Résumé: Tandis que Severus et Lucius mettent à plat leurs craintes mutuelles et reprennent peu à peu une relation normale, Harry passe de moments de pure espièglerie à des moments de fragilité où il se montre très en demande d'attention et de tendresse, au point que Severus a l'impression de ne pas lui suffire. Il finit par donner son absolution à son amant pour aller chercher du réconfort auprès de Lucius s'il en a besoin, même s'ils finissent par se rapprocher physiquement.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Harry. J'espère que ce chapitre vous plaira davantage que le précédent, où vous êtes restés bien silencieux! ^^

Bonne lecture


La lumière du jour filtrait peu à peu à travers les frondaisons des arbres et les bruits de la jungle se faisaient de plus en plus sonores à mesure que la vie s'éveillait. Harry ouvrit les yeux sur un ciel dentelé de vert, cherchant quelques instants où il se trouvait, avant de reconnaître la forêt autour de lui. L'espace d'un battement de cœur, il s'était cru là-bas au lieu d'être à une porte du Manoir, mais il n'y avait nulle maison de bois autour de lui, ni toit au-dessus de sa tête. Une simple voûte de branches et de feuilles, de lianes et de troncs alors qu'il était allongé sur le sol, sur un matelas de coussins que sa magie avait rassemblés pour lui. Au final, il avait plutôt bien dormi et lorsqu'il descendit au petit-déjeuner après une douche rapide dans sa chambre, il s'aperçut qu'il était le dernier.

Il lança un bonjour général avant de s'asseoir à une place libre presque au bout de la table, avec Minerva à sa gauche et Iris en face de lui. Pour un peu, il se croirait relégué avec les enfants ! Il grimaça discrètement en avalant sa tasse de champurrado, trouvant dans la présence des fillettes le seul avantage de ne pas avoir à faire la conversation alors qu'il n'en avait pas envie. À l'autre bout de la table, Severus et Lucius paraissaient aussi sereins et détendus qu'il était possible, et lorsqu'il croisa le regard intrigué de son amant, Harry s'empressa de détourner les yeux. Il n'était pas encore très à l'aise, ni très au clair avec « l'autorisation » de Severus, et il préférait esquiver le problème pour l'instant.

Alors que les fillettes partaient jouer dans leur salle de jeu et que tout le monde s'éloignait pour prendre le thé dans la véranda, Severus resta légèrement en arrière pour attraper Harry et l'entraîner dans son bureau. À peine la porte fermée, il l'embrassa voluptueusement en glissant ses bras autour de sa taille. Harry se laissa faire quelques secondes puis se recula légèrement pour considérer son amant d'un regard circonspect. Il ne savait pas trop à quel jeu il jouait et cela devait se lire dans ses yeux, car Severus finit par se fendre d'un large sourire.

– Arrête d'être aussi méfiant et sur tes gardes ! Tu te comportes comme une princesse qu'on aurait répudiée ! Alors que je te laisse juste libre de ce que tu souhaites...

– Ne te fous pas de moi, je te prie !

Harry grondait, vexé. En réalité, le mot avait fait mouche et Severus avait mis le doigt exactement sur ce qui le dérangeait : il se sentait rejeté. Pas de manière frontale, mais insidieusement. Une certaine forme de jalousie était au final rassurante : Severus tenait à lui et le montrait. Mais cette liberté nouvelle, Harry n'était pas sûr de l'apprécier. C'était comme... quelque chose qui s'étiolait, un éloignement qu'il n'avait pas souhaité.

– Arrête ! Je vois les rouages de ton esprit qui s'agitent dans tous les sens ! Ça ne change rien entre nous. Je t'aime. Et je ne te lâcherai pas. Mais quand je ne suis pas là, et que tu as besoin de Lucius, je ne t'empêche pas d'aller le voir... Y compris si tu finis par coucher avec lui.

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Il le lui avait promis depuis la veille, il ne pouvait pas y couper encore longtemps : après le déjeuner, Harry accepta la énième demande de Minerva; la fillette tenait absolument à lui montrer ses progrès avec sa baguette et à s'entraîner avec lui. Elle s'entraînait tout aussi bien avec son père de temps à autre, mais Harry était celui qui lui avait donné accès à sa magie et cela lui donnait une place à part et une considération inestimable.

Au comble de l'impatience, Minerva partit comme une flèche vers l'escalier en colimaçon pour descendre au sous-sol, mais Harry la rappela et la conduisit devant la porte qui menait vers sa forêt.

– C'est quoi? demanda Minerva.

– Lucius te dirait que c'est mon bureau, pouffa Harry tandis que la fillette ouvrait la porte, découvrant le rideau de magie, vibrant et cristallin, mais qui paraissait aussi solide que du roc.

– Je ne peux pas passer, n'est-ce pas ?

– Pas sans moi, acquiesça Harry en lui tendant la main.

Devant lui, le rideau se fit plus translucide et ils passèrent au travers dans un crépitement d'étincelles émeraudes qui léchèrent quelques instants leurs vêtements.

À peine entrée, Minerva écarquilla les yeux et tourna la tête dans tous les sens pour prendre la mesure de l'endroit où elle se trouvait. Puis d'elle-même, elle fit quelques pas en direction de la clairière qu'elle apercevait derrière les arbres, détaillant du regard les nattes au sol, les coussins, les quelques livres éparpillés sur une petite table, le hamac accroché entre deux arbres et une tasse vide qui traînait par là, suspendue à une branche par son anse.

– C'est ton bureau, ça ?! gloussa la fillette. Pourquoi on vient là ?

– Parce que c'est plus sympa que la salle de duel, répondit Harry avec franchise. Parce que tu as bien plus de possibilités pour t'entraîner. Et parce que ta magie y seras peut-être plus à son aise.

– Pourquoi elle serait plus à l'aise ici ? demanda-t-elle en s'avançant dans la clairière avant de s'asseoir sur un coussin, s'installant royalement comme une princesse sur son trône.

Harry sourit en la voyant étaler les pans de sa robe autour d'elle et les lisser consciencieusement pour éviter les faux plis, en une parfaite imitation de son grand-père.

– Parce que je commence à croire que ta magie est bien plus liée à la mienne que je ne le pensais. Et que ici, c'est ma forêt... et ma magie.

Draco lui avait touché deux mots des progrès de Minerva depuis qu'elle avait sa baguette et il apparaissait qu'elle était douée – trop pour une enfant de son âge. Et surtout, Draco avait un doute sur la façon dont elle utilisait la magie, parfois sans connaître le sortilège approprié, mais avec la même réussite. Comme si la baguette lui donnait la possibilité d'utiliser sa magie instinctive avec des résultats étonnants et Harry voulait s'en rendre compte de ses propres yeux.

– Montre-moi ce que tu sais faire, fit-il en s'asseyant à son tour.

Minerva sortit la baguette que son père lui avait rendue pour l'occasion et commença à faire léviter les livres, à les déplacer, les agrandir, les réduire, à allumer une lumière au bout de sa baguette puis à l'éteindre, à en faire sortir quelques flammes bleues, puis un filet d'eau ténu et enfin quelques papillons taquins qui vinrent tourner un moment autour de leurs têtes.

– J'aime bien ce sortilège, sourit la fillette. Il est joli.

Harry sourit à son tour puis désigna une fougère juste en face d'eux.

– Essaye de faire apparaître des fleurs. La formule c'est Floribunda.

Minerva s'exerça quelques minutes, essayant différentes intonations et différents mouvements de baguette – qu'il n'avait pas montré – avant de parvenir à créer une multitude de petites fleurs jaunes pâle sur les frondaisons de la plante.

– Magnifique ! s'extasia Harry. Mais... je préférerais rouge.

Minerva grimaça de dépit puis se concentra à nouveau, tentant de modifier la couleur à l'aide de mimiques toutes plus délicieuses les unes que les autres. Harry se retenait de rire devant ses efforts si expressifs quand la fillette baissa sa baguette avec un soupir de découragement.

– J'y arrive pas !

– Essaye encore. Ferme les yeux. Ressens la magie.

En lui jetant un regard dubitatif, Minerva ferma les yeux et leva à nouveau sa baguette.

– Mmh, pas mal, fit Harry au bout d'un moment. Bleu ?

Minerva était si concentrée et tendue sur ce qu'elle faisait que sa respiration s'accélérait sans qu'elle n'en ait conscience et elle était aussi rouge que si elle venait de courir à travers le Manoir.

– Orange maintenant... ? Violet ?

Dans la main de Minerva, sa baguette tremblait légèrement sous l'intensité de son effort.

– Ouvre les yeux, maintenant. Regarde...

La fillette obéit, ses yeux s'écarquillant brusquement, avant de se renfrogner.

– C'est toi !

– Je te promets que non...

Devant eux, de minuscules fleurs de chacune des couleurs que Harry avait demandées dessinaient des pointillés arc-en-ciel dans les arborescences de la fougère. L'effet d'ensemble était saisissant, comme un arbre de Noël miniature, décoré de boules et de guirlandes multicolores, qu'on aurait retourné à l'envers.

Harry n'avait donné ni formule, ni geste à Minerva pour accomplir cela. Et en insinuant sa propre magie autour de la plante, il sentait que la fillette n'avait pas usé de sortilèges, même à l'état d'ébauche. Elle s'était servie de sa magie instinctive, une magie très primaire pour, non pas créer les fleurs, mais les métamorphoser à partir des minuscules feuilles de la fougère.

