Chapitre 8 – « Slayer », de Dead Skin Mask, 2006.
Emma referma la portière derrière elle et boucla sa ceinture.
– C'est loin ?
– En dehors de la limite de la ville, en pleine campagne. Si tu te souviens bien, tu l'as appelé « le milieu de nulle part ».
David démarra son truck. Le vieux véhicule s'ébroua puis ronronna comme un vieux matou. L'adjoint engagea le clignotant et se lança sur l'avenue. Quand la conduite fut plus constante et fluide, elle demanda :
– Dans les champs ?
– Exactement. Plusieurs villageois se sont installés à l'écart du centre et aux abords de la Frontière. Ils cultivent l'essentiel et veillent à ce que nous ne manquions de rien. Cela nous permet de vivre partiellement en autarcie.
– Partiellement ?
– Oui, malheureusement, nous devons continuer à nous approvisionner à l'extérieur, mais c'est une autre histoire et cela n'a rien à voir avec ceci.
Ils franchirent les grandes artères de Storybrooke. Le véhicule bifurqua vers gauche et longea la côté et l'océan Atlantique. Dans son rétroviseur, Emma voyait le paysage urbain rapetisser. Elle regardait ensuite par la fenêtre la côte déchiquetée par le mouvement des vagues. Au loin, des véliplanchistes se donnaient à cœur joie sur leur kitesurf. Le soleil tapait encore et toujours. Il ne diminuait pas en intensité et ses rayons brouillaient par des ondes brulantes l'asphalte de la route. Heureusement qu'ils étaient en bordure de mer. Elle avait entendu à la radio les dégâts que cette canicule causait à l'intérieur du pays. Ils traversèrent ensuite la grande et longue forêt de pins. Puis, peu à peu, l'horizon s'élargissait et s'ouvraient sur des champs à perte de vue.
Ils roulèrent encore pendant de longues minutes, à travers les cultures et les clairières. David prit un petit chemin rocailleux, asséché et dur. Les callots les firent bondir sur leur vieux siège. Emma s'agrippa à la main courante :
– C'est au bout du monde ?
– A peu de chose près. On a eu de la chance, dans son malheur, que les rats aient dévoré toute la réserve, à cause de la sécheresse. Autrement, Leroy ne serait pas venu avant plusieurs semaines et il ne l'aurait jamais découvert.
– Quoi ?
– Ça !
Il se rangea sur le côté du chemin et arrêta son moteur. Un peu plus loin, la Shérif reconnut le nain qui lui fit de grands signes. Quand elle sortit de l'habitacle, il criait presque :
– C'est ici, Emma ! Ici.
Il pointait un forme indistincte et à peine plus haute que les herbes sèches, à quelques mètres de lui. Comme si elle ne l'avait pas deviné par elle-même.
Elle s'avança prudemment. Chaque pas soulevait une nuée épaisse de poussière. Depuis combien de temps n'avait-il plus plu ? Elle enfonça son chapeau de feutre beige sur la tête pour se protéger du soleil mordant et s'approcha de son ami. Elle regarda tout autour d'elle pour s'approprier les lieux. Elle reconnut les tuteurs de bambous, assemblés en ossatures, comme pour les tipis d'indien. Elle se trouvait au milieu d'un champ de culture d'haricots magiques. Ils étaient en pleine saison et même si le paysage lui semblait vert et dense, les pousses n'étaient pas très hautes. Cela n'avait rien à voir avec ses premières visites, il y a quelques années. Encore les effets de la sécheresse, certainement, pensa-t-elle.
Et comme si son père avait lu dans son esprit, il lui dit :
– Ils irriguent assez souvent. Regarde, les canaux qui passent entre les lignes de cultures et la tuyauterie est protégée par de tubes en mousse.
En effet, plus la distance entre Leroy et eux s'amenuisait, plus la terre s'obscurcissait et devenait humine.
– Prépare-toi, ma chérie. Avec le temps, c'est pas beau à voir.
– Parce que ça l'a été un jour ou une seule fois ? renifla-t-elle, dégoutée. L'air était suffocant et encore désagréable. Se pouvait-il que le cadavre datait de plus de 10 jours ?
Ce n'était qu'arrivée à la hauteur de Leroy, qu'elle comprit immédiatement la portée du commentaire de son père.
