Chapitre 63 : Nobles détours
Poursuivre l'alliance des royaumes, sauver Merlin et repousser Mordred.
Autoriser la magie.
Il est temps de continuer mes missions, pensait le jeune roi tandis qu'il raccompagnait Chris jusqu'à l'orée de la forêt, Léon toujours à leurs côtés.
-Voici mon rapport concernant ce qu'il s'est passé et ce que nous avons fait en votre absence, dit le chevalier en lui tendant un parchemin. Si vous êtes d'accord, je souhaiterais à présent me retirer afin de retourner auprès de Dame Viviane.
Arthur saisit le document, s'apprêtant à accepter sa demande, mais il eut soudain une idée. Il se tourna vers le jeune druide :
-Votre peuple a-t-il des connaissances sur les sortilèges d'amour ?
Il répugnait à retarder plus longtemps ses impératifs, mais s'en détacher quelques instants permettrait peut-être de sauver une jeune femme innocente. Pris par surprise, Chris eut besoin de quelques secondes pour répondre :
-Eh bien, quelques-unes, oui…
-La Princesse Viviane, qui séjourne actuellement au château, en est victime depuis plusieurs années. Elle est condamnée à ressentir pour moi un amour artificiel jusqu'à la fin de ses jours, à moins que nous trouvions celui dont le baiser la guérirait. Mais peut-être les druides ont-ils une solution ? Un moyen de mettre la main sur cette personne, ou bien une alternative ?
-Je… Je dois avouer que je n'entrevois pas beaucoup d'options. Peut-être Dame Viviane peut-elle se présenter à notre campement dans les prochains jours ? Nos anciens en savent généralement bien plus et il pourront l'examiner.
Emmener Viviane chez les druides ? Pourquoi pas, c'était une idée intéressante. Par souci de précision, Arthur raconta comment il avait atténué les effets de cette obsession amoureuse en offrant à la jeune femme un bracelet qui portait lui-même un sort d'amour différent. Un sort confectionné par Morgane l'année précédente et destiné initialement à éloigner Guenièvre d'Arthur en la poussant dans les bras du Seigneur Lancelot. Léon écarquilla les yeux en entendant cela, découvrant enfin les véritables raisons qui avaient poussé Gwen à trahir l'homme qu'elle aimait. Il n'avait bien sûr jamais posé la moindre question à ce sujet, mais peut-être s'était-il interrogé. Par la même occasion, il apprenait ce qu'Arthur avait fait en secret en offrant ce bracelet à la princesse.
-Oh, dit-il, cela explique pourquoi elle s'est récemment mise à me questionner au sujet de Lancelot. Elle souhaitait s'informer sur son histoire, sa noblesse, sa mort… Et il est vrai qu'elle semble légèrement moins obnubilée par vous, Sire.
-Nous devons la convaincre d'accepter une visite chez les druides, Seigneur Léon. C'est faisable, elle a déjà admis à demi-mot que sa situation était une souffrance puisqu'au moment où je lui ai donné le bracelet elle m'a dit se sentir moins dépendante de moi et plus libre. Mais je me demande si nous ne devrions pas en parler à Olaf. Si nous emmenons sa fille jusque dans la forêt, il mérite peut-être de le savoir.
Le chevalier secoua la tête :
-Il risque de s'y opposer contre la volonté de la princesse elle-même. C'est une adulte, seule sa décision importe. Je suis prêt à la faire sortir de la cité en secret, pour qu'il n'en sache jamais rien. A moins bien sûr qu'elle souhaite évoquer le sujet avec lui.
-Demandons donc son accord à Viviane, dit le roi en opinant du chef. J'imagine que je suis le mieux placé pour lui en parler.
-Elle accepterait sans doute de le faire si cela venait de vous, mais ce ne serait pas forcément pour les bonnes raisons.
-Mais si vous lui posez vous-même la question, ne risque-t-elle pas de refuser ? Non pas parce qu'elle veut véritablement rester amoureuse, mais à cause de l'influence de cette magie qui lui fait croire que c'est une bonne chose et qui lui retire son libre arbitre.
-C'est effectivement risqué mais… Je pense pouvoir la persuader. Si elle accepte, nous saurons que c'est bien son choix et non une volonté de vous faire plaisir.
Arthur inspira longuement :
-Très bien, je vous fais confiance. Vous pouvez vous en occuper.