Minerva le regardait avec des yeux pleins d'espoir, attendant un verdict ou une appréciation sur ce qu'elle venait de faire, et Harry lui offrit un large sourire.

– Je pense que d'ici quelques années, tu seras une des élèves préférées d'Irina !

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Pendant un moment, Harry donna quelques conseils à Minerva et la fillette s'exerça de nouveau sur les livres, les coussins et les plantes environnantes avant que sa concentration et son attention ne commencent à flancher devant la fatigue que cette dépense de magie lui avait causée. Elle n'était encore qu'une enfant et elle mettrait de nombreuses années à atteindre son plein potentiel magique, mais les prémices étaient plus que prometteurs.

– Et dis-moi, fit Harry en récupérant sa baguette. C'est plus facile ici ou dans la salle de duel ?

– Ici, répondit-elle sans hésitation. C'est comme si la forêt m'aidait quand je n'ai pas assez de magie...

Harry hocha la tête, songeur : Minerva ressentait la présence et la puissance de la nature autour d'elle... Et cela, nul ne lui avait appris.

– J'ai soif, fit-elle sans gêne. Il fait quand même drôlement chaud ici !

D'un geste, Harry fit apparaître un plateau avec deux verres et une carafe de jus de fruit. Elle se servit un grand verre qu'elle avala d'un trait puis se leva pour faire quelques pas dans la clairière, inspectant d'un peu plus près les arbres, les plantes, les chemins qui s'éloignaient dans la forêt et les oiseaux qu'elle entendait sans parvenir à les voir.

– C'est ici que tu as dormi cette nuit, n'est-ce pas ? fit-elle en s'arrêtant devant le hamac.

– Oui. Comment le sais-tu ?

– Tu n'étais pas dans ta chambre ce matin...

– J'aurais pu me lever très tôt, s'amusa Harry.

– Ton lit n'était même pas défait.

– Je sais faire mon lit !

– Aussi bien qu'un elfe de maison ?

Harry s'empêcha de ricaner devant son impertinence. Minerva l'emmenait droit dans une conversation « pas de son âge » dont elle avait le secret et il attendait presque avec impatience ce qui allait en sortir.

– Au début, je croyais que tu avais dormi avec Sévie mais tu n'étais pas dans sa chambre non plus...

– Pourquoi diable voudrais-tu que j'aille dormir avec Sévie ?! s'étrangla-t-il avec une surprise non feinte.

– C'est ce que font les gens quand ils vivent ensemble et qu'ils s'aiment, non ? D'ailleurs, pourquoi PapiLuce et Sévie ils dorment pas ensemble quand on est là ?

– Comment ça ?

– Bah ils sont amoureux, alors pourquoi ils dorment ensemble sauf quand on est là ?

Elle avait le chic, semblait-il, pour venir lui poser ce genre de questions auxquelles il ne savait pas répondre. Et ce n'était pas à lui de le faire, bon sang ! Il n'était ni son père, ni sa mère, ni même quelqu'un de la famille !

C'était peut-être parce qu'il était un étranger justement... Et de toute façon, il ne servait à rien de tergiverser : Minerva savait déjà... Harry soupira avant de suggérer :

– Parce qu'ils ont peur que toi et Iris, vous ne compreniez pas ?

– Pas comprendre quoi ?

– Que deux hommes puissent s'aimer... Certaines personnes sont choquées par ça. Même des adultes...

– Pourquoi ? Quand c'est deux femmes qui s'aiment, c'est mieux ?

Il avait oublié que Minerva avait aussi sous les yeux l'exemple de Luna et Padma, et que, pour elle, tout ça tombait vraiment sous le sens.

– C'est ni mieux, ni moins bien, c'est pareil. Quand on s'aime... on s'aime.

– Alors pourquoi les gens aiment pas ça ?

– Je ne sais pas, avoua-t-il. Je ne peux pas t'expliquer quelque chose que je ne comprends pas moi-même...

Le regard plein d'incompréhension de la fillette était doucement rassurant. Une espèce d'acceptation totale qui sonnait comme une évidence.

– Et comment vous faites maintenant que tu es là ? demanda-t-elle sans se démonter. Vous dormez tous les trois dans le lit de PapiLuce ?

– Non ! s'exclama-t-il. Je ne suis pas sûr que tout cela te regarde, Minerva. Ce sont des histoires de grandes personnes.

Elle se tut un instant, lui jetant un regard sceptique, avant d'ajouter :

– À l'école, ma copine Morgane elle a trois amoureux...

– Tout ça ! fit-il en riant. Et elle arrive à trouver du temps pour chacun ?

Quelle question saugrenue ! Et pourtant Harry ne comprenait que trop bien pourquoi elle lui avait échappé.

Minerva haussa les épaules sans répondre.

– Et toi, tu as des amoureux à l'école ?

– Non, moi je travaille.

– Parce que les deux ne sont pas compatibles ? fit-il en éclatant de rire.

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Depuis un moment, Minerva tournait autour du hamac avec l'envie manifeste d'y grimper quand elle demanda enfin :

– Je peux essayer de monter ?

– Si tu essayes de ne pas tomber, sourit Harry avec un signe de tête pour l'encourager.

Elle tira sur le tissu chamarré, leva une jambe, tenta d'y coincer son pied avant de se retrouver cul par-dessus tête, les cheveux dans tous les sens. Au bout de plusieurs tentatives infructueuses à grands renforts de halètements et de gros mots murmurés pour ne pas qu'il les entende, Harry fit serpenter une racine pour lui servir de marche-pied.

Quelques secondes plus tard, elle trônait dans le hamac avec un sourire victorieux, méfiante malgré tout de son équilibre précaire et des moindres balancements de son siège improvisé.

– Sévie, tu l'aimes ? demanda-t-elle en revenant à sa curiosité naturelle.

– Minerva, ça ne te regarde pas.

– Moi je sais que Sévie il est amoureux de toi en tout cas.

– Un jour, il va falloir arrêter d'écouter aux portes, Minerva !

– Pourquoi ? fit-elle avec un sourire désarmant. On apprend des choses drôlement intéressantes !

– Mais qui ne te sont pas destinées.

Avec mille précautions, elle se tourna légèrement pour finir par s'allonger dans le hamac, glissant ses deux mains sous sa tête en un oreiller de fortune. Elle avait disparu, cachée par les pans de tissu dont ne sortait que sa voix aiguë de petite fille.

– Moi je suis contente en tout cas que PapiLuce et Sévie, ils t'ont choisi et que tu fasses partie de la famille. J'aimerais bien que tu repartes pas... Tu repartiras un jour ?

– Choisi ? répéta Harry qui buttait sur le mot.

– T'as pas répondu ! Tu repartiras un jour ?

– Je ne pense pas, Minerva... Ou alors, si je le fais, ce ne sera pas longtemps. Mais pourquoi cette question ?

– J'ai entendu Sévie en parler, une fois. Il a peur de ça... Moi je suis contente que tu restes. Je t'aime bien. Tout le monde t'aime bien... Sauf Iris parce qu'elle est jalouse.

– Jalouse ? fit Harry en levant un sourcil surpris.

– Oui, quand tu es là, Sévie s'occupe moins d'elle. Alors elle est jalouse. Mais quand tu lui apprendras la magie, je suis sûre qu'elle t'aimera bien aussi.

Il n'avais jamais pensé qu'Iris puisse souffrir de sa présence et cela le mit légèrement mal à l'aise. Ceci dit, il n'avait jamais pensé non plus que les filles puissent être conscientes du lien entre Severus et lui et c'était assez perturbant de songer qu'elles percevaient bien plus qu'il ne l'imaginait.

Lentement, il vit Minerva se redresser dans le hamac, un peu affolée du balancement soudain du tissu, puis en rampant à moitié, elle en descendit avec une grâce toute relative.

– Je voulais te dire autre chose aussi, fit-elle en arrangeant sa robe avec un air faussement innocent.

Harry releva la tête vers elle, intrigué de ses manigances.

– Quoi donc ?

– Tu ne devines pas ?

Minerva s'avança vers lui tandis qu'il affichait un air surpris.

– Non. Dis-moi...

– J'en profite parce que je suis la première à te le souhaiter, comme ça ! Joyeux anniversaire, Harry !

– Oh. C'est aujourd'hui ? sourit-il.

La fillette s'arrêta avec un regard soupçonneux et le dévisagea des pieds à la tête.

– Je crois, fit-elle. Tu dois le savoir mieux que moi. C'est bien le trente-et-un juillet, ton anniversaire ?

Il hocha la tête avec un sourire tandis que Minerva s'approchait pour l'embrasser sur les deux joues.

– Alors joyeux anniversaire !

– Merci, ma puce. Je suis content que ce soit toi qui me le souhaites en premier.

– C'est vrai ? fit-elle en rosissant, avant d'attraper sa baguette pour lancer un Tempus qui indiqua quatorze heures trente en chiffres vaporeux sur le fond des arbres. Je crois qu'on peut sortir maintenant...

Harry fronça les sourcils, réellement surpris cette fois-ci.

– Qu'est-ce que ça veut dire ?!

– Bah tout le monde doit être arrivé normalement. On peut retourner avec les autres.

– Comment ça « tout le monde », Minerva ? Est-ce que par hasard, tu étais censée me tenir à l'écart jusqu'à une certaine heure ?! Pour permettre je ne sais quoi où je ne devais pas être présent ?

La fillette se redressa en bombant le torse.