Le corps était positionné comme s'il avait été écartelé de ses quatre membres, par des forces invisibles. Ses bras étaient tirés par-dessus sa tête et ses mains avaient disparu, certainement emportées par un coyote ou un aigle. Son crâne blanc et nettoyé par les insectes et les rayons du soleil apparaissait de façon évidente hors de son t-shirt maculé de taches sombres (de boue ? de sang ? de restes purifiés ?) et était tourné vers une cabane au bout du chemin. Son vêtement avait remonté jusqu'au cou. Le corps avait-il été tiré volontairement par les pieds, les animaux s'étaient-ils battus leur part ou avait-il été écartelé comme sa première impression le lui disait ? Elle laisserait le laboratoire rassembler ses hypothèses. Il y avait certainement des traces de lutte ou d'activités sur le sol. Le Shérif poursuivit ses observations.
Le torse dévoilé était partiellement décomposé. Sa peau était zébrée, verte et marron à certains endroits. En contact avec l'air, elle s'était tendue et asséchée. Les tissus mous avaient tous disparus. La victime portait encore son pantalon kaki à poches serré au niveau d'une taille qu'il n'avait plus. Une zone sombre et graisseuse entourait sa silhouette. Ses fluides avaient été absorbés par la terre et dessinaient ce qui devait probablement être sa masse corporelle d'avant. Il devait être bien portant, vu ce qu'il laissait encore derrière lui. Comme ses mains, ses pieds lui avaient été enlevés. Le repas d'un animal sauvage, espérait-elle. Son tibia et son péroné gauche brillaient sous les rayons, le fait que le pan du tissu avait été déchiré avait certainement facilité leur nettoyage.
C'était plus qu'il ne lui en fallait. Pourvu que le meurtrier ne montait pas en escalade, se dit-elle. Emma avait accumulé du retard dans son enquête.
– Leroy, David, il va falloir que nous reculions et que nous marchions dans nos pas, si nous ne voulons pas compromettre la scène de crime.
– Pas de soucis, sœurette. J'ai vu tous les épisodes des Experts et je n'ai touché à rien. Dès que j'ai vu ce que c'était, je ne me suis pas approché, promis, juré, craché. Rrrrr
– Ne crache pas ! ordonna-t-elle.
– Ha oui. Mon ADN, pardon …
Emma secoua la tête. Le mineur recula doucement, tentant de garder son équilibre et David fit pareil tandis qu'Emma continua son observation, de là où elle était placée.
– Ça va être difficile de déterminer avec exactitude l'heure du décès et même les circonstances de sa mort, dit-elle à voix haute.
Elle prit son gsm et envoya un sms au labo.
– Pourquoi ? lui demanda son père. Contrairement à Leroy, il ne s'était mis à la page de ce monde. Il était dépassé par les nouvelles technologies et ne se fiait qu'à ce qui était visible, fiable et terre à terre.
– Parce que les marécages et les bois ne sont pas loin, que la canicule frappe depuis plus de dix jours et qu'il est couché sur le sol humidifié régulièrement par son système d'irrigation. Tous les critères sont rassemblés pour que l'écosystème carbure à plein pot ! Mais qu'est-ce qui t'a fait dire qu'il s'agissait d'un meurtre ?
David haussa les bras, et montra le cadavre allongé comme une évidence :
– Il a ses membres arrachés et tu as vu sa position…
– D'accord, répondit-elle peu convaincue : mais tu m'as dit que ma thèse se vérifiait …
– Oui. Leroy, dis-lui son nom et son métier.
– Son nom ? répéta-t-il sans comprendre leur conversation, mais il s'y obligea : Il s'appelle-lait, se corrigea-t-il dans la seconde : Kohver. Harry Kohver. Et il était paysan.
– Non, ici, dans ce monde, précisa David.
Il bombait le torse, assez fier de lui et observait très attentivement le visage de sa fille. Celle-ci s'était non seulement murée dans le silence mais en plus elle était figée sur place.
– Cultivateur. Il était en charge de la culture des haricots magiques qui nous servent à traverser les différents mondes.
Et comme il venait de faire les calculs, il écarquilla les yeux comme s'il venait de découvrir un trésor.
– Noooooooon ! Et il partit dans un fou rire incontrôlable.
