draco pour qu'elle se tienne au Manoir.

– Au Manoir ?!

– C'est l'été, il fait beau, il y a les jardins, la piscine, le terrain de quidditch... Ils passeront la journée dehors et la nuit dans une des salles de réception...

Même si l'idée ne le ravissait guère, Severus devait admettre que la taille de la maison et l'étendue du jardin permettaient bien des possibilités sans même devoir les déranger dans leurs petites habitudes. Il suffisait de cantonner la jeunesse dans l'aile du Manoir dont ils ne se servaient pas.

– Ici ?! grommela-t-il malgré tout. Et un simple dîner au restaurant ?...

– Il fallait t'y prendre avant que Matthieu et Draco ne se mettent en tête d'organiser ça ! fit Lucius en riant.

Il aurait fallu pour cela qu'il y pense ! se fustigea Severus mentalement.

Il ne savait ce qui l'irritait le plus dans tout cela : le fait d'avoir oublié l'anniversaire de son amant ou bien que d'autres s'en soient souvenu, l'accord que Lucius avait donné sans le consulter, le fait de devoir supporter un troupeau de jeunes surexcités et alcoolisés dans la demeure où il vivait, ou bien l'incertitude de savoir comment se comporter avec Harry devant ses amis. Ou bien tout cela à la fois, ajouté à la sensation d'être piégé. Il aurait bien voulu disparaître ce jour-là, mais il se doutait que ce ne serait pas possible.

Tant qu'à faire, Severus aurait préféré quelque chose de plus calme et de plus intimiste, en tête à tête ou tous les trois, mais dans tous les cas, il ne pouvait décemment pas arriver les mains vides.

– Tu crois que je devrais... lui offrir quelque chose ?

– Toi sur un plateau en argent avec un nœud autour du cou ? ironisa Lucius avant de s'adoucir. C'est à toi de voir. C'est entre lui et toi...

Severus avait bien songé à quelque chose depuis que Matthieu lui avait parlé de cette petite fête mais il ne savait pas comment le prendrait Harry, ni s'il s'agissait d'un cadeau empoisonné ou d'un présent qui lui ferait plaisir. Et il hésitait à demander l'avis de Lucius.

– Tu avais prévu quelque chose ? fit-il pour temporiser.

Malgré l'obscurité de la chambre, Severus devina que Lucius haussait les épaules et se rallongeait sur le dos alors qu'il s'était tourné vers lui pendant leur conversation. Il insista jusqu'à ce que Lucius finisse par avouer :

– Je comptais vous offrir une maison. Mais ça n'a sans doute plus lieu d'être.

Severus se redressa brusquement sur un coude, presque choqué.

– Une maison ?! Mais pourquoi ? Tu nous chasses du Manoir ?! s'exclama-t-il en tentant de percer les ténèbres pour saisir le regard de Lucius.

– Je voulais vous offrir un peu plus de liberté et d'intimité...

– Qu'est-ce que ça veut dire ? gronda-t-il.

– Comprends-moi, Severus, dit Lucius d'une voix lasse. Ça faisait des semaines que tu ne me parlais plus, que tu ne dormais plus avec moi, des semaines que je changeais systématiquement de pièce dès que tu arrivais pour éviter tes sarcasmes et ta jalousie. Je n'ai jamais passé autant de temps de ma vie dans un bureau, même quand j'étais Ministre ! Je suis patient, mais je ne peux pas vivre comme ça. Aujourd'hui... aujourd'hui, ça va mieux. En particulier entre toi et moi. Mais je ne pourrai pas tolérer une nouvelle crise de ce genre.

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Ils avaient continué à parler, longtemps, pour crever complètement cet abcès, jusqu'à ce que Lucius s'endorme en le tenant dans ses bras, mais Severus avait eu bien plus de mal à trouver le sommeil. Les propos de son compagnon l'avaient choqué, bien au-delà de ce qu'il pouvait avouer.

Lucius n'avait pas eu l'intention de les exclure du Manoir, simplement de leur offrir une sorte de résidence secondaire, comme le Mas en Provence, où ils pourraient, Harry et lui, passer un peu de temps en toute tranquillité et sans avoir de comptes à rendre. Quelques moments, quelques soirées, où Lucius, lui aussi, aurait pu souffler et vivre dans son Manoir sans fuir la présence et les réflexions de Severus.

Que son compagnon en soit venu à préférer cette solution le faisait encore blêmir dans l'obscurité de la chambre. Un sentiment de culpabilité mêlée de regrets et d'une angoisse sourde de perdre Lucius noyait son cœur et son ventre, à la limite de la nausée.

Sans même s'en rendre compte, Severus étreignait son compagnon déjà endormi, le visage niché dans son cou et dans ses cheveux, jusqu'à ce qu'il sombre à son tour dans un sommeil inquiet.

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Depuis longtemps, Severus avait renoncé à comprendre les raisons qui le ramenaient systématiquement dans cette pièce. Ou plutôt il ne voulait pas chercher à comprendre. Parfois, Lucius avait envie de ça, d'exercer ce pouvoir sur lui, de le voir endurer ce plaisir particulier et de se délecter de sa maîtrise, de marquer son corps et de laisser ainsi une trace visible aux yeux de Harry, ou pour lui seul... Et parfois, c'était lui qui avait besoin de ça.

Et quand Lucius se réveilla au milieu de la nuit parce que leurs corps trop proches avaient éveillé son désir, Severus avait déjà envie de davantage que simplement du sexe et malgré l'heure improbable, ils se retrouvèrent rapidement dans l'antichambre qu'ils n'avaient pas fréquentée depuis si longtemps.

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La douleur lui avait manqué et Severus la recevait presque avec l'avidité d'un assoiffé à qui on offre un verre d'eau. Son corps buvait la douleur, allait à la rencontre des lanières de cuir en cherchant à se rassasier et chaque coup reçu ramenait en lui un calme et une satiété qui lui avaient fait cruellement défaut.

Cette nuit-là, ils poussèrent les limites plus loin que jamais auparavant.

Lucius s'était longuement caressé en maniant le fouet, repoussant son désir le plus longtemps possible, et il avait fini par jouir sur son corps meurtri sans même le pénétrer, tandis que Severus commençait à osciller dangereusement sur le bord de l'inconscience.

L'orgasme de Lucius avait marqué la fin de cette séance inhabituelle et lorsque son compagnon l'avait ramené dans le lit, Severus s'était rapidement endormi dans ses bras, épuisé aussi bien physiquement que mentalement.

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À son réveil à l'aube, Lucius dormait encore. Severus s'étira rapidement, conscient de l'intensité des tiraillements et des courbatures qu'il ressentait dans tout son corps. Nager dans la tiédeur de la piscine lui ferait du bien et détendrait ses muscles, si tant est qu'il supporte le contact de l'eau sur sa peau écorchée.

Mais avant, il avait envie d'autre chose et il se glissa du lit de Lucius à celui de Harry avec un désir qui lui mettait l'eau à la bouche. Et il connaissait pas de meilleur moyen de réveiller son amant que d'user de celle-ci entre ses jambes pour le stimuler en douceur.

Harry s'éveilla en gémissant, glissant ses mains dans ses cheveux pour le caresser tandis que Severus suçait avec gourmandise le sexe rapidement durci du jeune homme. Fermant les yeux tout en se délectant des perles de liquide séminal qui s'en échappaient, Severus sourit. Harry était si expressif, si démonstratif de son plaisir que c'était un pur bonheur de s'occuper ainsi de lui. Dans ces moments-là, il n'était jamais dans la maîtrise et son abandon était total; un retour à un instinct presque animal où les gémissements, les grognements, les cris, les paroles de plaisir ou les suppliques lui échappaient sans retenue et sans pudeur. Le sexe était pour Harry un moment de pure liberté, aussi irrévérencieuse qu'elle soit.

Avant que son amant ne soit trop proche de la jouissance, Severus se redressa, non sans s'attirer un grondement de dépit, et s'installa au-dessus du jeune homme. Lui aussi voulait sa part de plaisir et obtenir l'orgasme qu'il n'avait pas eu lors de sa séance avec Lucius.

Harry saisit sa bouche avec ravissement, plongeant sa langue à travers ses lèvres avec une avidité manifeste. Ses mains glissèrent dans son dos, l'attirant encore plus près et Severus ne put s'empêcher de gémir quand les ongles de son amant se plantèrent dans sa peau pour labourer sa chair déjà meurtrie. D'habitude, il adorait ça, mais là...

– Nom d'un chien ! Severus ! cria Harry en le repoussant brusquement.

Sans qu'il sache comment il avait fait, Harry s'était dégagé du poids de son corps et se tenait à présent à côté de lui. Severus, à plat ventre sur les draps et le nez dans l'oreiller, grimaça de contrariété.

– Tu es brûlant ! s'exclama encore Harry dont la main cherchait frénétiquement son front tout en sachant bien qu'il s'agissait d'autre chose.

Les doigts de son amant ne rencontrèrent qu'une peau fraîche, vaguement humide de la sueur due à l'excitation, mais sans commune mesure avec la peau cuisante de son dos. Severus se mordit les lèvres, agacé et regrettant d'être venu, tandis que d'un grand geste du bras, Harry allumait lumières et bougies dans toute la chambre.

Severus se retourna brusquement, cachant les marques de son dos, mais trop tard pour ne pas voir dans le regard du jeune homme une lueur d'effroi et d'angoisse. Harry était presque au bord des larmes, submergé par l'émotion.

– Arrête, fit Severus en l'attirant de force dans ses bras. Je vais bien. Tout va bien...

– C'est pas possible, Severus, murmura Harry d'une voix tremblante. Ça va trop loin. Je ne peux pas... je ne peux pas supporter ça. Je vais aller voir Lucius et...

– Tu ne feras rien du tout, l'interrompit Severus en le serrant un peu plus contre lui tandis que le jeune homme cachait son visage dans son cou. Tu n'iras pas le voir, ni lui parler de ça, et tu ne te mêleras pas de ce que tu ne comprends pas. Je vais bien. Et Lucius ne m'a rien fait que je n'ai pas souhaité. Harry, est-ce que tu comprends ça ? Aussi impressionnant que ce soit, Lucius n'a rien fait de plus que ce dont j'avais envie. Et peut-être même besoin, d'une certaine manière. Comme toi lorsque... Lorsque tu m'as obligé à te baiser après ta soirée avec Alicia. Tu avais besoin de ça, comme moi j'avais besoin de Lucius de cette manière-là.

Harry resta silencieux un long moment, le nez enfoui à la racine de ses cheveux, jusqu'à ce que cessent ses tremblements.

– Je vais bien, fit à nouveau Severus en passant longuement la main le long de son dos. Ce ne sont que quelques marques et quelques rougeurs.

– Severus ! marmonna Harry. Excepté les reins, ton dos est marbré de traces violettes. Et je ne parle même pas de tes fesses qui ressemblent à un hématome géant.

Dans la pénombre de la chambre, Severus sourit largement, sachant pertinemment que Harry ne le voyait pas. Lucius n'y avait pas été de main morte, et certainement jamais aussi loin, mais il prenait malgré tout certaines précautions et il n'hésitait pas à lancer parfois un sort de diagnostic pour s'assurer qu'il allait bien.

– Ne t'inquiète pas. Lucius sait ce qu'il fait.

Harry se contenta d'un grognement pour toute réponse et se redressa, dévoilant un visage contrarié et des yeux encore brillants.

– Tourne-toi que je soigne ça, fit-il en pivotant pour attraper le pot d'onguent qu'il laissait systématiquement dans sa table de chevet.

Severus hésita un instant, puis se mit à plat ventre, percevant le souffle coupé puis le long soupir de son amant à la vue de son corps en pleine lumière. Tandis que Harry étalait le baume sur son dos et ses fesses puis le massait pour le faire pénétrer, Severus grimaça à nouveau discrètement. La brûlure du produit était saisissante, signe que sa peau devait être à vif à bien des endroits, avant de s'atténuer peu à peu à mesure que l'onguent et la magie du jeune homme lui permettait de cicatriser et d'effacer les marques les plus sombres.

– Je ne veux plus que ça aille aussi loin, sinon j'irai parler à Lucius, que tu le veuilles ou non.

– Je ne pense pas que ça ira de nouveau jusque là, assura Severus. C'était... particulier.

En quoi, il n'aurait même pas su le dire. Parce que c'était la première fois qu'ils retournaient dans l'antichambre depuis leur éloignement ? La première fois depuis trop longtemps ? Parce que l'aveu de Lucius sur la maison qu'il avait souhaité leur offrir l'avait effrayé ? Parce qu'il s'en voulait de trop de choses, de trop de silences, de trop de distance, parce qu'il traînait trop de culpabilité ? Parce qu'il avait désespérément besoin de l'apaisement qu'il ressentait après ?

Cette fois-là avait été différente. Lucius ne lui avait pas fait l'amour après, il s'était contenté de jouir à même sa peau lacérée et Severus avait bien senti que cela ne lui avait pas convenu. Lucius s'était retenu le plus possible, il avait continué encore et encore parce qu'il le lui avait demandé, mais il n'y avait pas pris le même plaisir que d'habitude. Et son murmure désolé lorsqu'il l'avait ramené dans leur lit avait montré à Severus à quel point sa peau devait être abîmée et à quel point il en avait sans doute demandé trop à son compagnon.

Lucius appréciait l'après sûrement autant que la séance elle-même. Il aimait le moment où le désir le submergeait au point que ce soit lui qui décide d'arrêter, la façon dont il lui faisait ensuite l'amour, avec précaution et presque dévotion, ce point d'honneur qu'il mettait à le faire jouir et à prendre soin de lui jusqu'à ce que Severus soit à nouveau pleinement conscient ou endormi. Mais cette fois-là avait également privé Lucius de ce moment qu'il aimait tant et Severus avait sombré dans le sommeil à peine posé sur le lit.