– C'est moi qui ai eu l'idée ! dit-elle fièrement. Papa et PapiLuce discutaient pour savoir comment t'éloigner le temps que tout le monde arrive et j'ai dit que je pourrais m'entraîner avec toi dans la salle de duel...

Harry éclata de rire devant son sourire ravi. Minerva était un vent de fraîcheur qui le surprenait sans cesse.

– Je ne sais pas où tu iras à Poudlard, mais tu mérites ta place à Serpentard ! gloussa-t-il. Et où es-tu censée me conduire maintenant ?

– Sur la terrasse, près de la piscine. Mais tu dois mettre ce bandeau avant et c'est moi qui te guide.

– Ainsi donc, c'est Draco et Lucius qui ont organisé cette petite surprise, sourit-il tandis que Minerva passait derrière lui pour lui bander les yeux.

– Pas que eux. Mais papa était très content que ça se fasse ici... J'ai proposé aussi de te jeter un sortilège plutôt que de mettre le bandeau, mais papa a pas voulu; il a eu peur que je rate.

Dans sa voix, Harry entendait la grimace de désappointement mais il était plutôt soulagé ! Minerva était douée mais il ne tenait pas à perdre la vue pour un sortilège raté !

– Tu vois plus rien ? Alors viens.

Harry se leva prudemment, sentit la main de Minerva se glisser dans la sienne et il la suivit hors de son bureau vers la fête surprise qui l'attendait.

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ooOOoo

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La chaleur les assaillit à nouveau lorsqu'ils quittèrent la fraîcheur agréable du Manoir pour sortir en plein soleil, plus sèche mais plus puissante que dans la forêt. À l'affût du moindre bruit, Harry se laissa guider par la main de Minerva et par ses indications à l'approche du premier escalier. Ils descendirent prudemment les marches qui menaient à la terrasse inférieure où se trouvait la piscine, et la fillette s'arrêta, visiblement incertaine elle-même de ce qu'il convenait de faire.

– Je crois que tu peux enlever le bandeau, fit-elle d'une voix plus assurée au bout de quelques secondes.

Harry ne se fit pas prier et retira le morceau de tissu de sa tête, ouvrant ses yeux verts sur la fillette devant lui et son immense sourire plein de connivence. La réverbération de la lumière sur les pierres blanches de la terrasse et l'eau miroitante de la piscine était éblouissante, mais il avait beau tourner le regard de tout côté, il ne voyait rien de particulier, et certainement pas ceux qui étaient censés être arrivés pendant l'entraînement de Minerva. Le seul changement notable était la présence d'un velum tendu sur une armature de bois et qui protégeait du soleil trois tables chargées de boissons, de verres et de douceurs à grignoter. Pourtant, il percevait bien au moins une dizaine de signatures magiques à quelques pas de lui, derrière ce qui semblait être...

– Joooyeux aaanniveersaaiiire...

La chanson s'éleva brusquement, aussi ridicule qu'elle l'avait toujours été, mais un sourire rayonnant s'étala sur le visage de Harry alors que l'écran de désillusion ondulait jusqu'à disparaître. Les jumeaux se tenaient au premier rang, chacun à une extrémité du voile magique qui avait caché la petite assemblée, avec le même air malicieux qu'autrefois. Derrière eux, il aperçut furtivement Draco, Daphnée et Matthieu alors que Katie, Angelina et Alicia lui sautaient dessus pour l'embrasser et le féliciter.

Harry fut pris dans un tourbillon de mains, de baisers, de sourires et d'étreintes, ravi de retrouver en même temps tous ces gens qui comptaient pour lui et qu'il avait tant de plaisir à voir rassemblés.

– Katie ! Tu m'étouffes !... Georges, Angie, aidez-moi ! Merlin ! Je suis content de vous voir tous ! Matt ! Ça faisait longtemps ! Neville ! C'est gentil d'être venu ! Hannah n'est pas là ? Luna ! Padma ! Vous allez bien ?

Entre deux embrassades, il s'efforçait de saluer chacun dignement, surpris mais ravi de constater la présence de Sam et de Deirdre. Tous les deux avaient bien caché leur jeu la semaine dernière alors qu'ils avaient travaillé ensemble au laboratoire. Harry s'entendait particulièrement bien avec eux, et même si Deirdre affichait une dizaine d'années de moins qu'eux, sa fraîcheur et son insouciance étaient plus qu'agréables.

Blaise était là aussi, un peu hésitant, mais rassuré de l'accueil que lui fit Harry. Il n'était pas particulièrement proche de l'ancien Serpentard, mais les quelques soirées qu'il avait passées en sa compagnie lui avaient toujours laissé un bon souvenir.

– Salut, Parrain ! fit Minerva en s'approchant.

– Langage, jeune fille ! la reprit Blaise avec un sourire. Ton père ne serait pas très satisfait de t'entendre parler ainsi.

– Parler comment ? fit la voix traînante de Draco, alors que Minerva grimaçait de désappointement.

Harry lui fit un clin d'œil discret et se chargea de détourner l'attention de son père.

– Alors ? Il paraît que c'est à toi et à Lucius que je dois cette petite sauterie ?

Draco sourit, pas dupe pour deux sous de sa manœuvre, et lui rendit son étreinte.

– Nous n'étions pas seuls sur ce coup-là, tu pourras remercier aussi Matt et Luna. Mais pour les nerfs de tout le monde, j'espère que ça ne dégénérera pas en « sauterie » !

Harry éclata de rire un instant devant l'insinuation tandis que le regard de Minerva se faisait interrogateur.

– C'est quoi, papa, une sauterie ?

– En tout cas, merci, Draco. Ça me touche beaucoup.

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Sans qu'il sache comment, une coupe de champagne lui avait atterri dans les mains alors qu'il naviguait d'un petit groupe à un autre pour remercier chacun de sa présence. Il dut trinquer, et boire, et trinquer encore. Et même chanter parfois, à la demande générale.

Il s'exécuta de bonne grâce, heureux de se voir entouré de tant de sourires et de regards complices. Même Luna et Katie semblaient avoir enterré la hache de guerre et se toléraient de loin. Il ne manquait à ce tableau idyllique que Lucius et Severus, mais Harry comprenait leur absence et leur probable réserve à se mêler à cette petite fête. Ce n'était pas leur univers, ni leurs amis, et il était déjà plus que reconnaissant à l'aristocrate d'avoir ouvert son Manoir en son honneur. Malgré tout, il ne désespérait pas de les obliger à faire une apparition au fil de l'après-midi; ils faisaient partie de sa vie et Harry avait envie de partager ce moment avec eux, et particulièrement avec Severus.

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– Impressionnant, cet écran de désillusion tout à l'heure ! fit-il en se mêlant aux jumeaux et à Angie qui discutaient tous les trois.

– Tu as vu ? sourit Georges avec satisfaction. Dernière création en date !

Tout en passant son bras autour de sa taille, Angie roula des yeux devant la fierté non dissimulée de son mari.

– « C'est moi qui l'ai fait ! », minauda-t-elle tandis que Harry éclatait de rire. Aussi vaniteux qu'un gosse !

Georges protesta vigoureusement, repoussant et bousculant légèrement sa femme comme il aurait pu le faire avec un homme. Harry avait déjà constaté en les voyant jouer au quidditch que ces deux-là ne s'épargnaient pas, aussi bien en paroles que « physiquement », et le plus solide des deux n'était pas forcément celui qu'on croyait. Angelina pouvait paraître délicate au premier abord, mais Harry avait appris à quel point elle était volontaire et déterminée, et elle cachait derrière des rondeurs féminines un corps musclé qui n'avait rien à envier à la plupart des hommes.

Quand ils eurent fini de se disputer sous le regard amusé de Fred, Harry interrogea à nouveau Georges :

– Vous avez fait comment ? C'est un sortilège ?

– Un artefact magique en deux parties. Elles se mettent en contact pour créer le rideau de désillusion, avec une distance maximale d'une vingtaine de mètres... Pas énorme pour l'instant, mais l'effet est plutôt réussi.

– De toute évidence ! fit Harry, admiratif. Ça nous aurait drôlement servi autrefois !

Les jumeaux hochèrent la tête de concert, le visage brusquement plus grave devant sa référence à la guerre.

– Oui. Le Ministère est fan, d'ailleurs... Ils en ont monnayé l'exclusivité pour une petite fortune ! murmura Georges. Avec une autre petite fortune à la clé si on porte l'effet à plusieurs dizaines de mètres de haut et de large. De quoi cacher de sacrés bâtiments !

– Je ne sais même pas comment ils ont su qu'on travaillait là-dessus, intervint Fred. On va finir par se sentir surveillés !

Ils rirent tous les quatre de la plaisanterie, bien qu'un peu surpris qu'elle puisse contenir un fond de vérité. Harry et les jumeaux échangèrent un regard étrange, lourd de sens et de souvenirs.

– En tout cas, c'est sympa de pouvoir fêter ton anniversaire comme avant...

Il s'était dit la même chose après avoir trinqué de groupe en groupe. Maintenant qu'il le vivait à nouveau, Harry se rendait compte que cela lui avait manqué. Avoir tous ses proches réunis autour de lui, comme une grande famille. Hétéroclite, étonnante, mais dont la diversité était une vraie richesse.