Léon s'inclina devant lui, puis il remercia Chris en souriant avant de retourner vers la citadelle.
-Je suis désolé de m'être fait prendre ainsi, dit le jeune druide qui était à présent seul avec Arthur.
-C'est moi qui suis désolé, Chris, j'aurais dû me douter qu'Emrys habitait peut-être à Camelot et que ma demande de lui porter un message t'obligerait à y retourner. A présent que je sais qu'il y vit bel et bien, je me rends compte de mon erreur.
-Attendez, comment savez-vous qu'Emrys est à Camelot ? Connaissez-vous son identité ?
-Non, non, mais…
Il se força à résumer ce qu'il s'était passé sur l'île de Mordred et les révélations qui lui avaient été faites. Il n'entra pas dans le détail mais le druide dut sentir que c'était un sujet sensible car il n'insista pas. Son aptitude à lire les émotions d'autrui pouvait parfois être une bonne chose.
-Chris, j'ai besoin de savoir si tu es entré en contact avec Emrys. La dragonne Aithusa m'a parlé, elle m'a dit de ne pas communiquer avec lui pour l'instant, même si elle n'a pas souhaité révéler pourquoi exactement. Elle m'a expliqué qu'elle te transmettrai aussi l'information pour annuler la mission que je t'avais confié, est-ce qu'elle a pu te prévenir à temps ?
-Elle m'a bien prévenu à temps : je n'ai pas parlé à Emrys. Malheureusement, je me trouvais déjà à Camelot lorsqu'elle s'est adressée à moi, d'où mon arrestation…
-Je suis vraiment navré.
Si je n'étais pas rentré de l'île et si Léon n'avait pas eu de doutes, qui sait ce qu'il se serait passé.
-Arthur… Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais…
Il sait.
-Tu parles de de mon… état d'esprit, j'imagine. Je sais que tu peux le percevoir au moins partiellement.
-J'ai rarement vu cela, je m'inquiète pour vous, je sens énormément de confusion et de souffrance. Que s'est-il passé depuis la dernière fois que nous nous sommes parlé ?
-C'est Mordred. Il m'a mis face à moi-même et je n'ai pas supporté cette vision.
-Quoiqu'il ait pu vous dire, je peux vous assurer d'une chose, c'est que vous êtes animé des meilleures intentions du monde. Ce n'est pas mon avis, c'est un fait, je le lis en vous malgré l'enchevêtrement des mouvements internes qui vous habitent.
-L'enfer est pavé de bonnes intentions.
Chris eut un mouvement de recul :
-Vous n'êtes pas prêt à vivre en paix avec vos erreurs, dit-il avec bienveillance, c'est encore trop tôt mais j'espère que vous y viendrez.
L'idée même de vivre un jour en paix avec son passé de tyran soulevait le cœur d'Arthur et le révoltait.
-Ce qui émane de vous est fort, continuait Chris, c'est difficile à définir précisément parce que c'est… erratique, mais c'est fort. L'émotif a pris une place très importante en vous, vous êtes refermé sur vous-même et sur vos ressentis.
Il avait raison. Arthur avait l'impression de se concentrer bien plus que d'habitude sur ses propres sentiments. Son dialogue interne prenait parfois le pas sur ce qui se disait dans le monde réel autour de lui. Il entendait ses propres réflexions avec plus de clarté que le reste, en tout cas certaines d'entre elles. Oh, le cercle vicieux, plus j'ai mal, plus j'y pense, et plus j'y pense, plus j'ai mal ! Son esprit était à la fois son refuge et sa prison. Et cette migraine qui pointe ! Parlons d'autre chose, par pitié !
L'idée dut silencieusement faire son chemin jusqu'au jeune druide puisque celui-ci se tut.
-Je repense aux cristaux, dit-il finalement pour changer de sujet. Nous avions parlé de nous en servir pour retrouver les membres de ma famille qui ont peut-être survécu à la Purge, mais nous n'avons pas pu le faire pour l'instant. En partie parce que je me suis découragé au dernier moment la première fois… et puis ensuite par manque d'opportunités. Je pense aujourd'hui être prêt à le faire, si vous êtes d'accord.
Arthur avait effectivement pris un engagement auprès de lui lorsqu'il lui avait fait cette proposition. C'était encore un détour qui l'éloignait de ses missions mais il se refusait à abandonner le jeune druide.