Mais ni Emma, ni David cette fois, ne riait. Il regardait sa fille traiter les informations et le regarder en retour, dépitée. Si les conclusions de David s'avéraient à 95 pourcents correctes, elle en mettrait sa main – bien que le lieu ni le cadavre ne permettaient ce genre de référence – à couper, l'arme du crime ou les circonstances qui entouraient la mort elle-même était une réelle inconnue.
– Qu'est-ce qu'on fait ? Lui demanda-t-il enfin.
– Montre-moi l'autre corps. Leroy, tu restes ici, tu surveilles les lieux et tu attends la relève. Dresse un périmètre de 20 mètres et ne laisse personne hors du service se promener par ici.
Se sentant hautement responsable d'une mission extrêmement importante, le nain se raidit immédiatement. Il lui fit un signe officiel et acquiesça :
– Ok, chef, tu peux compter sur moi.
– Surtout ne déplace rien et ne touche à rien !
– Je ne suis pas un imbécile, Emma ! Tu peux partir tranquillement.
X
Lorsque David poussa la porte de l'institution financière « Storybrooke Savings & Loan », la clochette au-dessus de leur tête tinta et annonça leur venue. Un homme grand, très mince, aux cheveux gris et à l'allure glaciale malgré les fortes chaleurs, s'avança sans les saluer. Il dit à David :
– Je n'ai touché à rien.
– Bien. Merci. Tu viens, Emma ?
Elle hocha silencieusement la tête. Cette première entrée en matière était étrange et suscita ses suspicions : pas de marque de politesse, un retour immédiat des actes qu'on lui demandait pas… Comme si les deux hommes avaient déjà eu un contact, comme s'ils s'étaient vus ou eu au téléphone. Or, ce n'était pas le cas car David était resté auprès d'Emma, depuis qu'il l'avait interrompue avec…
Depuis combien de temps était-il en service, aujourd'hui ? Avait-il commencé plus tôt sans l'en avertir ? Ils s'étaient croisés au matin, avant le déjeuner, mais à part les phrases de politesse usuelles, ils n'avaient pas échangé d'autres informations.
Et cela faisait une heure qu'ils étaient sortis du commissariat et qu'ils avaient effectué des allers-retours entre les champs et le centre. Alors comment et quand avait-il été averti ? Pourquoi ne l'avait-il pas appelée immédiatement ?
David s'avança avec détermination. Droit devant lui. Il semblait connaitre déjà les lieux et les éléments qui entouraient ces deux situations, celle du champ … et maintenant celle de la banque. Comment cela se faisait-il ?
C'était comme s'il avait fait cavalier seul. Comme s'il s'était déjà approprié l'enquête avant même de lui faire découvrir les lieux. La Shérif se renfrogna à cette idée. Elle n'aimait pas du tout ce qu'il se tramait derrière son dos.
Ils traversèrent l'open-space des bureaux et le couloir. Ils s'arrêtèrent devant une énorme et lourde porte blindée ouverte. Les rouages crantés étaient insérés dans leur fourreau. Tout portait à croire que la pièce avait été descellée dans les règles.
– C'est le coffre-fort, lui expliqua ce qui semblait être le Directeur de l'agence, derrière eux : l'endroit le plus sûr de la ville. Les murs font 3 mètres d'épaisseur et ils sont recouverts d'un blindage en acier, comme la porte… Et il y a deux heures, je l'ai découverte, comme ça. Il n'y a pas eu de traces d'effraction ni de vol. J'ai vérifié moi-même.
– C'est bon, on prend le relai, déclara David.
– Ne trainez pas. Une banque fermée est une banque qui perd de l'argent ! Heureusement, c'est la seule de la ville.
Et il recula pour leur céder le passage. Les deux policiers mirent des gants en latex et entrèrent.
Emma enjamba le raccord au niveau du sol et entra dans une pièce rectangulaire remplie de tiroirs de toutes les dimensions. Ils possédaient tous deux serrures et un numéro et ils étaient tous fermés. À sa droite, une grande étagère prenait toute la place du mur. Des dossiers, des classeurs, des sacs de toutes sortes avaient été entreposées sur les échelons. Tout était propre, rangé, nickel. Le seul élément qui dénotait avec le décor était le corps, au milieu de la salle. Une jeune femme aux cheveux longs, noirs et ondulés, en tailleur classique, était allongée sur le ventre.