Le souvenir des anniversaires célébrés au Terrier le traversa soudain. Les Weasley avaient été sa deuxième famille... Sa seule famille, comparée aux Dursley, et Molly n'avait jamais manqué de lui fêter son anniversaire d'une façon ou d'une autre. Un pincement douloureux se fit sentir dans son cœur. Quelque chose dut passer dans son regard également car la main de Fred se posa soudain sur son bras, étonnamment réconfortante.

– Oui, acquiesça Harry avec un sourire un peu forcé. On essaiera de remettre cette tradition au goût du jour !

Ce n'était pas vraiment la même maison, et il manquait certainement beaucoup de monde... mais Harry se fit la promesse de renouveler cette réunion de « famille » l'année prochaine, et même avant si l'occasion s'en présentait.

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Alors qu'il s'éloignait pour aller saluer Luna et Padma un peu plus loin, Harry sentit une main le retenir brusquement. Surpris, il se retourna pour se retrouver en face de Fred dont le visage hésitant témoignait de son embarras.

– Harry. Excuse-moi, je...

– Fred ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Le jeune homme jeta un regard en arrière pour voir si son jumeau était bien hors de portée de leur conversation, puis affronta le regard de Harry.

– Je... Je n'aime pas être porteur de messages, mais... Écoute. Je ne sais pas s'il y aura un bon moment pour te donner ceci, alors je préfère le faire tout de suite, en échange d'une promesse.

Harry fronça les sourcils, dubitatif, et l'invita à poursuivre d'un signe de tête. Lentement, Fred sortit de sa poche un parchemin roulé auquel il rendit sa taille initiale avant de le tendre à Harry.

– Ceci... C'est une lettre de ma mère. De Molly. Mais... Je ne sais pas ce qu'elle contient, et c'est ton anniversaire, alors... Je voudrais que tu me promettes de ne pas la lire aujourd'hui. Quoi qu'elle dise, cela peut attendre demain. Je ne voudrais que ça vienne gâcher ta fête, ou te mettre de mauvaise humeur, ou te bouleverser... Je sais que votre dernière entrevue s'est mal passée; Molly a mal vécu ton départ, et je pense qu'elle t'en veut encore. Je ne voudrais pas que cette lettre soit un cadeau empoisonné. Mais elle a pris le temps de t'écrire, alors... Juste, ça peut attendre demain.

Pendant les explications de Fred, Harry avait blêmi légèrement. Dans sa main, le parchemin couleur crème paraissait inoffensif, mais il savait à quel point de simples mots pouvaient blesser. Quelque part, il avait l'impression de tenir une bombe à retardement, tout en gardant, loin au fond, l'infime espoir que Molly le pardonnait de son silence, de son absence, et que tout redeviendrait comme avant...

Fred avait raison. Il n'allait certainement pas lire ce parchemin aujourd'hui. Quoi qu'il contienne, il serait ou meurtri, ou déçu – les deux même, probablement – et il n'était pas question de se laisser entraîner sur le chemin de la morosité aujourd'hui. Le simple fait de savoir qu'il y avait cette lettre de Molly allait certainement déjà empiéter sur sa bonne humeur, et c'était bien assez.

En remerciant malgré tout Fred, Harry fourra sans ménagement le parchemin au fond de sa poche, presque désireux de l'oublier.

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oooooo

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Quand il eut enfin réussi à saluer tout le monde dignement, Harry se laissa prendre dans les conversations qui le happaient à droite et à gauche. Il était question de savoir s'il fallait d'abord aller se défouler et faire une partie de quidditch, ou profiter d'emblée de la piscine pour se rafraîchir. Alicia et Katie défendaient farouchement la première option, bientôt rejointes par Angie et Georges, alors que Matthieu ou Neville penchaient plus pour la piscine.

Harry sentaient les regards converger vers lui, le prenant pour arbitre des réjouissances, quand la présence très proche de Matthieu l'alerta soudain. Très très proche. Avec une lenteur calculée, le jeune directeur de Serpentard l'avait fait reculer vers le bord de la piscine sans qu'il s'en aperçoive, et d'un geste rapide assorti d'un sourire moqueur, Matthieu le poussa en s'esquivant immédiatement sur le côté. Harry ne put se retenir à rien et il bascula en arrière dans une grande gerbe d'eau.

– Harry a voté pour la piscine ! gloussa Matthieu.

Les rires fusèrent de toute part tandis que Harry émergeait en secouant la tête, les cheveux en bataille comme autrefois et le sourire aux lèvres.

– Tu me le paieras ! promit-il avant de regagner le bord à la nage. Pour la peine, ce sera quidditch d'abord ! Et tu voleras !

Les filles des Harpies s'enthousiasmèrent d'avoir gagné à grand renfort de cris et d'applaudissements. Matthieu, lui, grimaça tandis que Harry se hissait hors de la piscine, ruisselant sur le carrelage. Ses vêtements imbibés d'eau étaient plaqués contre son corps, et sa chemise blanche était sans doute devenue quelque peu transparente. Un spectacle qui n'aurait certainement pas déplu à Severus ! Déployant brièvement sa magie en souriant, Harry se sécha, vaguement frustré que son amant ne soit pas là.

– Génial ! s'étonna Blaise en le voyant aussi sec que quelques minutes auparavant. Tu m'apprendras à faire ça ?!

– Vous nous attendez un quart d'heure avant de lancer le match ? fit Draco juste à côté d'eux. Je dois raccompagner Minerva et Iris...

Surpris, Harry fronça les sourcils en regardant la fillette dans les jambes de son père et de son parrain. Tout à sa joie de retrouver ses amis, il avait complètement oublié la présence de Minerva. Où était donc Iris d'ailleurs ? Et où devait les emmener Draco ?

– Je vais chez ma copine Morgane, intervint Minerva avec un grand sourire.

– Pourquoi... Elles s'en vont toutes les deux ?

Harry n'avait pas entendu dire que les filles devaient s'absenter et cela ressemblait trop à un éloignement forcé pour ne pas l'interroger.

– Avec Père, on a pensé que c'était préférable, avoua Draco avec un sourire un brin moqueur. Entre les écarts de langage, les plaisanteries salaces ou les gestes qui risquent de devenir déplacés au fur et à mesure de la soirée et de la consommation d'alcool, j'aime autant que les filles ne soient pas là... Tout le monde sera plus libre, toi le premier, et moi je serai plus tranquille.

– Ça m'ennuie qu'elles doivent partir à cause de moi, fit Harry avec un regard navré vers Minerva. Elles sont en vacances au Manoir et...

– Pas « à cause de toi » ! Mais ce ne sont pas des réjouissances de leur âge... Ne t'inquiète pas, tout est organisé. Minerva passe la nuit chez sa meilleure copine et Iris chez la sœur de Daphnée. Et elles sont ravies.

– Même qu'on va aller au cinéma et manger du pop-corn !

Harry baissa à nouveau le regard vers Minerva dont l'impatience manifeste atténua quelque peu sa culpabilité. Il s'accroupit devant elle et la prit dans ses bras.

– Je suis content que tu ne m'en veuilles pas, princesse. Et merci pour ta participation à cette merveilleuse surprise ! Sans toi, ça n'aurais pas été pareil !

Minerva l'embrassa sur la joue et lui offrit un sourire radieux.

– Même si à l'avenir, je me méfierai dès que tu voudras m'éloigner sous prétexte de t'entraîner avec moi ! fit-il en riant.

Harry se redressa rapidement, avisant le regard complice entre Draco et sa fille.

– Il paraît que j'ai même échappé à un sortilège d'aveuglement ?!

– Si tu savais à quoi tu as échappé en réalité ! sourit Draco. Elle était pleine d'idées pour te faire des surprises, te déguiser et je ne sais quoi encore ! Allez, en route ! J'entends déjà les filles qui râlent pour sortir les balais et le vif d'or !

Autour d'eux, en effet, Katie et Angelina bouillaient d'impatience d'en découdre et ne cessaient de les harceler pour rejoindre le terrain de quidditch.

– Oui, j'ai amené assez de balais pour tout le monde ! répondit à nouveau Draco en menant Minerva hors de la mêlée. Je récupère Iris, je les dépose chez la sœur de Daphnée et je vous mets une raclée à toutes les deux !

En suivant le regard de Draco, Harry avait aperçu la frêle silhouette d'Iris sur la terrasse supérieure, assise sur les genoux de Severus et attendant sagement son père. Juste à côté, Lucius était présent également, tous les trois installés dans le salon de jardin le plus éloigné de la piscine, observant d'un œil discret et sans doute amusé les retrouvailles entre Harry et ses amis.

Avec le bandeau sur les yeux, guidé par la main de Minerva, il avait dû passer non loin d'eux sans même s'en apercevoir. Et Severus n'avait certainement rien perdu de sa chute dans la piscine; pas plus que Lucius d'ailleurs ! L'envie subite de les rejoindre saisit Harry avec une force étonnante, et il se faufila hors du petit groupe à la suite de Draco.

– Harry ! Reste avec nous ! On va aller s'échauffer le temps que Draco soit pas là... Il faut que tu nous montres le terrain !

– Deux minutes, les filles ! Je raccompagne Minerva et je vais saluer les deux vieux, là-haut, qui n'osent pas descendre !

– Tu sais qu'il pourrait te tuer pour ça ! ricana Draco en grimpant lestement les marches.

– Lequel ? Ton père ou Severus ? gloussa Harry.

Dans son ventre et sa poitrine, il sentait l'impatience de retrouver son amant et ses sentiments qui tourbillonnaient en virevoltant dans tous les sens. Il avait juste envie de lui sauter dessus – ou dans les bras s'il était raisonnable – et de l'embrasser à perdre haleine.