-Les cristaux sont chez l'Archiviste, au cœur de la cité, et ils ne peuvent être utilisés qu'avec la table qui se trouve dans sa bibliothèque… Cela veut dire qu'il faut que tu reviennes aux alentours du château, là où tu risques d'être à nouveau capturé. C'est possible mais il faut que je sois à tes côtés en permanence pour éviter tout incident.
Chris acquiesçait :
-Quand voulez-vous le faire ?
Ils se regardèrent, se tournèrent vers la forêt, puis vers le château, avant de se regarder à nouveau.
-Maintenant ?
Léon trouva Viviane assise dans ses appartements, en compagnie de sa servante qui lui brossait les cheveux. Elle haussa les sourcils en le voyant :
-Eh bien, où étiez-vous passé ? dit-elle les yeux pétillants.
-Pardon, Ma Dame, j'étais retenu auprès du roi.
-Ce cher Arthur ! Comment va-t-il ?
Difficile de répondre à cela. Physiquement, le roi semblait fatigué mais il n'était pas blessé. Mentalement, il paraissait pour le moins préoccupé et parfois absent.
-Il va bien.
-Excellent ! se réjouit-elle. Parlez-moi un peu de lui, je suis sûre que vous ne m'avez pas encore conté tous ses exploits !
Hier elle se concentrait sur Lancelot, aujourd'hui c'était Arthur à nouveau. Cela s'inverserait à nouveau d'ici peu.
-Bien sûr, dit-il en avisant du coin de l'œil la servante qui quittait la pièce. Mais je voudrais d'abord vous parler de quelque chose. Puis-je m'asseoir ?
Elle eut une petite moue surprise mais hocha la tête, le laissant prendre place sur le fauteuil qui lui faisait face.
Arthur emmena Chris chez l'Archiviste. Les gardes postés à l'entrée devaient se demander pourquoi il venait si souvent. Peut-être s'imaginaient-ils qu'il étudiait cette bibliothèque de connaissances magiques pour mieux lutter contre la sorcellerie. Après tout, c'était réellement ce qui avait motivé ses visites à l'origine.
Il prit l'un des cristaux et invita le jeune druide à s'asseoir sur l'une des chaises qui entouraient la table, avant de s'installer en face de lui.
-Es-tu sûr de vouloir aller jusqu'au bout ? Il n'est pas trop tard pour renoncer, comme tu en as fait le choix la dernière fois.
Chris grimaça :
-J'avais peur de recevoir la preuve définitive que mes parents et le reste de ma famille avaient péri lors de la Purge… Mais lorsque vos gardes m'ont emprisonné, je me suis rendu compte que j'allais être exécuté sans avoir jamais eu de réponses à mes questions, et c'était bien pire à mes yeux.
Arthur posa le cristal sur la table, au centre du cercle magique qui l'ornait.
-Comment allez-vous ? demanda Léon, en insistant sur le dernier mot.
Viviane sourit.
-Je me porte à merveille ! Où voulez-vous en venir ?
-Êtes-vous sûre que tout va pour le mieux ? Ne souffrez-vous pas de cet amour pour le roi Arthur ?
-Pourquoi donc en souffrirais-je ? C'est un plaisir d'en apprendre tous les jours un peu plus à son sujet, de découvrir petit à petit tout ce qu'il a pu accomplir !
-Cela fait des années que votre passion vous possède et vous obsède, et elle n'est même pas réciproque.
-Comment osez-vous ! couina-t-elle.
Il avait été un peu dur mais c'était nécessaire.
-Depuis que vous vous intéressez au Seigneur Lancelot, votre attention ne se porte plus exclusivement sur le roi. Cela ne vous a-t-il pas légèrement libérée ?
-Mais pourquoi utilisez-vous ce mot ?! Je ne suis prisonnière de rien, enfin !
Se rappelant les paroles d'Arthur, il voyait de manière limpide qu'elle était dans le déni. Elle s'était elle-même qualifiée de plus libre le jour où elle avait enfilé le bracelet et senti sa monomanie s'atténuer.
-Pensez-vous qu'il soit normal de n'avoir en tête que les hommes que vous aimez, à tout instant de la journée ? De ne vous intéresser à rien d'autre ? Avez-vous parfois des activités qui n'aient pas pour but d'en apprendre plus à leur sujet, ou de vous rapprocher d'eux d'une manière ou d'une autre ?