Par acquit de conscience, Emma s'agenouilla et lui prit le pouls. Il valait mieux s'assurer de son décès. Aucun indice portait à le croire. David regarda ailleurs, légèrement vexé.
– Vous avez une pièce d'identité ? demanda-t-il pour détourner sa propre attention.
– Dans son casier personnel, mais il vous faudra un mandat…
– Sauf si vous nous donnez votre accord, M. Scrooge, insista-t-il : plus vite vous nous aidez, plus rapidement on sortira d'ici.
– Vous n'avez qu'à regarder son badge.
Il pointa le corps du doigt d'un air dégouté.
Emma souffla, exaspérée par son manque de coopération. Connaissant l'homme, c'était une xième employée qu'il avait engagée dans l'année et il n'avait pas pris la peine de retenir son nom. Elle se concentra sur les gestes. Elle dégagea les cheveux de la victime et glissa une main sous le corps à la recherche de la plaquette nominative. Quelque chose attira son attention et observa plus attentivement :
– David, tu as vu ? Son visage… il est jaune… et elle a saigné de la bouche et du nez.
Elle lui releva une paupière et découvrit avec stupeur que son globe oculaire était également jaune foncé. Sans attendre la réponse de son père, elle s'éloigna du corps et appela l'hôpital :
– Shérif Swan à l'appareil, envoyez l'ORSEC, immédiatement et déployez le plan d'urgence. Nord de Moncton Street, 3740. Suspicion d'attaque bactériologique.
Et elle raccrocha.
– Quoi ? Dans MA banque ? Mais c'est impossible ! Qui me voudrait du mal ?
La liste est longue, s'abstint-elle de répliquer. Emma ne lui prêta pas attention et ordonna à son père :
– Condamne la porte, vérifie que l'écriteau « fermé » y soit apposé. Je ne sais pas si c'est contagieux, mais je ne veux pas prendre de risque.
– On devrait appeler du renfort, non ?
– Pas maintenant. Ça va attirer les badauds et ils vont s'agglutiner avant que la protection civile n'ait installé son périmètre de sécurité.
X
Leur journée de travail était loin d'être terminée, même si la nuit était tombée sur la ville depuis très longtemps, lorsqu'Emma et David franchirent enfin le seuil du commissariat, après avoir joué des coudes et élevé la voix. Presque toute la ville s'était amassée pour venir aux nouvelles. Dès qu'ils poussèrent les deux portes battantes de la salle principale, Snow se précipita dans les bras de son mari et ils s'enlacèrent avec passion. Henry s'était levé mais s'était aussi freiné dans son élan. C'était un ado, il avait passé l'âge des effusions publiques. Il avait une image à préserver ! Après tout, Emma allait bien, il n'y avait pas de raison pour qu'il montre son soulagement. Hook, quant à lui, s'avança, confiant, et le dépassa. Il voulut prendre la jeune femme blonde dans ses bras, lui aussi, mais un écart de celle-ci l'immobilisa.
Emma regarda autour d'elle. D'autres personnes s'étaient rassemblées dans le commissariat. Il y avait les Lucas, les nains, Astrid et Reul Ghorm. Tous paraissaient intrigués et attendaient que les deux membres des forces de l'ordre leur racontent les événements de l'après-midi. Au moment où Emma allait s'adresser à son entourage, surgissant d'une brume épaisse, Regina apparut à son tour et imposa, de sa seule présence, le silence :
– Faut-il que je pourfende en deux la foule pour que je puisse enfin entrer dans ce poste de police ?
Puis elle s'adressa furieuse à la jeune femme blonde :
– Intéressée de m'expliquer ce qu'il se passe et pourquoi j'ai été la dernière informée ? Shérif ?!
David s'avança, contrarié :
– Nous venons de sortir d'isolement et nous avons supporté une batterie de tests toute l'après-midi . Ce n'est pas comme si la 1ère chose à laquelle nous avons pensé c'était de t'avertir !
– Comment cela se fait-il, alors, que tous les habitants soient plantés sur le parking du bâtiment ?! rétorqua-t-elle en montrant les curieux près de la fenêtre.