– Oh... Les deux, en fait.

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Sautant au sol, Iris se précipita en courant vers son père tandis que Lucius et Severus se levaient avec un peu plus de dignité.

– C'est l'heure, papa ? On y va ?

– Oui, c'est l'heure. Allez, fais un bisou à tout le monde...

– C'est déjà fait, fit Iris en s'approchant de Harry pour l'embrasser rapidement. Allez, on y va !

Avec un sourire contrit devant le manque de manières de sa fille, Draco les salua et disparut à l'intérieur du Manoir, rattrapant à grands pas les fillettes qui piaffaient déjà devant la porte d'entrée.

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Harry jeta un dernier regard sur Draco qui disparaissait par la porte principale avant de se retourner vers Lucius et Severus qui arboraient tous les deux un sourire malin. L'aristocrate avait glissé un bras autour de la taille de son compagnon, chose rare en public – d'autant plus étonnante si l'on considérait la petite assemblée qui devait les observer depuis la terrasse inférieure – et ils semblaient se diriger tous deux vers lui – ou l'intérieur du Manoir.

Quelque chose dans leur attitude générale lui mit la puce à l'oreille : leur mouvement conjoint, leur regard pétillant, ou bien cette proximité surprenante entre eux... Harry les observa tour à tour avec un regain de méfiance.

– Où allez-vous, comme ça, tous les deux ?

Severus tourna la tête vers son compagnon en souriant avant de répondre narquoisement.

– Les deux vieux que nous sommes ont besoin d'aller faire une petite sieste pendant que tu t'amuses avec tes amis...

La façon dont il l'avait dit suggérait bien plus qu'une simple sieste et Harry sentit son désir monter en flèche, dansant des cabrioles dans le creux de son ventre.

– Une sieste ?! s'étrangla-t-il. Tous les deux ? En même temps ? Et à cette heure-ci ?!

– C'est le principe de la sieste, je crois, fit la voix moqueuse de Lucius. Une petite période de sommeil en dehors de la nuit...

Devant le regard noir de Harry, il se tut sur un gloussement amusé.

– Une sieste, vraiment ?! Vous allez vous envoyer en l'air sous mon nez ?! Je croyais que tant que les filles étaient là...

– Techniquement, les filles ne sont plus au Manoir, fit Severus avec un sourire innocent.

– Et techniquement, ce n'est pas sous ton nez... Nous avons la décence de faire ça dans une chambre.

Harry grogna de dépit, sa frustration ressurgissant de plus belle. Il n'avait pas couché avec Severus depuis... il ne savait même plus quand, à peine un bref moment seul à seul dans le pavillon chinois la veille, et ces deux-là lui avouaient ouvertement qu'ils allaient s'enfermer dans une chambre pour s'envoyer en l'air ! C'était injuste. Et terriblement frustrant.

Devant la moue contrariée affichée sur son visage, Severus se libéra du bras de son compagnon et vint l'enlacer et glisser un baiser sur ses lèvres.

– Ne sois pas jaloux...

– Je ne suis pas jaloux, fit Harry en ravalant péniblement son désir. Juste... Ah ! Merlin ! Tu as intérêt à être en forme malgré tout ce soir, je te préviens !

– Sinon quoi ? s'amusa Severus. Qu'est-ce que tu feras si je m'endors à peine couché... ?

Harry gronda devant le sourire moqueur de son amant.

– Sinon je me servirai de ton corps à ma guise. Et j'ai les moyens d'obtenir ce que je veux...

Insidieusement, Harry libéra un filament de magie au contact de Severus, une volute légère et dansante qui s'insinua droit vers son bas-ventre, caressant de l'intérieur ses parties les plus intimes jusqu'à se glisser dans son sexe et commencer à le faire gonfler de sang.

La réaction de Severus ne se fit pas attendre : il resta bouche bée sur la répartie qui s'étrangla dans sa gorge, blêmit une fraction de seconde avant de rosir à nouveau puis reprit une respiration pénible en se pliant légèrement vers l'avant.

– Tu n'as pas le droit de faire ça ! marmonna Severus tandis que Harry lâchait un peu plus de magie, lui arrachant un presque gémissement impudique.

– Tu m'y as autorisé, il me semble..., susurra-t-il.

Lucius, juste à côté d'eux, n'avait rien perdu de la réaction de son compagnon et son regard gourmand passait de l'un à l'autre avec délectation.

– C'est très intéressant, cette façon de se servir de la magie... Un jour, j'aimerais bien tenter l'expérience. Ou même simplement voir une démonstration... complète... pour voir jusqu'où ça peut aller.

Le simple phrasé de Lucius, et tout ce qu'il suggérait, était d'une indécence folle et Harry vibra malgré lui sous les mots.

– Je reconnais bien là ton côté voyeur, lâcha Severus avec peine.

– Je pourrais le faire jouir sans même le toucher, assura effrontément Harry en croisant un instant le regard gris incandescent de Lucius.

Tout à son désir et à sa conversation ambiguë avec les deux hommes, Harry avait complètement oublié la petite fête et tous ses invités qui l'attendaient quelques marches plus bas. Il avait envie de sexe et Severus lui manquait. Et savoir que ces deux-là allaient profiter l'un de l'autre sans lui, lui torturait le ventre.

– Jaloux ! fit Severus à son compagnon. Remarque, ce serait assez drôle de te voir dans cet état-là pendant le bal mercredi soir... Je crois que ça me ferait beaucoup rire.

Avec un sourire narquois, il tourna le visage vers Harry dont le regard s'éclaira soudain. Lucius blêmit brusquement devant leur connivence et recula d'un pas.

– Ah, non. Non, non ! Pas de ce genre de manigance en pleine réception officielle ! Je ne peux pas me permettre ça !

– Alors faites en sorte qu'il soit suffisamment en forme pour moi ce soir, fit Harry avec un sourire machiavélique.

Tandis que Lucius levait les mains en signe de renoncement, il leva la tête vers Severus pour l'embrasser voluptueusement.

Si Harry avait complètement oublié ceux qui l'attendaient pour une partie de quidditch et une coupe de champagne, eux ne l'avaient pas oublié, et à peine s'était-il perdu dans son baiser avec Severus que s'élevèrent des sifflets et des cris moqueurs de la terrasse inférieure. Parmi les voix qui se déchaînaient, il reconnut celles de Georges et de Matthieu, éternels fanfarons dont l'humour ne lui manquait pas à cet instant précis.

Sans relâcher son étreinte et son baiser, Harry se contenta de lever un bras, ferma le poing quelques secondes puis ouvrit la main en libérant une nuée de petits oiseaux. Piaillant à qui mieux mieux, les volatiles s'éloignèrent à tire d'ailes pour fondre sur les deux malotrus, à grands renforts de pincements et de coups de bec.

Les cris devinrent des jurons, avant qu'un Finite Incantatem ne fasse taire et disparaître les moineaux. Sur les lèvres de Severus, Harry souriait, vaguement rassasié par le baiser et résigné à abandonner son amant pour rejoindre ses amis.

– Je pense que tu leur en as donné assez à voir pour en entendre parler tout l'après-midi, fit Lucius, amusé. Et je vais aller profiter de mon mari, maintenant qu'il est excité à point...

Devant le geste de l'aristocrate qui le chassait d'un revers de la main, Harry recula d'un pas, non sans considérer d'un regard espiègle l'érection discrète de son amant. Severus avait des couleurs charmantes sur les joues mais gardait une attitude digne et irréprochable. De loin, personne ne devait deviner ce qui venait de se jouer, pas plus que l'inconfort manifeste de l'ancien professeur dans son pantalon trop étroit.

Avec un dernier baiser sur les lèvres de son amant, Harry se recula franchement avant de prendre un Lucius surpris dans ses bras.

– Merci, lui murmura-t-il à l'oreille d'une voix plus émue qu'il ne le pensait. Pour cette merveilleuse surprise et pour avoir ouvert votre Manoir pour mon anniversaire. Pour moi, ça veut dire bien plus que vous ne pouvez l'imaginer...

Ce n'était pas seulement cette fête en son honneur qui émouvait Harry à ce point, c'était surtout que Lucius ait ouvert sa porte à des gens qui n'étaient rien pour lui. Pouvoir recevoir ses propres amis, mener sa propre vie... Cette ultime liberté dont Harry avait douté parfois, et qui le faisait se sentir chez lui et pas seulement chez l'aristocrate.

Lucius le considéra avec un regard étonné avant de lui rendre son étreinte.

– Tu es ici chez toi, sourit-il. Un jour, ça finira par rentrer...

Puis, revenant à ses désirs premiers, il reprit Severus par la taille pour le guider vers l'intérieur de la demeure en laissant Harry sur un clin d'œil complice.

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Harry observa les silhouettes de Lucius et de son amant jusqu'à ce qu'ils disparaissent dans le Manoir, puis il se détourna et descendit les escaliers quatre à quatre pour rejoindre ceux qui n'avaient que trop attendu sa présence.

À son approche, il remarqua les regards, les questionnements muets, l'air interrogatif ou étonné de certains. Les attitudes variaient de la surprise franche à la gêne – il espérait que ce n'était pas du dégoût – jusqu'à ce que le comportement outrancier et provocant de Georges ne déride l'atmosphère.

– Harry, par les culottes de Merlin, j'ai besoin que tu me soignes ! Mes yeux saignent ! Je viens de te voir embrasser le professeur le plus détesté de l'histoire de Poudlard et je crois que je ne vais pas y survivre !