-Je passe aujourd'hui même la journée avec mon père ! Il vient me chercher d'ici quelques minutes !
-Était-ce votre décision ou la sienne ?
-La sienne, mais… Cela ne veut rien dire ! Et puis pourquoi voudrais-je m'intéresser à quoi que ce soit d'autre, après tout ? Et si j'avais envie de dédier ma vie à… à… à mes passions amoureuses ?
Sa voix se faisait tremblante.
-Vous êtes prisonnière, Viviane. N'avez-vous pas envie de vous échapper ?
-Je…
-Montre-moi tous les membres de ma famille, dit Chris. Tous ceux qui… sont encore vivants aujourd'hui.
Arthur remarqua qu'il ne demandait pas à voir ce qu'il s'était passé le jour où les hommes d'Uther l'avait séparé de sa famille. Si ses parents étaient bien morts ce jour-là comme il le devinait, il le saurait grâce à la requête qu'il avait choisie, et non en assistant de ses propres yeux à leur massacre.
Le cristal se mit à faire une chose que le roi ne l'avait encore jamais vu faire. Il projeta autour d'eux un univers entièrement fractionné, une mosaïque de visages en mouvements qui s'étirait de toutes parts. C'était l'ensemble des membres de la famille de Chris, aussi éloignés fussent-ils du jeune druide, s'étendant à perte de vue. Le centre de la mosaïque devait montrer sa famille la plus directe et, plus on s'en écartait, plus on découvrait ses lointains parents.
Le druide leva courageusement le regard vers le milieu de cette tapisserie. A son léger tressaillement, on devinait que ni son père ni sa mère ne s'y trouvaient. Arthur tendit la main et serra fort l'avant-bras tremblant de son ami.
-Ma Dame, souvenez-vous donc. Il y a quelques années, lors de votre première visite à Camelot, vous ne nourrissiez pas le moindre intérêt pour le Prince Arthur. C'est un sortilège qui vous a précipitée dans cet état amoureux, et il n'a jamais pu être levé. Au fond de vous-même, vous devez en être consciente.
La jeune femme était si offusquée qu'elle en perdait ses mots :
-C'était très soudain, mais de là à insinuer que je suis sous l'emprise d'un sort, c'est… c'est… Cela expliquerait certaines choses, bien sûr, mais ce n'est qu'une coïncidence, ce n'est pas possible, je m'en serais rendu compte. Ce que je ressens est réel, Seigneur Léon, vous ne pouvez pas me dire le contraire.
-C'est bien réel puisque vous le vivez dans votre chair, dit gentiment le chevalier. Votre cœur bat pour le roi, c'est indéniable, mais il a été trompé. Vos sentiments ne sont pas nés de manière naturelle, et ils ne disparaîtront jamais si cette magie n'est pas annulée. Vous ne pourrez jamais passer à autre chose. Il y a quelques années, personne n'aurait pu vous l'expliquer car l'obsession submergeait tout votre être, mais vous vivez avec elle depuis si longtemps désormais que vous avez en partie repris le contrôle. Et votre intérêt récent pour Lancelot vous a donné encore un peu plus de recul. Je peux voir que vous entendez ce que je dis et que vous le comprenez.
-Si ce que vous dîtes est vrai, alors que pouvons-nous faire ?
-Je ne peux pas vous garantir que cela fonctionnera, mais j'ai une proposition. Il s'agit de se rendre au campement druide qui se trouve dans la forêt, à quelques heures à pied d'ici. Un peu moins à cheval. Ils en savent long sur ces sujets, et il est possible qu'ils puissent vous aider.
Les yeux de Viviane s'étaient humidifiés mais elle ne pleurait pas.
-Est-ce que vous m'accompagnerez ?
-Bien sûr, dit-il.
-Alors j'irai. Mais ne dîtes rien de tout cela à mon père, il m'imposerait une escorte entière et je pense que cela ne plairait pas à nos amis les druides.
Des coups se firent entendre à la porte de la chambre, et Viviane éleva la voix pour autoriser le visiteur à entrer. C'était vraisemblablement son père.
-Je devrais avoir quelques heures de libres dans les prochains jours pour une excursion secrète dans les bois, murmura-t-elle juste avant qu'il entre. Je vous préviendrai à ce moment-là.