Les lampadaires éclairaient la foule amassée, en attente, rassemblée en petits groupes de discussion. Hook intervint, sur la défensive :
– Parce que ce sont des curieux, tiens ! Comment peux-tu croire qu'Emma ait hurlé les détails à la foule ?! Il n'y a pas plus
– OK, Emma leva la main et s'était intercalée entre deux : Ça suffit. Pour commencer, c'est à moi, en tant que Shérif à m'adresser à Madame la Maire. Ensuite seulement, nous ferons un communiqué si nous en estimons la pertinence. Regina, voulez-vous bien me suivre dans la salle d'interrogatoire ?
Lorsqu'elles tournèrent des talons, leur mouvement fut suspendu par quelqu'un qui la héla :
– Shérif Swan, attendez !
Au moins une personne dans cette ville faisait référence à son nom et à sa fonction. Rien n'était désespéré. Un homme de petite taille tentait de se frayer un chemin jusqu'à la policière.
– J'ai un document que je dois vous remettre en mains propres contre accusé de réception.
– Qu'est-ce que c'est ?
– Je ne sais pas. Je ne suis que le coursier. Ça vient du labo.
Elle récupéra la grande enveloppe, signa le talon et le lui rendit :
– Merci.
Elles pénètrent ensuite dans la cabine de transit, celle qui permettait de voir à travers le miroir sans teint et d'écouter les conversations à l'aide du communicateur. Puis Emma ouvrit la porte de la salle d'interrogatoire et l'invita à entrer. La pièce était dénudée de toute décoration. Seules deux chaises et une table en bois habillaient les lieux.
– Je préfère garder cette porte ouverte pour être sûre que personne ne vienne écouter notre conversation.
Regina se retourna et lui fit face :
– Pourquoi tant de mystère ?
Regina croisa les bras pour tenter de se réconforter. Elle n'aimait pas cette salle, cela lui rappelait de trop mauvais souvenirs d'un passé qu'elle souhaitait abandonner loin derrière elle.
– Vous voulez la version courte ou longue ?
Emma posa l'enveloppe, sans l'ouvrir sur la table et désigna la chaise.
– Je veux tout savoir. Et ne lésinez pas sur les détails.
Emma s'assit et Regina fit de même. Elle se mit à lui raconter tous les événements de ces dernières semaines, dans le moindre détail. Elle lui relata ses réflexions, ses suspicions et ce qui lui semblait être des critères d'enquête. Regina écoutait attentivement, sans l'interrompre. Après presqu'une heure de récit, la Shérif lui dit :
– Vous ne riez pas ?
– Je n'ai pas le sens de l'humour. Et je n'ai rien entendu dans ces meurtres rocambolesques et grotesques quelque chose qui pourrait prêter à rire. Il y aurait un tueur ou une tueuse en série dans les rues, 5 victimes et aucun acte magique. Non, ce n'est pas drôle.
La dernière remarque de la Maire interpela la Shérif. C'était tellement évident que cela ne lui avait même pas traversé l'esprit. C'était bien la première fois, en quatre ans, qu'elle était confrontée à un phénomène purement ordinaire.
– Swan ! répéta Regina pour tirer son interlocutrice de ses songeries : Que dit le document que vous avez reçu ?
Emma décacheta l'enveloppe sous ses yeux et posa le rapport sur la table. Elles en prirent connaissance ensemble. La jeune femme blonde résuma à voix haute :
– Le corps dans le champ est Harry Kohver, le cultivateur des haricots magiques. Il est dans un tel état qu'il est impossible, à l'heure actuelle de déterminer les causes de sa mort. Par contre, sa putréfaction est inhabituelle, malgré les conditions climatiques. Ça peut être un indice. La dernière victime est morte de la fièvre jaune, extraordinairement foudroyante. Il est peut-être là votre indice. Il faut 7 à 10 jours pour passer de la phase 1 sans complication, à la phase 2, toxique, si le patient n'est pas pris à temps et soigné. Or la maladie s'est propagée en moins de 12h, chez Laure Ambare.
– Il faudra s'en assurer. C'est en effet, votre dernière chance. S'il n'y a pas une seule paillette de magie, quel que soit l'indice ordinaire laissé sur place, il sera intraçable.
– Vraiment ?