– Oh, ça va ! fit Harry en traversant le petit groupe. Vous étiez tous au courant alors ne jouez pas les effarouchés !

Autour d'eux, les rires fusèrent et il sentit une main ou deux se poser sur lui en geste de réconfort tandis que Georges poursuivait son rôle à grand renfort de mimiques outragées et de hauts cris.

Ce qu'il avait pris pour des jugements presque moralisateurs n'était qu'une distance un peu gênée et les sourires de connivence autour de lui eurent vite fait de le rassurer. Plus que le fait qu'ils soient deux hommes, ce qui troublait tant ses amis était sans doute la personne même qui était son amant. Hormis Sam, Deirdre et Daphnée, tous avaient connu Severus du temps où il était professeur à Poudlard, et parmi eux, seuls Matthieu et lui en avaient gardé une bonne image – quoique pas pour les mêmes raisons !

Que Severus ait pu changer devait leur paraître inconcevable, et plus encore, qu'il puisse se montrer doux, aimable et attentionné. Il avait laissé un tel souvenir impérissable qu'ils risquaient tous de trembler encore devant lui s'il venait à se mêler à la fête, et quelque part, Harry était impatient de voir ça !

– Faut-il que je t'apprenne aussi comment on fait les bébés ? plaisanta-t-il en espérant faire taire Georges.

– Ça devrait aller ! répondit Fred en regardant ironiquement son frère et Angelina. Ils ont déjà fait deux terreurs, je crois que ça suffit. Et dans tous les cas, on se passera volontiers de la démonstration pratique !

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En se dirigeant tous ensemble vers le terrain de quidditch, Harry songea également que la présence de Lucius devait soulever bien des questions.

Il n'était pas n'importe qui. Ancien Ministre, Lucius restait un homme puissant, craint et respecté, dont la fortune colossale et l'influence au plus haut niveau pouvait ouvrir – ou fermer – toutes les portes. Ceux qui connaissaient bien Draco savaient de quoi il était capable, même envers ses proches; et pour les autres, sa réputation le précédait, à la hauteur de son pouvoir et de son caractère. Et tous devaient savoir également que l'aristocrate et Severus vivaient en couple depuis des années, même si le fait était passé sous silence de manière aussi pudique qu'hypocrite.

Mais devant Lucius, il venait d'embrasser Severus, au vu et au su de tout le monde, avant que l'aristocrate ne récupère son compagnon en le chassant négligemment de la main. D'ailleurs, le geste de Lucius avait sans doute été tout à fait intentionnel, une façon de montrer à tous qu'il reprenait la main sur son conjoint quand il le souhaitait et que ce qui se passait ne se produisait qu'avec son bon vouloir.

Tout en souriant de ces manières dignes du grand manipulateur qu'était l'aristocrate, Harry se promit d'en reparler un jour avec lui. Il voulait bien rentrer dans son jeu, mais pas en faire les frais. Même si au final, il reconnaissait que Lucius avait besoin de tenir son rang et sa position en toutes circonstances, excepté dans la stricte intimité familiale.

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Le temps que Draco revienne, ils s'échauffèrent tranquillement, voletant sous le couvert des arbres pour ne pas avoir trop chaud. Estimant que tout cela était trop mou, Katie et Alicia lancèrent un concours d'acrobaties, enchaînant les loopings, les voltes et les vrilles à toute allure, s'arrêtant à quelques centimètres des arbres ou du sol en éclatant de rire.

Georges avait enfourché un balai lui aussi, et avait fini par convaincre son frère de faire de même, malgré ses réticences. Depuis son retour, Harry avait revu Georges plusieurs fois, à des dîners chez Draco ou autour du terrain d'entraînement, et ils s'entendaient presque comme autrefois. En revanche, il n'avait pas revu Fred depuis cette unique et surprenante rencontre dans le magasin des jumeaux. Il paraissait moins sombre et moins fermé que ce jour-là, mais Harry avait peine à retrouver en lui l'adolescent espiègle et farceur dont il se souvenait et qu'il devinait par contre si facilement chez Georges. Quelque chose semblait avoir marqué sa vie, sans qu'il sache quoi – Georges n'avait jamais voulu s'étendre sur le sujet – mais cette « obscurité » chez le jeune homme le chagrinait.

À force de menaces, Harry avait réussi à coller un balai dans les mains de Matthieu, qui se contentait de voleter au ras du sol pour plus de prudence. Deirdre s'était portée volontaire pour jouer également, paraissant plus habile qu'elle ne le laissait supposer de prime abord. Blaise, lui, avait refusé de salir son costume hors de prix et avait sorti sa baguette pour invoquer, à l'ombre des arbres, de confortables canapés et fauteuils pour accueillir ceux qui restaient au sol, et en premier lieu, les dames et le ventre rebondi de Daphnée qui abritait son futur filleul.

Draco arriva comme une fusée au milieu de la mêlée, sur son balai personnel, intercepta une passe au vol et lança le souaffle dans un des buts avant même que quiconque ait compris qu'il était revenu. Ravies de cette entrée en matière rondement menée, les filles répartirent rapidement les joueurs – elles trois avec Deirdre contre les quatre garçons, Matthieu ayant honteusement abandonné entre temps – et lancèrent le match avec l'envie évidente de les écraser.

Fred n'avait pas volé depuis longtemps, et cela se voyait même s'il reprenait peu à peu de l'assurance. Mais durant ses années dans l'équipe de quidditch de Poudlard, comme Georges, il avait toujours été batteur et manier le souaffle ou capter le reflet infime du vif d'or ne lui était pas aussi naturel qu'aux autres joueurs.

Harry, lui, peinait à se concentrer. À chaque fois que son regard fouillait les ombres à la recherche du reflet doré, son esprit s'égarait vers le Manoir. Il songeait avec un pincement au cœur – et un autre nettement plus bas – à Severus en train de gémir ou de jouir sous les coups de reins de son compagnon. Si Harry savait avec certitude qui possédait qui, il ne savait en revanche rien de la position qu'ils avaient adoptée et son cerveau lubrique et frustré lui mettait devant les yeux des images toutes plus osées les unes que les autres. Mais la rougeur de ses joues n'était évidemment due qu'à la chaleur et à la partie de quidditch.

Avoir s'être fait moqué plusieurs fois sur ses « rêveries » par un Georges qui n'en manquait pas une, il se concentra davantage, permettant au score d'être un peu plus équilibré et moins humiliant.

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Au sol, les spectateurs discutaient tranquillement en les regardant voler, commentant le match tout en savourant des boissons fraîches ramenées par les elfes de maison. De loin, Harry voyait la condensation ruisseler sur les carafes de jus de fruit et il entendait les glaçons qui tintaient dans les verres pendant qu'eux suaient sang et eau dans un match éprouvant.

Pour une rare fois, il avait laissé tomber le sortilège de chaleur qu'il conservait en permanence autour de lui, et malgré cela, il trouvait qu'il faisait chaud. Presque trop chaud. Se posant un instant au sol, Harry déboutonna sa chemise en vitesse et la jeta dans l'herbe avant de repartir en vol avec les autres. Il ne savait pas comment ils faisaient pour rester ainsi aussi habillés. Les filles avaient des vêtements assez légers, pantalons courts et hauts décolletés, voire même un simple débardeur pour Katie, mais côté homme, Fred et Georges étaient en pantalons et Draco avait conservé sa veste de costume par-dessus sa chemise !

L'air, même chaud, sur sa peau nue et en sueur lui fit un bien fou. Harry sentait pourtant les regards insistants des jumeaux et de Deirdre sur les marques qui parsemaient son corps. Draco et les filles l'avaient déjà vu torse nu – voire complètement nu lorsqu'il prenait sa douche dans le vestiaire des Harpies après qu'elles se soient rhabillées – et ses cicatrices ne les surprenaient plus.

Un jour, il avait même énuméré la liste des coupables devant leur curiosité : « Un jaguar. Voldemort, Voldemort, Voldemort. Une flèche. Une bête chute de vélo quand j'étais gosse. Les crocs de Naguini. Un coup de machette. » La seule sur laquelle il n'avait pas voulu s'étendre était la cicatrice qui parcourait son dos, de la nuque au bas des reins. « Un mauvais souvenir » avait-il dit. Les filles s'étaient moquées de lui en lui demandant si les autres étaient de bons souvenirs et les choses en étaient restées là.

Aujourd'hui, il allait sans doute encore devoir se justifier. Mais pour l'heure, il entendait surtout les souffles courts et les respirations haletantes des autres joueurs. Même les plus acharnées à en découdre, Alicia et Katie, semblaient n'en plus pouvoir, presque prêtes à jeter l'éponge pour se jeter elles-mêmes dans la piscine. Quand Draco attrapa le vif, au prix d'une acrobatie qui faillit le faire chuter de son balai, ce fut finalement un soulagement pour tout le monde, et en particulier pour Daphnée, qui appréciait de moins en moins de le voir voler comme un adolescent inconscient.