Chris se leva, et Arthur suivit son mouvement pour l'accompagner. Le jeune druide plissait les yeux : il ne semblait reconnaître personne parmi la multitude de proches qui les entourait. Ces hommes et ces femmes devaient avoir un lien familial trop distant pour le permettre. Les traits tendus, il explorait tout particulièrement le milieu de la mosaïque.
Soudain, il eut comme un hoquet :
-Lui, dit-il en touchant du doigt l'un des fragments. C'est le frère de mon père. Il venait parfois chez nous avec sa femme.
On voyait un homme d'âge moyen qui pêchait au bord d'une rivière. Chris pinçait les lèvres, visiblement touché, et ses yeux allaient de gauche à droite pour trouver d'autres personnes. Il lui fallut quelques minutes avant de renoncer.
-C'est le seul que j'arrive vraiment à reconnaître, dit-il.
Arthur posa une main rassurante sur son épaule :
-Demandons au cristal de nous indiquer où il se trouve actuellement.
OoOoO
Après avoir raccompagné Chris à l'extérieur de la cité, cette fois-ci pour de bon, le jeune roi passa le reste de sa journée à se renseigner sur ce qu'il avait manqué et à justifier son absence temporaire auprès des autres souverains. Il ne leur mentit pas, puisque la vérité éclaterait de toute façon au grand jour à mesure que les sorciers présents lors de sa confrontation avec Mordred raconteraient ces évènements un peu partout dans les royaumes. Néanmoins, il fit de son mieux pour insister sur ce qui le mettait en valeur plutôt que sur ce qui le faisait passer pour un incompétent : à l'aide de deux de ses chevaliers, il avait réussi à vaincre un puissant sorcier. C'était là ce qui importait, ce qui le dépeignait comme quelqu'un de potentiellement digne de se trouver à la tête de l'armée commune des royaumes. C'était aussi et surtout le symbole qui, dans cette guerre contre Mordred, apporterait de l'espoir aux soldats.
Il esquiva comme il le put toutes les questions liées à Emrys et la façon dont celui-ci les avait sauvés. Pardonnez-moi, Emrys, c'est un terrain dangereux pour l'instant.
Après une réunion de la Table Ronde destinée à synthétiser les informations actuellement à leur disposition sur Mordred, son armée et son message, il retrouva le Seigneur Léon qui lui apprit que Viviane avait accepté de se rendre au campement druide. Nous avons fait de belles choses depuis mon retour, se surprit-il à penser. Encourager Léon dans sa nouvelle vision de la magie, explorer une solution pour délivrer Viviane, faire le nécessaire pour rapprocher Chris de sa famille, toutes ces avancées redonnaient presque du sens à son règne, celui-là même qu'il souhaitait clore. Presque. Car il ne devait plus se détourner de ses missions et surtout il ne devait pas se pardonner. Pas question de se bercer de cette illusion qu'il pouvait faire le bien autour de lui après avoir fait tant de mal, c'était trop tard. Seuls comptaient ses objectifs, et le prochain sur la liste était clair : poursuivre l'alliance des royaumes. Les rassembler à temps pour repousser l'ennemi. Lors de la réunion, il avait gardé certaines informations pour lui et notamment le contenu du rapport de Gauvain sur l'attaque de Willowdale, qui décrivait précisément les méthodes utilisées par les hommes de Mordred : leur nombre, leur façon étonnante de compter sur des objets magiques, leur ligne de conduite apparente, leurs moyens, leurs faiblesses potentielles. Il préférait passer certains éléments sous silence pour éviter les fuites et ainsi préparer une riposte imprévisible, inutile de dévoiler tout ce qu'il savait et tout ce qu'il avait compris. Bien sûr, ces informations devraient aussi être recoupées avec les rapports d'autres attaques et pourquoi pas en en observant certaines de ses propres yeux par le biais des cristaux. Le but était de repérer les motifs qui se répétaient et de les exploiter, de traquer les points faibles et de faire pression dessus. En somme, il devait se montrer aussi stratégique que son ennemi.
En se couchant ce soir-là, sans Merlin pour préparer sa chambre et sans Guenièvre à ses côtés, il se savait vide à l'intérieur à l'exception de cette volonté inébranlable de terminer son travail.
Note : Merci à Sapindetin, à Gwenetsi et au Guest anonyme pour leurs commentaires du dernier chapitre, ainsi qu'à Cheraya pour l'ajout de cette histoire à ses favoris !