Avec un peu de recul, il ne voulait même pas savoir ce qui l'avait poussé aussi loin. Le parallèle que Mayahuel avait fait quelques jours auparavant entre sa recherche de la douleur et la façon dont Harry s'était servi de lui pour se sentir aimé après sa soirée avec Alicia, était saisissant. Severus avait sans doute utilisé Lucius de la même manière, poussant son compagnon à lui montrer jusqu'où pouvait aller son abnégation. Mais Lucius n'en avait tiré presque aucun plaisir et à présent que cela l'avait apaisé, Severus savait de lui-même qu'il n'irait plus jamais aussi loin.

Et en savourant la caresse des mains de Harry qui se faisaient plus légères sur sa peau cicatrisée, Severus savait également qu'il devrait reparler de cela avec Lucius.

– Est-ce que... on peut reprendre où on en était, maintenant que tu es rassuré ? fit-il avec un large sourire en se retournant vers son amant.

– Mmmh, grogna Harry. Je ne suis plus d'humeur à ce genre de choses.

Severus gloussa devant son regard toujours contrarié et saisit une des mains du jeune homme pour l'attirer contre lui.

– Alors viens au moins nager avec moi que je puisse profiter de ton corps nu...

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Au petit déjeuner, Harry lança un regard furieux à Lucius lorsqu'il se présenta dans la Salle à Manger, mais l'aristocrate ne s'en aperçut même pas, tout entier tourné vers Severus qu'il jaugeait d'un air inquiet.

– Est-ce que... tu vas bien ?

Tranquillement assis à la table, Severus hocha la tête avec un sourire rassurant.

– Oui, très bien. Harry s'est occupé de ce qui était... trop voyant. Et...

– Je te préviens, fit Lucius en posant sur son épaule une main pressante. C'est la première et la dernière fois qu'on fait ça.

Sa voix vibrait d'une injonction craintive et son visage aux sourcils froncés montrait à quel point il était encore troublé de ce qui s'était passé.

– Luce, on parlera de ça plus tard, fit Severus en soulignant du regard la présence de Harry.

– Je m'en fous ! lâcha l'aristocrate avec une vulgarité surprenante. Plus jamais, tu m'entends ? fit-il en lui relevant le menton de la main. Est-ce que tu es sûr que ça va ?

– Luce...

Harry se racla la gorge, attirant sur lui les regards las ou bouleversé des deux hommes.

– Il va bien, affirma-t-il.

Pourquoi se sentait-il obligé de rassurer l'homme qui avait infligé pareil traitement à son amant, il n'en savait rien. Peut-être parce qu'il avait senti la sincérité de Lucius. Parce qu'il reconnaissait en lui la même inquiétude que celle de Severus après qu'il se soit servi de sa magie pour l'inciter à lui faire l'amour. Il avait fallu qu'il explose de colère dans une rue de Paris et que Lucius le calme pour que Harry arrive à faire comprendre à Severus qu'il allait bien. Il ne pouvait que leur rendre la pareille.

Et puis les paroles et l'inquiétude de Lucius le rassuraient au moins sur une chose : quoi qu'il se passe, cela ne se reproduirait pas.

Harry se leva. Les deux hommes avaient besoin d'en parler en toute intimité et sa présence était de trop.

– Il va bien, répéta-t-il plus doucement.

En quittant la pièce, Harry croisa brièvement le regard hagard de Lucius qui avait enlacé les épaules de Severus et le tenait fermement serré contre lui, le visage caché dans sa chemise, et sa main passant et repassant dans les cheveux noirs et argent. Jamais il n'avait vu l'aristocrate perdre à ce point le contrôle de lui-même et cela le bouleversa au moins autant que l'état de Severus deux heures plus tôt.

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Hormis cet incident sans conséquences, Severus pouvait se dire heureux. Il avait retrouvé Lucius comme avant, aussi tendre et autoritaire qu'il savait l'être, et il avait Harry, souriant, futile, enjôleur, toujours enjoué et avide de sexe et d'amour.

La première soirée après cet incident dans l'antichambre fut tendue : Harry regardait Lucius d'un œil méfiant, encore hésitant sur son repentir et à le pardonner. Puis ils durent en parler entre eux, hors de sa présence, car le lendemain ils plaisantaient à nouveau ensemble avec leur complicité si particulière.

Quand il était présent, Lucius ne faisait plus mention de son désir pour Harry, mais Severus n'était pas dupe. Il voyait bien le regard de son compagnon s'attarder plus que de raison sur le jeune homme, un regard songeur, presque contemplatif; et Lucius restait silencieux, longtemps, le visage grave, délaissant la conversation pour se perdre dans ses pensées. Harry lui, feignait d'ignorer ces regards, ou s'en moquait gentiment, parfois, quand il peinait à capter son attention.

Il n'y avait pas davantage, et sans doute pas beaucoup plus hors de sa présence, mais Severus connaissait assez Lucius pour comprendre que son compagnon était toujours fasciné par Harry et par ses douleurs enfouies sous une apparence de charme et d'innocence.

Et comme par hasard, depuis que Severus s'était réconcilié avec son compagnon, Harry dormait un peu mieux. Son sommeil était moins agité, ses cauchemars moins nombreux, et Severus moins fréquemment réveillé par les mains ou le corps du jeune homme qui le cherchaient frénétiquement dans ce lit trop grand et qui ne s'apaisaient que lorsqu'il le serrait fermement contre lui. Les nuits où il dormait avec Lucius, en revanche, il n'osait imaginer la façon dont Harry devait s'agiter sans pouvoir être rassuré, et il était d'ailleurs quasiment certain de le trouver réveillé ou déjà debout à l'attendre dans la piscine quand il se levait.

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Depuis sa dernière conversation avec Matthieu, certaines phrases tournaient en boucle dans l'esprit de Severus. Outre cet anniversaire dont la date fatidique se rapprochait bien trop vite à son goût, Matthieu avait soulevé des questions épineuses auxquelles il n'avait toujours aucune réponse. « Et Harry ? Qu'est-ce qu'il pense de Lucius ? » « À moins que tu ne veuilles pas le partager... »... Severus savait qu'il devait parler avec son amant, mais aucune occasion ne semblait bonne pour aborder un sujet pareil et il se contentait de remettre ça à plus tard.

Harry était de moins en moins présent aussi, ce qui ne facilitait pas les choses. Même s'il n'y avait plus les entraînements de quidditch, la saison étant terminée, Sainte-Mangouste lui prenait beaucoup de temps et il était de plus en plus fréquent qu'il se plonge dans les ouvrages de potions et de botanique de la Bibliothèque à peine rentré du travail, ou qu'il ne descende dans le laboratoire pour terminer une préparation en cours ou tenter une nouvelle idée. Les médicomages lui confiaient de plus en plus de patients, et son travail débordait chaque jour un peu plus du cadre de l'hôpital...

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– Harry ?! fit Lucius surpris alors que le jeune homme venait d'apparaître au beau milieu du Petit Salon où il prenait tranquillement le thé avec Draco.

– Oui ? Bonjour... Ah ! Salut, Draco !

Apercevant son ami après avoir tourné la tête en tous sens, Harry s'approcha pour le saluer en lui serrant la main et en l'embrassant distraitement sur la joue. Lucius étouffa un sourire devant la surprise de son fils. Harry semblait sur son nuage, préoccupé par ses seules pensées, et ce n'était manifestement pas eux qu'il cherchait.

– Severus n'est pas là ?

– Dans son bureau, répondit Lucius courtoisement tandis que Draco fronçait les sourcils.

– Merci, fit Harry précipitamment en esquivant leurs jambes pour se glisser vers la porte.

– Tu me cherches ?

Dans l'encadrement de la porte, la silhouette sombre de Severus barrait le passage et Harry leva la tête vers lui, surpris de se trouver presque nez à nez avec son amant sans l'avoir entendu arriver.

– Mmh ? Oui. Viens là.

Harry attrapa la main de Severus pour l'entraîner vers le canapé, le fit asseoir, et sans vergogne pour les autres personnes présentes dans la pièce, s'assit sur ses genoux, face à lui.

– J'ai besoin de toi.

– Ça dépend pour quoi, marmonna Severus en jetant un œil à son compagnon et son filleul qui les observaient avec un air surpris.

– Si je te dis empoisonnement par morsure de créature magique... Antidote ?

– C'est une interrogation orale ? ricana Severus en s'adossant dans le fond du canapé.

– J'ai un patient que je n'arrive pas à soigner, s'agaça Harry. J'ai essayé plein de trucs mais rien ne marche. J'ai besoin d'idées nouvelles.

Si Severus ne pouvait plus préparer de potions en raison de ses migraines, il avait en revanche les connaissances les plus vastes dans ce domaine que quiconque Harry connaissait.

– Quel animal ? fit Severus imperturbable.

– Si seulement je le savais !

– Bézoard ?

– J'ai besoin d'idées nouvelles ! Pas de ce que j'aurais pu proposer en première année !

– Tu ne connaissais pas l'existence ni l'utilité du bézoard en première année ! ricana Severus.

Tandis que Harry sifflait d'agacement, Lucius se versa une nouvelle tasse de thé en souriant, avant d'en proposer à Draco d'un regard muet. Il avait l'impression d'être au théâtre ou au cinéma et il ne manquait plus que quelque chose à grignoter pour profiter pleinement du spectacle.

– Je suis sérieux, Sev... J'ai besoin de suggestions.

– Une base de belladone, digitale, armoise ? suggéra Severus devant le regard sombre de son amant. Puis, alors qu'il secouait la tête : Aconit, ailes de libellule et de scarabée ? Foie de dragon et aubépine ?

– Aubépine ! s'exclama Harry. C'est là-dessus que je devais faire des recherches l'autre jour ! Ça m'est complètement sorti de la tête ! Mais non, ça n'ira pas. D'autres idées ?

Severus soupira.

– Si tu m'en disais un peu plus sur ce que tu as déjà essayé ?

– À peu près toute la pharmacopée des plantes traditionnelles magiques, grimaça Harry. Le sang de dragon, le venin de vipère du Cap, l'écorce de ginkgo, la poudre de rakou, le suc de Rafflesia, l'acide formique de Paraponera, les poissons-cigüe, la terre de Diatomée, le sago, la bile de tatou, les feuilles de bois-coton, l'essence de batik...

– Stop ! fit Severus en levant la main entre eux. Je n'ai jamais utilisé la moitié des ingrédients que tu cites ! Comment veux-tu que je te sois d'une aide quelconque ?!

Comme pour lui-même, Harry poursuivait à mi-voix une longue litanie de mots et de noms que pour la plupart, aucun d'eux ne connaissait, jusqu'à marmonner les yeux fermés en se balançant légèrement.

– Sang de salamandre. Les œufs de serpencendre. Salamandre...

Puis il ouvrit soudain les yeux, pointant un doigt tendu sur le torse de Severus.

– Ambystoma ! Au lac de Xochimilco, les anciens utilisaient les axolotls dans une potion de régénération. Viens. J'ai une idée.

Harry se leva brusquement, tirant Severus par le bras pour le faire lever à son tour.

– Viens. J'ai besoin de ton aide.

– Pour quoi faire ? grimaça Severus, peu désireux de suivre son amant pour préparer une quelconque décoction dont il redoutait déjà les effets secondaires sur lui.

– Allez ! Viens. C'est urgent et j'ai plus confiance en toi qu'en n'importe qui d'autre.

– Harry..., intervint Lucius avec un regard pesant.

– Je m'occuperai de sa migraine s'il en a une, assura-t-il fermement. C'est important.

Lucius n'eut pas le temps de répliquer quoi que ce soit que Harry avait déjà disparu, entraînant avec lui Severus qui s'était levé à regret. La scène avait à peine duré trois minutes mais il avait l'impression qu'une tornade venait de traverser le salon. Il soupira, croisant à nouveau le regard abasourdi de Draco, et se résolut à appeler un elfe de maison. Un verre de vin lui ferait plus de bien qu'une tasse de thé !

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Après un long moment de flottement, ils avaient repris une conversation tranquille pour mettre au point les détails de la petite soirée en l'honneur de Harry. Le nombre d'invités, les plats à servir au dîner, les alcools, les en-cas, la décoration... Les elfes avaient une longue liste de questions à régler avant de s'estimer fin prêts.

– Qui sera présent ? demanda Lucius.

– Luna et Padma, Neville, Matthieu, les filles de l'équipe. Angie viendra avec Georges, son mari. Peut-être Fred Weasley aussi. Et deux collègues de Harry à Sainte-Mangouste. Ça reste un petit comité, on ne vous dérangera pas trop...

Comparé aux deux cent cinquante invités que Lucius attendait pour le bal des Malfoy, c'était en effet un tout petit comité.

– J'hésitais à inviter Blaise, ajouta Draco. Mais Harry ne le connaît pas vraiment...

– C'est à toi de voir, fit Lucius en haussant les épaules. Mais je suis sûr qu'ils s'entendraient bien dans le fond...

Pensif, il fit tourner son vin dans son verre en songeant à ce qui pourrait se passer durant cette petite fête.

– Est-ce que..., hésita-t-il. Tous ces gens-là sont au courant pour Harry et Severus ? On peut compter sur leur discrétion ?

Draco fronça les sourcils, attendant sans doute qu'il précise sa pensée.

– Tu as vu comment il est avec Severus, fit Lucius avec un léger sourire. Harry ne fera attention à rien, ni à personne. Et certainement pas à sa façon de se comporter en public... Pour lui, tout ça est trop naturel pour être réfléchi.

Le sans-gêne dont Harry venait de faire preuve devant eux était sans doute une bonne démonstration de sa capacité à oublier la présence des gens autour de lui quand il était avec son amant.

– Tu crois que Severus sera présent ? s'étonna Draco. Ce n'est pas trop son genre et...

– Je crois que Harry ne lui laissera pas vraiment le choix, gloussa Lucius. Sans doute pas toute la journée, mais il ne pourra pas couper à une ou deux apparitions !