En retournant vers le Manoir, et surtout vers la piscine, Draco se fit un malin plaisir à fanfaronner devant Katie. Depuis qu'elle avait mis un terme à sa carrière et que Draco n'avait plus le statut d'entraîneur à ses yeux, la relation entre ces deux-là était devenue plus pointue, plus acérée et les piques qu'ils s'envoyaient étaient parfois vives. Harry se souvenait de Draco lui disant que Katie n'avait jamais été une amie; il avait sans doute mis entre parenthèses bien des états d'âme et des coups de colère pour que son « poulain » soit au mieux de sa forme et de ses capacités. Et à présent que Katie ne faisait plus partie de l'équipe, il ne se privait pas de lui dire ses quatre vérités. Mais malgré tout, Harry aimait bien Katie. À force de s'entraîner contre elle pour le vif, il s'était rendu compte qu'elle était sans doute moins sûre d'elle qu'il n'y paraissait au premier abord, et elle avait malgré tout beaucoup d'humour et d'autodérision.

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Ceux qui en avaient besoin se changèrent tour à tour dans les cabines de bains installées par les elfes. Les autres furent plus rapides : les impudiques comme Katie et Alicia, qui ôtèrent simplement pantalons et tee-shirts avant de métamorphoser leurs sous-vêtements en maillot de bains ou les malchanceux, comme Matthieu, qui entra dans l'eau le premier, mais tout habillé.

Harry ricana de sa basse vengeance avant de se déshabiller comme les filles et de sauter dans l'eau à son tour. Merlin merci ! Il avait eu la bonne idée le matin même de mettre un sous-vêtement sous son pantalon, ce qui n'arrivait pas encore tous les jours, et sa mise à nu n'attira pas plus de regards que ne le faisaient déjà ses cicatrices.

C'était quelque peu étrange de voir ainsi tous ses amis quasiment nus, certains pudiques, d'autres sans gêne. Harry n'avait aucun souci avec la nudité la plus complète, c'était même devenu une seconde nature, et il savait la façon dont la vie et le temps faisaient les corps : parfois secs, parfois gras, élancés ou avachis, flasques ou noueux. Mais dans cette société anglaise plutôt chic où les corps étaient constamment couverts, bien plus que parmi tous les peuples avec lesquels il avait vécu ces dernières années, cette brusque nudité était étonnante, presque choquante.

Il connaissait déjà le corps de Draco, grand et musclé, plus que son père qui, malgré le poids qu'il avait repris, restait un poil trop sec à son goût. Il connaissait aussi celui des Harpies qui n'avaient plus la moindre pudeur avec lui : celui fin et racé d'Alicia, le corps plus masculin et plus lourd de Katie, ou celui d'Angie, aux courbes très prononcées et dont le ventre mou portait comme une évidence les traces de ses grossesses.

Quand il remonta sur le bord de la piscine pour retirer ses vêtements imbibés d'eau, Harry redécouvrit le corps de Matthieu, plutôt très alléchant s'il devait se l'avouer et dont le monumental tatouage attira bien des regards et des commentaires. Le serpent qui ondulait dans son dos esquissa un clin d'œil avant que le jeune homme ne replonge dans l'eau avec une nonchalance délicieuse. Il n'y avait décidément que sur un balai que Matthieu n'était pas à l'aise !

Fred et Georges se ressemblaient jusque dans leur nudité : la même peau de lait parsemée de taches de son sur les épaules, les mêmes poils roux presque translucides sur le torse – Charlie les avait eus un peu plus foncés, dans son souvenir – et la même silhouette mince et longiligne. Seul Georges, en revanche, affichait un petit ventre rond qui avait nourri bien des railleries de la part des Harpies, jusqu'à Angelina qui tapota le bidon de son mari en ricanant « Souvenir de grossesse ! ». Georges accusa la cuisine de sa femme, laquelle s'agaça en lui suggérant de se dévouer pour préparer à manger tous les soirs si ça ne lui convenait pas, et tous les deux disparurent pour une bataille sous-marine dont aucun ne sortirait vainqueur.

Daphnée était égale à elle-même, ronde et royale dans sa maternité. Deirdre avait un corps magnifique qu'elle eut un peu de mal à dévoiler devant Harry et surtout devant Sam, qui restait tout de même son patron et avec qui elle entretenait plus souvent des rapports professionnels que personnels mais après l'avoir vu assumer parfaitement la forêt de poils qui lui couvrait le torse, elle ricana d'elle-même et sortit sans gêne.

Harry les observait tous avec tendresse. Il se fichait, lui, des aspects particuliers des uns et des autres. Il avait son lot de traces et de stigmates, qui se voyaient comme des taches trop claires sur sa peau brune – les plus récentes, comme la blessure que Severus avait rouvert en bas de son dos, encore rosées – mais il s'en moquait. Tous ceux-là comptaient pour autre chose que leur beauté ou leur apparence.

Tout en plongeant, chahutant, nageant et en respirant autant d'eau que d'air, Harry se dit qu'il était heureux. Il ne manquait que Lucius et Severus à son bonheur, si ces deux satyres avaient fini de s'envoyer en l'air dans une des chambres du Manoir !

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L'apparition inopinée des maîtres de maison rafraîchit quelque peu l'atmosphère autour de la piscine tandis que Lucius et Severus descendaient l'escalier vers la terrasse inférieure. Les éclaboussures cessèrent, rendant la surface lisse de l'eau encore plus aveuglante de lumière, les cris se turent, chacun resta figé dans sa position parfois saugrenue comme dans un jeu enfantin et un étrange silence tomba à mesure que tous les regards convergeaient vers eux.

Harry, la tête maintenue sous l'eau par les deux mains puissantes de Draco, ne se rendit compte de rien, et lorsqu'il parvint à se dégager, il émergea de l'eau comme un diable hors de sa boîte en secouant ses cheveux longs dans tous les sens, crachant de l'eau en même temps que des invectives au coupable.

Il mit quelques instants à se rendre compte du calme ambiant, si différent pourtant des cris et des rires qui régnaient encore une minute auparavant. Tous les regards se dirigeaient vers le même endroit : deux confortables fauteuils et autres chaises longues, parmi les plus éloignés de la piscine, où Severus et Lucius venaient de s'asseoir avec un dédain presque narquois.

– Oh, ça va ! Ils vont pas vous bouffer, hein ! ricana-t-il avant de replonger pour renverser les premières jambes qui passaient à proximité de lui.

Il se doutait que Severus jubilait de l'effet qu'il avait encore sur ses anciens élèves. Même sans ses éternelles robes noires de potionniste et malgré ses cheveux plus courts et légèrement blanchis, il gardait le même regard sombre capable de tétaniser n'importe qui dans l'attente d'une punition. Et la plupart des « anciens » avaient sans doute eu le réflexe de se tasser un peu sur eux-mêmes pour se faire les plus discrets possible. Seuls les habitués des Malfoy, et dans une moindre mesure, Matthieu et Luna, ne se laissaient pas prendre au piège de cette attitude. Mais on n'était plus à Poudlard et Harry n'avait pas envie de voir perdurer ces barrières ridicules et d'un autre temps. S'ils savaient, tous, que Severus venait sans doute de gémir outrageusement en jouissant sous les assauts de Lucius... Il perdrait toute sa crédibilité !

En gloussant à cette idée, Harry sortit de l'eau pour rejoindre les deux hommes. Sans même prendre la peine de se sécher, il se pencha au-dessus de Severus à demi-allongé dans une chaise longue pour l'embrasser. En quelques secondes de baiser, ses cheveux ruisselants avaient dessinés des auréoles sombres sur la chemise de son amant.

– Erf ! Tu es trempé comme une soupe ! maugréa Severus.

– Eh bien ? Ça te dérange quand je suis humide maintenant ?! D'habitude, tu apprécies plutôt quand c'est toi qui me fais cet effet-là !

Lucius n'avait pas dit un mot mais son sourire ironique était éloquent.

– Viens te baigner ! fit Harry tandis que Severus le fusillait du regard.

– Merci. Je viens déjà de prendre une douche.

Harry grimaça devant l'allusion trop évidente à l'activité à laquelle les deux hommes venaient de s'adonner.

– Encore heureux ! marmonna-t-il. Allez ! Viens te baigner ! S'il-te-plaît !

– C'est le moment de négocier quelque chose ! ironisa Lucius devant son ton trop suppliant.

– C'est mon anniversaire ! protesta Harry. Allez ! Fais un effort !

– J'en fais déjà tous les jours, des efforts, avec toi ! ricana Severus. Pourquoi j'irai me baigner avec cette bande de gosses sans cervelle ?!

Il ne les avait pas traité de cornichons décérébrés; c'était peut-être un progrès...

– Pour me faire plaisir ! Et pour leur montrer à quel point tu leur es supérieur dans une piscine !

L'argument était bas, mais Harry savait qu'il ferait mouche sur Severus. Non content de réussir encore à impressionner ses anciens élèves par sa simple présence, l'ancien professeur serait ravi de les humilier un peu plus par ses performances dans l'eau. Tous les deux avaient entendu Katie et Alicia lancer un concours de natation dans la piscine un peu plus loin et, oubliant peu à peu la présence des maîtres de maison, les premiers encouragements se faisaient entendre au profit de Draco et de Matthieu.

Après des années et des années à nager au moins une heure par jour, quand ce n'était pas davantage, Severus était certainement bien plus rapide et endurant que n'importe lequel d'entre eux. Ce qu'il se ferait une joie de leur démontrer !

– C'est une proposition alléchante, mais je ne crois pas, non, fit Severus avec une moue de dépit.

Harry ne cacha pas sa surprise. Il était pourtant certain d'avoir manœuvré le bon argument pour convaincre Severus et son refus était surprenant. Ce n'était certainement pas une question de pudeur ou de gêne : avec son entraînement quotidien, Severus avait un corps à tomber et surtout rien à envier à personne... Et il le savait très bien. Harry était le premier à baver sur les épaules de son amant dès qu'il le voyait de dos.