Regina n'avait ni l'habitude de plaisanter ni de se répéter. Elle se contenta de la fixer dans les yeux, ce qui suffisait pour lui répondre. Emma souffla, elle aussi perdait patience. Sa journée avait été longue, les examens médicaux qu'elle avait subis pénibles et l'attitude de son père lui tapait sur les nerfs :
– Très bien, qui sait cela ?
– Tous les sorciers le savent. La magie c'est comme une empreinte. Elle est personnelle, unique et détectable.
– Se peut-il qu'on ait affaire à un sorcier qui ait trouvé le moyen de passer sous les radars ?
– Il serait bien vicieux. Et que d'efforts physiques! Par principe, un sorcier use de sa magie pour faciliter ses tâches… et en dévient dépendant… Je ne vous apprends rien. Alors quel intérêt aurait-il à se donner tant de mal pour commettre ces meurtres de façon si absurde ? Cela serait plutôt dans les qualités d'un être quelconque, sans pouvoir magique.
– Vos conclusions sont hâtives.
– Si vous connaissiez les sorciers et les êtres magiques comme moi, vous ne douteriez pas.
– Je n'ai pas le choix, vous êtes la seule personne experte dans le domaine, en qui je puisse avoir confiance.
– Je ne sais pas comment je dois le prendre. Où voulez-vous en venir ?
– Je vais avoir besoin de vous et de vos connaissances. Il nous faudra collaborer.
Sans raison apparente, Regina grimaça à cette idée. Était-ce par habitude ou cela cachait une autre signification ? Emma laissa sa réflexion sur le côté et demanda, pour écarter toute autre logique :
– Vous avez une idée d'un commun des mortels capables de telles atrocités ?
– Je ne vais pas non plus faire votre travail. Enfin, ce vaudeville de travail !
– Dites! J'étais une chasseuse de prime. J'avais une vie bien réelle avant de venir ici et je connais la loi.
– Là, vous allez me faire rire ! Cette soirée à elle seule est une scène burlesque. Votre père a usurpé l'identité d'un autre, se fait passer pour prince et maintenant il est adjoint. Vos meilleurs collaborateurs sont une serveuse-louve et un mineur ivrogne ! Je n'ai toujours pas compris la fonction du pirate… Enfin…
– C'est vous qui avez créé ce monde après tout, vous n'avez qu'à vous en prendre à vous-même.
Regina releva un sourcil et s'abstint de la corriger. Cette action lui serait reprochée à vie.
– Et il vous a amenée parmi nous. Ne me remerciez pas.
Regina balaya le sujet de la main et revint à l'essentiel :
– Qui est au courant de tout ceci ?
– David.
– Qu'est-ce qu'il en est du hard-rocker-has-been ?
– Qui ?
– Hook.
– Je crois qu'il ne sait rien.
– Vous croyez ou vous en êtes certaine ? Il y a une différence. Et elle vaut la tranquillité de Storybrooke.
– Je vérifierai. Vous avez une idée de comment nous allons procéder ?
– Il faut éviter tout mouvement de panique, tant qu'il n'y a ni fait ni évidence. A part ce mode opératoire au goût douteux, il n'y a rien. Il nous faudra être prudent et …intelligent, appuya-t-elle : En attendant, nous sommes trois à en être informés et je tiens à ce que cela reste comme cela.
– Que dirons-nous aux habitants ?
– JE, imposa la Maire : dirai à Sydney que Melle Ambare a eu une infection du foie, d'où son teint jaune et votre inquiétude. Que vous avez agi avec prudence en appelant la protection civile. Ce sera mon communiqué officiel. Demain matin à la première heure, votre père et vous, vous vous présenterez à mon bureau avec votre rapport complet.
XXX
N.A. : J'adore lire vos commentaires et vos théories. Vos réflexions sont parfois, même, impressionnantes. Merci, c'est vraiment très motivant.
Sinon, indice 1 : le suspect n'a pas encore été cité, mais il fait partie de la liste des 650 personnages apparus dans la série OUAT (saison 1 à saison 7).
Notes :
ORSEC : ORganisation de SECours, concernant la sécurité civile.
Ictère : jaunissement de la peau
Source fièvre jaune /les-affections/point-sur-la-fievre-jaune/