Draco éclata de rire, bien conscient de la vérité des propos de son père et imaginant la réactions des invités devant ce couple improbable. Lui-même avait déjà du mal à s'y faire !

– J'ai hâte de voir la tête des autres ! Certains sont au courant mais de là à le voir ! La plupart ont encore l'image de Severus quand il enseignait les potions à Poudlard ! Même Luna et Neville le vouvoient encore et l'appellent « Professeur ».

Lucius sourit de nouveau devant l'amusement de son fils. Certaines situations seraient sans doute cocasses, surtout au vu de l'insouciance et de l'impudeur de Harry... Mais au dehors des murs du Manoir, la discrétion devait rester de mise.

– Et tu voudrais éviter que ça s'ébruite hors d'ici, suggéra Draco devant son regard redevenu sérieux.

– J'aimerais éviter les racontars et les bruits dans la presse, avoua Lucius en grimaçant. Ça ne servirait ni ma position, ni notre nom...

Il avait bien conscience qu'avoir accepté que la fête se tienne au Manoir était pour lui à double tranchant, mais Harry était ici chez lui et il devait en accepter également les conséquences.

– Je ne connais pas personnellement tous ceux qui doivent venir, dit lentement Draco. En particulier Fred Weasley et les collègues de Harry, mais je peux leur faire prêter un serment magique de silence sur ce qu'ils verront ici...

Lucius acquiesça en silence en buvant une gorgée de vin. Il ne pouvait pas le demander à Harry mais Draco s'acquitterait parfaitement de ce petit détail. Malgré leurs dissensions passées, la préservation de la réputation de la famille lui tenait à cœur et il était hors de question de laisser entendre que l'amant en titre de Lord Malfoy fricotait avec quelqu'un d'autre dans son dos. Même si le statut de Severus n'était pas officiel, il était regardé comme son compagnon et le moindre écart de comportement serait abondamment commenté.

– Et tu n'as pas peur pour le bal des Malfoy ? interrogea Draco en cherchant le regard de son père.

– Le contexte ne sera pas le même... Harry sera lui-même tenu à une certaine conduite de part sa notoriété et il ne pourra pas se permettre n'importe quoi. Et Severus sait ce que j'attends d'eux. En revanche, dimanche, pour son anniversaire, il aura toute liberté et c'est bien normal, sourit Lucius. Mais je dois avouer que j'appréhende un peu le bal, oui...

– Je serai là également. Pour le bal...

– Mais tu auras tes propres obligations, trancha Lucius devant la proposition implicite de son fils. Je leur fais confiance pour savoir se tenir.

Draco hocha la tête un peu sèchement sous la remontrance et plongea son regard dans son verre de vin.

.

– Tu nous amènes les filles à partir de quand, finalement ? demanda Lucius d'une voix plus douce.

– Je pensais jeudi prochain, juste après le bal. Pour l'instant, elles sont chez les parents de Daphnée depuis le début des vacances. On les récupère ce soir.

– Comment va Daphnée ?

– Bien. Fatiguée, fit Draco en levant les yeux. Et elle s'ennuie un peu je crois. Depuis qu'elle ne peut plus travailler... Elle enrage de devoir se reposer et rester allongée le plus possible. Mais je vais bientôt lever le pied et je pourrai la seconder un peu plus à la maison... Il me reste encore quelques contrats à négocier pour la saison prochaine, mais ça va se terminer rapidement.

Plus que jamais, Lucius ne comprenait pas pourquoi Draco persistait dans son refus de prendre un elfe de maison pour soulager son épouse, mais il n'allait certainement pas faire part de son opinion au risque de se disputer à nouveau avec son fils.

– Daphnée vient, dimanche, pour la fête de Harry ?

– Bien sûr ! fit Draco, surpris.

– Pourquoi... pourquoi vous ne viendriez pas ici jusqu'à ce que tu sois en vacances ? On va vous garder les filles de toute façon, on n'est pas à quelques jours près... Et Daphnée n'aurait pas à se soucier de ménage, de lessive ou de faire la cuisine. Tu sais bien que vous êtes ici comme chez vous...

Draco s'attarda longuement dans les yeux gris de son père, si semblables aux siens. Lucius les accueillait régulièrement pour les vacances, et avec Severus, ils gardaient leurs petites-filles à l'occasion, pour une nuit ou quelques jours, mais une telle déclaration d'hospitalité était rare. Et ce n'était pas qu'une déclaration d'hospitalité...

– Je... Pourquoi pas ? Je vais en parler avec Daphnée... Mais je ne veux pas que ça te dérange.

– Si je te le propose, fit Lucius en souriant avec douceur.

Draco considéra son père avec un peu de recul. Il changeait. Lucius avait déjà beaucoup changé depuis la fin de la guerre. Depuis qu'il avait été Ministre, et depuis Daphnée. Mais il changeait encore davantage depuis que Harry était là. Moins froid, moins distant, il laissait tomber le masque d'arrogance et d'orgueil qu'il conservait en public, et Draco se demanda brusquement depuis combien de temps il ne s'était pas disputé avec son père. Et la réponse était trop lointaine pour qu'il s'en souvienne précisément.

– Et ça ne dérangera pas plus Harry et Severus, assura Lucius. Il faudra juste penser à lancer un sort de silence sur leur chambre !

Draco ricana tout en grimaçant devant la suggestion. Il ne voulait certainement pas en savoir trop sur les activités de Harry et de Severus !

– Vous allez à Torquay ensuite ? reprit Lucius.

– Oui. Dès que je serai en vacances. Avec la grossesse de Daphnée, on ne voyagera pas davantage cette année, mais on y restera sans doute deux semaines... Vous viendrez ?

– Tous les trois ? fit Lucius en riant.

Il plaisantait mais le sous-entendu était criant de vérité. Il paraissait difficile, voire inconcevable de partir en vacances avec Severus sans que Harry ne fasse partie du voyage. Et pas seulement parce que Severus ne saurait se passer trop longtemps du jeune homme... Lui non plus n'envisageait plus de vivre ou de faire quoi que ce soit sans Harry non loin d'eux.

– Évidemment.

Visiblement, Lucius n'était pas le seul à avoir perçu cette évidence.

– Je ne sais pas, fit-il malgré tout en grimaçant légèrement. Nous n'avons pas encore vraiment parlé... de partir quelque part. La situation était un peu tendue ces derniers temps et... nous n'avons pas évoqué les vacances.

Draco remua légèrement dans son fauteuil, inconfortable, mais lorsque Lucius leva à nouveau les yeux sur son visage, il fut surpris par les sourcils froncés de son fils et son air sérieux.

– Je vous ai trouvé très tendus aussi à la soirée après le match de victoire. Qu'est-ce qui se passe ?

– Ce n'est certainement pas avec toi que je vais parler de ce genre de choses, assura Lucius avec un sourire vaguement moqueur.

– C'est entre Severus et toi ? À cause de Harry ? insista Draco.

– Draco ! Rien de tout cela ne te regarde.

La façon qu'avait eue son père de prononcer son prénom était trop sèche pour ignorer le rappel à l'ordre mais il ne put s'empêcher de secouer la tête avec un air renfrogné et consterné.

– Je savais que ça allait mal finir ! Un truc aussi bancal ne pouvait pas tenir longtemps ! C'est n'importe quoi !

– Tu regrettes le retour de Harry ?

Draco leva un regard surpris vers la voix de son père, étonnamment plus douce que quelques instants auparavant, et en premier lieu, il songea égoïstement à sa fille qui avait recouvré l'usage de la magie grâce à Harry.

– Bien sûr que non !

– Moi non plus. Et pour rien au monde, je ne souhaiterais qu'il reparte.

L'aveu était étonnant, presque ambigu, et Draco fronça à nouveau les sourcils. Certes, ce qui se passait au Manoir entre ces trois hommes ne le regardait pas, mais il ne voulait voir personne souffrir, et encore moins se déchirer. Son père avait réussi au fil des ans à trouver un équilibre solide et étonnant avec Severus, et même si Harry avait emmené avec lui un vent de fraîcheur, de légèreté et de liberté, Draco ne voulait pas voir sombrer ce couple et devoir choisir entre toutes ces personnes qu'il aimait.

D'une façon différente, chacune comptait plus que de raison. Harry était un ami, malgré sa disparition pendant des années, ils se comprenaient sans mot dire et sa générosité indéfectible l'impressionnait toujours. Mais Severus était son parrain depuis sa plus tendre enfance, et celui qui l'avait soutenu envers et contre tout quand il s'était battu pour épouser Daphnée et Lucius... Lucius était son père, aussi imparfait soit-il, et Draco ne pouvait que reconnaître qu'il se sentait de plus en plus proche de lui, surtout depuis le retour de Harry.

Harry... Harry avait tout changé et Draco n'en revenait toujours pas de la scène qui s'était déroulée sous leurs yeux tout à l'heure. Severus tolérant la présence de son amant. Sur ses genoux. En public. Se laissant mener par le bout du nez. Levant les yeux au ciel sous le regard amusé de Lucius mais obtempérant sans mot dire aux desiderata de Harry... L'homme secret et bougon que Draco avait toujours connu s'ouvrait davantage et souriait bien plus qu'avant.

Quant à son propre père... Il devenait presque celui dont Draco avait toujours rêvé. Un homme abordable, humain, presque chaleureux, qui ne se réfugiait plus derrière les faux-semblants d'un statut qui n'avait pas lieu d'être en privé. Lucius n'était plus guindé comme il l'était auparavant, il était amical, et dans ses paroles transparaissaient plus d'amour et de tendresse que Draco n'en avait connus depuis des années.

Harry avait changé tout cela et Draco ne pouvait décemment pas souhaiter qu'il ne soit jamais revenu, mais il ne supporterait pas pour autant de voir ces trois hommes se déchirer si les choses devaient mal se terminer. Merlin ! Il ne le supporterait jamais !

– Tout ira bien, ne t'inquiète pas, fit Lucius devant son air sans doute inquiet. Et nous aurons le temps de parler des vacances si vous venez dès ce week-end avec Daphnée et les filles...

– C'est là que tu es allé, n'est-ce pas ? fit brusquement Draco. Le soir où tu as débarqué à la maison et où tu es parti avant que je ne revienne ? Tu es allé à Torquay ?

– Ta femme me connaît bien, avoua Lucius en souriant.

Il haussa les épaules avant de reprendre :

– Je n'avais pas l'intention de venir vous déranger. J'avais transplané sans réfléchir mais Iris m'a aperçu derrière le rideau avant que je n'aie eu le temps de transplaner à nouveau. Je ne pouvais pas simplement disparaître sans leur dire bonjour. On est allés au parc, on a discuté un peu et Daphnée m'a offert l'hospitalité à Torquay pour la nuit. J'espère que ça ne t'a pas contrarié...

– Qu'est-ce qui s'était passé ? demanda simplement Draco.

– Rien... Severus est juste jaloux comme un pou, sourit-il.

– Mais de quoi ?!

Lucius leva les yeux au ciel en ricanant tandis que Draco s'étonnait encore de cette révélation. Harry passait pourtant son temps à déclarer à mots couverts qu'il était fou amoureux de Severus... Jamais il n'irait le tromper à gauche ou à droite et il était surprenant que Severus n'ait pas encore compris cela. À moins que pour Severus, le danger ne vienne pas réellement de Harry...

– Severus est jaloux à cause de toi, c'est ça... ? À juste titre ?

– Il ne s'est jamais rien passé entre Harry et moi, sourit Lucius en levant les mains dans un geste de défense.

Aucun geste physique ne signifiait pas pour autant qu'il n'y ait pas d'ambiguïté et de désir. Son père avait toujours aimé les hommes plus jeunes que lui, hormis Severus avec qui il n'avait que six ans d'écart. Mais Draco connaissait aussi sa fascination pour les esprits vifs, pour la puissance, pour les âmes torturées ou pour les hommes très charnels. Et Harry était un parfait condensé de tout cela à la fois.

– Merlin ! fit-il en fermant les yeux et en se pinçant l'arête du nez. C'était pas déjà assez compliqué comme ça, il a fallu que tu viennes mettre ton grain de sable !

Lucius haussa les épaules en souriant distraitement.

– Et Harry est conscient de ça ? fit Draco en relevant la tête.

– Ne le prends certainement pas pour un idiot.

Draco soupira longuement, presque étonné de ne pas l'avoir deviné plus tôt. Harry était tout à fait le type d'homme capable de fasciner son père et il n'avait rien vu venir. Il comprenait mieux à présent les tensions récentes qu'il avait perçues entre Severus et Lucius et pourquoi Harry se sentait si coupable ces derniers temps de la situation qu'il avait créée.

– Débrouillez-vous pour régler ça rapidement, que je sache si je dois préparer une, deux ou trois chambres d'amis à Torquay !

Lucius éclata de rire spontanément, surpris et ravi de la façon dont Draco prenait la situation. Pour lui, une seule chambre serait largement suffisante si le lit était assez vaste, mais, malheureusement, la décision ne dépendait pas de lui.

– Pose la question au principal concerné !

– Harry ?

– Non. Severus...

Il ne savait même pas comment ils en étaient arrivés là, mais Lucius trouvait cette discussion rafraîchissante, même si elle avait lieu avec son propre fils. Il n'en avait pas eu l'intention au départ, mais il avait poussé les confidences assez loin, peut-être trop loin eu égard aux relations que Draco entretenait avec Harry et Severus, mais qu'importe. Draco semblait le prendre étonnamment bien et il préférait qu'il soit au courant de toute la situation avant de venir passer quelques jours au Manoir.

– Par contre, vis à vis des filles..., commença Draco en grimaçant.

– Ne t'inquiète pas. Ils ne sont pas idiots et moi non plus, sourit Lucius. Par contre, préviens-les : interdiction de se précipiter dans la chambre de Harry le matin pour le réveiller !