– Pourquoi ? fit-il en fronçant les sourcils.

Severus leva vers lui des yeux sombres où brillait une lueur malicieuse.

– Je ne crois pas que tu tiennes à ce que tes amis voient les traces de certaines activités...

Instinctivement, Harry jeta un œil vers les épaules de son amant, bien à l'abri de la chemise noire qu'il portait, tandis qu'un désir sourd et rauque remuait dans son bas-ventre.

– Tu veux dire que..., gémit-il. Non seulement vous vous envoyez en l'air en pleine journée sous mon nez, mais en plus, vous avez fait ça !

L'exaspération, née d'une jalousie nouvelle, l'envie, la frustration, le manque... tout bourdonnait en lui dans un tourbillon de sentiments âpres. D'un geste sec, Harry tira vers l'arrière le col de la chemise de Severus, dévoilant quelques marques rougeâtres, tandis que Lucius ricanait en silence.

– Techniquement, on ne vient pas de le faire...

– Non, ça date plutôt d'hier soir, ajouta Severus avec un sourire entendu envers son compagnon.

– Hier soir ?! s'étrangla Harry. Alors que les filles étaient là et que vous êtes censés faire chambre à part ?! Enlève ta chemise, je vais chercher l'onguent. Et tu viendras te baigner !

Sans même s'en apercevoir, sa magie claqua sèchement dans l'air surchauffé quand il transplana vers le laboratoire du Manoir.

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Harry attrapa un pot d'onguent, puis prit quelques instants pour se calmer. Le désir courait dans ses veines comme une bouffée d'adrénaline, puissant, vif, impérieux. Un feu intérieur qui le dévorait mais qu'il ne pouvait satisfaire dans l'immédiat. En réalité, il avait failli faire transplaner Severus avec lui dans le laboratoire... L'envie brûlante de Severus en train de le prendre sur une des paillasses, comme il l'avait pris une fois à plat ventre sur la table de la bibliothèque, lui arracha un gémissement de désir.

Rassemblant toute sa volonté, à défaut d'une réelle motivation, Harry fit appel à sa magie pour drainer toute cette énergie sexuelle inutile puis, une fois apaisé, il transplana à nouveau sur la terrasse où les deux hommes n'avaient pas bougé, l'attendant avec un vague sourire narquois sur les lèvres.

– Avance-toi un peu, fit Harry à son amant d'une voix la plus neutre possible, avant de s'asseoir en se glissant derrière lui.

Severus déboutonna sa chemise avec une lenteur calculée, s'attirant un ricanement de Lucius qui ne perdait pas une miette de leurs gestes à l'un et à l'autre. En se mordant inconsciemment les lèvres, Harry fit glisser la chemise de son amant le long de ses épaules envoûtantes, puis le long de ses bras, dévoilant la peau nue si blanche et si tentante.

Les marques étaient là, qui soulevaient à nouveau son ventre d'un désir profond, mais bien moins nombreuses que la dernière fois. Lucius avait été plus mesuré cette fois-ci, refusant sans doute de réitérer la séance extrême dont le résultat le lendemain l'avait laissé sans voix et profondément bouleversé. Là, il n'y avait que quelques traces vermeilles ou violacées, essentiellement sur les épaules et le haut du dos, que Harry effleura du bout des doigts avec envie avant de secouer la tête pour se ressaisir.

Sous le massage de ses mains et l'onguent qu'il appliquait généreusement, les traces disparurent rapidement, laissant le dos puissant de Severus vierge de tout témoignage de ses pratiques avec Lucius. Harry aurait bien continué à caresser longuement le corps de son amant – il devait déjà lutter pour éviter que ses mains ne s'égarent vers les tétons ou le bas-ventre de Severus – mais au bout de quelques minutes, il se résolut à cesser de le toucher.

– Bon, je m'arrête là. Le reste sera caché par ton maillot de bain... Parce que j'imagine que tes fesses sont dans le même état, ou même pire !

Severus échangea un regard avec son compagnon et ils ricanèrent tous deux de concert.

– Tant pis, fit Harry en souriant. Tu resteras avec. Si je commence à te tripoter les fesses devant tout le monde, ça va faire jaser !

– C'est surtout que tu n'es pas sûr de pouvoir te retenir après ça ! gloussa Severus.

– En revanche, c'est un spectacle que je serais assez friand de voir, intervint Lucius avec un sourire gourmand.

– Même pas en rêve ! lâcha Severus tandis que Harry éclatait de rire.

Tout le temps où le jeune homme avait appliqué l'onguent sur le dos de Severus, Lucius était resté fasciné par la douceur de ces mains qui parcouraient cette peau si familière, la façon dont Harry passait et repassait sur les muscles marqués, ces caresses si sensuelles dont le jeune homme ne se rendait probablement même pas compte.

Lucius avait beau savoir parfaitement ce que faisaient Harry et Severus lorsqu'ils étaient seuls, il avait beau les avoir déjà vus s'embrasser, se câliner, se toucher... voir les mains de Harry parcourir le corps de son compagnon était d'un érotisme forcené. Et il ne mentait certainement pas en disant qu'il aurait bien voulu en voir davantage.

– En fait, ça t'excite de savoir que Harry me baise, n'est-ce pas ? insinua Severus en croisant intensément son regard.

– Langage, Severus, sourit-il de sa voix traînante qui agaçait tant son compagnon. Tu sais très bien que j'ai toujours aimé... te voir à l'œuvre.

– Me voir à l'œuvre... mais pas voir quelqu'un d'autre à l'œuvre sur moi. Pourquoi j'ai l'impression que c'est différent, cette fois ?

– C'est déjà arrivé, protesta Lucius avec un sourire tranquille.

En réalité, ça n'était arrivé qu'une seule fois et l'un et l'autre s'en souvenaient très bien. En règle générale, Severus baisait un parfait inconnu sous ses yeux avant que Lucius ne vienne se satisfaire du corps de son compagnon mais cette fois-là, il avait été particulièrement troublé de voir Karl prendre possession du corps de Severus. Voir ces mains imposantes le toucher, ce sexe dur pénétrer violemment l'homme qu'il aimait, l'entendre gémir, de plaisir et de douleur, sous les coups de reins d'un autre, le voir transpirant, haletant, geignant... Lucius n'avait pu s'empêcher d'intervenir et de donner lui-même sa jouissance à Severus. Mais après coup, il ne lui était resté que cette impression que le corps de son compagnon avait été sali, presque profané par un autre homme.

– Je ne prête pas ce qui m'appartient, ricana-t-il tandis que Severus roulait des yeux en l'entendant.

Tout en détournant le regard vers Harry, Lucius se dit que son compagnon avait pourtant mis le doigt sur un point essentiel : lorsqu'il s'agissait du jeune homme, cela ne le dérangeait pas. Au contraire.

Harry aimait Severus et ses sentiments étaient criants de vérité. Le jeune homme était respectueux du corps de son amant et de ce qu'il était, ses caresses étaient de vraies caresses, sensuelles, intenses, où le désir n'était pas que bestial, où la connivence l'emportait sur les instincts purement physiques. La façon dont il venait de le toucher, glissant ses doigts sur les épaules de son amant, le long de sa nuque, au point que Severus avait frissonné et penché la tête sous l'étreinte de ses mains... Lucius devait admettre que cela l'excitait.

La simple évocation des mains de Harry massant les fesses de Severus lui avait donné brusquement chaud. Mais il aurait voulu en voir davantage.

Il imaginait bien de quelle manière Severus devait faire l'amour au jeune homme, parfois tendre, parfois plus brutal et dominant, au gré de son humeur et de ses envies, comme il l'avait vu faire si souvent.

Mais voir Harry à l'œuvre... Le voir embrasser, caresser, lécher la peau de Severus, le voir sucer son sexe, pénétrer son corps lentement ou avec fougue, le voir le pilonner à grands coups de reins, le faisant mettre sur le ventre ou à quatre pattes... Lucius en avait l'eau à la bouche.

Harry ne profanait pas le corps de Severus, il le magnifiait.

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Un toussotement discret du jeune homme tira Lucius de ses pensées peu chastes. Avec un léger sourire en coin, Harry l'observait, le regard intense et pétillant. Sans hésitation, Lucius plongea dans ces yeux émeraudes, lisant à demi-mots ce qui ne pouvait être énoncé clairement : Harry éprouvait les mêmes désirs que lui. Aimer Severus, chacun de son côté, ou tous les deux ensemble, le chérir, le goûter, lui donner du plaisir... Harry aurait souhaité partager cela avec lui, autant qu'il apprécierait d'être aimé par l'un... ou par l'autre... ou par les deux ensemble.

Se faisant violence, Lucius s'obligea à détourner le regard, loin des deux hommes, sur un horizon de pelouses nettes, de plates-bandes soignées et d'arbustes taillés au cordeau qui appelaient à la mesure, à la maîtrise et à un ordre immuable. Harry et lui désiraient la même chose, mais Severus était loin d'être prêt à cela. La situation entre eux trois était encore trop fragile et imprécise, la jalousie de Severus sans doute pas complètement éteinte et ce n'était certainement ni le lieu, ni le moment. Mais ils savaient tous deux avec certitude vers quoi ils tendaient.

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Merci à tous de votre fidélité. La suite dans quelques heures...

La vieille aux chats