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oooooo

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Harry glissa un œil dans le salon avant d'y pénétrer avec un large sourire. Lucius ne l'avait pas entendu rentrer mais avec sa faculté de transplaner ici ou là sans tenir compte des barrières magiques, il n'était jamais au fait de ses allées et venues. Harry était un courant d'air qui égayait le Manoir.

– Je désespérais de pouvoir discuter un jour seul à seul avec vous...

Avec un sourire un brin provocateur, le jeune homme vint s'asseoir en face de lui, avec son sourire éclatant, son pendentif aussi vert que ses yeux, et cette chemise jamais assez boutonnée pour ne pas attirer son œil intéressé. Depuis quelques temps, Harry avait troqué ses éternelles chemises blanches et ses pantalons en lin contre des tissus un peu plus chics et de la couleur. Et des coupes plus cintrées qui soulignaient à merveille les formes de son torse. Terriblement plus cintrées.

Lucius sourit en s'obligeant à détourner les yeux. Depuis que Harry avait dévalisé les boutiques avec Matthieu, le regarder était une vraie torture.

– Il ne tient qu'à toi de venir me trouver plus souvent. Je me rendrai toujours disponible pour satisfaire le moindre de tes désirs...

Harry eut un sourire taquin sous ces paroles qui le caressaient voluptueusement mais il changea aussitôt de sujet.

– Qu'est-ce que vous complotiez avec Draco ?

– Rien de bien méchant. Nous nous organisions pour la garde des filles et les vacances...

– Rien de plus ? le taquina Harry.

Lucius haussa les épaules en souriant. Harry n'était pas idiot et il se doutait peut-être de la petite fête organisée par ses amis, mais il n'allait pas vendre la mèche.

– Les filles viennent jeudi prochain, m'a dit Severus... ?

– Peut-être dès ce week-end si Daphnée est d'accord... Qu'est-ce que tu as fait de lui d'ailleurs ? Tu l'as abandonné à Sainte-Mangouste ? gloussa Lucius.

– Il est parti prendre une douche et se changer. Les odeurs de potion le mettent toujours mal à l'aise.

– Pas de migraine ? s'enquit-il.

– Non. J'y ai veillé.

Lucius hocha brièvement la tête. La présence de Harry était une telle solution à tous les problèmes qui semblaient se poser qu'il se sentait bien plus libre et serein depuis qu'il était là.

– Pourquoi voulais-tu me voir alors ?

– Pour rien. J'avais envie discuter avec vous... Et... vous me manquiez.

En avouant cela, Harry avait penché légèrement la tête de côté et son regard exprimait un tel besoin de tendresse que Lucius dut se retenir de se lever pour aller le rejoindre.

– Harry..., soupira-t-il. Ne joue pas ce jeu-là avec moi. Tu sais bien que ce n'est pas possible...

Le jeune homme baissa la tête sous le reproche, cachant l'éclat brusquement douloureux de ses yeux.

– Ce n'est pas un jeu, Lucius.

Puis, sans même prendre la peine de se lever, il transplana brusquement et disparut, laissant Lucius seul avec le sentiment désagréable de ne pas avoir été à la hauteur.

.

.

Lucius réfléchissait encore à ce qui venait de se passer quand Severus arriva à son tour, les cheveux encore humides et auréolé d'un parfum de gel douche et de shampoing. Après un coup d'œil circulaire à la recherche de son amant, il vint se pencher vers lui et l'embrassa longuement, glissant une main douce dans ses cheveux.

Depuis qu'ils s'étaient réconciliés – et peut-être plus encore depuis cette fameuse nuit dans l'antichambre – Severus était bien plus tendre et affectueux, et Lucius n'allait certainement pas s'en plaindre. Ça ne compensait que vaguement sa frustration de ne pas pouvoir toucher à Harry mais il savourait ce regain d'amour et de caresses avec bonheur.

Severus se redressa et alla s'asseoir dans le canapé, l'attirant d'une main pour qu'il vienne s'asseoir à côté de lui.

– Comment ça va ? fit Lucius, déconcerté. Pas de migraine ?

– Non. Harry s'est occupé de ça...

– Qu'est-ce qui s'est passé là-bas ? Il avait l'air... étrange.

Severus esquissa un sourire fugace en passant son bras sur le dossier du canapé, jouant distraitement avec une mèche de cheveux blonds.

– Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

– Pas grand-chose. Il m'a... taquiné un peu, fit Lucius en haussant les épaules. Mais je crains d'avoir été un peu sec dans ma réponse. Maladroit plutôt...

– Je crois qu'il va accuser le contre-coup un jour ou deux, répondit pensivement Severus. D'après ce que j'ai compris, le patient était mourant depuis plusieurs jours, et il n'a tenu le coup que parce que Harry l'a maintenu dans une sorte de stase... Au prix d'une dépense de magie qui a alarmé tous les médicomages que j'ai croisés. La potion qu'il a créée cette après-midi a fonctionné et le patient est a priori tiré d'affaires, mais je crois que ça l'a secoué. Il n'est pas prêt à perdre même un simple patient...

– Mais il n'en a rien dit ! s'alarma Lucius en se tournant vers son compagnon.

– Tu connais Harry, il ne parlera jamais de ces choses-là clairement. Ça faisait plus d'une semaine qu'il cherchait désespérément un antidote et il ne m'a rien dit non plus. Mais ça, plus la brouille entre nous et ses propres souvenirs... il avait un sommeil plus qu'agité ces derniers temps. Maintenant... il a besoin de se remettre de ce stress et de se reposer un peu, je suppose.

Lucius observa un instant son compagnon, si calme et si posé quand il parlait de son amant. De toute évidence, Severus était celui qu'il fallait à Harry, quelqu'un de rassurant, capable de canaliser ses angoisses latentes.

Lui... Harry était venu pour lui parler, pour vider son sac peut-être et exprimer le stress qu'il n'avait pas confié depuis des jours et des jours, et il n'avait fait que le repousser avec maladresse et brusquerie. Incapable de saisir la main tendue du jeune homme qui ne cherchait qu'un peu d'affection et de soutien.

– Tu ne sais pas où il est parti ?

Lucius secoua la tête tandis que Severus se levait lentement et déposait un baiser sur ses lèvres.

– Je vais voir si je le trouve quelque part...

.

Severus trouva Harry là où il s'y attendait, dans cet ersatz de forêt tropicale où le jeune homme aimait à se réfugier pour se vider l'esprit ou ressourcer sa magie. Assis en tailleur à même les nattes de coton et plongé dans ses pensées.

Severus vint s'accroupir à côté de lui et posa une main tendre sur son épaule.

– Viens avec nous. Un petit verre de vin avant le dîner te fera du bien. Et à moi aussi.

Harry hocha simplement la tête, et se leva, le suivant sans protester.

Dans le Petit Salon, Lucius fronça les sourcils en les voyant arriver, surpris de leur retour rapide et se leva pour rejoindre son fauteuil et les laisser s'installer sur le canapé.

– Pour tout à l'heure, Harry... je...

Le jeune homme leva la main pour couper court à ses excuses et lui adressa un sourire tranquille.

– Tout va bien, Lucius. Je ne peux que comprendre vos réserves et vos craintes quant à la réaction de Severus...

Celui-ci fronça un instant les sourcils tandis que Harry se réfugiait dans ses bras, la tête dans le creux de son épaule, et semblait oublier rapidement leur présence. Le regard plongé dans son verre de vin, il se désintéressait visiblement de leur conversation, et lorsqu'il l'eut fini, il le posa sur la table basse et se réinstalla confortablement contre lui. Quelques minutes plus tard, Lucius remarqua avec surprise que Harry s'était endormi, la main glissée sous la chemise de son amant pour pouvoir toucher sa peau.

Severus esquissa un léger sourire devant son regard interrogateur, sans doute conscient depuis un moment du relâchement du corps qui s'abandonnait contre lui, et il fit doucement glisser Harry entre ses bras jusqu'à ce qu'il soit à demi-allongé, la tête posée sur ses cuisses. Sans un mot, Lucius se leva et s'accroupit à côté du jeune homme pour lui retirer ses chaussures et remonter ses jambes sur le canapé, puis retourna s'asseoir à sa place.

– Merci, fit Severus tandis que sa main passait lentement dans les cheveux noirs de jais, dégageant le visage apaisé de cette étrange apparition dans leur vie. Qu'est-ce qui s'est vraiment passé, tout à l'heure ?

– Eh bien..., murmura Lucius. Il est venu me trouver pendant que tu prenais ta douche. Il avait envie de parler, et sans doute encore plus envie d'un... câlin ? Et j'ai refusé de m'approcher de lui...

Un sourire triste traversa le visage de Severus et sa main s'attarda plus longuement sur le front de Harry et sa cicatrice devenue presque invisible, cachée par les rides d'expression que l'âge avait dessinées sur sa peau.

– Je ne t'interdis rien. Et certainement pas de le réconforter s'il en a besoin.

– Tu sais bien que je ne pourrais pas m'arrêter à ça, murmura Lucius.

Severus haussa les épaules sans répondre. Sa main parcourait lentement le corps endormi de Harry, le long de son bras, de sa main, la caressant doucement jusqu'à entrelacer ses doigts avec les siens.

Lucius observait avec étonnement et émotion ces gestes presque trop intimes pour être vus. Parfois... souvent, il les avait vus se comporter l'un avec l'autre, des baisers furtifs, des esquisses de caresses... ou des paroles provocantes et suggestives qui faisaient flamber le désir dans leurs regards.

Mais la tendresse que Severus exprimait à présent n'avait même pas de destinataire; Harry, plongé dans un sommeil tranquille, ne se rendait compte d'aucun des gestes qui lui étaient prodigués. Severus manifestait simplement son amour pour le jeune homme, toute l'étendue de son amour, et Lucius n'avait jamais si bien mesuré l'ampleur de ses sentiments.

– Vous êtes beaux, murmura-t-il en contemplant la main si dorée de Harry dans celle si pâle de Severus.

Les deux hommes partageaient la même couleur de cheveux, hormis les mèches blanches de Severus, mais pour le reste, ils étaient complètement différents : Severus était un contraste de noir et de blanc, des yeux sombres sur une peau d'albâtre, alors que Harry était tout en couleur, une peau brune, dorée, chaude, baignée d'une magie émeraude aussi lumineuse que ses yeux. Mais ensemble, ils dégageaient une impression d'harmonie et une étrange complémentarité.

Sans l'avoir même réfléchi, Lucius se leva, s'approcha de son compagnon et posa ses lèvres sur les siennes en un long baiser plein de douceur.

– Je t'aime.

Le sourire serein de Severus était magnifique à voir et il leva aussitôt sa main qui ne cajolait pas Harry pour empêcher Lucius de s'éloigner.

– Reste à côté de moi.

Lucius attira vers lui le fauteuil habituel de Harry et s'assit juste à côté de son compagnon qui n'avait pas lâché sa main. Ils reprirent une conversation tranquille, à voix basse pour ne pas réveiller le jeune homme, chacun jetant de temps à autre un regard tendre sur ce corps endormi en toute confiance.

– Tu devrais le monter dans sa chambre, fit-il au bout d'un moment. Il sera mieux pour dormir...

– Laisse-moi en profiter, sourit Severus.

Si on l'avait interrogé, il n'aurait pas pu nier son bonheur à avoir ainsi Lucius et Harry autour de lui. Et si sa magie était capable de s'extérioriser comme le faisait celle du jeune homme, chacun aurait pu percevoir les vagues d'amour qui bouillonnaient dans son cœur et menaçaient de déborder. Mais il n'était pas un homme aussi expansif que Harry et il se contenta de porter la main de Lucius à ses lèvres, ce qui en soi était aussi étrange et symbolique, et fit lever un sourcil surpris à son compagnon.

.

L'apparition presque silencieuse de Sky les surprit encore davantage et la créature gênée se tritura un instant les mains avant de déclarer à mi-voix:

– Le dîner est servi, Maître...

Lucius et Severus échangèrent un regard étonné; aucun d'eux n'avait réalisé l'heure qu'il était, et s'ils n'avaient pas grand faim, ils devaient tout de même aller dîner, ne serait-ce que par égard pour l'elfe de maison qui devait maintenir le repas au chaud depuis déjà un moment.

Pour autant, il n'était pas question de réveiller Harry qui avait visiblement besoin de sommeil.

– Trouve-moi... quelque chose pour le tenir au chaud.

Sky disparut un instant pour réapparaître aussitôt avec un coussin et un vaste plaid en coton habituellement utilisé dans la salle de cinéma.

Avec un sourire amusé, Lucius observa Severus s'extirper du canapé avec maintes précautions pour ne pas troubler le repos de son amant et le réinstaller du mieux qu'il pouvait, prenant bien soin de le couvrir comme il aurait bordé un enfant.

– N'en fait pas trop, le taquina-t-il en glissant un bras autour de sa taille alors qu'ils s'éloignaient vers la Salle à Manger.

– Ne sois pas jaloux, sourit Severus.

.

Le repas fut simple, presque frugal, et rapide, et ils parlèrent plus qu'ils ne mangèrent.

– Ça ne t'ennuie pas alors, que Draco vienne quelques jours ?

Lucius avait déjà posé la question tout à l'heure mais il avait sans doute besoin d'être conforté dans sa décision.

– Tu sais bien que non, assura Severus. J'apprécie Draco autant que toi, même s'il n'est pas mon fils. Et je suis toujours heureux de les retrouver tous les quatre... Harry aura peut-être un peu plus de mal, en revanche.

Lucius haussa un sourcil surpris tandis que Severus souriait ironiquement.

– Ils sont très amis pourtant...

– Mais il va devoir surveiller ses gestes et ses paroles devant Minerva et Iris. Et je suis certain que ça va le frustrer au plus haut point !

Il ne pouvait qu'acquiescer devant cette évidence. Lucius avait pensé à la petite fête de dimanche et au comportement de Harry devant ses amis, mais il n'avait pas songé que la présence des filles de Draco allait le contraindre bien davantage que l'opinion de quelques adultes qui l'appréciaient tous pour ce qu'il était. Est-ce que Harry n'allait pas lui en vouloir de ce manque de liberté... ?

Ils n'eurent pas le temps d'en parler davantage, interrompus par l'arrivée du jeune homme en question. Harry se traîna jusqu'à son siège, les cheveux en bataille comme lorsqu'il avait quinze ans et les yeux gonflés et encore brumeux de sommeil.

– Tu devrais aller te coucher, sourit tendrement Severus; ce à quoi Harry répondit en secouant la tête, amplifiant le désordre flou de ses cheveux.

– Tu veux manger quelque chose ? fit Lucius.

Harry secoua à nouveau la tête avant d'avouer « Je voudrais bien... ». Avant la fin de sa phrase qu'aucun d'eux ne perçut, Sky avait fait son apparition, portant une tasse de champurrado sur un plateau d'argent. Harry lui sourit avec reconnaissance, réchauffant voluptueusement ses deux mains autour de la tasse comme devant un feu de cheminée.

Lucius termina son verre de vin en même temps que le jeune homme terminait son chocolat chaud et ils retournèrent tous les trois dans le Petit Salon, retrouvant leurs places respectives, Lucius dans le fauteuil habituel de Harry tandis que le jeune homme s'enroulait dans le plaid, se pelotonnant sans le moindre complexe contre Severus. Et il ne fallut que quelques minutes pour qu'il s'endorme à nouveau, abandonnant toute retenue en s'allongeant sur le canapé, sa tête posée sur les cuisses de Severus et le visage niché contre son ventre.

Lucius prit une gorgée de cognac et savoura la chaleur de l'alcool, tout en se demandant comme faisait Harry pour respirer, à demi enfoui sous la couverture et les plis de la chemise de son amant. Mais il ne pouvait que lui envier le confort chaleureux de sa position et surtout le sentiment de sécurité qu'il devait éprouver. En réalité, il ne le lui enviait pas vraiment, mais il savait à quel point il devait se sentir bien ainsi et combien c'était appréciable.

– Où veux-tu partir en vacances cette année ? fit-il doucement à Severus. Je sais que Harry a un stage de potion avec Matthieu fin août, et on partira sans doute quelques jours à Torquay... mais le reste du mois ?

– Tu pourras t'absenter ?

– Je pense. Quitte à revenir un ou deux jours au milieu des vacances...

Ils évoquèrent quelques possibilités, la Provence bien entendu, mais aussi l'Islande ou la Toscane, ou des endroits bien plus lointains comme le Japon ou le Canada, sans jamais envisager l'éventualité de partir sans Harry. Sa présence paraissait évidente à l'un comme à l'autre, et Lucius était ravi de voir l'enthousiasme de Severus à voyager à nouveau. Longtemps, son compagnon avait craint les migraines qui l'assaillaient dès qu'il changeait d'air, d'altitude ou de type de nourriture, au point d'avoir renoncé à s'éloigner plus loin que la France ou l'Irlande. Maintenant que Harry était là, cela ne l'effrayait plus, et mieux encore, la présence du jeune homme lui donnait envie de se promener à nouveau, de découvrir de nouveaux endroits avec lui, ou plutôt tous les trois, et de partager ensemble sa curiosité pour le monde.

En finissant son deuxième cognac, Lucius rêvait tranquillement à ce nouveau bonheur qu'ils allaient connaître, presque impatient de ces moments passés ensemble, de cette quiétude nouvelle après les tourments. La jalousie de Severus semblait être passée, disparue derrière l'évidence que ni lui, ni Harry ne cherchaient à le blesser, bien au contraire. Severus semblait plus serein et plus amoureux que jamais, à la fois de lui et de son amant et il savourait chaque instant partagé avec eux.

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Sans s'en rendre compte, Lucius avait laissé la conversation se tarir, bercé par ses rêveries et la chaleur lourde que l'alcool avait fait naître dans son corps. Le regard de Severus était plongé dans les flammes dansantes de la cheminée, perdu lui aussi dans ses pensées, tout en jetant de temps à autre un œil vers Harry pour s'assurer qu'il continuait à dormir paisiblement. Ses mains avaient disparu, l'une dans les cheveux du jeune homme, l'autre glissée sous la couverture devait le caresser ou savourer le contact de sa peau.

Sentant l'engourdissement le gagner peu à peu, Lucius se leva, décidant la fin de cette soirée étrange mais plus agréable qu'il n'y paraissait. Severus dégagea en douceur la tête de Harry de ses cuisses pour se lever à son tour et le prendre dans ses bras. D'un sortilège, Lucius allégea le poids de son corps et le précéda dans l'escalier en colimaçon pour lui ouvrir la porte de la chambre du jeune homme.

Tout en souriant discrètement, il se retint de se retourner pour contempler cet étrange spectacle : Severus portant dans ses bras son amant endormi et pelotonné contre lui comme un jeune marié porterait sa promise.

Lucius ouvrit la porte de la chambre, et défit également les draps du lit pour que Severus puisse poser son précieux chargement.

– Même avec un sortilège d'allègement, il pèse son poids, gloussa Severus.

– Il fallait le faire léviter ! sourit-il.

– Et le cogner partout dans l'escalier ? Laisse-moi profiter de ces petits plaisirs...

Severus déposa délicatement Harry dans le lit mais le jeune homme, à demi réveillé par le changement d'environnement et le contact froid des draps, ne l'entendait pas ainsi et il gémit en sentant Severus se redresser.

– Je vais juste me déshabiller et me brosser les dents... J'en ai pour deux minutes, fit-il à son amant, avant de demander : Tu restes avec lui ?

Lucius se retint de ricaner et hocha simplement la tête. Il n'était pas contre un petit moment de tendresse seul à seul avec Harry, même si ce moment consistait juste à le regarder dormir.

Severus disparu dans la salle de bains, il s'assit au bord du lit et glissa une main hésitante sur l'épaule du jeune homme. À peine avait-il frôlé sa chemise qu'il fut surpris de sentir Harry venir s'enrouler autour de lui, son ventre contre le bas de son dos, ses jambes et sa tête de part et d'autre de ses cuisses. Autour de sa taille, Harry avait glissé un bras possessif, comme s'il refusait de le laisser s'échapper à son tour, mais à voir son visage, le jeune homme dormait, inconscient des mouvements réflexes de son corps.

Lucius hésita, conscient que Severus allait revenir rapidement, et il posa sa main sur celle de Harry pour tenter de retirer son bras en douceur. Il l'avait rarement touché ainsi, à même sa peau. Les quelques fois où il l'avait pris dans ses bras, il y avait toujours eu des épaisseurs de tissu et de vêtements entre eux, obstacles à un contact trop intime. Là, sous sa main, la peau de Harry était douce et chaude, presque soyeuse, et il dut résister pour ne pas le toucher davantage et se contenter de soulever doucement son poignet.

Mais même endormi, Harry ne semblait pas décidé à se passer d'un quelconque contact physique et il libéra sa main pour mieux enlacer la taille de Lucius. Severus avait parfois évoqué cette possessivité du jeune homme, jusque dans son sommeil, son besoin de s'assurer sans cesse de sa présence, mais Lucius n'avait pas songé un jour en faire les frais !

Un mouvement attira son attention de l'autre côté de la pièce et il tourna brusquement la tête, surpris de voir une chemise bordeaux et un pantalon sombre s'avachir sur le dossier d'une chaise. Les vêtements-mêmes qu'avait portés Harry aujourd'hui. Un long frisson parcourut Lucius avant qu'il n'ose baisser les yeux pour constater ce qu'il avait deviné. Collé contre son ventre, le bras de Harry était nu; inconsciemment, il s'était servi de sa magie pour se déshabiller et se mettre à son aise.

Frémissant à nouveau, Lucius essayait de ne pas songer à ce corps nu lové contre lui quand Severus revint dans la pièce. Avec le sentiment amusé d'être pris en flagrant délit alors qu'il n'avait rien fait, il leva les mains dans un geste spontané pour clamer son innocence.

– Je te jure que je n'y suis pour rien !

Severus s'approcha en souriant, simplement vêtu de son kimono de soie noire.

– Je sais, arrête de t'excuser... Je sais très bien comment il est quand il dort. Et il ne supporte aucun vêtement pour ça... C'est même surprenant qu'il ne les ait pas déjà enlevés dans le salon !

Écartant plus franchement le bras de Harry, Lucius se leva pour venir enlacer son compagnon et saisir ses lèvres d'un baiser langoureux, profondément reconnaissant de cette absence de jalousie alors même que la situation pouvait paraître plus tendancieuse que bien des fois auparavant.

– Va dormir avec lui avant que ton absence ne le réveille, fit-il en relâchant Severus. Bonne nuit.

Sur un dernier baiser, Lucius quitta la chambre de Harry pour rejoindre la sienne, songeant encore à ce besoin de contact du jeune homme, qui que soit la personne qu'il avait à portée de main. Severus ne devait pas dormir beaucoup la nuit ! Et brusquement, il se demanda aussi comment dormait Harry les nuits où il était seul dans son lit.

Il se déshabilla rapidement et après un bref passage dans la salle de bains, s'allongea dans le lit trop grand et trop froid à son goût, sombrant malgré tout en quelques minutes dans un demi-sommeil cotonneux et agréable, au point de ne réaliser la présence de Severus que lorsque celui-ci vint se coller contre lui.

– Qu'est-ce que tu fais là ? fit Lucius en souriant sous les caresses entreprenantes de son compagnon. Il va se réveiller s'il ne te sent pas à côté de lui.

– Juste cinq minutes, protesta Severus à son oreille. J'ai envie de toi.

– Est-ce que tu m'as déjà vu faire quoi que ce soit en cinq minutes ? gloussa Lucius, à présent bien réveillé. Si c'est pour bâcler les choses, ce n'est pas la peine.

Severus ricana à son tour avant de glisser ses mains, puis plus tard sa langue, sur des endroits suffisamment convaincants pour lui faire oublier toute envie immédiate de sommeil.

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ooOOoo

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Quand il arriva dans la Salle à Manger le lendemain matin, Lucius constata que Severus avait eu raison sur tous les plans : Harry était bien plus en forme; souriant et gai comme à son habitude. Il paraissait serein et reposé, bien plus que Severus en tout cas, qui paraissait ne pas avoir beaucoup dormi.

Ils terminèrent leur petit-déjeuner ensemble puis se rendirent pour une fois dans la véranda pour prendre le thé. Malgré l'heure encore matinale, la pièce baignait dans une chaleur douillette accumulée les jours précédents, au point que Lucius retira sa veste pour rester en chemise sous le sourire amusé des deux autres.

Il n'aimait pas vraiment cette période de l'année qui le contraignait à des habitudes vestimentaires qui manquaient un peu trop d'élégance à son goût, mais le voir simplement en chemise ne semblait déplaire ni à Severus qui le regardait avec des yeux pleins de gourmandise, ni à Harry qui malgré sa discrétion n'en perdait pas non plus une miette. Et dire qu'avec l'arrivée des filles de Draco, il allait sûrement devoir se baigner pour jouer avec elles ! Mais ce serait également pour lui l'occasion de se rincer l'œil en observant Harry.

Pour l'heure, ils parlaient tous les trois des vacances et Harry était plus qu'enthousiaste à l'idée de partir, loin, longtemps, n'importe où, pourvu que ce soit avec eux.

– Et pour Sainte-Mangouste ? demanda Severus en voyant son amant s'enflammer dans ses projets de voyage.

– Je peux m'absenter comme je veux, révéla Harry. Techniquement, je n'ai qu'un contrat à mi-temps et au vu du temps que j'y passe, je pourrais déjà prendre plusieurs semaines de vacances... Je leur laisserai quand même un moyen de me joindre, si jamais...

Puis brusquement, son visage se figea et prit un air désemparé.

– Qu'est-ce qui se passera, Severus, si un jour je n'arrive pas à sauver un patient ?!

Lucius sursauta, surpris de cette angoisse soudaine qui montrait bien que Harry n'avait pas encore digéré d'avoir découvert in extremis la potion qui avait guéri son dernier patient.

– Ce n'est pas « si », Harry, répondit lentement Severus. C'est « quand ». Parce que ça arrivera forcément un jour. Tu ne pourras pas toujours tous les sauver. Et ce jour-là, eh bien... tu iras présenter tes condoléances à la famille, comme le font tous les médicomages, en disant que tu auras fait tout ce que tu as pu...

Harry resta silencieux un moment, perdu dans ses pensées et inconscient des vagues d'inquiétude qui agitaient sa magie, puis il se reprit, esquissa un sourire d'excuse et poursuivit la conversation sur ses rêves de voyage comme si de rien n'était.

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oooooo

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Hormis cette question brusquement surgie de ses inquiétudes, Harry affichait son sourire et sa bonne humeur habituels, jusqu'à l'arrivée de Draco et de sa petite famille, qu'il accueillit avec joie. Contrairement à ce que Lucius avait craint, Harry semblait ravi de leur présence pour quelques jours et il ne se priva pas de le montrer.

Les filles sautèrent de joie en les retrouvant tous, et elles babillaient à qui mieux mieux sur leurs vacances chez les parents de Daphnée, la fin de l'école, leur séjour prochain à Torquay, et toutes les futilités que peuvent raconter des enfants surexcités, s'interrompant l'une l'autre, ajoutant sans cesse dans la surenchère jusqu'à ce qu'un mot de Draco ne les incite à se calmer rapidement.

Iris trouva refuge dans les jambes de Severus, puis dans ses bras pour son plus grand bonheur, et ils sortirent tous ensemble sur la terrasse pour profiter du beau temps et faire un tour dans les jardins. Une fois les filles calmées par la promenade et leurs cavalcades dans les allées, ils revinrent s'asseoir sous les voiles d'ombrage du salon de jardin pour que Daphnée puisse se reposer.

Lucius lui trouvait une mine radieuse, les joues un peu plus pleines que d'ordinaire, ce qui lui allait à ravir, et le joli ventre rond qu'elle portait avec fierté attirait sans cesse son regard. Lui non plus, pas plus que Draco d'ailleurs, ne pouvait cacher sa fierté à ce futur héritier.

À force de contempler le ventre de sa belle-fille, il perçut un mouvement brusque qui fit onduler le tissu de sa robe, et après une hésitation, il leva un regard interrogateur vers Daphnée qui lui offrit un magnifique sourire.

– Il bouge ? murmura-t-il.

– Comme un petit diable, confia Daphnée à mi-voix. On dirait qu'il vole sur un balai là-dedans et qu'il passe son temps à faire des cabrioles avec !

Discrètement, elle prit la main de Lucius pour la poser sur son ventre redevenu calme. Puis, au bout d'un long moment, il perçut un mouvement fugace, presque irréel, rapidement suivi d'un autre plus fort. Daphnée lui sourit à nouveau, caressant son ventre pour apaiser l'enfant qui s'agitait maintenant dans tous les sens, déformant la peau de bosses saugrenues.

Lucius la regardait avec des yeux émerveillés, incapable de cacher l'émotion qui l'étreignait à sentir cet être minuscule bouger sous sa main. Un nouvel enfant dans cette famille... Inespéré et si précieux. Une vie infime et pourtant déjà si forte, qu'il aurait pu tenir dans ses mains et pour laquelle il ressentait déjà tant d'amour. Et tant de reconnaissance et d'estime aussi pour Daphnée qui portait cet enfant malgré les difficultés, et pour Draco qui l'avait créé... Ses enfants. Ses petits-enfants. Sa famille...

– Maman, maman ! Il bouge ?! Je peux toucher, moi aussi ?

Aux mots de Minerva, tous les regards se tournèrent vers eux, et Lucius retira prestement sa main du ventre de Daphnée, confus d'être surpris ainsi dans un geste si intime et qui l'émouvait tellement. Il ne put échapper cependant au regard amusé de Draco et à celui franchement moqueur de Severus. Seul Harry semblait légèrement distant, presque mal à l'aise, avant de cacher son incertitude derrière un sourire de façade. Son besoin d'un geste de réconfort était criant, mais si Severus l'avait perçu, il ne pouvait le lui accorder en public.

Lucius s'arrangea pour faire dévier la conversation sur un autre sujet que la grossesse de Daphnée; il aurait tout le temps d'en parler plus tard en privé avec elle. Harry semblait toujours un peu perturbé dès qu'il s'agissait de parler d'enfant, et il ne voulait pas l'obliger à cela. Il devait éviter également le sujet qui leur brûlait à tous les lèvres mais qu'ils ne pouvaient évoquer devant le jeune homme : son anniversaire le lendemain, et Lucius porta son dévolu sur le bal des Malfoy à venir quelques jours plus tard. Il avait besoin de mettre certaines choses au point et le moment n'était sans doute pas pire qu'un autre.

– Tu seras présente ? fit-il à Daphnée.

– Un petit moment... La grossesse me sera une bonne excuse pour ne pas y rester trop longtemps. Tu sais que je ne suis pas très à l'aise dans ce genre de circonstance, s'excusa-t-elle.

Lucius acquiesça obligeamment. Daphnée n'était pas une sorcière, et qui plus est d'une extraction moldue assez modeste, et elle ressentait cruellement dans ces soirées mondaines qu'elle n'appartenait pas au même milieu que tous ces gens. Ou plutôt, certains ne s'étaient pas privés de le lui faire remarquer, profitant que Draco ou Lucius avaient le dos tourné ou étaient accaparés par une autre conversation. Daphnée avait essuyé son lot de sarcasmes, voilés par la politesse mais qui n'en étaient pas moins humiliants.

– Toi, en revanche, fit-il à Harry, tu devras être présent...

Lucius n'avait pas encore eu le temps d'en parler clairement avec le jeune homme, et il le vit se décomposer légèrement.

– Heu... Je ne peux pas faire comme Daphnée ? Un petit tour et je m'en vais ? Elle aura besoin que quelqu'un lui tienne compagnie...

– Merci de penser à moi, pouffa-t-elle, mais j'en profiterai pour coucher les filles pas trop tard.

– Non, trancha Lucius. Tu devras être présent du début à la fin. Tout le monde sait que tu vis ici et s'attend à t'y voir. Tu ne peux pas te défiler. Et ton comportement sera regardé autant que celui de Severus. J'attends de toi d'être exemplaire !

Le ton était plus sec et autoritaire qu'il ne l'avait voulu et chacun autour de la table le regarda d'un air surpris, excepté Harry qui soupira avec résignation. Cette mise au point coûtait à Lucius mais elle était nécessaire, et le simple fait que personne ne proteste autour de la table était bien le signe que chacun était conscient du rôle qu'il se devait de tenir lors de ce bal. Harry ne lui devait rien, excepté le respect et l'hospitalité, mais rien que pour cela, il devrait tenir son rang en société sans le mettre en défaut.

Lucius avait sans doute un peu exagéré : Harry n'était pas tenu d'être présent jusqu'au départ des derniers invités. Et il le comprendrait sans doute en voyant Severus s'éclipser au bout de quelques heures, mais ses exigences avaient porté leurs fruits et Harry acquiesça sans mot dire, se renfonçant contre le dossier de son fauteuil.

– Et est-ce que mes princesses ont amené leurs plus belles robes pour le bal ? reprit-il d'un ton plus gai.

Pendant que les filles s'égosillaient sur leur tenue sous les rires de leurs parents et de Severus, Lucius observa Harry à la dérobée et se sentit un peu coupable. Le jeune homme restait en retrait, le regard trop sombre à son goût, et s'il n'y avait eu les filles, Draco et Daphnée, il serait allé lui parler pour le réconforter ou aurait envoyé Severus pour le faire. Peut-être avait-il eu tort de faire cette mise au point en public, mais il craignait trop le comportement un peu débridé de Harry lors du bal pour ne pas l'avertir auparavant de ce qu'il attendait de lui.

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Plus le temps passait sous les paroles et les rires, et plus Lucius devait résister à l'envie de se lever pour aller enlacer le jeune homme. Il n'aimait pas le voir ainsi maussade et fermé, et cela par sa faute, alors qu'il souhaitait par-dessus tout que ces moments en famille soient les plus chaleureux possibles. Car Harry faisait partie de la famille, qu'il le veuille ou non, et Lucius n'aimait pas blesser les gens qu'il aimait. Sa brouille avec Draco lui avait suffi.

Son désir d'aller parler à Harry, de le prendre dans ses bras, et plus encore, devenait insupportable, et Lucius était sur le point de dire à Severus de s'éloigner avec lui lorsqu'il croisa enfin les yeux verts du jeune homme qui avait repris une conversation en aparté avec Draco. À mesure que leurs regards s'attardaient l'un dans l'autre, celui de Harry redevint plus lumineux, plus espiègle et un sourire refit son apparition sur son visage, au grand soulagement de Lucius. Mais un sourire un peu trop mutin et enjôleur pour le laisser de marbre, et Lucius dut détourner le regard au grand amusement de Harry. S'il le souhaitait, ce sale gosse ferait vraiment de lui ce qu'il voudrait !

Autour de la table, nul n'avait perçu ce jeu de regard hormis Draco qui le fixait d'un œil circonspect sans relever pour autant ce qui venait de se passer. Minerva s'extasiait encore des mouvements du bébé auprès de Daphnée, et Severus était comme d'habitude accaparé par Iris qui, sans souci de la table trop proche ou des boissons qui menaçaient de se renverser, avait entrepris de grimper sur ses genoux pour trôner devant toute l'assemblée.

La chaleur aidant, les filles finirent par supplier pour se jeter à l'eau, peu désireuses d'assister à la conversation des adultes qui ne leur semblait d'aucun intérêt. Étonnamment, Draco céda le premier, rapidement suivi par Severus qui ne savait jamais résister aux grands yeux émouvants d'Iris. Même Daphnée, après une hésitation, partit revêtir son maillot de bain pour se rafraîchir dans la piscine.

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– Tu m'en veux ? fit Lucius à Harry qui n'avait pas quitté son fauteuil.

– De quoi ? De ce petit sermon sur l'attitude que je devrai avoir au bal ? ironisa le jeune homme. Non. Vous auriez pu me le dire autrement, mais peu importe.

Du fond de son fauteuil, Harry le fixait d'un regard tout à fait détendu mais dans lequel Lucius décelait un soupçon de sournoiserie qui ne lui disait rien qui vaille.

– Je suis désolé, s'excusa-t-il. Le moment était sans doute mal choisi, au final...

– Vous savez pourtant être convaincant de bien d'autres manières, quand vous le souhaitez... Et je préfère ce petit ton autoritaire dans d'autres circonstances...

Malgré lui, Lucius ouvrit de grands yeux ronds devant l'intonation de Harry, licencieuse à souhait.

– C'est la vengeance que tu as choisie ? s'amusa-t-il. La provocation ?

– Et ça marche plutôt pas mal, fit le jeune homme avec un sourire espiègle.

Harry n'avait pu que remarquer la façon dont il avait frémi sous ses paroles et son regard.

Depuis que Severus était revenu vers lui, Lucius avait l'impression que ses appétits charnels étaient décuplés, comme pour rattraper le temps perdu, et Harry restait une tentation qu'il avait en permanence sous les yeux sans pouvoir la satisfaire. Il savait se maîtriser mais il sentait bien aussi que tout son corps criait à l'assouvissement de son désir, et le moindre mot ou la moindre attitude de Harry le faisaient fondre.

– Tu abuses de mes faiblesses ? sourit-il.

– Je préférerais abuser de vous d'une autre manière, mais c'est déjà un bon début...

Lucius se mordit la lèvre pour ne pas céder. Harry ne jouait plus dans la subtilité ou les insinuations, il était outrageusement provocant, presque cru, aussi bien dans ses paroles et le ton de sa voix, aussi suggestive qu'une caresse, que dans son attitude alanguie. À demi renversé contre le dossier de sa chaise, le bassin en avant, la chemise toujours légèrement entrouverte – trop ouverte – et son bras, posé sur l'accoudoir, mais dont la main ballante donnait l'impression qu'il se caressait par-dessus son pantalon... Lucius dut détourner le regard pour ne pas rester bêtement fixé sur cet entrejambe dont le tissu serré ne soulignait que trop bien la rondeur. Son propre pantalon lui paraissait également quelque peu étriqué et si besoin était, il n'était pas sûr de pouvoir se lever en toute décence.

– Or donc, mes crises d'autorité ont de l'effet sur toi ?

– Vous le savez déjà, Lucius, répondit Harry avec un sourire mutin. Mais si vous saviez à quel point... Ce soir-là, dans votre chambre, où vous avez embrassé et léché mon cou... si vous ne m'aviez pas dit de partir, vous auriez fait de moi ce que vous vouliez.

Le regard vert sombre de Harry ne perdait pas une miette de la légère rougeur de ses joues, savourant son trouble avec délectation. Lucius se souvenait parfaitement bien de cette soirée où Harry l'avait attendu dans sa chambre et où il avait avoué la raison de sa distance soudaine avec le jeune homme : le désir envahissant et obsessionnel qu'il éprouvait envers lui. Jusqu'à se laisser submerger en plaquant Harry contre la porte et en faisant subir à la peau de son cou tout ce qu'il avait envie de lui faire subir ailleurs.

Ce soir-là, Lucius avait légèrement dépassé la limite. Bien moins qu'il ne l'aurait voulu, mais bien trop pour Severus dont la jalousie avait éclaté par la suite. Mais savoir que Harry se serait laissé faire avec un plaisir consenti était encore plus troublant.

– Ça suffit Harry, fit-il en renversant la tête en arrière et en fermant les yeux pour gérer sa frustration. Je pense que j'ai compris la leçon et que tu peux arrêter cette petite séance de torture...

– Je ne sais pas, minauda Harry. Je trouve ça assez plaisant de vous voir réagir sans contrôle. Je me souviens parfaitement bien quand vous m'avez raconté la façon dont Severus vous avait obligé à rencontrer Daphnée et j'avoue que j'aime assez ces manières de faire.

Il se souvenait également de cette fois où Severus l'avait abandonné allongé sur un transat à la piscine d'un hôtel avec une érection parfaitement indécente, et il n'était pas très loin d'être dans le même état.

– Vous êtes un homme très excitant, Lucius. Mais aussi un homme très excitable, et c'est un vrai plaisir de jouer avec vous. Notez que j'aurais pu me servir de la magie, ou bien faire cela en public... ou les deux à la fois. Mais je pense que cette punition suffira. Pour l'instant.

Lucius grimaça devant les menaces presque trop alléchantes pour ne pas le tenter et ouvrit les yeux en évitant le regard émeraude qui ne le quittait pas.

– Je te sais gré de ta magnanimité, ironisa-t-il. Mais cela reste une punition cruelle. Tu sais que je ne peux pas te toucher...

Percevant des voix, il tourna la tête vers les portes du Manoir où apparaissaient les silhouettes des filles et de Severus à demi nu.

– C'est une punition qui vaut pour moi aussi, fit Harry avec un sourire sarcastique. Sans doute mon côté masochiste...

De toute évidence, Harry était aussi excité et fébrile que lui, même s'il parvenait à le cacher davantage grâce à sa magie.

– J'apprécie le côté masochiste. Mais je ne suis pas sûr d'aimer autant le côté manipulateur.

– Parce que, pour une fois, vous en faites les frais ? sourit Harry. Je suis à moitié Serpentard... vous semblez trop souvent l'oublier.

Derrière les filles et Severus, Draco et Daphnée arrivaient à leur tour, les bras encombrés de serviettes de bain. En maillot, le ventre de la jeune femme semblait encore plus impressionnant et la fine ligne brune qui le partageait en deux jusqu'au nombril semblait prête à rompre.

– Et quel est donc ton objectif ? s'amusa Lucius.

– Si je vous le disais, ce serait trop facile ! ricana Harry.

– Suis-je la proie ?

– Disons que... vous faites partie du tableau de chasse.

Harry ne le regardait plus. Ses yeux étaient rivés sur son amant dont la peau blanche était éblouissante en plein soleil, mais dont la stature alléchante faisait oublier ce léger défaut. Lucius également ne pouvait qu'apprécier la carrure de son compagnon : Severus était magnifique. Un torse dessiné à souhait par des heures de natation, des épaules sublimes, des muscles puissants qui appelaient la main, la caresse, la langue, n'importe quoi pourvu qu'on puisse les toucher.

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Draco et Daphnée déposèrent les serviettes de bain sur les transats qui ceinturaient la piscine et Severus poussa aussitôt son filleul dans l'eau sous les éclats de rire de Minerva et Iris. La chute avait été inélégante au possible, mais Draco refit surface avec une prestance toute Malfoyenne, les cheveux lissés en arrière sans le moindre défaut et nageant vers le bord avec grâce.

– Tu ne perds rien pour attendre, fit-il à Severus en riant avant d'éclabousser ses filles qui se moquaient encore de sa chute.

– Encore, Sévie ! Encore ! cria Iris en battant des mains.

– Attends une minute. Je vais voir les deux vieux, là-bas, qui ne veulent pas se baigner.

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– Alors ? fit-il en rejoignant Lucius et Harry dont les regards affamés ne l'avaient pas quitté. Vous ne venez pas ? Et qu'est-ce que c'est que cette ambiance électrique ? On croirait que vous allez vous entretuer !

L'atmosphère n'était pas électrique de colère, mais de désir, et Lucius frémit en apercevant de plus près, juste derrière le dossier de la chaise de Harry, le torse de Severus qui, malgré leur relation, lui restait inaccessible dans l'immédiat en raison de la présence des fillettes.

– Disons que Harry n'a pas apprécié ma petite leçon de morale sur sa présence au bal... et ça a fait ressurgir son côté rusé... sournois...

– Vicieux, je vous l'accorde, ricana le jeune homme. Ce que ton mari veut te dire, dit-il à Severus, c'est que je me suis vengé, et que cette vengeance ne l'a pas laissé de marbre...

Lucius sentit sur lui le regard perçant de Severus, qui l'observait de la tête aux pieds et détaillait ses yeux trop brillants, ses joues encore rosées, son souffle rapide et cette rondeur qui déformait toujours son pantalon décidément trop étroit. Severus savait juger de son excitation à d'infimes détails et ceux-là n'étaient que trop explicites.

– Eh bien, fais attention à ne pas trop te venger sur mon mari, ronronna Severus en baissant la tête vers Harry.

Severus était tout à fait conscient que son corps cachait aux yeux des baigneurs aussi bien le jeune homme assis juste devant lui que ses propres mains. Et avant que Harry n'ait pu réagir, elles se faufilaient sur le cou et le torse de son amant, glissant sous sa chemise trop échancrée, indiscrètes et osées.

Harry savait que le regard de Lucius était rivé sur lui, ne perdant pas une miette des caresses que lui prodiguait Severus, et il ferma instinctivement les yeux lorsque les mains de son amant s'approchèrent trop près de ses tétons.

– ... sinon, je serais obligé de sévir, murmura Severus tandis que Harry étouffait un gémissement sous la morsure du pincement.

Le sourire de Lucius était pure luxure et Severus eut envie de ricaner devant ces deux hommes éperdus de désir qui, ni l'un ni l'autre, ne connaîtraient de délivrance.

– Quel dommage que je ne puisse m'occuper de vous soulager, ironisa-t-il. Mais des obligations familiales m'attendent...

– Sévie ! trépignait Iris depuis un moment sans qu'aucun d'eux trois ne l'ait entendue.

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Severus s'éloigna en direction de la piscine, prêt à attraper la fillette pour la jeter à son tour dans l'eau.

Restés seuls à nouveau, ils mirent un moment à retrouver une certaine contenance et un souffle normal, Lucius plus rapidement que Harry cependant. Malgré l'excitation qu'il avait ressentie à voir son compagnon toucher le jeune homme de manière si sensuelle, il était toujours ému lorsque Severus parlait de Draco ou des fillettes comme de sa famille, et cela avait suffit à le calmer. En dépit des années, il craignait encore que Severus ne se sente pas tout à fait à sa place au Manoir, qu'il se sente exclu de ce bonheur familial auquel rien ne le rattachait, hormis l'habitude et le bon vouloir de Lucius. Severus n'avait pas de statut officiellement, il n'était rien pour personne.

– Arrêtez de le regarder comme ça avec des yeux de merlan frit ! ricana Harry en interrompant ses pensées. C'en est presque indécent !

– Silence ! marmonna Lucius en souriant. Ou je le rappelle pour qu'il vienne te tripoter à nouveau !

En gloussant, Harry se leva et déplaça sa chaise pour venir s'asseoir non loin de lui, face à la piscine, et pouvoir regarder Draco et sa petite famille profiter des joies de la baignade.

– Tu devrais y aller aussi, fit Lucius.

– Je ne suis pas sûr...

– Pourquoi ?! Il fait une chaleur de tous les diables et tu adores te baigner !

Harry grimaça un instant avant de répliquer :

– Parce que Severus et moi dans une piscine... ça finit rarement de manière très chaste ! Et je suis déjà bien assez frustré comme ça !

Devant cet aveu désarmant de franchise, Lucius éclata de rire, s'attirant le regard surpris de son fils qui les observa un instant avant de disparaître sous l'eau, renversé par Severus.

– Vous avez dit quelque chose à Draco, n'est-ce pas ?

– Pourquoi ?

– Parce qu'il sait. Il sait que vous êtes attiré par moi. Et sans doute a-t-il compris aussi que vous m'attiriez.

Tout en posant les choses entre eux de manière aussi crue et déstabilisante, Harry gardait les yeux rivés sur la piscine et ses baigneurs, en apparence indifférent et si vibrant en même temps.

– Il avait perçu les tensions entre Severus et moi ces derniers temps, il est intelligent... Je lui ai juste dit de ne pas s'étonner de certaines choses, ou de certains propos.

– Je ne suis pas le seul manipulateur de nous deux, fit Harry avec un sourire.

Lucius hocha la tête en gloussant avant de tourner son visage vers le jeune homme pour l'observer.

– Qu'est-ce qu'il y a ? fit Harry au bout d'un moment.

– Rien. Je suis... fasciné, je crois, avoua Lucius. Je ne parviens toujours pas à comprendre comment tu fonctionnes !

– Comment ça ? fit Harry, franchement surpris.

– Comment peux-tu être aussi posé et réfléchi maintenant, alors que tu étais complètement lubrique et déluré il y a cinq minutes, et si angoissé ce matin à l'idée de ne pas pouvoir sauver tous tes patients !

Harry haussa les épaules en souriant légèrement.

– Parce que je suis comme ça. Vous pouvez dire que je suis lunatique si vous voulez. C'est juste que... je ne triche pas. Avec vous, avec Severus, avec Draco... je ne cache rien. Ni les moments où j'ai envie de m'envoyer en l'air sur un coin de table, ni... le reste. Pour toutes les raisons que vous connaissez et d'autres encore, je traîne avec moi un paquet d'angoisses, de cauchemars et d'obsessions qui ressurgissent n'importe quand. Et que je ne cherche plus forcément à nier. Severus... Severus prend tout ça de plein fouet et il a parfois du mal à le gérer; je le sais bien mais je ne peux pas faire autrement.

– Severus n'en parle pas vraiment... Enfin, on n'a pas vraiment eu l'occasion de parler beaucoup ces dernières semaines, ironisa Lucius.

– Je sais. Et je suis profondément désolé pour ça aussi.

Lucius haussa les épaules en détournant le regard vers la piscine où Iris tentait de grimper sur les épaules de Severus.

– Tu n'y es pour rien. J'en suis en grande partie responsable, et je pense que c'était de toute façon une étape nécessaire. Ça a permis de purger un certain nombre de questions qui nous auraient empoisonné l'existence...

Lucius se tut un instant avant de reprendre.

– Mais je sais qu'il est parfois déstabilisé, confia-t-il à mi-voix. Je pense surtout qu'il a le sentiment de ne pas réussir à faire assez.

– Severus fait pourtant tellement. Il est là tout le temps... Je sais que je lui en demande beaucoup, sans doute trop, et qu'il n'est du coup pas très présent pour vous.

– Je n'ai pas... besoin de Severus de la même manière que toi. Du moment qu'il n'est pas complètement indifférent, ou en colère contre moi, je peux supporter qu'il soit davantage auprès de toi.

Sans doute Harry ne pouvait-il guère répondre à cela, mais il posa sa main sur l'avant-bras de Lucius et la magie qui filtra au travers de ce simple contact contenait plus de gratitude et de reconnaissance qu'il n'aurait pu l'exprimer verbalement.

– Et tu n'es pas si... angoissé que ça. On a tous des moments de doute ou d'inquiétude...

– C'est parce que vous ne vous rendez pas compte de tout, Lucius ! fit Harry en riant. Depuis qu'ils se baignent, j'ai déjà failli libérer ma magie au moins trois fois pour vider la piscine, tellement j'ai peur dès que je les vois disparaître trop longtemps sous l'eau. Et demandez à Severus comment je dors la nuit et le nombre de fois où mes cauchemars le réveillent !

Lucius posa à son tour sa main sur celle de Harry. Si c'était vrai – et ça l'était certainement –, il aurait tellement voulu faire plus pour lui...

– Mais à part ça, je vais bien, fit Harry avec un sourire ironique.

– Tu devrais aller te baigner. T'amuser un peu... Au moins, tu les surveillerais d'un peu plus près.

– Tout ça pour me voir en maillot de bain !

– Ce n'est pas le moindre intérêt d'une petite séance de piscine, avoua Lucius en souriant. Mais pour tout dire, je te préférerais nu.

Harry éclata de rire puis se tourna vers lui avec un regard effronté.

– J'y vais si vous venez. Pas de raison que vous soyez le seul à vous rincer l'œil !

Lucius hésita un instant, davantage pour la forme qu'autre chose, puis acquiesça. Avec un sourire ravi, Harry se leva et fit disparaître ses vêtements pour se retrouver pourvu d'un maillot de bains minimaliste sans doute choisi à dessein. Il tendit ensuite sa main à Lucius qui la saisit pour se redresser, achevant son mouvement en se découvrant aussi peu vêtu que Harry et dévoré par son regard appréciateur.

– Je ne suis pas sûr d'apprécier des manières aussi expéditives, marmonna-t-il, presque mal à l'aise.

– Je ne suis pas aussi expéditif dans toutes les circonstances, ricana Harry. Mais je ne voulais pas prendre le risque de vous voir vous défiler !

Iris et Minerva crièrent leur joie quand elles les virent s'approcher de la piscine et rapidement, Harry plongea la tête la première dans l'eau avec la folle envie d'aller frôler le corps de son amant et plus encore.

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L'après-midi fut un pur régal où Harry put oublier jusqu'à la moindre de ses angoisses et son dernier patient sauvé in extremis. Même la présence des fillettes dans l'eau fut supportable; entourées de cinq adultes, elles ne craignaient pas vraiment grand chose.

Lucius s'écarta rapidement dans un coin de la piscine pour tenir compagnie à Daphnée et simplement se rafraîchir dans l'eau, tandis qu'ils passaient leur temps à plonger, s'éclabousser, se renverser les uns les autres et chahuter en tous sens. Minerva et Iris finirent sur les épaules de Draco et de Severus, essayant de se faire mutuellement tomber à l'aide d'une grande perche en mousse pendant que Harry tentait de distraire les porteurs; ce qui était bien plus facile à faire avec son amant qu'avec Draco.

Au final, le seul point noir fut celui-là : cette frustration terrible naissant de l'impossibilité de toucher son amant aussi souvent qu'il en avait l'habitude, et même de pouvoir parler librement devant les filles. Et pourtant, Severus ne se privait pas, lui, de le taquiner, de le provoquer à mots couverts, de plaisanter sur cette incapacité, aidé par Lucius qui riait sous cape et ajoutait son grain de sel à cette mascarade destinée à le faire craquer.

Harry n'en pouvait plus de lutter contre la tentation et de devoir surveiller chaque mot et chaque geste; il voulait juste plaquer Severus dans un coin, de préférence en position allongée, et l'embrasser jusqu'à se sentir provisoirement rassasié, tout en collant son corps contre le sien si le baiser ne suffisait pas. Mais Iris et Minerva étaient là, partout, tout le temps, et dans une moindre mesure Draco et Daphnée, et il ne pouvait décemment et raisonnablement pas se laisser aller.

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Il pouvait se passer de Severus. En temps ordinaire, il était capable de ne pas le voir de la journée quand ils travaillaient l'un et l'autre. Parfois plusieurs jours d'affilée comme lorsque Severus était parti à New-York, même si cela avait été nettement plus dur. Mais là, c'était différent. L'impossibilité ne venait pas de la distance entre eux, mais de cette stupide convention sociale qui le contraignait à ne rien faire en public. Severus était là, présent, à portée de mains, de lèvres, de langue, mais il n'avait pas le droit de le toucher et c'en était d'autant plus insupportable. Harry avait l'impression de se débattre dans un carcan invisible qui l'empêchait de franchir les derniers centimètres qui le séparaient du corps et des bras de son amant et il en aurait gémi de frustration. Sans parler des moqueries qui venaient sans cesse raviver cette douleur muette à chaque fois qu'il commençait à se résigner.

Il adorait les filles de Draco, et pourtant, pour la première fois, il aurait préféré qu'elles soient absentes, et il comprenait mieux l'insistance de Lucius lorsqu'il lui avait demandé si la présence de Draco et de sa famille pour quelques jours ne le gênait pas. Lucius, mieux que lui sans doute, avait perçu son changement progressif de comportement et son besoin de plus en plus prégnant d'être régulièrement en contact physique avec Severus. Harry se rendit compte que, même devant l'aristocrate, il ne se gênait plus pour embrasser Severus, le toucher ou se réfugier dans ses bras, et encore une fois, l'abnégation de Lucius le saisit de plein fouet. Et son « sermon » au sujet du bal prenait d'autant plus de sens...

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– Vous devriez aller jouer un peu dans la salle de jeu avant le dîner, les filles, dit doucement Lucius. Ou vous installer devant un dessin animé... Je dois parler à Draco et Daphnée dans mon bureau. Quant à toi, fit-il à Severus, tu devrais aller faire un tour avec Harry. Je crois qu'il a besoin de se détendre.

Perdu dans ses pensées, Harry mit quelques instants à comprendre qu'on venait de parler de lui tandis que les fillettes partaient en courant vers le Manoir, ravie de cette autorisation exceptionnelle de s'affaler devant la télé.

Parcourant du regard les personnes qui restaient, Harry fut surpris de constater le sourire entendu de Lucius et ceux, plus discrets et circonspects, de Draco et Daphnée. Brusquement, il sentit sur son épaule la main de Severus qui s'était levé sans qu'il n'y fasse attention.

– Viens. Allons-y.

Comme un automate et sans comprendre, Harry se leva et le suivit dans les vastes escaliers qui descendaient vers le jardin. À mesure qu'ils s'enfonçaient en silence dans les allées sinueuses entre les massifs à l'anglaise, il fronça peu à peu les sourcils et se tourna vers Severus.

– Qu'est-ce qui se passe ? J'ai raté un épisode ?

– Ta magie commençait à s'agiter. Comme moi, Lucius l'a perçu et il a estimé qu'une petite pause te serait profitable...

– Oh.

Il n'y avait pas grand chose à répondre. Il avait été distrait par ses pensées et sa frustration et il n'avait sans doute pas assez fait attention. Il n'allait pas bouder son plaisir de passer un moment seul à seul avec Severus, mais il était autant agacé que reconnaissant aux deux hommes de cette façon permanente de veiller sur lui. Entre « veiller sur » et « surveiller », la frontière était parfois mince et son ego en prenait un coup.

Mais qu'importe. Ils étaient seuls et Severus était à portée de main sans que plus rien ne le retienne. Harry attrapa son amant par le bras et l'obligea à s'arrêter et à se tourner vers lui, se collant immédiatement contre son corps pour l'embrasser à pleine bouche.

Severus lui rendit son baiser avant de s'écarter en ricanant.

– Impatient ! Viens par là, fit-il en l'entraînant un peu plus profondément dans les jardins.

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Au détour d'un bouquet d'arbres se dressa devant eux une petite construction rouge et noire, au toit en forme de pagode, dont la structure en bois laqué rappela à Harry son séjour en Asie.

– Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en réalisant qu'il ne s'était jamais promené dans cette partie retirée des jardins.

– Le pavillon chinois. Une vieille folie de Lucius qu'on ne fréquente plus guère...

La porte s'ouvrit sur une petite pièce ronde occupée en son centre par un immense canapé. Sur la gauche, sur au moins un tiers du pavillon, une large baie vitrée permettait une vue imprenable sur un petit étang dont les eaux tranquilles reflétaient le ciel en un parfait miroir. Au loin, un héron promenait son long bec à la recherche de poissons ou d'insectes.

D'un geste de baguette, Severus alluma quelques chandelles et se laissa tomber sur le canapé, entraînant Harry à sa suite. En quelques secondes, ils finirent allongés l'un sur l'autre, aussi emmêlés qu'il est possible de l'être.

– On a combien de temps avant le dîner ? fit Harry dans un sursaut de clairvoyance.

– Une petite heure.

– Ça va être juste, ricana-t-il.

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En réalité, il leur fallut bien moins de temps pour se calmer. Harry avait plus envie de contact que de sexe et leur excitation s'étiola en quelques minutes. Il s'en mordrait peut-être les doigts ce soir ou cette nuit, quand le désir le submergerait de nouveau et qu'il ne pourrait pas rejoindre Severus, mais pour le moment il était nu entre ses bras et il n'en demandait pas davantage.

Sur l'étang, le jour s'assombrissait lentement, noyant les arbres et les eaux dans un dégradé de gris et de bleus. Severus avait déplié une couverture légère pour les recouvrir, et dans ce nid douillet entre le coton et la peau de son amant, Harry se sentait comme dans un cocon, à l'abri, protégé et tellement à sa place.

Du bout des doigts, il caressait distraitement les bras de Severus refermés sur son torse, percevant sur sa nuque et dans ses cheveux la respiration tranquille de son amant. Severus glissa un baiser sous son oreille, comme une excuse préalable à ce qui allait suivre et Harry se tendit légèrement lorsqu'il ouvrit la bouche pour parler.

– Est-ce que... je peux te poser une question ?

– C'est déjà fait, murmura Harry. Quelle est la suivante ?

Severus ne sourit même pas à son ironie et après une hésitation, il posa la question.

– Est-ce que tu éprouves du désir pour Lucius ?

Son ventre se serra brutalement. Harry eut l'impression d'un coup de tonnerre dans un ciel serein, mais en même temps, il ressentit comme du soulagement.

Jamais jusqu'à présent Severus ne l'avait incriminé dans ce qui se passait, il avait systématiquement reporté la seule culpabilité sur Lucius. Mais avouer maintenant qu'il partageait ce désir n'était que rendre justice à l'aristocrate. Et puis, tout ça ne pouvait pas continuer ainsi. Harry ne se sentait pas coupable de quoi que ce soit, parce que ses sentiments pour Severus étaient intacts, et même plus puissants de jour en jour, mais la réalité était plus vaste et plus complexe que leur simple relation. Et Lucius faisait partie de cette équation, qu'il le veuille ou non.

– Parfois, il... Lucius ne me laisse pas indifférent, avoua-t-il lentement. Ça n'a rien à voir avec l'amour que je ressens pour toi. C'est une envie purement physique, quelque chose qui nous électrise l'un et l'autre par moments... Mais à part ce qu'il t'a confié quand tu es rentré de New-York, il ne s'est jamais rien passé.

Contre ses cheveux, Severus secoua doucement la tête.

– Je sais, et ce n'est pas ce que je te demande. Est-ce que tu l'aimes ?

Harry se tendit encore un peu plus entre les bras de son amant.

– Je ne crois pas, non. J'ai... beaucoup d'estime et beaucoup d'amitié pour Lucius. J'apprécie son élégance, cette noblesse aussi bien d'âme que dans son attitude, sa compréhension très intuitive des pensées des autres et sa... générosité. Mais je n'éprouve pas d'amour envers lui. Simplement, parfois... à travers la complicité surgit le désir. Et ni lui, ni moi ne pouvons l'empêcher...

Severus resserra ses bras autour de lui et nicha son visage dans ses cheveux pour respirer son odeur.

– J'aime... la façon dont tu l'aimes.

Incertain quant à la réaction de son amant, Harry se détendit pourtant légèrement, se lovant un peu plus contre son torse et glissant sa tête en arrière dans le creux de son cou.

– Tu n'es pas... en colère ? Ou jaloux ?

– Non, répondit rapidement Severus. Et vous pouvez faire ce que vous souhaitez. Je ne veux pas m'opposer à ça. Je ne peux pas, je ne suis pas... toujours là pour toi. Je vois bien que parfois tu as besoin de plus que je ne peux te donner.

Harry se tut dans un silence coupable, bien trop conscient de ce qu'il faisait vivre à son amant. Même Lucius avait perçu à quel point Severus se sentait parfois impuissant et dépassé, et il n'aimait pas cette sensation de le mettre en échec.

– Je connais Lucius mieux que personne, murmurait Severus, et je sais quel homme il est. En toutes circonstances. Si tu dois être attiré par quelqu'un d'autre que moi, je ne pourrais pas rêver mieux que lui. Il est... attentif et généreux. Bien plus doux qu'on ne pourrait le croire. Et je sais qu'il prendra soin de toi... J'ai une absolue confiance en lui.

Dans l'obscurité de plus en plus présente sur l'étang et dans la pièce, Harry ouvrit des yeux ronds, sidéré par les propos de son amant, et dut presque retenir un ricanement surpris.

– Est-ce que... tu es en train de me faire l'article de ton mari ?!

Severus gloussa devant sa formule si peu romantique.

– Je suis en train de te dire que Lucius est un homme bien. Et que je ne serais pas jaloux, quoi qu'il puisse se passer entre vous.

Oscillant entre surprise et malaise, Harry ne savait comment réagir à ce que sous-entendait Severus. À vrai dire, il ne sous-entendait plus rien, il lui donnait une complète absolution pour le tromper.

– Je... Je ne voudrais pas que ça se passe comme ça, murmura Harry en s'agitant légèrement. J'aurais... trop l'impression de te trahir.

S'imaginer coucher avec Lucius sans Severus, ce serait faire quelque chose dans son dos, et malgré les belles paroles de son amant, Harry ne le croyait que très modérément capable de tolérer cela. Mais il avait déjà failli céder une fois...

– Il y a d'autres possibilités, non ? suggéra-t-il.

– Je peux... admettre que tu aies Lucius pour amant, répondit Severus. Et savoir que vous couchez parfois ensemble... Mais je ne pense pas supporter de le voir.

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Le dîner et la soirée furent étranges. Harry ne faisait que repasser dans son esprit les paroles de Severus et il resta fort en retrait des conversations, bien que sans animosité envers les personnes présentes. Il était simplement... ailleurs. Le regard fixé sur Severus et pourtant si lointain.

Épuisées par l'après-midi passée dans la piscine, Iris et Minerva partirent se coucher de bonne heure, et Harry en profita aussitôt pour retourner se lover contre son amant, tout en étant pourtant incapable de lui dire un mot.

En redescendant des chambres des fillettes, Draco et Daphnée furent surpris de le trouver ainsi, dans une position impudique de tendresse et de douceur, mais aucun ne fit de commentaire. Draco l'avait déjà vu proche de Severus, voire même sur ses genoux, mais Daphnée, si elle connaissait également la réalité de leur relation, n'en avait jamais été témoin. Et le fait que cela se fasse sous le regard consentant de Lucius était une surprise supplémentaire.

– Tu étais sérieux ? demanda Harry au beau milieu d'une conversation à laquelle il ne participait pas.

– À quel propos ? fit Severus.

– Tout ce que tu m'as dit tout à l'heure ?

– Oui.

Et Severus tourna la tête vers Draco pour lui répondre sans plus se soucier de son amant entre ses bras.

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Harry restait... dubitatif. Il n'arrivait pas à croire que Severus puisse « l'autoriser » à coucher avec Lucius. Pas après avoir été si jaloux pendant des semaines. C'était incongru. Inconcevable. Et il ne parvenait pas à comprendre ce qui avait pu motiver pareil changement d'attitude.

S'il l'avait pu, il aurait voulu en parler avec Lucius, savoir si Severus lui avait tenu le même discours, mais il ne parvenait pas à capter le regard de l'aristocrate, et quand bien même, le moment aurait été bien mal choisi. Il devrait sans doute attendre un tête à tête imprévu, demain ou un autre jour, le temps d'éclaircir ses propres idées et sentiments.

Pour l'heure, Harry n'arrivait pas à comprendre ce qu'il ressentait. Énoncé par Severus, le fait de céder à Lucius paraissait étrange et hors de propos. Comment pourrait-il le tromper en toute connaissance de cause ? Sachant que Severus le tolérerait mais ne voulait surtout pas trop être au courant ? Qu'il voulait surtout ne rien voir... ? Raisonnablement, Harry ne pouvait pas lui faire cela.

Et pourtant, il savait aussi à quel point Lucius l'attirait. À quel point le charisme de l'aristocrate et sa prestance le fascinaient, et combien il était difficile de lui résister... Et puis les moments où Lucius n'était que douceur et bienveillance survenaient et Harry savait qu'il tomberait un jour dans l'un ou l'autre piège. L'aristocrate ou l'homme, chacun à sa manière était attirant.

Il y avait bien une autre solution, mais plus il y songeait, plus elle paraissait complexe et délicate.

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Quand ils montèrent tous se coucher, Harry leva les yeux au ciel en voyant Lucius et Severus se diriger chacun vers sa propre chambre, comme de rigueur lorsque Minerva et Iris étaient de passage au Manoir. Son soupir exaspéré attira l'attention de Daphnée qui gloussa avec un sourire complice avant de disparaître dans sa chambre derrière Draco. Qui donc était encore dupe de cette mascarade dans la maison ?! Même Minerva avait confié à Harry qu'elle savait la nature de la relation entre son grand-père et Severus !

Seul dans sa chambre, Harry tourna en rond quelques minutes, du canapé à la fenêtre, de la salle de bains à son bureau, avec trop de pensées dans la tête et d'agacement en lui pour songer à se coucher dans l'immédiat. Il n'avait pas envie de dormir seul; en particulier parce que ce soir, il savait qu'il ne pouvait pas faire autrement, alors même que Severus n'était qu'à quelques mètres. Et sa propre frustration l'agaçait au plus haut point.

Pour finir, il attrapa un traité de botanique bien soporifique et transplana dans son « bureau ». La chaleur humide l'assaillit, alourdissant son corps et jusqu'à sa respiration, et il se glissa dedans avec l'impression de retrouver une seconde peau. Installé dans son hamac comme dans un cocon de tissu, il lut à la lueur de sa magie jusqu'à ce que ses paupières se ferment d'elles-mêmes.

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Merci à tous pour vos commentaires et votre fidélité. :)

La semaine prochaine, ce sera l'anniversaire de Harry et pour l'occasion, vous aurez droit à un double chapitre: le 24 et le 24 bis. Des retrouvailles entre amis, du soleil, des jeux dans la piscine et la légèreté de l'été et des corps nus... Et sans doute un petit moment d'émotion avec Matthieu :)

Au plaisir

La vieille aux chats